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légendes

  • Chaman 2.0

    Le duo Octantrion a sorti cet automne le nouveau volet de son projet musical, sobrement intitulé : II. Ce nouvel opus devrait susciter de l’engouement, après le succès de leur précédent album, un auto-produit qui s’était hissé un temps dans le classement des meilleures ventes. La première édition a été par la suite remastérisée et augmentée de quatre nouveaux morceaux, baptisée 8, et sortie en 2018.

    Pour ce deuxième volet, Eléonore Billy et Gaëdic Chambrier, soutenus par la contrebasse de Jean-Philippe Viret (lauréat d‘une victoire de la musique en 2011) proposent un voyage dans la culture, les légendes, l’histoire et la mythologie des pays du Nord, à l’instar du premier titre, "Bältares Långdans", une création contemporaine tissée à partir d’un chant traditionnel suédois. Les deux musiciens français s’approprient des instruments traditionnels – nyckelharpa suédois, hardingfele norvégien, cistre basse nordique, mandoloncelle et guitare-harpe – au service d’une musique que l’on croirait venir de la nuit des temps.  

    C’est aussi "Hugin" et sa guitare syncopée, "Ragnarök", un hommage aux légendes nordiques avec une ballade tirée du folklore islandais ou encore "The Dead King", un chant mélancolique en anglais qui en hommage au corbeau-roi empalé sur un pieu, un morceau repris en fin d’album. La thématique du corbeau, comme symbole des cultures païennes vikings, sert de fil rouge à ce disque. Cet autre morceau, "Munin", fait la part belle à la mythologie scandinave en se centrant sur Munin, le second corbeau d’Odin.

    Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes

    Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes, en y mêlant le folk ("Strömkarlen Selar"), la pop ( "The Dead King Radio Edit"), le classique ("Element [Vilya]") et bien entendu le traditionnel ("Munin"). Quatre contrepoints, les "Element", ponctuent l’album en proposant des respirations "elfiques" sur les quatre éléments fondamentaux que sont l’air, le ciel, l’eau et la terre.

    Sur les quinze morceaux de l’opus, dix compositions originales côtoient cinq traditionnels suédois et islandais réarrangés. Outre "Bältares Långdans", il faut citer "En Gång När Jag Ska Dö", une ballade folk mêlant le traditionnel suédois, la pop et la folk, dans ce chant sur la mort et sur l’amour : "Un jour, quand je serai mort, les gamins viendront sur ma tombe et me diront quelle fille m’a aimé." Le morceau "Chaman", qui aurait pu donner son nom à l’album, est issu lui aussi d’un chant traditionnel islandais pour un nouveau voyage aux sonorités étranges.

    Ce nouvel album d’Octantrion fait le pont entre les traditions ancestrales et notre monde moderne, à l’instar d’"Against The Wind", plus pop pour ce morceau comme balayé par les vents glacés du nord et qui a été composé par Anne Hytta. C’est Olivier Derivière qui signe "Father" pour cette cette interprétation de la légende d’Amicia et Hugo, avec les instruments de la nyckelharpa et de la citole.

    Le voyage inattendu d’Octantrion se veut un vrai dépaysement géographique et temporel. Pari réussi.

    Octantrion, II, Quart de Lune/UVM Distribution/IDOL, 2021
    https://www.facebook.com/people/Octantrion/100063710617206/
    https://www.instagram.com/octantrion/?hl=fr

    Voir aussi : "Les âmes libres de Sarab"

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  • Chers yōkai, où êtes-vous?

    Nous avions parlé il y a quelques semaines du duo d’Atelier Sentô et de leur très bel album Rêves de Japon. Il paraissait indispensable de revenir sur le très bel album qui a fait connaître les plus nippons de nos auteurs français, Cécile Brun et Olivier Pichard. Si le terme de mangaka peut aller à merveille à des auteurs de BD, c’est bien eux. Avec Onibi, sorti en 2016 aux éditions Issekinicho.

    L’amour du Japon est à chaque page de cette bande dessinée racontant les pérégrinations de Cécile et Olivier – les deux auteur, donc – au Pays du Soleil Levant dans la région de Niigata. Les deux globe-trotteurs ont posé leur valise dans le village de Saruwada où se déroule un festival. Au cours de leur pérégrination, ils entrent dans une échoppe où un vieil homme leur vend un appareil photo sans âge. Il s’agit d’un bi-objectif très particulier puisqu’il a la faculté de pouvoir photographier des yōkai, ces esprits légendaires hantant le Japon. Muni de l’appareil, le voyage continue, avec un objectif supplémentaire pour les deux Français : capter ces fantômes. 

