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luc loiseaux

  • Rimbaud, le vrAI du faux

    Qui était vraiment Rimbaud ? Que reste-t-il de lui ? Quelques (vraies) photos, une correspondance et surtout une œuvre brève (Une saison en enfer et Les Illuminations, sans compter de nombreux poèmes en vrac). Pour autant, son importance et son influence sur la littérature est exceptionnelle. Précurseur de la poésie moderne, Arthur Rimbaud a produit une œuvre révolutionnaire avant ses 20 ans. Il abandonne définitivement la poésie en 1875, jusqu’à son décès en 1891 à l’âge de 37 ans.

    C’est sur les années 1870-1875 que se concentre la biographie de Luc Loiseaux, Rimbaud est vivant (éd. Gallimard), c’est-à-dire de son premier séjour à Paris – qui se termine en prison – jusqu’au décès de Vitalie, la jeune sœur de Rimbaud. Ce deuil marque aussi la fin de sa carrière littéraire.

    Cinq années dans une vie. C’est peu et suffisant pour parler de l’œuvre de Rimbaud. L’auteur consacre cependant une préface pour évoquer les années d’enfance d’un garçon vivant pauvrement à Charleville-Mézières, surdoué à l’école et se distinguant en latin et en rhétorique, sans compter ses talents en poésie qui impressionnent un de ses professeurs, Georges Izambard. Rimbaud veut devenir journaliste et poète. Mieux, il veut y apporter un souffle nouveau. Ce ne sera pas sans mal. 

    Le lecteur sera effaré de découvrir un Rimbaud déjà globe-trotteur, alors qu’il n’est même pas majeur : l’Ardennais ne se contente pas de chercher l’aventure et la réussite à Paris où il n’a, au départ, aucun contact personnel. Ses pas le mènent de la Belgique à Londres, en passant par Stuttgart ou Milan, avec toujours un pied de chute chez sa famille à Charleville-Mézières. Sa mère, femme dure et exigeante, se montrera à plusieurs reprises bienveillante pour son fils volontiers frondeur – et le mot est faible.

    En réalité, Luc Loiseaux ne ménage pas le poète dont il admire l’œuvre. L’histoire d’amour entre Rimbaud et Verlaine est connue et elle fait l’objet ici de nombreuses pages. Ce que l’on sait moins c’est à quel point le tout jeune homme fait tourner la tête du poète, de dix ans son aîné. Le lecteur découvre un Rimbaud insupportable, tapageur, bagarreur, insultant, un "monstre" qui obsède l’auteur des Fêtes galantes. À l’époque, Paul Verlaine est marié. L’histoire d’amour (un "drôle de ménage") entre les deux hommes est triste et moche. Rimbaud a une forte influence sur son amant et le pousse à délaisser sa femme, tout en le soudoyant à plusieurs reprises afin de profiter des pécules du ménage.

    Luc Loiseaux ne ménage pas le poète dont il admire l’œuvre

    Peut-on parler de Rimbaud comme d’un pervers narcissique ? Impossible de se prononcer définitivement mais beaucoup d'éléments le laissent à croire. En tout cas, Verlaine, tout en admirant le génie de son ami (c’est à lui que l’on doit la premier publication des Illuminations en 1886) perd pied à plusieurs reprises. Il le suit dans sa soûlographie – à l’absinthe notamment – et part même du jour au lendemain le suivre en Belgique alors qu’il allait acheter des médicaments pour sa femme souffrante. Nous sommes en juillet 1872. Il finit par complètement vriller un an plus tard, à Bruxelles, en tirant sur Rimbaud. Le jeune homme s’en sort avec une vilaine blessure, Verlaine écope d'une peine de prison d’un peu plus de deux ans. Le coup de revolver marque la fin d’une relation tumultueuse entre les deux poètes mais aussi le début de la légende. 

    Luc Loiseaux enrichit son essai de poèmes mais aussi d’extraits de correspondance. L’œuvre de Rimbaud éclaire certains passages de son existence et ce n’est pas le moindre intérêt de l’ouvrage. Le Rimbaud visionnaire et parfois obscur devient un jeune homme torturé, par exemple lorsqu’il parle d’une histoire de cœur déçue dans Les Déserts de l’amour. Citons aussi cette jeune fille de notables de Charleville-Mézières qui a rejeté le jeune poète ou encore cette "fille aux yeux violets qui l’a suivi dans [une] fugue" ("O l’Oméga, rayon violet de Ses yeux", écrit-il pour une personne qui l'a longtemps obsédé. Le célèbre "Je est un autre" pourrait tout aussi bien être, pour l’auteur, autant une interrogation sur son identité et son homosexualité qu’un rappel d’un épisode traumatisant durant la Commune de Paris. C’est un Rimbaud sans fard qui nous est dévoilé, un poète hypersensible, insupportable, génial, odieux, précurseur et égoïste.

