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italie

  • La femme qui aimait un homme qui aimait un homme qui était une femme

    Allez, je me lance. Peau d’homme, du scénariste Hubert et du dessinateur Zanzim (éd. Glénat), mérite sans aucun doute de figurer parmi les 10 meilleures bandes dessinées de ces dix dernières années. Pour preuve, voici la liste des prix récoltés par cette formidable œuvre : Grand Prix RTL 2020, Prix Wolinski de la BD du Point 2020, Grand prix de la critique ACBD 2021, Prix Landerneau BD 2020, Prix Ti-Zef 2020, Fauve des Lycéens 2021 au Festival d’Angoulême, Prix des Libraires Canal BD 2021, Prix BDstagram 2020, Prix Imaginales de la bande dessinée des bibliothécaires 2021, Prix littéraire On' 2021. Si Bla Bla Blog avait un prix, il en décernerait sans doute un.

    Nous sommes dans l’Italie de la Renaissance. Bianca, jeune femme admirée pour sa beauté et la fortune de ses parents, doit se marier. Un mariage arrangé, bien sûr, mais qui ne lui déplaît pas. Elle souhaiterait juste connaître un peu mieux son futur époux. Il s’appelle Giovanni, semble charmant et ne laisse pas insensible Bianca. Or, c’est lors d’un séjour chez sa marraine que cette dernière lui confie un secret. Elle possède une peau d’homme chez elle, un déguisement plus vrai que nature des pieds à la tête, sans rien oublier de l’intimité - si vous voyez ce que je veux dire... La jeune femme décide de l’enfiler - je parle du déguisement. Elle devient, pour quelques heures, un homme, Lorenzo. Elle décide de s’en servir pour nouer amitié avec Giovanni et mieux le connaître. Or, contre toute attente, ce dernier s’éprend de Lorenzo.

    Une bande dessinée féministe – écrite par deux hommes

    C’est sous forme de conte que se présente Peau d’homme, avec bien évidemment une première référence directe à Peau d’âne. Zanzim a fait le choix d’un graphisme renvoyant à l’iconographie de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Le lecteur admirera la sobriété très ligne claire de la BD tout comme la force des planches en pleine page.

    Pour autant, la naïveté des traits, y compris dans les visages, est contrebalancée par l’audace visuelle des corps nus, des tendres étreintes et de cette peau magique, objet de tous les fantasmes mais aussi de tous les ennuis.

    On a beaucoup parlé de l’engagement des auteurs dans cette histoire d’émancipation, de découvertes du corps et aussi d’identité. Bande dessinée féministe – écrite par deux hommes ! – Peau d’homme se veut aussi un plaidoyer comme l’homophobie et l’obscurantisme, qu’il soit religieux ou patriarcal, à telle enseigne que dans les dernières pages c’est la liberté qui l’emporte.

    Un authentique chef d’œuvre à lire absolument.      

    Précisions enfin que Hubert, auteur du formidable scénario, intelligent et très fin, s’est donné la mort peu de temps avant la sortie de cet ouvrage. 

    Hubert & Zanzim, Peau d’homme, éd. Glénat, 2020, 152 p.
    https://www.glenat.com/1000-feuilles/peau-dhomme-9782344010648
    https://www.facebook.com/fredzanzim/?locale=fr_FR

    Voir aussi : "Et pop !"

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  • Touchés !

    Sacrée gageure que Toccare, l'album imaginé par la pianiste sino-canadienne Claudia Chan. Il est vrai que la musicienne est reconnue comme une spécialiste mondiale dans la création contemporaine. Pour cet enregistrement public au Bad Godesberg de Bonn et proposé aujourd’hui en disque par les éditions b.records, elle s’attaque au répertoire italien.

    Au menu, Gian Francesco Malpiero (1882-1973), le doyen, Sylvano Bussotti (1931-2021), Salvatore Sciarrino (né en 1947), Giulia Lorruso (née en 1990), Simone Cardini et Francesco Fildei (né en 1973), ce dernier étant présent dans plusieurs créations.

    La musique contemporaine est un univers fascinant et aux multiples dimensions, ce que montre bien ce passionnant opus, intelligemment nommé Toccare – "Toccare", comme "toucher" en italien, celui précisément d’une interprète archi-douée, envoûtante, curieuse et à la virtuosité indispensable pour aborder ces pièces singulières et bien différentes les unes des autres.

