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  • Hot in translation

    Sacrée idée de ressusciter Emmanuelle, personnage emblématique de l’érotisme apparue au cinéma dans les années 70 ! D’abord roman d’Emmanuelle Arsan sorti en 1959, Emmanuelle devient une adaptation cinéma en 1974, avec Sylvia Kristel dans le rôle titre. Le résultat est un succès planétaire incroyable, incarnation d’un érotisme libéré mais non sans critiques, notamment au sujet de la contrainte et du viol. Qu’est-ce qu’Emmanuelle avait à nous raconter dans les années 2020 ?  

    Audrey Diwan, louée et multi-récompensée pour son superbe drame L'Événement, une autre adaptation, celle d’un roman d’Annie Ernaux, s’est lancée dans l’aventure.

    L’Emmanuelle d’Audrey Diwan, incarnée par Noémie Merlant, est une contrôleuse qualité pour un groupe hôtelier. Elle est chargée par ses employeurs d’un rapport sur le Rosefield, un palace de Hong Kong. Sa très efficace directrice, jouée par Naomi Watts, est sur la sellette. En bon employée aux dents longues, Emmanuelle vit au rythme de l’hôtel. Elle s’y fond, non sans plaisir et fascination. Elle y croise aussi et surtout des clients et des clientes qui aiguisent ses sens, notamment une jeune Asiatique et un mystérieux client – un ingénieur qui ne dort jamais dans cet hôtel. Pendant qu’elle navigue dans ce lieu aseptisé, Emmanuelle s’interroge sur sa place, comme sur ses désirs. 

    Audrey Diwan ne tombe ni dans les pièges de la crudité ni dans celui de la mièvrerie

    L’érotisme transgressif de l’Emmanuel des années 70 – et les opus suivants – est dépassé, dans ce film plus grave. Le discours sous-jacent du colonialisme laisse place au monde des années 2020, celui de la richesse, de la mondialisation, du libéralisme triomphant et du sexe qui n’est plus vraiment un tabou. Quoique.  

    Finalement, c’est le désir qui est au cœur du film. Désir des clients du palace à assouvir et bien entendu désir d’une femme à la beauté glaciale. La scène du début dans l’avion est à cet égard éloquente, a fortiori lorsque la jeune femme la narre à Kei, un mystérieux client qui la fascine. Pas d’espièglerie ni de mièvrerie dans cet Emmanuelle de 2024 mais une femme forte mais qui semble avoir perdu le contrôle de ses désirs. Et qui se cherche.

    Dans un décor luxueux, avec des mouvements de caméra soignés et un travail sur les jeux de regards, Audrey Diwan ne tombe ni dans les pièges de la crudité ni dans celui de la mièvrerie. On peut saluer la performance de Noémie Merlant pour un rôle des plus impressionnants. Tour à tour forte, impitoyable, sensuelle, déstabilisée lorsque le désir la cueille au passage, Emmanuelle devient un personnage éminemment moderne, interrogeant le corps de la femme, le désir, la séduction et finalement les choix de vie, jusqu'à une fin en forme de climax.        

    Sans doute incompris lors de sa sortie en dépit de ses qualités esthétiques, cet Emmanuelle d’Audrey Diwan est absolument à découvrir en DVD. 

    Emmanuelle, drame d’Audrey Diwan, avec Noémie Merlant,
    Will Sharpe, Jamie Campbell, Bower, Anthony Wong, Chacha Huang,
    Naomi Watts, Pathé, 2024, 105 mn, en DVD

    https://www.pathefilms.com/fr/films/emmanuelle

    Voir aussi : "Emmanuelle aime les intellectuels (et les manuels)"
    "Corpus delicti"

    Emmanuelle © Pathé

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  • Un tour du jazz à la voile

    A Love Secret, que Mazeto Square ressort en DVD, peut se se regarder comme le film testament du jazzman Siegfried Kessler. Lorsqu’en 2002 Christine Baudillon a choisi de le suivre et de le filmer sur son bateau, elle ne s’attendait certainement pas à ce que le musicien décède 5 ans plus tard en mer, au large de La Grande-Motte.

    Grâce à des moyens réduits – la réalisatrice a filmé « Siggy » grâce à une petite caméra DV – on entre dans l’univers d’un artiste hors-norme, finalement autant marin que musicien. De son accent inimitable, avec un bagout et un humour confondants, Siegfried Kessler se confie sur son art, sur le jazz, sur son mode de vie, sur sa santé inébranlable malgré le tabac et sur sa consommation immodérée d’alcool, mais aussi sur la passion pour la mer et son Maïca.

    "La musique est un  langage", dit-il lors d’un de ses échanges, et cette musique ne se limite pas au jazz dont il a été une figure importante. Le film commence d’ailleurs par la Chacone de Bach, avant que ne résonnent tour à tour un morceau contemporain, des rythmes africains et, bien entendu, des titres jazz de lui-même ("Phenobarbital", "A Love Secret") ou de ses confrères, Ned Washington, Victor Young ou Thelonious Monk. Respecté par ses pairs, le pianiste né à Sarrebruck parle aussi de ses pianistes fétiches :  Thelonious Monk, Cedar Walton ou Walter Bishop.

