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Quel est l'intérêt d'un essai historique sur Eva Braun ? La question se pose s'agissant de celle qui, finalement, n'a été que la maîtresse d'Adolf Hitler et n'a jamais joué de rôle notable, politique ou autre.
Et pourtant, Eva Braun demeure un personnage extrêmement connu (la plus connue sans doute de toutes les compagnes de dictateur) et ce, alors même qu'Hitler l'a soigneusement cachée pendant les 14 ans qu'a duré leur relation. Il ne se maria avec elle que quelques heures avant leur suicide en avril 1945 dans Berlin assiégé.
Cette célébrité, dit Heike B. Görtemaker, vient sans doute en partie de son intimité avec celui qui personnifie plus que jamais la figure du Mal. Il est pourtant intéressant de suivre le parcours d'Eva Braun. Sa rencontre en 1929 avec Hitler est en soi un choc de génération. Il a déjà 40 ans, est célibataire, passionné par la politique, impitoyable et est certain d'arriver à ses fins dans la conquête du pouvoir. Elle a 17 ans, est une jolie blonde sportive et plutôt cultivée et restera des années encore insouciante et naïve.
L'idylle naissante arrive alors que Hitler se remet difficilement d'une histoire d'amour avec sa nièce (sic) Geli Raubal, terminée avec le suicide de cette dernière, désespérée. Heike B. Görtemake suit pas à pas les circonstances et les premières années du couple Hitler/Braun : confiances réciproques, séparations, tentatives de suicides et manipulations ponctuent cette union peu ordinaire et cachée des années durant (l'auteur explique pourquoi).
Heike B. Görtemake s'attache également à montrer le degré d'implications de cette jeune femme dans le cours de l'histoire. Jamais encartée au NSDAP, elle adhère pourtant aux idées du parti nazi et restera l'une des dernières vraies fidèles de Hitler, au point de refuser de fuir Berlin assiégé et de mourir avec son compagnon. Ce portrait trace également un portrait saisissant de la petite société qui tournait dans l'intimité du dictateur et de sa compagne. C'est enfin l'occasion de s'arrêter longuement sur les femmes de dirigeants nazis, tenues à l'écart de toute politique (pour raisons idéologiques) mais qui en savaient bien plus que ce qu'elles ont voulu admettre.
S’attaquer à un morceau comme ce Churchill d’Andrew Roberts (éd. Perrin) demande une sacrée ténacité : plus de 1 300 pages en comptant l’index et une biographie. Il faut cependant bien cela pour saisir la vie d’une des figures majeures du XXe siècle, celui qui a largement permis la victoire des Alliés pendant la seconde guerre mondiale tout autant qu’il a fait entrer l’Angleterre dans la modernité.
Un homme exceptionnel, donc, dont on peut dire qu’il a un pied dans le XIXe siècle post-victorien et l’autre dans le XXe siècle post-colonial. Il faut citer pour la traduction française Antoine Capet pour son remarquable travail, permettant au lecteur français de découvrir ou redécouvrir "le vieux lion".
Connaît-on réellement Churchill ? Andrew Roberts a une étonnante réponse en toute fin de l’ouvrage, lorsqu’il parle de la jeune génération : "Dans un sondage de 2008 auprès de 3 000 adolescents britanniques, pas moins de 20 % d’entre eux pensaient que Winston Churchill était un personnage de fiction…" Hormis le fait que cela remet en question les programmes scolaires anglais où Churchill a été presque totalement éliminé, apprend-on, cela reste cependant un "hommage" singulier pour le premier ministre britannique, comme si sa destinée était trop invraisemblable pour avoir été réelle.
La biographie d’Andrew Roberts est constituée de deux parties : "La préparation" et "L’épreuve". Les jeunes années de Churchill, ce fils de l’aristocratie anglaise ayant fait ses armes sous les drapeaux, semblent être, comme l’a dit lui même l’intéressé, une période de formation avant l’épreuve de la seconde guerre mondiale. Le lecteur a peine à imaginer le futur premier ministre rondouillard de l’Empire Britannique en soldat aguerri : "À 25 ans, il s’était battu sur davantage de continents qu’aucun soldat de l’histoire, hormis Napoléon", raconte un portrait de l’époque.
