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Révélée il y a trois ans comme une nouvelle voix de la pop, Tess revient avec son EP, Origin. "Origine" comme celle de cette chanteuse venue tout droit de la Réunion et qui entend bien bousculer les canons de l’électro pop.
Les 4 titres de son mini-album se veulent, comme elle le dit, une véritable introspection de l’âme mais aussi une ode à la vie, à l’amour de l’être et surtout à l’acceptation de soi. Un message qui parlera évidemment à tout le monde.
Mais intéressons-nous plutôt au premier extrait d’Origin. "The Ritual" a le mérite de désarçonner l'auditeur avec un sujet fort : réhabiliter nos démons. La chanteuse le dit sans faille dans un clip somptueux, à la fois gothique et sensuel, réalisé par Francis Courbin : "Que le rituel commence… / Je parle à mes démons… J'ai besoin de toi dans ma vie / Je n'ai pas besoin de les appeler / Ils sont là depuis toujours" ("Let the ritual begin / I talk to my demons / I don’t need to call them/ They’re right here have always been").
L’univers de Tess et ses choix artistiques sont assumées : voilà qui rend sa découverte si importante.
Elle sera à suivre coup sûr les prochains mois et les prochaines années.
Si Morgane Ji était un personnage de fiction, il est certain qu’elle aurait choisi celui de cow-girl dans un western de Sergio Leone ou de Tarantino.
Il est vrai qu’il plane dans son album Woman Soldier un souffle à la fois sauvage, aventurier et aussi très actuel, grâce à ses compositions travaillées et l’utilisation de l’électronique. Avec "Mon Nom est personne", nous voilà dans un western à la chaleur plombante, et en français : "Mon nom est personne je ère dans ton désert comme personne / Je suis ta prisonnière. "
Un hommage bien sûr à Sergio Leone pour cette chanson d’amour qui finit mal : "Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse" ! Il flotte réellement sur cet opus cette atmosphère de western-spaghetti à l’exemple des rythmiques appuyées, lourdes comme un soleil désertique ("Fear No More"). Cette référence cinématographique est présent dans l’album dans une version électro. Électro comme du reste le premier morceau de l’opus, "Tom Thumb".
Le son soul et électro rock est porté par une voix tour à tour soyeuse et vindicative, dans un morceau rugueux. Il faut dire que Morgane Ji se révèle comme une vraie warrior, une guerrière de la guitare qui décoche ses notes comme on envoie des flèches en plein cœur. Gare à elle : "I feel like a ticking time bomb".
Morgane Ji nous séduit avec une pop à la fois sophistiquée, ponctuée ça et là de vagues d’électro ("Radio On"), et revenant aux classiques, comme le prouve le choix d’instruments acoustique : il y a les guitares, bien sûr, mais aussi cet étonnant banjo : "Somebody sang a song on the radio / I grabbed my banjo". Sans oublier sa voix, puissante et soul, à l’instar de "No", un titre consacré à une séparation : "We live in a world of separation / Where every man can be a lion… Stay out of myy land / We must try to remain friends... / Don’t stay so close."
Révélation réunionnaise de l'année
Dans "Homo sapiens", morceau mêlant pop et world musique, Morgane JI se met dans la peau d’une australopithèque : "Dans ma tête d’australopithèque / Sous ma peau de bête rien ne m’arrête." Des rythmes tribaux mêlés à des sons électroniques propulsent l’auditeur dans le temps pour dire que le Sapiens ne change décidément jamais dans sa soif d’écraser l’autre et de "faire la guerre" : "Je fais la guerre et traque mes frères à grands coups de hache, / A coups de revolver, je veux plus de tout, surtout plus de terre." Oui, rien ne change, même si les mœurs sont a priori plus policés : "Je fais la guerre dans les rangs de derrière les affaires sont les affaires / J’ai les dents longues et une peau de bébé je suis homo habilis customisé… Mais faut pas me dire que je ne suis pas sérieux, costumes et boutons, / De manchettes, moi monsieur, j’ai des talonnettes."
Tout autant engagée, c’est sur des rythmes martiaux que Morgane Ji lance "Woman Soldier", un nouvel hommage au western autant qu’un chant féministe pour dire la puissance et la force des femmes : "I’m a soldier / A woman soldier, proud a a man. / A red rainbow through sunlight / One last arrow, one fast fight."
Pour "Maloya", qui se réfère à une musique et une danse réunionnaise, la chanteuse choisit le contrepied, avec un morceau qui faut le choix du créole, sans abandonner pour autant sa facture pop world étincelante et bouleversante, avec toujours ses ponctuations d’électro et de guitares électriques qui en font toute la modernité. Cette revisite du maloya fait sens pour une artiste qui a été consacrée cette année révélation réunionnaise de l'année pour cet album, justement. Sa biographie indique par ailleurs qu’elle a fait partie des 2000 enfants ex-mineurs transférés de la Réunion vers la métropole durant la page sombre de l'histoire des "enfants de la Creuse".
Avec "I Miss You", on découvre derrière une composition maîtrisée une femme délicate et plus attentionnée et attentive que l’on imagine : "Pardon me, Oh try / Excuse me, / New I’m so so sorry / Pardon me ! Oh try ! / Excuse me, / Now watch me ! / I’m small and petrified." Excuses acceptées.
AURUS c’est Bastien Picot, à la composition et au chant dans ce premier EP à la fois poétique, enlevé et rigoureux. Une écriture riche et inspirée nous donne ce premier mini-album éponyme.
Il s’ouvre avec des sons majestueux de cuivres sur le titre "Monumentum", un morceau dévoilé en mai 2019, avant qu'AURUS ne se produise à la Réunion au SAKIFO puis dans le cadre du Festival Opus Pocus.