    "La musique, il faut que ça voyage"

    C’est Archie Shepp qui est le plus longuement évoqué, précisément à la fin du film, avec des souvenirs et l’extrait d’un concert en duo au JAM de Montpellier ("Le matin des noirs"). Le marin Siegfried Kessler devient pianiste, au style alternant âpreté, délicatesse et poésie.

    "La musique, il faut que ça voyage", dit encore le jazzman, de son phrasé qui n’est pas sans rappeler celui de Karl Lagerfeld. Tout en évoquant Beethoven, Poulenc, Wilhelm Kempff ou le groupe Art Blakey and The Jazz Messengers, c’est bien d’une métaphore sur la mer dont il est question.

    Car, grand voyageur autant que musicien, Siegfried « Siggy » Kessler confie qu’il se sent d’abord comme un "loup de mer" faisant "parfois" de "bons concerts". La réalisatrice l’a suivi pendant un an, de La Grande-Motte au Frioul, en passant par l’Île de Planier.

    Le titre du documentaire de Christine Baudillon parle d’un secret amoureux. Il ne s’agit pas de jazz ni de musique mais de bateau et de voyages, précisément du port d’attache de Kessler dans le Frioul. "Je suis très heureux d’être en contact avec mon amour secret" confie-t-il à la réalisatrice. Et l’on voit l’homme à la proue de son Maïca, jouant au clavier, onirique et mystérieux, devant une crique rocheuse et désertique qui est son seule public. Le titre de ce morceau ? "A Love Secret", bien entendu.

    Siegfried Kessler, A Love Secret, documentaire de Christine Baudillon,
    Mazeto Square, DVD, 2004, 2020, 56 mn

    https://www.mazeto-square.com/product-page/siegried-kessler-a-love-secret-dvd
    https://www.facebook.com/MazetoSquare

    Voir aussi : "Éric Legnini et ses amis"

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  • Jamais domptées

    Mustang sort cette semaine en DVD. C’est l’occasion de découvrir ou revoir un des chocs cinématographiques de l’année 2015.

    La réalisatrice franco-turque Deniz Ganze Ergüven a reçu le tour de force de susciter l’enthousiasme avec un film exigeant joué par des acteurs inconnus. Ou plutôt des actrices inconnues, car Mustang s’intéresse à cinq sœurs, enfants et adolescentes, qu’une innocente excursion sur la plage un dernier jour d’école suscite la désapprobation dans un village turc traditionnel. Humiliée par les ragots qui courent au sujet des cinq filles, leur grand-mère décide de les isoler des tentations du monde extérieur et de les enfermer dans la demeure familiale, en attendant de les marier.

    Dans ce qui est devenu une forteresse domestique, les cinq filles font corps avec une solidarité et une soif de vivre exceptionnelles. Elles tentent de grappiller à leur grand-mère et à un oncle complice quelques parcelles de libertés : des jeux, des rires, des regards lancés en catimini à des garçons ou une partie de football à Istanbul. Les jeunes filles ne se considèrent pas comme domptées et veulent trouver une autre voie que le désespoir ou la résignation.

    Cinq adolescentes enfermées par leur famille pour les isoler des tentations du monde extérieur : la référence au Virgin Suicides de Sofia Coppola (1999) est évidente. Là s’arrête pourtant la similitude entre les deux films. Là où la réalisatrice américaine dévoilait dès le début au spectateur le dénouement tragique des cinq sœurs recluses par des parents catholiques traditionalistes, Deniz Ganze Ergüven déroule un scénario parfaitement huilé, avec son lot d’incertitudes jusqu’à la fin. 

    Mustang est un film de combat, bien plus sans doute que Virgin Suicides, émouvante œuvre désenchantée sur l’adolescence et sur le souvenir de jeunes filles broyées. La réalisatrice franco-turque aborde frontalement le thème de la domination patriarcale et des traditions religieuses aliénantes, pourtant acceptées majoritairement car considérées comme "soft". Cette "domination soft" a une réalité : la toute puissance de la famille, l’aliénation de jeunes filles dont l’émancipation est devenue quasi impossible, la recherche d’une pureté impossible (la scène du mariage et de la nuit de noce est un subtil mélange de tragédie et de comédie noire) et l’importance donnée au mariage, la seule issue donnée à ces jeunes filles. Les cinq sœurs turques ne sont pas les victimes résignées de traditions religieuses mais des guerrières qui ne peuvent être domptées, des mustangs qui n’ont pas renoncé à leur liberté, à commencer par la plus jeune, Lale (Güneş Nezihe Şensoy).

    Deniz Ganze Ergüven s’est battue pour bâtir un film bouleversant, aidée par une équipe d’actrices impeccables et de seconds rôles tout aussi brillants. Le résultat est Mustang, une œuvre inoubliable et un cri d’amour en faveur de la liberté, de l’adolescence et du combat contre tous les fanatismes.

    Mustang, film dramatique germano-franco-turco-qatari de Deniz Gamze Ergüven,
    avec Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Tuğba Sunguroğlu, Elit İşcan, İlayda Akdoğan, Ayberk Pekcan et Nihal Koldaş, 2015, 97 mn, en DVD