Courageux jusqu’à la témérité, Churchill devient aussi un homme de lettres autant qu’un tribun, laissant une œuvre aussi impressionnante que l’homme lui-même, récompensée par ailleurs d’un Prix Nobel de Littérature.
Impérialiste libéral, Churchill se lance dans la politique à l’âge de 26 ans. C'est le début d’une carrière impressionnante, non sans soubresauts et traversées du désert qu’Andrew Roberts détaille avec patience. L’homme monte les échelons : sous-secrétaire d'État aux Colonies, ministre de l'Intérieur puis Premier Lord de l'Amirauté, une nomination qui le rendra le plus heureux comme jamais, comme en témoignera plus tard son amie Violet Asquith.
C’est sous son mandat que commence la première guerre mondiale. Il est déjà aux avant-postes de la Grande Histoire. C’est aussi et surtout une période d’apprentissage, avec des victoires (la création du MI5 et du MI6) mais aussi des erreurs (l’opération des Dardanelles en 1915, qui le marquera toute sa vie), erreurs qui lui seront profitables des années plus tard.
Le lecteur qui croit au destin historique, pourra s’appuyer sur cette éloquente citation de l’intéressé au moment où il accède au poste de premier ministre en mai 1940 : "J’avais l’impression d’être guidé par la main du destin, comme si toute mon existence préalable n’avait été qu’une préparation en vue de cette heure et de cette épreuve…"
"À 25 ans, il s’était battu sur davantage de continents qu’aucun soldat de l’histoire, hormis Napoléon"
Cette épreuve, c’est bien évidemment la seconde guerre mondiale. L’armée d’Hitler conquiert l’Europe et l’Angleterre est à deux doigts de sombrer comme la France, piteux vaincu après quelques semaines d’une bataille peu glorieuse. Churchill va se servir de son expérience pour convaincre son peuple que la défaite n’est pas inéluctable, en dépit des bombardements nazies sur Londres. "Âgé de 65 ans, il était magnifiquement préparé (…) pour les épreuves qui l’attendaient".
Ces cinq années éprouvantes, il les affronte avec un courage frôlant la témérité, lui qui n’hésite pas à parcourir le monde en avion ou en bateau en dépit des dangers. La Bataille d’Angleterre fait l’objet de longues pages, et l’auteur ne tait pas les combats politiques, rythmés par les discours légendaires du prime minister, tout au long de ces 5 années de guerre, développées sur environ 400 pages, avec minutie et grâce à une documentation impressionnante.
Andrew Roberts rappelle que les États-Unis sont aux abonnés absents au début du conflit et qu’il a fallu toute la pugnacité de Churchill pour convaincre Roosevelt d’entrer en guerre, chose faite après Pearl Harbour en décembre 1941. L’essayiste souligne l’importance capitale de la Bataille de Dunkerque en mai 1940 avec l’Opération Dynamo qui a eu une importance capitale dans la résistance anglaise en ce qu’elle a permis de préserver la marine britannique. Le Blitz et la Bataille d’Angleterre constituent deux chapitres pour ce tournant décisif. Ce que le lecteur découvrira sans doute c’est la saignée dans les forces aériennes anglaises lors de la Bataille d’Angleterre ("en tout, depuis le 10 mai, la RAF avait perdu 1 067 appareils et 1 127 aviateurs"). Cela rend la résistance menée par Churchill tout à fait remarquable ("Nous sommes résolus à poursuivre le combat encore et toujours"), d’autant que le premier ministre lui-même a plusieurs fois risqué sa vie au milieu des bombardements, en raison de sa proverbiale témérité, même si des observateurs ont trouvé qu’il s’était malgré tout "assagi". L’auteur nous apprend que pendant ces 1 900 jours de guerre, il a parcouru 180 000 kilomètres en bateau, en train et en avion.
Avec un luxe de détails, le biographe suit Churchill du 10 Downing Street au Canada en passant par Washington ou Téhéran, le chef de guerre se révélant un diplomate parfois dupé par un Staline lors de tractations narrées avec précision et un grand sens de la théâtralité, comme on le découvre lors d’une série de rencontres à Moscou.