    Pour le rendre plus actuel, Luc Loiseaux a choisi les nouvelles technologies. Une première photo – celle de la couverture – a fait le buzz en 2023 sur les réseaux sociaux. On y voyait un jeune homme déambulant dans les rues de Paris, un soir pluvieux. Le cliché est net – sans doute trop ! – et beaucoup d’internautes ont cru à la découverte d’une photo inédite. Luc Loiseaux, artiste aux multiples talents – écrivain, musicien, graphiste, photographe, conférencier –, a poursuivi sur cette voie en proposant de fausses photos vieillies pour illustrer les chapitres de cette biographie. Gageons que les éditions Gallimard ont d’abord été sensibles à cette utilisation – certes critiquable – de l’IA. En réalité, ne nous trompons pas : le vrai apport de ce livre réside dans les cinq années capitales d’Arthur Rimbaud grâce au passionnant texte de Luc Loiseaux.   

    Luc Loiseaux, Rimbaud est vivant, éd. Gallimard, 2024, 272 p.
    https://www.facebook.com/luc.santiago 
    https://www.gallimard.fr/catalogue/rimbaud-est-vivant/9782073081759 

    Voir aussi : "À fleur de Poe"
    "Rimbaud, sors de ce corps"
    "C’est le plus dandy des albums"
    "Sonnets pour ce siècle"

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  • Sonnets pour ce siècle

    Lisez ceci : "Ce soir ma bien-aimée, nous dormirons sous l’eau / Où l’on rêve plus haut près des algues avides / Leur lit céleste et doux ne remuera pas trop / Et tu seras bercée par leurs mains impavides". Baudelaire ? Verlaine ? Musset ? Vous n’y êtes pas du tout. Ce texte est tiré du recueil de Luc Loiseaux, Dans l'Ivresse des Brumes (éd. Unicité).

    60 poèmes en vers, dont la majorité en alexandrin, composent ce livre singulier et magnifique. Il est préfacé par Jean Hautepierre dont le combat artistique porte sur la mise en valeur de la versification classique dans la littérature contemporaine. Luc Loiseaux s’inscrit parfaitement dans ce courant qui refuse de tourner le dos au passé et aux grands auteurs classiques.

    Bla Bla Blog avait déjà salué le travail de Luc Loiseaux, MoonCCat – hommage sans nul doute à Moondog, musicien maudit mais néanmoins capital dans l’histoire de la musique. Musicien, auteur, conférencier et véritable dandy fin de siècle, Luc Loiseaux reste fidèle à ses valeurs et entend les sublimer dans son recueil Dans l'Ivresse des Brumes où son amour pour ses brillants aînés, que ce soit Verlaine, Baudelaire ou Rimbaud, éclate. 

    Luc Loiseaux montre que versification classique, alexandrins et sonnets peuvent retrouver toute leur place dans la littérature du XXIe siècle

    Le livre se pare d’un noir gothique rehaussé d’éclats lumineux d’opales et d’émeraude, la couleur de l’absinthe ("J’entends encor’ ce soir la triste mélodie / De l’idole invaincue au large front d’airain / Dans son baiser d’amour respire encore l’envie / De presser mon vieux cœur sur l’hiver de son sein"). Plusieurs poèmes sont consacrés à cette boisson mythique et maudite à laquelle il a consacré une partie de sa vie professionnelle ("La fée verte", "Gouttes brûlantes", "Célestes amers").

    Nous parlions de Rimbaud. L’auteur en fait le fil rouge du recueil à travers des photos inédites de sa composition. La patte de l’auteur du Bateau ivre est perceptible dans plusieurs textes, à l’instar du Miroir des noyés" ou du "Soir" ("Quand la nuit vient ici, on entend une absence / Neiger en fine pluie / Dans la forêt obscure… Un peu comme l’enfance / Depuis longtemps enfuie"). Dans "La Paresse", derrière lequel on reconnaîtra le magnifique et fulgurant classique de Baudelaire "Bien loin d’ici". Luc Loiseaux s’abandonne dans la contemplation : "L’indolente somnole en ses voiles de tulle / Dans un geste indolent / Elle trace dans l’air le contour d’une bulle… / Comme un enchantement".

    Lyrisme, romantisme et mysticisme baignent ce recueil où Luc Loiseaux montre que versification classique, alexandrins et sonnets peuvent retrouver toute leur place dans la littérature du XXIe siècle, une période qui a droit aux jugements acerbes de l’auteur : "Ce monde-ci n’est pas ma foi / Que gueuserie et que misère".  Sa réponse ? La beauté, mise en vers. Il fallait bien cela.

