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esclavagisme

  • Révoltées, exilées, elles ne plieront plus jamais

    Peu de bandes dessinées françaises ont eu une telle longévité, avec en plus des critiques quasi unanimes, suivies en plus par des millions de lecteurs et lectrices.

    C’est en 1984 – autant dire une éternité – que François Bourgeon sortait aux éditions Glénat le primer tome des Passagers du Vent. La série en compte déjà neuf, parfois en deux parties, sans compter les hors-séries, et risque bien de ne pas se terminer de sitôt.

    Intitulé La Fille sous la Dunette, le premier tome est illustrée par une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles et des plus mythiques de la BD moderne. On y voit Isa, l’héroïne de la saga, agrippée en pleine tempête aux cordes d’un trois-mâts. La jeune femme brune aux yeux d’un bleu profond, fixe l’horizon, habillée tel un simple matelot.

    Nous sommes au début des années 1780. Le monde est encore sous d’anciens régimes mais les têtes commencent à évoluer.

    Une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles de la BD moderne

    Isabeau, c’est Isabeau de Marnaye, une identité d’autant vite oubliée qu’elle a été abandonnée par son père à un couvent avec une de ses amies, Agnès. Bientôt, les enfants sont confondues mais restent néanmoins inséparables. C’est, du reste, sur un trois-mâts que le marin Hoel surprend Isa et son amie. Fasciné, le jeune homme tente de s’approcher d’elles, à ses dépends.

    Commence une série d’aventures qui mènera Isa et ses amis de l’Angleterre aux comptoirs africains, en passant par Nantes et les Antilles.

    Le lecteur sera sans doute décontenancé par le lettrage des bulles et par la richesse de l’intrigue, désarçonnante dans le tome 5. Toutefois, la lecture de cette saga vaut le coup : des héroïnes modernes, des planches rythmées, une intrigue engagée (féminisme, humanisme, colonisation), d’audacieuses prises de risque (sexe, violence, tortures, exécutions).

    Et surtout, de l’Aventure, avec un grand A. 

    François Bourgeon, Les Passagers du Vent, 9 tomes, éd. Casterman, 1979-2022  
    https://www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-les-passagers-du-vent

    Voir aussi : "Un cavalier qui surgit du fond de la nuit"

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  • Noir coton

    Autres temps, autres mœurs : alors que durant la longue carrière de Lucky Luke, l’homme qui tire plus vite que son ombre et son fidèle cheval Jolly Jumper côtoyaient la population du Far West la plus bigarrée qui soit – indiens, noirs, chinois ou latinos –, celle-ci était la plupart du temps réduite au second plan, pour ne pas dire caricaturée. Rien de grave à l’époque, car il ne s’agissait que de divertissement et d’humour. Sauf que l’époque a changé, et que des mouvements sociaux sont passés par là. 

    Lucky Luke, semble prendre un nouveau virage dans son dernier album, Un cow-boy dans le Coton. Le justicier solitaire sans peur et sans reproche, au courage et à la générosité chevillés au corps, se frotte cette fois au racisme du sud américain, suite à un héritage inattendu.

    Devenu propriétaire d’un champ de coton dans la Nouvelle-Orléans, Lucky Luke ne se voit pas abandonner l’aventure avec son fidèle destrier. Bien décidé à refuser l’héritage, il se décide à aller visiter ses terres, avant de les rendre aux ouvriers qui les exploitent. Évidemment, il faudra compter avec les voisins du domaine, des propriétaires blancs sans vergogne.

    Figures anachroniques et références bien actuelles

    Achdé au dessin et Jul au scénario font de ce nouvel album une savoureuse et intelligente respiration sociale dans un Far West – ou plutôt un Deep South – rarement vu dans un Lucky Luke. Les auteurs ont redonné vie à Bass Reeves, un cow-boy tombé dans l’oubli en raison de sa couleur. Une postface précise que 25 % des cow-boys étaient noirs et une grande partie de leur collègue était hispanique : ce "secret le mieux gardé du Far West" est révélé au grand jour.

    Dans cette histoire d’héritage encombrant et sur fond d’esclavagisme, les auteurs parsèment joyeusement la BD de figures anachroniques et de références bien actuelles : Angela, une femme noire revendicative qui n’est pas sans rappeler Angela Davis, deux enfants s’appelant Ophrah et Barack (sic), une sémillante blonde sudiste prénommée Mélania ou un gros propriétaire qui pourrait être un croisement entre Donald Trump et le personnage de Calvin Candie, joué par Leonardo DiCaprio dans Django Unchained.

    Étincelles garanties pour ce nouvel album du cow-boy solitaire le plus célèbre de l’histoire, et qui se termine par un événement qui n’est pas sans rappeler une actualité plus récente, toujours dans le sud profond américain.

    Achdé et Jul, Un Cow-boy dans le Coton, éd. Lucky Comics, 2020, 46 p.
    https://www.dargaud.com
    http://www.lucky-luke.com/fr

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"

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