    Dans le livret de présentation, à la conception originale, soignée et si caractéristique chez b.records, Claudia Chan souligne la singularité du premier compositeur de son programme, Gian Francesco Malpiero, influencé autant par la Renaissance que par la musique du début du XXe siècle : "Il est difficile à situer historiquement lorsqu’on l’entend", précise-t-elle dans son interview. L’auditeur ne sera pourtant pas totalement perdu dans les deux mouvements de Bianchi e neri (1964), alliant légèreté, gravité (Lento, non troppo) et sombres présages (en particulier le Non troppo lento).  

    Parlons ensuite de la deuxième Sonate pour piano de Salvatore Sciarrino datant de 1983, "une des pièces les plus difficiles que j’ai jamais jouées", confie la pianiste. Il est vrai que la technicité et la virtuosité sont indispensables pour venir à bout de cet opus de plus de neuf minutes (et un seul mouvement). Nous voilà sans au cœur d’une musique contemporaine défiant la tonalité et le rythme, près à décontenancer grâce à ses décrochages incessants et ses vagues s’étirant dans une confusion qui n’est qu’apparente. 

    Une audace sonore que Claudia Chan assume avec cran

    Après un passage par Sylvano Bussotti et sa pièce Musica per amici, très influencée par "les traditions sérielles austro-germaniques", Claudia Chan s’attaque au cœur de son programme, à savoir Francesco Fildei, présent dans trois œuvres, un Preludio (1999), une Suite en trois mouvements et une création de 2023 dédiée à la pianiste, naturellement intitulée For Claudia. Disons tout de suite que l’auditeur sera déconcerté par l’utilisation singulière des sons du piano, transformé pour l’occasion en instrument de percussion. Les sonorités inédites font du Preludio un vibrant hommage à cette musique contemporaine revigorée après 1945 grâce à des compositeurs comme John Cage. Pour Suite (1997), jamais sans doute personne n’a composé de Toccata ou de Notturno avec une telle liberté, en se démarquant complètement du jeu pianistique.

    Oubliez Bach, Chopin ou Fauré. Ce qui se joue ici est une certaine notion de la liberté et de la création pure que la pianiste juge unique dans le monde. Voilà qui donne la mesure de cette audace sonore que Claudia Chan assume avec cran. La Suite se termine avec le tout aussi étonnant Garibaldi’s little rock, dans lequel quelques notes de clavier résonnent, bousculés par les chuintements et percussions… de piano. Pour terminer sur Francesco Filidei, le For Claudia, composé pour la pianiste, obéit à la même grammaire, avec une liberté poussant l’interprète jusqu’à ses derniers retranchements, ce que Claudia Chan assume là encore non sans enthousiasme.

    L’auditeur ne sera sans doute pas insensible à la benjamine de cet enregistrement, à savoir la compositrice Giulia Lorusso. Avec la fascinante pièce Kemò-vad, créée en 2021, elle nous entraîne dans un voyage musical zen et orientalisant. Claudia Chan caresse littéralement les touches de son piano avec une économie de moyens, au point que le silence est roi dans cette méditation sonore.

    Simone Cardini vient compléter ce programme italien. Sa composition de 2020, Restare non ha luogo, un long mouvement fait de pauses, de saccades interrogatives et de touches pianistiques tour à tour inquiétantes et mystérieuses, prouve là encore la vitalité de jeunes compositeurs transalpins. Claudia Chan les chouchoute avec amour et en leur donnant une visibilité – et une audition – unique. Grazie mille, Claudia !  

    Claudia Chan, Toccare, b•records, 2024 
    https://www.claudiachan.ca
    https://www.b-records.fr

    Voir aussi : "Oui, je suis la sorcière"

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  • Week-end du cinéma italien à Montargis

    Les samedi 12 et dimanche 13 octobre 2024, l’association montargoise des Cramés de la Bobine proposera un Week-end du cinéma italien à l’Alticiné de Montargis. Un week-end entier autour de nos amis transalpins. Au menu, des conférences, des débats et surtout beaucoup de films, italiens, bien entendu. Jean-Claude Mirabella, universitaire spécialiste du cinéma italien, accompagnera et éclairera le public.