    Un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale

    Faux-récit de voyage, Onibi (du nom d’une des nombreuses créatures artificielles) est un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale. Cécile et Olivier partent autant à la recherche de yōkai, renards magiques et autres fantômes qu’à la rencontre des habitants des Japonais qui les côtoie. C’est souvent autour d’un bento, d’un bol de soupe ou d’une tasse de thé que se font les conversations : la rencontre d’une vieille femme avec un animal fabuleux lorsqu’elle était enfant, la découverte d’un "monde flottant", une montagne magique ou une ville construite entre deux mondes.

    L’appareil-photo est au cœur de ce voyage et les auteurs ont astucieusement choisi de ponctuer les chapitres par les clichés pris par l’héroïne, mais qu’elle ne verra finalement pas, au contraire du lecteur. Cela donne à l’album une impression supplémentaire de mystère, bien plus que si le duo de l’Atelier Sentô s’était contenté d’une BD classique. Onibi se termine avec un carnet de bord, qui n’est pas sans renvoyer à leur album plus récent, Rêves du Japon.

    Atelier Sentô, Onibi, Carnets du Japon invisible, éd. Issekinicho, 2016, 128 p.
    http://ateliersento.com
    https://www.facebook.com/AtSento
    https://www.issekinicho.fr

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • Géants de papier et autres yōkai

    Derrière l’Atelier Sentô, se cachent Cécile Brun et Olivier Pichard, les auteurs français du très bel album, Rêves de Japon (éd. Omaké Books). On les avait découverts grâce à leur manga Onibi (éd. Issekinicho), un manga à mi-chemin entre Occident et Orient. On y suivait les pérégrinations de Cécile et Olivier – évidemment les alter-egos de la dessinatrice et du scénariste – au pays du Soleil Levant et des yōkai, ces esprits qui abondent dans la tradition nipponne. Plusieurs pages sont consacrées à ce sujet (cases, crayonnés, études). Pour leur livre Rêves de Japon, le voyage se fait hommage dépaysant, grâce à des illustrations nombreuses et un texte français traduit en anglais et en japonais.

    Les deux acolytes de l’Atelier Sentô parlent de leur fascination pour un pays attachant, riche, complexe et infiniment séduisant. Ce qui intéresse Cécile Brun et Olivier Pichard est ce Japon multimillénaire qui a su conserver et jalousement défendre ses traditions et son folklore en dépit des son attachement à la modernité et aux technologies où il excelle.

    "Ces paysages éphémères, désormais lointains, se glissent dans nos rêves. Les yeux fermés, nous nous préparons à un nouveau voyage" disent les auteurs. La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée : une jeune femme en kimono, allongée au milieu d’un paysage oriental, regarde un papillon se poser délicatement au bout de ses doigts. Le lecteur a entre les mains un authentique livre poétique qui est aussi un chant d’amour pour le pays de Miyazaki. Le cinéaste, "un monument" fait d’ailleurs l’objet de plusieurs pages. 

    La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée

    Rêves de Japon se veut aussi une déambulation dans un pays infiniment riche : les ruelles si typiques qu’elles semblent hantées, les jardins zen, les dagashiya, ces boutiques adorés par les enfants, les villages subtropicaux du sud du Japon ou les temples, identifiés par les torii, les emblématiques portails rouges.

    À côté des nombreuses pages consacrés aux yōkai ("Terreurs nocturnes"), ces fameux esprits semblant hanter jusqu’aux cités les plus modernes, les auteurs consacrent de nombreuses pages aux habitants et en particulier et aux enfants croisés au cours de leur pérégrinations, croqués non sans fantaisie – et fantastique : le lecteur s’arrêtera avec plaisir sur les délicates aquarelles, que ce soit la femme aux deux bouches, la renarde ou la lectrice au grand cou.

    Pour compléter sur cet album, le lecteur y trouvera quelques secrets de création de leurs auteurs ainsi que des planches de manga inédites ("Minicomic", "Komura", "Natsuko").

    Sur ce livre personnel à plus d’un égard, ce sont leurs auteurs qui en parlent le mieux : "Entre ombre et lumière, le Japon nous murmure des histoires".

