Musique ••• Chanson ••• Eva Marchal, 88
Kamas, décalée sans caler
Non Kamas ne dérape pas, contrairement à ce que dit l’introduction ("J’dérape") de son troisième album Désaxée. Avec une facture électro-pop, dans le titre qui donne son nom à l’opus, la chanteuse met en scène une jeune femme, Pamela, qui "attend encore ceux qu’elle aime toujours ces vieux fantômes". C’est un vrai univers poétique et gothique ("Pamela aux lèvres rouges s’est arrêtées / Ronces épines orties") que propose Kamas. Qui est-elle ? Une femme de notre temps ou l’artiste elle-même ? Le mystère reste entier : "Ce n’est pas moi / C’est cette époque qui est folle". Voilà qui dénote déjà l’aspect décalé d’une artiste qui veut proposer "un nouveau monde, un univers, la vie telle qu'elle va, intranquille et quelque peu déboussolée".
En s’inspirant d’un fait divers du XIXe siècle, celle que l’on a intitulé "L'Inconnue de la Seine", une jeune fille noyée retrouvée dans le fleuve parisien, un masque mortuaire sur le visage, Karma choisit l’onirisme pour rendre hommage à cette victime au "teint de porcelaine".
C’est sur un rythme rock que la musicienne s’intéresse aux majorettes. En réalité, une thématique qui est déclinée en deux titres – ou plutôt deux parties. "Où sont passés les majorettes ?" se demande Karma dans "Les Majorettes Part 1". C’est vivifiant, drôle et à l’acidulé parfum nostalgique qui se poursuite avec le lent, pop et mélancolique "Les Majorettes Part 2". La chanteuse se rêve cette fois dans la peau d’un de ces personnages iconiques de la fête, de l’enfance et de l’insouciance" ("Moi aussi, je serai majorette").
Il y a de la grâce et de la légèreté dans cet album qui s’écoute sans soif
L’auditeur aura le sourire aux lèvres à l’écoute de "6V d’amour", une chanson de drague irrésistible ("J’ai pas dit oui / J’ai pas dit non / Re-précise moi ton prénom") dans lequel la chanteuse joue de son charme et de sa séduction ("Mon p’tit lapin / Mon lièvre nain / Viens avec moi j’te montrerai / la jolie mousse le romarin / Derrière le grand supermarché").
Une autre jolie surprise nous attend avec une reprise sixties de "Noir c’est noir", d’autant plus immanquable qu’elle est interprétée par une femme, ce qui donne à ce classique un lustre particulier mais aussi une tonalité féministe.
Il y a de la grâce et de la légèreté dans cet album qui s’écoute sans soif, à l’instar de "Tout en bataille" qui raconte l’histoire d’un couple se séparant ("Il lui a donné tous les noms oiseaux de la terre / Elle a fait pan pan avec ses deux doigts tendus"), une séparation chantée comme s’il s’agissait d’un événement à la fois rude, drôle et sans importance qui laisse place à la vie et à la danse.
Après l’interlude "Do U ?", Kamas se fait plus sombre dans "Tarentelles", un morceau au souffle à la fois érotique et onirique. "Elle m’a mordu elle m’a croqué / Avec une certaine volupté / Là dans ce petit coin caché / Ce fut comme un éclair moelleux / Un millier d’abeilles dans les yeux / Elle m’a mordu elle m’a croqué / La nuit est tombée". Amour, plaisir, sensation de perdre pied et surtout force poétique des mots. Vraiment, là nous avons affaire à une artiste inclassable et avec une sacrée personnalité.
Dernière preuve de la singularité de la musicienne ? "Des hivers et des printemps" semble se nourrir d’influences anciennes : chanson française, traditionnelle mais aussi pop. Et si Kamas était une nouvelle troubadour des années 2020 ? Voilà qui pourrait donner la clé de cet album à découvrir.
Kamas, Désaxée, Kuroneko, La Tangente du Corbeau, 2024
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Voir aussi : "Julia Jean-Baptise pour l’éternité"
"Et si par hasard Jéhan"
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