    Le samedi,  ce festival débutera à 14H avec Rouge comme le ciel, un drame italien de de Cristiano Bortone autour de la passion du cinéma à travers le regard d’un jeune garçon aveugle. Suivra, à 17H, Primadonna, un drame social autour d’une jeune femme sicilienne dans les années 60, devant se battre contre des coutumes patriarcales. Dans la soirée de samedi, sera diffusé Parthénope de Paolo Sorrentino, avec Celeste Dalla dans le rôle titre. La vie de Parthénope de sa naissance dans les années 1950 à nos jours. Une épopée féminine dépourvue d’héroïsme mais éprise de liberté, de Naples, et d’amour.

    Le dimanche 13 octobre commencera justement avec une conférence sur Paolo Sorrentino, suivie à 14H30 du long-métrage Gloria ! de Margherita Vicario, avec Galatea Bellugi, Carlotta Gamba et Veronica Lucchesi. Ce film d’époque nous plonge dans le Venise du XVIIIe siècle. Teresa, Teresa, jeune domestique silencieuse et solitaire, fait alors une découverte exceptionnelle : un pianoforte. La Bella Estate, à 17H30, est un drame se situant en 1938, avec une jeune femme, Gina, quittant son village pour trouver un travail en ville. Elle rencontre une fascinante modèle pour artiste. Le Week-end italien se terminera à 20H30 avec Une femme pour Gianni de de Kartik Singh. Le pitch est des plus rafraîchissant : à la fin de sa vie, Rita, une retraitée italienne, s’inquiète pour son fils célibataire Gianni et recrute Daniela pour l’aider à trouver l’amour, un défi qui mobilisera toute leur petite ville.  

    Rendez-vous donc à Montargis pour ce passionnant Week-end du cinéma italien.
       
    Week-end du cinéma italien, Montargis
    Les Cramés de la Bobine 
    Samedi 12 et dimanche 13 octobre 2024
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1467

    Voir aussi : "Dreaming Walls"
    "Le Léopard des neiges"

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  • Confessions d'un jeune Romancier

    umberto eco,confrérie,essai,italie,italien,romancierLe quatrième couverture de cet essai d'Umberto Eco est trompeur et risque fort de conduire nombre de lecteurs dans l'erreur. Sans doute parce que c'est plus vendeur, l'éditeur présente Confessions d'un jeune Romancier comme d'une sorte de vade-mecum pour écrivain en herbe. C'est faire insulte à Umberto Eco, tant cet essai est moins un manuel pratique pour jeune écrivain en quête de succès, qu'une brillante présentation de la carrière de "jeune" romancier d'Umberto Eco (seulement cinq romans à son actif).

    Il y livre sa vision du roman dans l'histoire de la littérature tout en répondant à quelques questions essentielles : comment lui vient son inspiration ? Quelles sont les contraintes de ses romans ? Quels sont les liens entre les intentions de l'auteur et les interprétations du(des) lecteur(s) ? Quelle est la réalité et la vérité des personnages romanesques (une question moins anodine qu'il n'y paraît) ? En quoi la sémiotique peut-elle s'intéresser aux personnages fictionnels ?  

    Eco termine cet essai par une partie étonnante et passionnante sur la place des listes dans son œuvre comme dans la littérature en générale. Au final, voilà un essai passionnant qui confirme qu'Umberto Eco reste l'un des plus passionnants intellectuel et artiste de notre époque.      

    Umberto Eco, Confessions d'un jeune Romancier, éditions Grasset, 2013, 240 pages
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2013/07/08/27596970.html
    https://www.grasset.fr/livre/confessions-dun-jeune-romancier-9782246788966

    Voir aussi : "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond"
    "Umberto Eco, un mélange"

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  • Étrange piano

    Attention, choc sonore pour ce Live in Lecce joué (on a même envie d’écrire "performé") par l’Iranien Peyman Yazdanian. Auditeur qui entre dans cet univers musical, apprête-toi à te laisser surprendre par ces improvisations – ou plutôt cette improvisation en cinq parties – par un compositeur qui a notamment œuvré pour les bandes originales de films d’Abbas Kiarostami, Asghar Farhadi ou Mohammad Rasoulof !

    Ce Live in Lecce a été enregistré en 2021 dans les Pouilles en Italie, dans le cadre du Festival Conversazione. Cet événement se tient depuis 2013. Les rencontres s’y déroulent en plein air dans les espaces du Convitto Palmieri, anciens couvents des Augustins et des Théatins, de la librairie Liberrima et du parc archéologique des Rudiae. Il a pour but de sensibiliser son public à des sujets de société actuels importants tels que l’éducation, la science, les droits de l’Homme, l’environnement, l’économie, etc. Un événement humaniste et universel, ce qui fait du bien en cette période troublée. 