Son premier opus déploie une pop mêlant voix, électro et acoustique ("The Abettors", en featuring avec Sandra Nkaké).
C’est un euphémisme de dure qu’AURUS puise à des inspirations plurielles : il y a ainsi quelque chose de tribal dans "Scalp", comme si des guerriers de Game of Thrones venaient prendre possession des rues de Paris ou New York.
Enlevé, vivant, onirique, aérien : tels sont les adjectifs que l’on pourrait donner à AURUS pour son EP passionnant, à l’image des dernières pulsations de "Mean World Syndrome", qui clôt l’opus. Il faut noter que La vidéo du clip a été réalisée par l'artiste visuel Sébastien Labrunie. Le "Mean World Syndrome" désigne une tendance à percevoir le monde comme étant plus dangereux qu'il ne l'est, à cause d'une exposition trop importante aux médias.
Une valse en 2020. Voilà un projet qui vaut bien que l’on s’y arrête quelques minutes.
James Z, en featuring avec Rovski, sort son nouveau clip, un dessin animé (par Mylide), Valse urbaine. Sur un rythme à trois temps mais un phrasé rap, James Z déroule un titre attachant, romanesque et amoureux : "Je veux juste tout te donner / Donner me fait sentir mieux que recevoir / Je veux tout et donner / Mais tellement."
Ce titre est le premier extrait de son EP Reunion, qui sortira en janvier 2021. Une vraie valse urbaine, d’aujourd’hui : "[Un] ballet et [une] romance terrienne / amour à la petite semaine."
"Aimer c’est rendre la réalité plus belle", proclame Jamez Z : validé !
Je vous avais parlé il y a quelques semaines de Maya Kamaty et de maloya, cette musique créole venue de La Réunion. Dans Tatoo Toota, Marjolaine Karlin vient puiser elle aussi dans cette culture, mais d’abord en français, pour un album coloré. Délicieux, délicat et sensuel cet opus l’est, mais aussi riche de folies poétiques mais aussi de noirceurs : "Tombe tombe la pluie / (Tu t’en vas) / Tombe tombe sur l’incendie / (Tu t’en vas) / Qui consume ma chair / Qui consume mes nerfs . Et je vois se polliniser / Les petits bouts carbonisés / De mon âme perdue devant sa dispersion / Aux quatre vents" (Tatoo).
Tatoo Toota se pare d’une facture légère, portée par une orchestration à la fois rythmée et colorée. Chez Marjolaine Karlin, la rupture est, par exemple, traitée avec un mélange de légèreté et de mélancolie : Comment rompre parle de séparation, des luttes conjugales, des silences cruels, des batailles autour des enfants, des incompréhensions et des propos inavouables sur un rythme lancinant : "Comment rompre un silence / Dur comme un lac gelé / Sans que cette ouverture / N’inonde le plancher."
Avec Madame la chanson, la musicienne aborde un sujet classique dans le répertoire français : la chanson, justement, dans une conversation avec cet art "mineur" adoré : "Ma mère / Ma sœur / Ma déraison / Mon cœur / Ou bien juste mademoiselle." Marjolaine Karlin revient donc à ses premiers amours, après une parenthèse assumée pour, sans doute, l’une des meilleures raisons qui soit : "Madame la chanson si je t’ai laissée infidèle / C’est la faute au petit garçon que m’a donné la vie réelle."
En duo avec Camélia Jordana
Avec Boat Train, Jaipour et Jewish Cemetery, la co-fondatrice du groupe Wati Watia Zorèy Band (sélection FIP en 2016, après une carrière au sein de Moriarty) propose des titres anglo-saxons sombres et lancinantes. Elle se fait naturaliste avec Boat Train, voyage dépaysant dans des contrées indiennes, voyage qui fait sens pour une artiste bourlingueuse qui a choisi d’inscrire son opus sous le signe du maloya réunionnais. Avec Jewish Cementery, la musicienne puise par contre dans le yiddish pour proposer un titre où se mêlent mélancolie, joie contenue, douceur sensuelle et tristesse que l’on tente de déguiser, un titre auquel vient faire écho In Geto, un a capella court et à la voix sensuelle.
Marjolaine Karlin se fait fiévreuse et terrorisée dans le récit d’un drame vécu par un enfant en proie à la violence, "au mauvais endroit, au mauvais moment" : "Au feu maman j’ai froid / Mon sang se glace et bouillonne à la fois/ Au fou maman je crois / Que tout s’écroule autour de moi." Ce récit de peur, de mort et de violence vient en contrepoint d’un album lumineux dans son ensemble.
Avec La vérité, sans doute le meilleur titre de l’album, Marjolaine Karlin, en duo avec Camélia Jordana, propose une chanson tout en finesse et en images sur cette vérité bien cachée, adorée mais souvent tenue précautionneusement à l’écart : "Comme un vieux collier / Comme un vieux parfum / Le nom de famille / D’un aïeul lointain / Je n’ai jamais porté / La vérité / Ce n’est qu’un drap sale / Un mouchoir qui a vécu / Une veste râpée / Un sac qui ne ferme Plus / Tous ces trucs insortables / Que j’aime et que j’adore / Que je garde au grenier / Qui sont mon réconfort / Mais qui devant les gens /Même cachée m’incommode / Comme s’ils étaient honteux / Ou juste passés de mode." Aurions-nous peur de cette vérité, se demandent les deux chanteuses ? "Et si j’ai l’air de la vêtir un matin d’abandon / Ne m’en faites surtout pas compliment / Peut-être qu’elle est belle et peut-être que je mens."
Tatoo Toota se termine par un voyage au cœur de l’océan indien, sur un rythme et des sonorités mêlant rockabilly, électro et maloya : un vrai voyage intérieur se terminant en musique, en danse, en couleurs et en flux marins.