Andrew Roberts parle du tournant qu’a été 1942, année décisive au cours de laquelle le monde a été sur une ligne de crête, entre victoire annoncée et défaite inéluctable. Du point de vue intérieur, Churchill est critiqué ("le plus grand marchand de défaites de l’histoire anglaise" est-il dit de lui). En dépit de cela, le peuple le suit, comme le montrent des sondages de l'époque. Le débarquement en Normandie, imaginé dès le début du conflit mondial, est finalement brièvement évoqué, en dépit de son importance stratégique considérable.
"Victoire et défaite" : tel est le titre du chapitre consacré à la période de janvier à juillet 1945. S’il est vrai que le triomphe de Churchill est l’anéantissement de l’armée nazie, pour autant le premier ministre se voit débarqué après la perte des élections par les conservateurs à l’été 1945.
Les derniers chapitres de ce Churchill sont consacrés aux années d’opposition, à des discours importants consacrés à la Guerre Froide naissante, aux colonies britanniques et à l’Europe. Puis, advient le retour au pouvoir de Churchill de 1951 à 1955, dans une période que l’auteur juge plus crépusculaire.
On ressort de la lecture du livre d'Andrew Roberts éclairés par un des plus grands hommes de l’histoire britannique et sans doute du XXe siècle. Sans doute la meilleure conclusion à apporter à ce Churchill reste le portrait "multiple" qu’en a fait un autre biographe : "Homme politique, sportif, artiste, orateur, historien, parlementaire, journaliste, essayiste, joueur de casino, soldat, correspondant de guerre, aventurier, patriote, internationaliste, rêveur, pragmatique, stratège, sioniste, impérialiste, monarchiste, démocrate, égocentrique, hédoniste, romantique".
Il faut absolument voir et revoir Bertold Brecht, en particulier cette pièce engagée qu’est Grand'Peur & Misère du IIIe Reich, actuellement au Théâtre du Gouvernail, dans une mise en scène de Christophe Daci.
On imagine le courage du dramaturge allemand lorsqu’il entreprend ce brûlot, alors que le parti nazi l’a déchu de sa nationalité. Par la suite, ses pièces de théâtre sont interdites puis brûlées.
Entre 1935 et 1938, Bertolt Brecht, avec la collaboration de Margarete Steffin, s’inspire directement de coupures de presse et de témoignages oculaires pour nous dépeindre l'enracinement profond du régime nazi et les répercussions sur toutes les sphères de la société allemande. La "grandeur" du régime du IIIe Reich devient cette "Grand’Peur", dans un titre parodiant avec férocité le sous-titre des Pensées de Pascal, Grandeur et Misère de l’Homme.
Christophe Daci a choisi 10 saynètes sur les 24 écrites par Brecht
Christophe Daci a choisi 10 saynètes sur les 24 écrites par Brecht qui parlent de la manière dont le nazisme a soufflé dans toutes les strates de la société allemande : "Les relations humaines sont le fil conducteur durant la montée du régime fasciste et ses conséquences. Que se passe t’il quand vous doutez de l’intégrité de votre enfant ? Que vous craignez qu’un voisin vous dénonce ? Que les opinions de votre mari s’avèrent dangereuses pour votre propre sécurité ? Peut-on encore se fier à son frère, un collègue ou un ami ?", explique le metteur en scène.
Étienne Dos-Santos a collaboré dans la composition musicale pour transcrire l’état d’urgence, la menace et l’innocence perdue : "On y retrouve les ingrédients qui permettent de suggérer la peur, la parole asphyxiée, l’oppression", commente ainsi le compositeur.
Grand'Peur & Misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht est visible au Théâtre du Gouvernail jusqu'au 13 décembre.
