Musique ••• Classique ••• J.S. Bach, The English Suites, Zhu Xiao-Mei
Valérie, François ne lui dit pas merci
Le livre le plus important, médiatiquement parlant, de cette rentrée littéraire, a fait couler beaucoup d'encres. Tout ou presque a été dit sur le livre de Valérie Trierweiler, Merci pour ce Moment. À la sortie de ce brûlot, il semblait qu'un tel document se résumait à ces quelques lignes : Valérie aime François qui a quitté Ségolène pour elle, jusqu'à ce qu'elle découvre que celui-ci la trompe pour Julie... Une histoire d'adultère(s), en somme, banale et cruelle, transformée en grand déballage public. Ajoutez à cela un matraquage éditorial frôlant l'indécence et tout était réuni pour donner au document de Valérie Trierweiler un parfum de scandale.
Il reste qu'il faut bien parler de ce livre. Que contient-il ? Mérite-t-il les cris d'orfraies distribués par les journalistes, critiques, politiques, éditeurs (hormis les Arènes, bien entendu !), libraires et citoyens lambdas?
Disons tout de suite que le lecteur de Merci pour ce Moment ne peut oublier que ce livre est au mieux un livre à charge contre l'ancien compagnon de Valérie Trierweiler, au pire un règlement de compte entendant solder quelques années de vie commune entre l'auteure et l'actuel chef de l'État. Aux pudibonds qui s'offusqueraient que l'intimité de l'ancien couple présidentiel soit mis en place publique, il convient de se souvenir que ce témoignage n'est qu'un retour logique de balancier, Valérie Trierweiler ayant été en première ligne après le dévoilement de sa vie privée. Et il faut bien concéder qu'elle même, surnommée publiquement par des détracteurs "Valérie Rottweiler", a rarement été bien traitée par les médias.
Conséquence :ces derniers ne sont pas ménagées dans son livre, attaques d'autant plus sévères que l'auteure est journaliste et sait taper où cela fait mal. Valérie Trierweiler n'hésite pas au passage à pourfendre la connivence entre les journalistes politiques et François Hollande.
C'est à ce dernier que l'ancienne journaliste de Paris Match réserve ses plus beaux uppercuts. Le lecteur assiste ainsi aux pathétiques scènes de rupture dans le cœur même de l'Élysée. Jamais sans doute un livre n'est parvenu à entrer ainsi par la petite porte du palais de la République et nous montrer un homme public de cette importance sous un visage humain – hélas, trop humain !
Le portrait tracé de François Hollande est à l'avenant : homme froid (d'une pudeur maladive, est-il dit), carriériste, passionné jusqu'à l'obsession par la politique, ambitieux et plus attiré par le monde de l'argent que par les gens simples (l'expression des "sans dents" a été commenté à multiples reprises). Valérie Trierweiler souligne d'ailleurs à plusieurs reprises ses origines populaires, bien loin des préoccupations du premier Président de la République socialiste.
Un règlement de compte donc. Mais pas seulement. Car Merci pour ce Moment se veut aussi le portrait – parfois caricatural, certes – d'un certain monde politique. Là encore, Valérie Trierweiler utilise le bazooka contre le cénacle socialiste qu'elle a suivi. Elle revient longuement sur le tweet contre Ségolène Royal, l'ex femme de François Hollande, à l'occasion des élections régionales de 2013. Cette dernière n'est, du reste, pas ménagée : le lecteur ressort avec l'impression que sa candidature aux présidentielles de 2007 était autant une audace politique qu'un moyen de court-circuiter une potentielle candidature de François Hollande.
Mise à part quelques personnalités plus ou moins préservées (dont Nicolas Sarkozy), le microcosme politique est durement décrit : un milieu sans foi ni loi, inhumain, machiste et brutal. S'agissant des hommes au pouvoir, Valérie Trierweiler considère que peu sont au niveau – hormis Laurent Fabius, est-il précisé.
Voilà un livre à charge donc, qui se voudraient être un long fleuve larmoyant, si l'auteur et narrateur ne faisait pas le choix, dans la dernière partie du livre, de revenir assez longuement sur son engagement humanitaire pendant et après son expérience à l'Élysée. Une manière aussi de relativiser son aventure personnelle, au regard des injustices criantes et des grands malheurs du monde.
On referme le livre sonné par tant de confidences et de révélations peu flatteuses du Président de la République. La politique ne sort pas grandi de ce document à charge.
Valérie Trierweiler a dégainé l'artillerie lourde pour solder un passé traumatisant et François ne lui dit pas merci.
Valérie Trierweiler, Merci pour ce Moment, éd. Les Arènes, 320 p.