    Le concert de Peyman a été réalisé en hommage à Patrick Zaki, un chercheur égyptien arrêté puis condamné à trois ans de prison pour avoir dénoncé les violations de droits des Coptes, des habitants chrétiens d’Égypte. Voilà pour le contexte de cet album passionnant.

    Du jamais vu ou, du moins, du jamais entendu

    Peyman Yazdanian laisse courir ses doigts pour proposer un projet musical à mi-chemin entre musique contemporaine, jazz, pop mais aussi folklore iranien dans certains passages ("Part 1"). Véritable orfèvre du piano, l’artiste invente des sonorités, au point que le clavier devient par moment un véritable instrument à percussion. Peymlan Yazdanian parle à ce sujet de "piano manipulé". Du jamais vu ou, du moins, du jamais entendu.

    La deuxième partie de ces improvisations nous entraîne dans des paysages lumineux, colorés et sensuels. Les mélodies ne sont pas absentes non plus, ce qui donne à ce passage une formidable densité et texture sonore.

    La troisième partie se singularise par le travail sur le rythme et les sonorités. Autant le mouvement précédent renvoie à des influences occidentales, autant celui-ci nous plonge dans des régions plus lointaines, orientales, voire extrême-orientales. Le piano se fait, plus que jamais, instrument à percussions. Par moment, il semble que l’on se trouve en présence du gamelan indonésien.

    Nous parlions plus haut de musique contemporaine. Peyman Yazdanian semble s’être frotté au minimalisme et au courant répétitif américain pour improviser cette fascinante et mélancolique déambulation.  

    La cinquième partie suit s’enchaîne directement et vient conclure avec une belle audace cet opus où l’improvisation est reine et surtout inspirée. Voilà qui fait de ce Live in Peece un modèle de musique sans frontières, un message d’universalité, grâce à une impressionnante technique. Du grand art pour ce live italien et iranien.

    Peyman Yazdanian, Live In Lecce, Melmax Music, 2024
    https://www.facebook.com/peymanyazdanian/?locale=fr_FR
    https://pyazdanian.bandcamp.com/album/live-in-lecce-2
    https://ffm.to/lecce

    Voir aussi : "Et si par hasard Jehan"

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  • Cher maître, doux élève

    Le baroque. Voici un genre musical qui était, dans les années 80, très populaire dans la musique classique – et même populaire dans la musique tout court. C’est avec un bonheur évident que l’on retrouve, dans l’album Dolce Pupillo, mené par Sonia Prina, Luan Góes et l’ensemble Les Furiosi Galantes, une compilation d’œuvres pour l’essentiel italiennes – et vocales.

    Tout d’abord, un mot sur le titre donné à cette compilation d’airs baroques. "Dolce pupillo", littéralement "doux élève",  rend hommage à la transmission maître-disciple, chaque morceau constituant une sorte de fil parental entre des compositeurs européens, qu’ils soient connus – Händel, Vivaldi, Scarlatti – ou plus au contraire confidentiels – Porpora, Bononcini ou Lotti.

    Dans la présentation du disque (on ne saurait, au passage, que conseiller aux auditeurs de se procurer l’album au format physique), Luan Góes explique que "chaque plage [du] disque est consacré à un compositeur successivement en lien (maître-élève) avec le suivant". Ainsi, le premier compositeur Nicola Porpora est suivi d’Alessandro Scarlatti, un de ses élèves, pareillement pour Händel suivi de  Vivaldi. Quant à Vivaldi, il a son pendant et élève en la personne de Johann Kaspar Kerll. Voilà qui est une idée à la fois géniale et pertinente, pour ne pas dire unique dans l’histoire de l’édition musicale.  Pour mener ce projet artistique passionnant, il y a deux artistes, le contre-ténor et chef d’orchestre Luan Góes – justement – et l’excellente contralto italienne Sonia Prina.  

    Nous voici dans un voyage baroque entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, période capitale dans le développement et le mûrissement de la musique classique. On ne saura jamais exprimer l’étonnement et l’admiration pour cette relative période qui a su faire émerger tant de génies – parfois méconnues – et d’œuvres éclatantes, colorées et au rythme parfois infernal l’aria "Empi se mai disciolgo" de Nicola Porpora dans l’opéra Germanico in Germania). Voilà qui tranche singulièrement avec son élève Scarlatti et son paisible "Dormi o fulmine di guerra" dans l’oratorio La giuditta (Nutrice). 

