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L'entraîneur et le philosophe
Fascinant et déstabilisant Leonardo Jardim : c’est lui que le journal Le Monde choisit de portraitiser ce week-end dans ses pages Sports.
Arrivé comme entraîneur de l’AS Monaco en juin 2014, Jardim doit, à l'époque gérer une période compliquée pour une équipe de football que certains voyaient jusqu'alors comme un concurrent sérieux du PSG. Las, le club de la Principauté de Monaco est contraint de se serrer la ceinture sous peine d’être taclé par l’UEFA dans son programme de "fair play financier". Voilà donc Leonardo Jardim, successeur de l’emblématique Claudio Ranieri, obligé de gérer la nouvelle politique sportive de son club. Et on ne donne pas cher à l’époque de ce coach, ancien entraîneur à l’Olympiakos Le Pirée et au Sporting Lisbonne pour ses principaux faits d’arme.
L’ambitieux projet de son Président, le milliardaire russe Dimitri Rybolovlev reposaient sur des joueurs clés, James Rodriguez Radamel Falcao en premier lieu, dont le club est obligé de se séparer. Jardim gère cette période de vaches maigres avec un aplomb et un savoir-faire étonnants. Grâce à une pépinière de jeunes joueurs talentueux (Anthony Martial, Djibril Sidibé ou Kylian Mbappé), l’obsession de la stabilité et surtout le travail sur le terrain, celui qui était surtout connu pour son accent français à couper au couteau - souvent, du reste, égratigné par Le Petit Journal - finit par ne plus faire rire personne.
Son succès inespéré contre Arsenal en Ligue des Champions en février 2015 fait grincer quelques dents. Au début de la saison 2016-2017, le club du Rocher prend de l’assurance, parvient à battre le grandissime favori, le PSG, et se hisse à une troisième marche méritée du podium. En Ligue des Champions, le club de Jardim joue crânement sa chance au point d’être premier de son groupe devant Tottenham que le club retrouvera cette semaine.
Rémi Dupré est l’auteur dans Le Monde de ce portrait attachant d’un entraîneur atypique. Modeste, déterminé, empathique avec ses joueurs et concepteur d’une "méthode écologique" : "Tu peux tuer tout le système de ton équipe avec trop de travail physique. C’est la même chose si tu veux changer le biotype d’un joueur de qualité… C’est comme si tu voulais changer le PH d’une rivière." Et le journaliste de s’arrêter sur celui qui demeure l’influence de l’entraîneur de football : le philosophe Edgar Morin. Dans l’intelligence du jeu et du coaching, nul doute que Leonardo Jardim a placé la barre très haut. Mardi, Tottenham pourrait bien faire les frais d’un entraîneur portugais longtemps moqué et d’un philosophe de 95 ans.
Rémi Dupré, "Le football selon Jardim", Le Monde, 19 novembre 2016