    Atelier Sentô, Rêves de Japon, éd. Omaké Books, 2019, 217 p.
    http://ateliersento.com

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"
    "Aubusson tisse Miyazaki"

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  • Des animaux fantastiques 

    C’est un très beau livre que je vais vous présenter aujourd’hui : Le Livre extraordinaire des Créatures fantastiques (éd. Little Urban). Tom Jackson est au texte pour cette encyclopédie (quoique le terme n’est sans doute pas adapté pour un ouvrage de 80 pages), mais c’est sans doute son co-auteur, Val Walerczuk, qui devrait frapper les esprits pour ses dessins.

    L’ouvrage, dans un grand et élégant format, est une plongée dans des mondes imaginaires, avec des animaux parfois connus, parfois plus obscurs.

    Évidemment, les licornes, ogres, fées, géants et autres vampires nous parlerons. Mais le lecteur sera frappé par d’autres animaux fantastiques, inconnus dans ce coin du monde : le Kekpie, un esprit aquatique venu d’Écosse (et dont le monstre du Loch Ness serait apparenté), le Bunyip australien qui a fait l’objet de tentatives d’observations, l’effrayant Mannegishi canadien au corps d’alien, la fascinante Banshee irlandaise ("femme de la butte aux fées") dont le cri aigu est sensé prévenir la mort, l’Oiseau-Tonnerre amérindien ou la Goule, aux faux airs de Gollum.

    Pour cet aperçu de créatures fantastiques, les auteurs ont été jusqu’au Japon, avec ce démon-araignée qu’est le Jorogumo. Val Walerczuk s’est particulièrement surpassé avec cet animal effrayant. Avec une facture réaliste, le dessinateur fait des minotaures, yétis et autres dragons des êtres plus vrais que nature, à l’exemple du centaure prenant vie dans une pose expressionniste et bluffante, comme si cet être pouvait être croisé au coin de la rue.

    Du très grand art.  

    Tom Jackson et Val Walerczuk, Le Livre extraordinaire des Créatures fantastiques,
    éd. Little Urban, 2018, 80 p.

    https://www.little-urban.fr/le-livre-extraordinaire-des-creatures-fantastiques

    Voir aussi : "Buffy, vingt ans, tueuse de vampires"

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  • Laissez-vous conter

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    La revue spécialisée nous replonge dans un domaine à la fois familier et inattendu. Car à côté de sujets plutôt pointus, comme une étude de la géographie du sacré, la découverte du peuple africain des Sénoufos ou les pratiques thérapeutiques des sorciers, le lecteur se plongera avec un plaisir enfantin, voire régressif, dans des mondes familiers de son enfance : Cendrillon, le Petit Chaperon Rouge ou le Petit Poucet.

    La conteuse Isabelle Genlis nous parle d’Andersen et de La Petite Théière, une de ses histoires, sans doute pas la plus connue. La chroniqueuse en dévoile les secrets et les interprétations : "La vie ne tient qu’à un fil, qu’Andersen manipule en marionnettiste habile, en maître du genre."

    Un domaine à la fois familier et inattendu

    L’histoire de Cendrillon est non seulement également décortiquée par Bernadette Bricout, professeure de littérature orale à l’université Paris-Diderot, mais aussi reproduite dans la célèbre version de Charles Perrault. Un bon moyen de découvrir ou relire un texte fondamental de la littérature et voir autrement Cendrillon, "une vieille avant l’heure." Le Petit Chaperon Rouge, La Belle au Bois Dormant, Barbe Bleue (adaptée en 2009 pour la première par une femme, Catherine Breillat, comme nous le rappelle Jack Zipes), La Petite Sirène ou le Petit Poucet ont également droit à leur focus.

    Mais Contes & Légendes s’arrête aussi sur d’autres cultures et d’autres histoires, toujours en rapport avec la nature et les quêtes initiatiques : Le Conte du jeune Homme Saule et Kaguya Himé, la fille du coupeur de bambou (Japon), une légende amérindienne sur la légende des peaux (Canada), la recherche par un homme des arbres dans un monde où ils n’auraient pas existé (Vietnam) ou les contes enchantés des pays slaves.

    La Bretagne, terre mystérieuse aux légendes extrêmement riche est traitée, est également abordée par le musicien Gérard Lomenec’h qui s’intéresse à la place de la forêt. Les ethnologues Yvonne Verdier et Geneviève Massignon se posent quant à elle cette question : Que sont venues faire les filles perdues en forêt ?

    Les amateurs de contes, à l’origine de la fantasy moderne, seront dans cet élément avec cet hors-série de Contes & Légendes passionnant.

    Contes & Légendes, hors-série "Contes – La nature, une quête initiatique", janvier 2018