    Luc Loiseaux, Dans l'Ivresse des Brumes, éd. Unicité, 2024, 104 p.
    Préfacé par Jean Hautepierre
    https://www.facebook.com/luc.santiago
    https://www.editions-unicite.fr

    Voir aussi : "À fleur de Poe"
    "Rimbaud, sors de ce corps"
    "C’est le plus dandy des albums"

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  • À fleur de Poe

    Luc Loiseaux, il en a déjà été question sur Bla Bla Blog. Musicien, auteur, compositeur, chanteur, photographe, conférencier, il est aujourd’hui homme de lettres avec son premier livre, le recueil Le Poison et autres nouvelles.

    Si le terme de dandy s’applique à quelqu’un, c’est bien à Luc Loiseaux. Son univers est fortement influencé par les artistes de la fin du XIXe siècle, que ce soit Baudelaire, Verlaine, Edgar Allan Poe ou encore Oscar Wilde. De cet intérêt pour la décadence fin de siècle, Luc Loiseaux en a fait le leitmotiv de son recueil où la mort rôde, insidieuse et parée souvent des plus beaux atours.   

    "Les naufragés", la nouvelle qui ouvre le récit est une déambulation dans une ville dont le lecteur ne sait rien. Le narrateur décrit avec talent cette "nuit lamentable" où il traîne comme une âme en peine "de bars « canaille » en cabarets borgnes". Il y parle des hères croisés au gré des rencontres, "de pauvres égarés", "spectres du passé" et autres "anciennes gloires". Ce premier texte bref à la sombre mélancolie ouvre un recueil où ce sont des fantômes, des êtres inquiétants, voire la mort elle-même, qui intéressent l’auteur.

    La nouvelle qui donne son nom au livre donne la parole à Isis, quelques heures après un assassinat d’autant plus pervers qu’il a été imaginé par elle et sa victime comme un jeu sous forme d, le double suicide raté... Isis se félicite d’avoir joué ce sale tour à la personne qu’elle a à la fois le plus aimée ("Tu es mort de m’avoir trop aimée") et le plus haïe ("Je n’aurais jamais osé te dire combien j’avais envie de rire"). Contre toute attente l’éternelle victime a ainsi pris sa revanche, comme le dit avec ironie : "C’est une femme, une faible femme, elle ne me tuera pas. Quand donc cesserons-nous ces enfantillages ?" C’est non sans délectation, ni surprise, que le lecteur découvre cette histoire familiale de vengeance, dans laquelle l’influence d’Oscar Wilde est bien présente.

    La décadence comme un des beaux-arts

    Un autre auteur imprime sa marque dans l’ouvrage de Luc Loiseaux : Edgar Allan Poe. A l'instar de l'auteur américain, avec "Le chat pétrifié", nous voilà cette fois dans un univers fantastique fait de mystères, de magies, de sorciers d’un autre âge, de phénomènes inexpliqués et de sorts funestes. "Le double" pourrait lui aussi sortir d’un recueil des Histoires extraordinaires.

    La mort est plus que présente dans Le Poison et autres nouvelles : elle est personnifiée et se joue du rationnel et de l’évidence. Ainsi, dans "Ange", lorsque Claire voit Paul, son amour éconduit tambouriner à la porte de sa chambre, elle ne peut soupçonner que c’est un étrange voisin qui va donner une issue à une relation pour le moins compliquée. Dans "Julia", c’est dans un cimetière que le narrateur, un certain Honoré Moustache, romancier de son état, va chercher à la fois l’inspiration mais aussi l’amour.

    La nouvelle qui vient clore le recueil, "À trois sur la banquette arrière" – dont on peut saluer le titre – fait le choix plutôt rare de personnifier la grande faucheuse, à travers l’enquête menée par une journaliste aussi curieuse que naïve. Mal lui en prend : "Quand à toi ma belle Isabelle, j’avais très envie de te faire connaître les mystères, tous les mystères assurément, jusqu’à celui de la mort !"

    Pour illustrer son livre mêlant finesse d’écriture, romantisme noir et efficacité, Luc Loiseaux a fait le choix d'ajouter des calligrammes de sa composition. Ce sont autant de ponctuations visuelles et poétiques qu’Apollinaire n’aurait pas reniées.

    L’auteur ne fait pas mystère que le noir lui va très bien. En donnant à la mort le premier rôle dans ses nouvelles, il entend bien montrer que la décadence peut être un des beaux-arts.

    Luc Loiseaux, Le Poison et autres nouvelles, LSR, 2022, 154 p.
    https://moonccat.weebly.com
    https://www.facebook.com/Moonccat
    https://www.facebook.com/luc.santiago
    https://www.amazon.fr/Poison-autres-nouvelles-Luc-Loiseaux/dp/2958138208

    Voir aussi : "Rimbaud, sors de ce corps"
    "MoonCCat a une autre corde à sa guitare"
    "L’âme de fond"
    "C’est le plus dandy des albums"

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