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  • Tout l’univers (de Tolkien)

    Les fans de Tolkien se précipiteront sans aucun doute sur ce volumineux dictionnaire – quitte à se le faire offrir pour les Fêtes. Cette édition du Dictionnaire Tolkien (éd. Bragelonne), refondue, révisée et augmentée, est la troisième édition, après celles de 2012 et 2019. À la tête de cet ouvrage, il y a Vincent Ferré, professeur universitaire et auteur de nombreux ouvrages sur l’auteur du Seigneur des anneaux. Il supervise également depuis vingt ans les traductions en français des œuvres de J.R.R. et Christopher Tolkien. Bref, un pedigree indispensable pour s’attaquer, sous forme de dictionnaire, à l’œuvre immense et géniale de Tolkien - mais aussi à son auteur. À ce titre, l’ambition de l’ouvrage est généreuse : "Ce dictionnaire rapproche le monde Secondaire (fictionnel, inventé) et le monde Primaire dans lequel J.R.R. Tolkien a vécu, comme étudiant, puis officier pendant la Première Guerre mondiale, enseignant à Oxford pendant trente-cinq ans et philologue, comme père ou comme lecteur… [De plus, il] entend renforcer les liens entre lecteurs et chercheurs, universitaires ou non."

    De A comme "Adaptations cinématographiques" à W comme "Joseph Wright", philologue anglais influent, en passant par "Bilbot", "Gandalf", "Modernité" ou… "Seigneur des Anneaux", les amoureux et/ou spécialistes de Tolkien trouveront dans ce dictionnaire de quoi nourrir leur connaissance d’un univers prodigieux, sans doute unique dans toute l’histoire de la littérature.  

    Parlons déjà de la vie de Tolkien mais aussi celle de sa famille. Il n’y a qu’à aller à la lettre "T" et ses nombreuses entrées autour de "Tolkien", que ce soit l’auteur ou les membres de sa famille ("Tolkien écrivain", "Tolkien illustrateur", "Tolkien, Adam Revel", "Tolkien, Arthur Reuel", "Tolkien, Baillie", "Tolkien, Christopher Revel", "Tolkien (née Bratt), Edith", "Tolkien, Hilary Arthur Reuel", "Tolkien, John Francis Reuel", "Tolkien, J.R.R. : enfance et jeunesse", "Tolkien, Mabel", "Tolkien, Michael Hilary Reuel", "Tolkien, Priscilla Mary Reuel"). Plusieurs items s’intéressent également aux inspirateurs de l’écrivain ("Owen Barfield"). En dépliant une à une les entrées, le lecteur trouvera quelques réponses à des interrogations singulières pour l’auteur du Seigneur des anneaux, devenu hyper-tendance et hyper moderne : "Conservatisme : Tolkien était-il conservateur ?" La question de la modernité de Tolkien fait du reste l’objet d’un autre article de Thomas Honegger ("Modernité"), alors que Vincent Ferré lui-même s’interroge sur l’influence du Moyen-Âge dans l’œuvre de l’écrivain britannique.

    Tolkien a créé de toute pièce un univers, avec ses mythologies ("Grande Vague", "Légendes et mythe(s), mythologie"), ses légendes ("Guerre de l’Anneau"), sa géographie ("Fleuves et rivières", "Forêts", "Montagnes" "Géographie imaginaire" sans oublier la "Terre du Milieu"), ses langues imaginaires ("Langues inventées") et même ses objets typiques ("Objets", "Herbe à pipe", "Vêtements"). Plus étonnant encore, on y trouve une entrée autour de l’"Économie en Terre du Milieu". 

    Certaines entrées sont de véritables écrits d’exégèse

    Les auteurs consacrent de nombreuses pages aux livres les plus emblématiques de Tolkien – Le Seigneur des anneaux, Le Hobbit, Le Silmarion – mais aussi aux nombreux ouvrages moins célèbres – "Feuille de Niggle", "Finn and Hengest", "Guerre des Joyaux" – sans compter un item sur les "Manuscrits et textes inédits" et un autre sur les "Poèmes de Tolkien". Les illustrateurs John Howe et Alan Lee ont également leur place – sans oublier l’item "Illustrateurs [de l’œuvre de Tolkien]".