    Une idée à la fois géniale et pertinente, unique dans l’histoire de l’édition musicale

    Sonia Prina et Luan Góes se succèdent quand ils ne chantent pas en duo avec bonheur, que ce soit avec le "Son nata a lagrimar" de l’opéra Giulio Cesare de Händel ou le duetto "Pur ch’il and’io m’infiammo" de Giovanni Legrenzi. L’auditeur se plongera avec curiosité et sans aucun doute émerveillement sur des morceaux vocaux typiques du baroque : instruments anciens, timbres angéliques de contre-ténor (masculin) et contralto (féminin), sans compter l’expressivité des airs, si typiques de ce mouvement musical.

    Quelques morceaux sont certes purement instrumentaux, à l’instar de la Sinfonia Dorilla in Tempe de Vivaldi, la Sinfonia de l’oratori  Mosè de Giovanni Paolo Colonna, celle de l’opéra Alcina d’Händel, la Sonate XII pour deux violons solistes de Johannn Kaspar Kerll, très admiré en son temps par ses contemporains et un extrait du Concerto d’Henrico Albicastro. On retrouvera pareillement les "stars" du classique que sont Vivaldi (l’énergique et très vivaldien "Gelido in Ogni Vena", extrait de son opéra Farnace ou Händel, avec des extraits de ses opéras Giulio Cesare, Partenope et Alcina.  

    L’auditeur ira de découverte en découverte dans cet album au parfum onctueux et sucré qui va si bien au répertoire baroque. Pensons au magnifique et bouleversant aria "l’Augeletto finché stretto nel suo carcere" de Giovanni Bononcini interprété avec délicatesse par Sonia Prina ou, de la même chanteuse, le délicat "Discordi Pensieri" d’Antonio Lotti, l’un des maîtres du plus célèbres Carissimi. Parlons justement de Giacomo Carissimi, à l’honneur et interprété en duo par Sonia Prina et Luan Góes. A ce sujet, l’auditeur s’arrêtera sur le relativement court aria – un peu plus de deux minutes – "Rimanti in pace omai". Carissimi est resté comme l’inventeur de l’oratorio et est devenu un personnage capital dans la musique baroque – l’un des plus grands compositeurs italiens d’après certains.

    Le compositeur Agostino Steffani, l’un des élèves de Johann Kaspar Kell a droit à deux morceaux, dont un court récitatif de l’opéra Tassilone, suivi d’un aria, "Deh, non far colle tue lagrime al moi cor la morte amara". Luan Góes met toute son expressivité dans cet air bouleversant. Steffani est encore présent plus loin dans l’album avec un autre aria, le "Lumi, potete piangere". On est là dans une œuvre dont la retenue sied parfaitement bien au contre-ténor brésilien. Pouvons-nous dire que nous découvrons là une des plus belles voix baroques masculines actuelles ?

    On saluera la puissance, l’énergie, les couleurs et la sensualité des deux interprètes vedettes de l’album. Il n’y a qu’à écouter le "Furibondo spira il vento" de l’opéra d’Händel, Partenope, sans aucun doute l’un des plus beaux moments de l’opus. Sonia Prina, incroyable de maîtrise et de virtuosité, propose un morceau qui restera longtemps dans les mémoires.

    Le duo maître-élève Händel-Bononcini viennent clore un album fort bien conçu qui nous parle finalement de la transmission du Baroque, un genre musical entré dans la postérité et qui est l’une des meilleurs portes d’entrée vers la musique classique.

    Dolce Pupillo, Sonia Prina & Luan Góes, Les Furiosi Galantes, Indesens Calliope Records, 2024
    https://indesenscalliope.com/boutique/dolce-pupillo
    https://www.facebook.com/luangoescontretenor
    https://www.instagram.com/soniaprina13

    Voir aussi : "Pour l’amour de Clara"

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  • Cœurs de pierre

    Prix Goncourt 2023 avec Veiller sur Elle (éd. L’Iconoclaste), le romancier Jean-Baptiste Andrea a derrière lui seulement, dirions-nous, quatre romans, tous multi récompensés. Ajoutons à cela une carrière de scénariste et de réalisateur. De là sans doute les caractéristiques d’un livre à la fois très imagé et très cinématographique, en plus des qualités littéraires et poétiques indéniables de l’écrivain.