Grand'Peur & Misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht, Compagnie des Malappris Théâtre du Gouvernail, 5 passage de Thionville, 75019 Paris Jusqu’au 13 décembre 2021 Mise en scène de Christophe Daci, avec Maxime Canat, Jospeh Dekkers, Souri Dekkers, Gabriel Greffier, Sevan Krimian, Loïc Renaudier et Léna Soulié https://lesmalappris.fr https://theatredugouvernail.fr
C’est le fait d’arme le plus important et le plus spectaculaire de la Résistance pendant la seconde guerre mondiale : l’assassinat du haut-dignitaire nazi, Reinhard Heydrich, le 4 juin 1942 à Prague. Celui que l’on surnomme toujours HhhH, "Himmlers Hirn heisst Heydrich" (en français : "Le cerveau de Himmler s'appelle Heydrich") avait un rôle central dans l’appareil nazi : directeur de la RSHA (Reichssicherheitshauptamt), vice-protecteur de la Bohême-Moravie à sa mort (surnommé à ce titre "le bourreau de Prague"), il fut aussi responsable de la Gestapo, créateur des sinistres Einsatzgruppen chargés des tueries de masse en Europe de l’Est et en Union soviétique (la Shoah par balles), avant de planifier à partir de la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, la Solution finale contre les juifs. C’est dire l’importance d’un homme fanatisé, violent ("L’homme au cœur de fer") et capital dans la machinerie de mort nazie.
Début 1942, Londres envoie à Prague deux agents, le slovaque Jozef Gabčík et le tchèque Jan Kubiš, afin de mettre en place l’opération Anthropoid. Les deux hommes ont la difficile mission d’assassiner Heydrich. Dans un pays mis sous coupe réglée par les dignitaires nazis, la mission réussit, non sans des conséquences désastreuses : les villages de Lidice et de Lezaky sont rayés de la carte et des milliers de victimes tchécoslovaques sont tués en guise de représailles.
Sur cet événement important mais mal connu en France, Laurent Binet en a tiré un livre en 2010, HhhH (éd. Grasset). Contre toute attente, ce premier roman reçoit un accueil enthousiaste, public et critique. Le jeune écrivain a fait de ce récit historique une matière littéraire passionnante, dans laquelle le narrateur – et l’auteur – parle de la difficulté à relater une histoire hors-norme. À la fois essai, roman historique et autofiction, HHhH est plus que convainquant : un premier roman magistral et passionnant de bout en bout.
L’homme au cœur de fer
L’an dernier, ce livre a fait l’objet d’une adaptation qui était très attendue. Cédric Jimenez s’est attelé à cette tâche, avec Rosamund Pike dans le rôle convaincant de l’épouse d’Heydrich. Las, le parti-pris de Laurent Binet – allier la grande histoire et les questionnements sur l’indicible – sont passés à la trappe. HHhH suit de manière efficace le parcours du dignitaire nazi dans une première partie, avant de s’intéresser aux deux résistants tchèque et slovaque. Le réalisateur ne nous épargne par les exactions après l’assassinat de la tête pensante de la Solution Finale, notamment lors de la destruction de Lidice, "l’Oradour-sur-Glane tchèque."
En 2016, un autre film, plus confidentiel, a traité de cet événement.Opération Anthropoid, de Sean Ellis, se concentre cette fois sur les six mois qui ont précédé l’attentat contre Heydrich, en suivant la préparation, les atermoiements et la vie quotidienne de Gabčík et Kubiš. Tourné sans grand moyen, avec cependant la présence à l’écran de la lumineuse Charlotte Le Bon dans le rôle d’une complice investie, Opération Anthropoid a les qualités du film d’espionnage. Heydrich n’apparaît que fugacement, lors de l’attentat. Ce long-métrage a des accents hagiographiques en ce qu’il suit deux résistants pugnaces, héroïques et lancés dans une opération désespérée.
On peut se féliciter que ce fait d’arme exceptionnel de la résistance tchèque soit revenu au-devant de l’actualité. Cependant, les deux films, très différents dans leur facture – mais tous deux dominés par deux actrices exceptionnelles, Rosamund Pike et Charlotte Le Bon – ne sont sans doute pas à la hauteur de l’événement raconté, et ce malgré les qualités de ces deux œuvres. Il reste le roman de Laurent Binet, traduit dans le monde entier, notamment en Tchéquie, et qui demeure l’œuvre de référence pour comprendre l’assassinat de Reinhard Heydrich par Jozef Gabčík et Jan Kubiš.