    Le dictionnaires ne pouvait oublier les personnages créés par Tolkien, qu’ils soient connus (Gandalf, Golum, Bilbo, Saruman, Boromir, Sauron) ou non (Ælfwine, le trio Ainur, Valar et Maiar ou Tom Bombadil). Sans oublier les Ents, les Géants, les Hommes, les Orques ou les Elfes, un sujet constituant plusieurs entrées sur près de quinze pages auxquelles  il faut ajouter les personnages elfiques (les entrées "Elrond", "Galadriel", "Gil-galad").  

    Certaines entrées sont de véritables écrits d’exégèse, à l’instar d’"Épopée et dimension épique", "Philologie", "Allégorie et applicabilité" ou le long article sur "Beowulf" par David Ledanois ("Ce poème vieil-anglais représente l’une des plus importantes inspirations de Tolkien. Datant des VIIIe-XIe siècles, il est l’un des rares survivants d’une tradition narrative pré-chrétienne dont l’absence et la reconstitution étaient pour Tolkien sujets d’étude et de création"). Citons aussi cet étrange terme, "Eucatastrophe". On laissera au lecteur le soin de découvrir la nature de ce mot inventé de toute pièce par Tolkien himself. Un autre article s’intéresse à la question de savoir si le Seigneur des Anneaux, le Hobbit ou Le Silmarion sont ou non des ouvrages d’aventure ("Évasion, une littérature d’ ?"), à moins qu’ils ne s’apparentent au conté de fée ("Faërie"). Bien entendu, la fantasy n’est pas oubliée.

    On sera surpris par certaines entrées a priori décalées, à l’instar de "Boisson et sociabilité". D’autres thématiques, plus ou moins développées, ont droit à leurs entrées : "Religion", "Grâce", "Liberté", "Temps", "Libre-arbitre", "Corps et apparences", "Destin [Le]", "Devoir [Le]", "Héroïsme", "Orgueil", "Politique", "Providence" ou encore  "Échec" ("L’échec, inscrit par Tolkien au cœur de la subcréation [sic] et des créatures, s’apparente à un destin, en dépit d’interactions problématiques avec le libre arbitre").

    L’influence de Tolkien dans la culture pop n’est pas oubliée : "Culture populaire", "Contes de fée", "Fan", "Jeunesse", "Jeux de rôles grandeur nature", "Jeux vidéo". Qui dit culture pop dit "adaptations cinématographiques" (au passage, Peter Jackson a son entrée), un sujet longuement détaillé et critiqué, parfois de manière cinglante. Citons aussi – parce que ce sont des sujets actuels – une entrée consacrée à Tolkien et à l’environnement ("Lectures écocritiques : Tolkien et l’écologie") et une autre autour du féminisme ("Lectures féministes et gender studies"). Plus inattendue mais finalement logique étant donnée la popularité de Tolkien, le lecteur trouvera un article sur les "Parodies" qui ont essaimé.

    Voilà un ouvrage de référence, très impressionnant et très riche. Le lecteur trouvera sur plus de 800 pages de quoi se régaler et s’instruire sur un des plus grands auteurs du XXe siècle.

    Bref, comme nous le disions, voici une excellente idée de cadeau pour les fêtes de fin d'année. 

    Vincent Ferré, Dictionnaire Tolkien, éd. Bragelonne, 2024, 816 p.
    https://www.bragelonne.fr/catalogue/9791028113056-dictionnaire-tolkien
    https://www.tolkiendil.com/tolkien/sur-tolkien/dictionnaire-tolkien
    https://www.jrrvf.com

    Voir aussi : "Tolkien breton"
    "Avant Frodon, Bilbo et Gandalf"

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  • V comme Victor, H comme Hugo

    Victor Hugo : voilà sans doute la figure majeure de la littérature française. Un artiste d’exception. Mieux, un génie dont l’ombre continue de vivre et habiter notre pays, à telle enseigne qu’il faudrait mieux parler de "langue de Victor Hugo" plutôt que de langue de Molière.