    En 1986, un moine vit ses dernières heures, entouré de ses frères. On apprend que, non loin du vieil homme, est caché une statue remarquable dont on apprend très vite qu’il en est l’auteur. Le mourant se souvient. Flash-back. Nous sommes en Italie dans les premières années du XXe siècle. Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est un enfant pauvre d’Italie du Nord que sa mère envoie chez un oncle sculpteur en Ligurie, dans le village de Pietra d’Alba.

    L’enfant a en effet des dispositions indéniables, à telle enseigne qu’il parvient très vite à dépasser Zio Alberta qui doit se charger de son éducation. Une nuit, dans un cimetière, Mimo tombe sur Viola, la fille des Orsini, les aristocrates de la région. Elle a le même âge que lui, a des rêves plein la tête, la fortune de ses parents, une famille soudée mais aussi les corsets patriarcaux contre lesquels elle se bat. Le pauvre sculpteur minuscule – pour ne pas dire nain – et la jeune aristocrate convoitée s’entendent bien contre toute attente, et ce malgré les tourments de l’école et leur propre destin tourmenté. Bientôt, la réputation de Mimo prend de l’essor alors que la jeune fille reste cloisonnée dans le château familial.  

    Une histoire romanesque dans un pays qui ne l’est pas moins

    Veiller sur Elle a été présenté comme une histoire romanesque dans un pays qui ne l’est pas moins – l’Italie. Il convient cependant de préciser, sans spoiler le livre, que Jean-Baptiste Andrea a d’abord imaginé l’histoire d’un garçon peu gâté la vie – physiquement et socialement – mais qui finit par trouver sa voie. Mieux, il rencontre une jeune femme que tout sépare a priori, mais qui va devenir son âme sœur. Mais n’en disons pas plus au sujet du couple Mimo-Viola.

    Le Goncourt 2023 se veut l’antithèse des romans "intellos", même si l’auteur ne se prive pas de passages à l’écriture parfois sophistiquée – dans le bon sens du terme. La poésie n’est pas absente dans un livre qui balaie presque 40 ans de l’Histoire italienne remuée par le fascisme. Mimo va d’ailleurs en profiter, avant d’en recevoir les contrecoups.

    Viola est l’autre personnage de ce film. Tour à tour charmante, insolente, insupportable, fragile, froide comme la pierre, combattante, rêveuse et ambitieuse, elle incarne le féminisme naissant dans une Italie machiste. Mimo, le sculpteur, va en garder un souvenir ineffaçable, jusque dans les pierres qu’il travaille. La fin du livre offre à cet égard une des plus jolies inventions qui soient.  

    Vue la carrière au cinéma et à la télévision de Jean-Baptiste Andrea (Dead End, La Confrérie des larmes, Big Nothing), gageons qu’il sera le premier à vouloir adapter sur grand ou petit écran son roman. Voilà qui promet.

    Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur Elle, éd. L’Iconoclaste, 2023, 
    https://editions-iconoclaste.fr
    https://www.facebook.com/editionsdeliconoclaste
    https://www.instagram.com/ed_iconoclaste

    Voir aussi : "Poésie feel good"

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  • Le Titien, l’empire des couleurs

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Le Titien, l’empire des couleurs. Il sera visible du 13 au 19 mars 2024. Soirée débat le lundi 18 mars à 20 heures 30.

    Duché de Venise, au début du XVIe siècle. Le jeune Tiziano Vecellio descend des montagnes pour rejoindre la ville dorée. De Ferrare à Urbino, de Mantoue à Rome en passant par l’Espagne de Charles Quint et de son fils Philippe II, Le Titien a traversé le siècle en l’éclairant de ses peintures. Extraordinaire maître de la couleur et brillant entrepreneur de lui-même, innovant tant dans la composition d’un tableau que dans la manière de le vendre, il devient en quelques années le peintre officiel de la Sérénissime, l’artiste le plus recherché par les cours les plus riches et les plus influentes d’Europe.

    Le Titien, l’empire des couleurs, documentaire italien de Laura Chiossone et Giulio Boato
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1433
    https://lefifa.com/catalogue/titian-the-empire-of-colour 

    Voir aussi : "They Shot the Piano Player"

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