Laurent Binet, HHhH, éd. Grasset, 441 p., 2010 HHhH, de Cédric Jimenez, avec Jason Clarke, Rosamund Pike, Jack O'Connell, Jack Reynor, Mia Wasikowska et Thomas M. Wright, France, 2017, 120 mn Opération Anthropoid, de Sean Ellis, avec Jamie Dornan, Cillian Murphy, Charlotte Le Bon et Toby Jones, Grande-Bretagne – France – Tchéquie, 2016, 120 mn
Le titre de cette chronique reprend l’une des phrases qui clôt le roman L’Ordre du Jour (éd. Actes Sud, prix Goncourt 2017). Sur une période historique bien connue et enseignée dans tous les lycées – l’escalade irrésistible vers la seconde guerre mondiale – le court, dense et passionnant ouvrage d’Éric Vuillard relate les faits d’armes diplomatiques, les lâchetés politiques comme les combines économiques qui ont donné quitus à Hitler et ses sbires pour avancer leurs pièces jusqu’au déclenchement du conflit planétaire en 1939.
Le roman s’ouvre et se clôture sur les liens entre les pontes de l’industrie allemande (et ces fleurons bien connus : Krupp, BMW, Siemens, IG Farben ou Schell) et les responsables nazis pour une alliance qui se voulait gagnante-gagnante : aux uns des marchés assurés (pendant la future guerre, les entreprises alliées aux nazis bénéficieront également d’une main d’œuvre servile), aux autres un soutien financier capital, à quelques mois des élections de mars 1933 qui verront arriver Hitler à la Chancellerie.
Un accord faustien
Cet accord faustien est le premier acte d’une sorte de partie d’échecs à l’échec européenne. La suite a lieu dans les couloirs feutrés de la diplomatie. Elle a pour enjeu l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne. Éric Vuillard suit heure par heure les discussions, les manœuvres, les parties de poker-menteur, les mensonges, les dissimulations et surtout la lâcheté des pays occidentaux – France et Grande-Bretagne en tête – lorsque l’Anschluss de 1938 devient une réalité. Une réalité qui prend toute son apparence à la fois pathétique et cruelle lorsque l’auteur nous parle de l’invasion chaotique et picaresque de l’invasion, comme des drames humains qui se jouent en Autriche parmi la population juive. Il faut notamment lire cet ahurissant passage sur l’histoire des factures de gaz impayées à Vienne.
Sous la plume d’Éric Vuillard, la diplomatie n’est plus qu’un jeu de dupe, une pièce de théâtre tragi-comique et surtout un instrument terrible au service d’une catastrophe humaine annoncée, et qui sera finalement validée par les accords de Munich le 29 septembre 1938. Hitler vient de gagner sa partie d’échecs. Plus rien ne pourra l’arrêter. On connaît les propos lucides d’Édouard Daladier à son retour d’Allemagne, lorsqu’à Paris une foule immense acclame le traité signé sensé sauver la paix : "Ah, les cons ! S’ils savaient !"
Éric Vuillard, L’Ordre du Jour, éd. Actes Sud, 150 p. 2017
Il est de retour. Qui ? Adolf Hitler. Quand ? De nos jours.
Voici le pitch étonnant et provocateur de ce best-seller allemand. Timur Vermes choisit d'aller droit au but dans cette satire au vitriol : soixante-dix ans après sa mort, sans que le lecteur ne sache pourquoi, l'ancien chancelier nazi se réveille au milieu d'un terrain vague, pour découvrir une Allemagne en paix et bien différente de ce qu'il connaissait : une femme est au pouvoir, la démocratie est bien installée, l'Europe est en paix, les Turcs ont pignon sur rue et les citoyens allemands ont perdu tout sens de combativité. L'ancien Führer décide de se remettre sur le devant de la scène, aidé en cela par une société de production. Après s'être familiarisé très facilement avec les moyens de communication modernes (smartphone, Internet, etc), il s'offre une tribune à la télévision et sur Internet et s'avère efficace en diable. Et, contre toute attente, son discours reçoit une large écoute.
Un roman engagé qui ne prend aucune pincette pour dénoncer la montée des extrémismes, le populisme, la démagogie et la crédulité ambiante.
Timur Vermes, Il est de Retour, éd. Belfond, 406 p.