    Les éditions Plon sortaient cette rentrée un Dictionnaire amoureux consacré à Victor Hugo. Sébastien Spitzer s’est mis au travail, travail que l’on peut saluer, tant l’œuvre de l’écrivain s’avère d’une richesse incroyable, avec des ouvrages imposants : près de 2 000 pages pour Les Misérables ou 800 pages pour Notre Dame de Paris et L’Homme qui rit.

    Chacun de ces romans ont bien sûr leur entrée dans ce dictionnaire. L’Homme qui rit a aussi droit à un traitement particulier : ouvrage mains connu mais d’une rare modernité et d’une grande noirceur, il est décrit comme "le sommet hugolien" par Sébastien Spitzer. L’auteur du dictionnaire le cite largement dans plusieurs articles : "Gwynplaine", "Érotisme", "Féminisme" ou… "Joker". Sébastien Spitzer rappelle d’ailleurs que le méchant emblématique de Batman a été inspiré par le fameux  Gwynplaine, justement.

    Hugo apparaît dans toute son humanité, sa profondeur, mais aussi sa part de lumières et d’obscurité. Que l’on pense à Léopoldine, sa fille de 19 ans retrouvée noyée avec son jeune mari. Le lecteur découvrira avec effroi comment Victor Hugo a appris sa mort. Que l’on pense aussi aux rapports qu’entretenait Victor Hugo avec les femmes : ses maîtresses, ses doubles vies, mais aussi sa compassion pour les grandes oubliées de l’histoire. L’entrée sur les "Pétroleuses" revient sur les femmes fusillées pendant la Commune et sur son admiration pour ces révolutionnaires. 

    Victor Hugo a habité dans l’avenue qui porte son nom

    Les dessins d’Alain Bouldouyre viennent illustrer ce Dictionnaire amoureux passionnant qui réjouira autant les "hugoliens" que les passionnés de littérature. On peut lire cet ouvrage en picorant telle ou telle entrée, comme on peut le dévorer de la première à la dernière page. De A comme "Abeille" – le cadeau et hommage fait à l’écrivain au retour de son long exil, en 1870 – à Z comme le mystérieux "Zoïle" – référence à un ancien penseur sophiste grec, mentionné dans Les Châtiments – en passant par E comme "Esméralda" ou N comme "Napoléon" – les deux, le "Grand" et le "Petit".

    Si plusieurs entrées ne comportent qu’une seule citation de Victor Hugo ("Amour", "Canon", "Famille", "Obus" ou "Quolibets"), il faut saluer les talents de conteur et d’exégèse de l’auteur de ce Dictionnaire amoureux. Ainsi, à côté de chroniques sur ces pièces de théâtre mythiques que furent Hernani ou Ruy Blas (il existe un article "Folie des Grandeurs [La]", qui s'est inspiré de Ruy Blas), c’est bien les romans hugoliens qui ont la part du lion, au point que plusieurs personnages légendaires ont droit à leur entrée, que ce soit Cosette, Gwynplaine, Frollo, Jean Valjean, Javert, Thénardier (on découvrira d’ailleurs les origines de ce nom), Esméralda ou l'attachant et bouleversant curé Myriel.    

    Le Hugo politique n’est pas oublié : les Révolutions du XIXe siècle, Napoléon III, l’exil, le retour en grâce et le Sénat qu’il a occupé, marquant l’hémicycle par ses discours mémorables. Pour amoureux qu’il soit de Napoléon, Sébastien Spitzer ne se prive pas de revenir sur son "Discours sur l’Afrique" au sujet duquel il lui a été fait tant de reproches. Mais il est vrai qu’à l’époque, la France ne voyait pas sa puissance sans celle de ses colonies.  

    Ce dictionnaire, forcément incomplet et naturellement subjectif, donne envie de se plonger et se replonger dans les œuvres de celui qui a tant marqué la littérature mondiale. Un homme dont les funérailles (dans un corbillard des pauvres) puis le transfert de sa dépouille quelques jours plus tard – ce qui reste inédit – vers le Panthéon, ont été salué par plusieurs millions de personnes. Autre fait incroyable : l’auteur rappelle dans l’entrée "Avenue" que, de 1881 à sa mort en 1885, Victor Hugo a habité dans l’avenue qui porte son nom. Qui peut en dire autant ?  

    Sébastien Spitzer, Dictionnaire amoureux de Victor Hugo, éd. Plon, 2023
    https://www.lisez.com
    https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr

    Voir aussi : "À l’ombre de Pontaniou"

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  • Dictionnaire amoureux de Tournesol

    Les tintinophiles se précipiteront sans doute sur cet ouvrage, conçu comme un lexique dédié à l’un des personnages les plus fameux de l’œuvre d’Hergé : le Professeur Tournesol, dit Tryphpon Tournesol, un prénom insolite qui fait l’objet d’une entrée à la lettre T.

    Précisons que si on retrouve quelques illustrations dans le livre de Pierre Bénard, Tryphon de A à Z (éditions 1000 Sabords), aucune ne vient de l’œuvre d’Hergé, conséquence – on s’en doute – de ses ayant-droits, connus pour défendre l’héritage du dessinateur belge jusqu’à bloquer toutes les initiatives des amoureux de Tintin. Mais fermons la parenthèse.

    Depuis Le Secret de Rackham Le Rouge (voir "Requin" à la lettre R), le savant fait partie, avec Haddock et Tintin (sans oublier Milou), de la triade partie dans des aventures les plus incroyables : d’une île au trésor à plusieurs péripétie en Syldavie, en passant par la Suisse, l’Océanie et bien entendu la lune.

    À ce sujet, l’auteur note que la plus incroyable aventure de Tournesol, sa "page glorieuse", le voyage sur l’astre lunaire (Objectif Lune et On a marché sur la lune) n’est qu’évasivement évoqué dans les albums suivants, comme si un voile pudique était jeté sur cette épopée, ou "preuve (…) que l’épopée lunaire n’a pas fait grand bruit dans le monde, alors que le portrait de Tryphon aurait dû s’afficher partout".

    Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?

    Qu’en est-il du personnage, si attachant et finalement à la fois humain et insaisissable ? A priori, il reste l’un des moins mystérieux du panthéon tintinesque. Et pourtant, que de contrastes entre l’inventeur doux dingue des débuts – celui du requin sous-marin et de la machine à brosser les vêtements – et l’ingénieur aéronautique capable d’envoyer l’homme sur la lune ! Et que pourrait-on dire du concepteur de l’arme à ultrasons, sans doute aussi terrible que la bombe A (L’Affaire Tournesol) ? Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?

    En tout cas, Tournesol est bien un génie incompris, ce que Pierre Bénard dit dans son article "Panthéon" : "On peut en citer qui eurent, pour moins que ça, les honneurs du tombeau des Grands Hommes".

    Il faut aussi parler de cet homme plus ambivalent qu’il n’y paraît : maladroit, sourd comme un pot jusqu'à être asocial, Tournesol sait aussi se montrer d’une rare violence, lorsque par exemple Haddock touche sa corde sensible – le fameux "zouave", un mot qui a failli mettre le programme spatial à l’eau (Objectif Lune).

    L’auteur de ce dictionnaire amoureux s’étend paradoxalement moins sur les amis de Tournesol – si l’article sur "Haddock" est riche, celui sur "Tintin" est plus maigre, quant à "Nestor", il n’apparaît carrément pas – que sur les modèles de Tryphon. Les savants évoqués sont légion, à commencer par Auguste Piccard qui a servi de modèle. Pierre Bénard s’avère particulièrement pertinent lorsqu’il traite d’autres figures moins connus, à l’instar d’Isidore Isou, de Robert Godart ou Robert Oppenheimer (nous en parlions plus haut)

    Un mot enfin sur ces autres savants des aventures de Tintin, débarqués au moment de l’arrivée de Tournesol – les Calys, Sakharine et autres Halambique – comme s’il fallait pour Hergé avoir ces figures en guise de prototypes avant d’inventer, justement, le génial inventeur.

    Pierre Bénard, Tryphon de A à Z, éd. 1000 Sabords, 2023, 168 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr

    Voir aussi : "Aux sources d’Hergé"
    "Tintin et compagnie en figurines"

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