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monstres

  • Où sont les monstres ?

    En 2018, le premier tome de Moi, ce que j’aime c’est les monstres (éd. Monsieur Toussaint Louverture), d'une presque inconnue, Emil Ferris, faisait une entrée fracassante dans la bande dessinée. "Chef d’œuvre", "Une des plus grandes artistes de notre temps". Un choc culturel aussi remarquable que le dessein de la créatrice elle-même.

    Dessinatrice installée, Emil Ferris voit sa vie chavirer en 2002, à l’âge de 40 ans, lorsqu’elle se fait piquer par un moustique pour ne reprendre ses esprits que trois semaines plus tard. Victime du Syndrome du Nil Occidental dans sa forme la plus grave, les médecins estiment qu’elle ne pourra plus marcher ni tenir un crayon. Elle se bat pourtant, allant jusqu’à scotcher un stylo à sa main. Mieux, elle se lance dans un roman graphique dessiné au stylo à bille. Beaucoup d’éditeurs snobent cette œuvre incroyable, le premier volume de Moi, ce que j’aime c’est les monstres. À sa sortie, le succès est là, critique et public. Sept ans plus tard, en 2024, sort enfin le deuxième tome de cet opus hors-norme, dans tous les sens du terme.

    Sur les 800 pages de l’œuvre d’Emil Ferris, il est bien entendu question de monstres, narrés précisément par une monstre. Elle se nomme Karen Reyes et vit à Chicago à la fin des années 60 entre une mère aimante et à la forte personnalité et un frère dessinateur toujours abonné aux mauvais coups. Karen se réveille un matin en loup-garou, une nouvelle condition fort déplaisante et suscitant évidemment les moqueries de ses camarades et son exclusion. Lorsqu’un matin sa voisine Anka Silverberg est retrouvée morte d’un coup de pistolet, Karen se mue en détective privée. Elle découvre grâce à son enquête que les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

    Opus hors norme... Graphiquement, cette œuvre en deux tomes est une merveille

    Qui sont les monstres ? Voilà la question rythmant les deux tomes du roman graphique d’Emil Ferris – en attendant sans doute un troisième volume. Karen, attachante adolescente, bringuebalée entre une mère traditionnelle et Deeze, son frère aux mauvaises fréquentations  mais qui n’en est pas moins aimant pour sa jeune sœur.

    Dans cette bande dessinée (pardon, ce roman graphique), la narratrice alterne les époques et les intrigues, du Chicago de la fin des années 60, avec la Guerre du Vietnam et la contestation sociale en toile de fond, à l’Europe des années 30 et 40. Anka, l’étrange voisine, qui a aussi connu une courte relation avec Deeze, est à la fois le double de Karen et le fil conducteur d’un récit riche et baroque. S’y mêlent l’art, la violence, les secrets de famille et les monstres, qu’ils soient incompris, terribles, doux ou méchants. Emil Ferris suit le parcours d’Anka, fille abandonnée, tombée dans la prostitution dans le Berlin des années 30, jusqu’au fin fond de la monstruosité, dans un camp de la mort.

    Graphiquement, cette œuvre en deux tomes est une merveille. Pas une page ne ressemble à l’autre. Les inventions visuelles de l’auteure son innombrables, constatation d’autant plus remarquable que le premier tome a été écrit alors qu’Emil Ferris n’était pas à 100 % de ses capacités, loin s’en faut. Le deuxième tome suit la même veine. On sent la main de la dessinatrice plus assurée, ce qui ne l’empêche pas de faire montre d’autant de maestria que pour le premier volume. Une œuvre monstrueuse, à plus d’un titre, qu’il faut absolument avoir chez soi.      

    Emil Ferris, Moi, ce que j’aime c’est les monstres, 2 vol.,
    éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2018 et 2024, 416 p. par vol.

    https://www.monsieurtoussaintlouverture.com
    https://www.instagram.com/emilferris

    Voir aussi : "Tintin, retour aux sources"

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  • BlackBanshee ou la juste cruauté

    Étranges et cruelles que créatures que celles de BlackBanshee, aka Marga Biazzi.

    Dans le subtil et néanmoins sombre album Petites Ballades cruelles proposé en France aux éditions Shockdom, la dessinatrice italienne se fait conteuse d’histoires, au fil d’un recueil s’égrenant au fil des quatre saisons.  Dix histoires sont mises en scène, avec une économie de texte mais un luxe de détails et une grande finesse dans les dessins.

    Ces ballades cruelles placent la nature au cœur de ces fables. L’homme n’y a pas le plus beau rôle, sauf exception lorsqu’il secoure par exemple un animal blessé ("Gratitude"). S’inspirant de légendes ancestrales, Marga Biazzi anthropomorphise la nature. Des êtres merveilleux, des créatures inquiétantes ou de fragiles mais impitoyables fées ("Celle qui veille") entendent demander des contes à ces êtres humains malveillants, qu’ils soient chasseurs, braconniers ou simples mortels, pour qui un animal n’est qu’une chose sans âme destinée à être tuée et mangée ("La génisse blanche").

    Des êtres merveilleux, des créatures inquiétantes ou de fragiles mais impitoyables fées

    BlackBanshee entend faire de ces contes fantastiques autant de messages en faveur de l’écologie et contre la cruauté humaine. Pour servir son propos, elle n’hésite pas à faire couler le sang, transformer une simple enfant en monstre (la revisite du Petit Chaperon Rouge dans l’histoire "Fais attention à qui tu rencontres / Quand dans le bois tu te perds") ou une créature aquatique en maîtresse criminelle ("Folle solitude).

    Parmi ces dix contes, le lecteur sera sans doute séduit par la sixième ballade ("Eté »), "L’enfant dans le champ". Nous voilà cette fois transporté au Japon chez un vieil homme recueillant un enfant martyrisé. Pas de nature détruite ici, mais une enfance piétinée.

    Voilà de curieuses, cruelles et très justes petites ballades cruelles, à découvrir. 

    Marga "BlackBanshee" Biazzi, Petites Ballades cruelles, éd. Shockdom, 2022, 96 p.
    https://fr.shockdom.com/boutique/fusion/petites-ballades-cruelles
    https://www.margabiazzi.it

    Voir aussi : "L'art de Loputyn"

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  • L'art de Loputyn

    C’est à une découverte que je vous invite, celle d’une artiste italienne, à travers un passionnant et très bel artbook proposé par les éditions Shockdom.

    Derrière Loputyn se cache la dessinatrice italienne, Jessica Cioffi, aux aquarelles délicates dans la facture et aux représentations souvent cruelles. Après avoir publié en France ses albums Cotton Tales (le dernier chapitre de l’artbook y est consacré) et Francis, les éditions Shockdom proposent un somptueux artbook divisé en sept chapitres, idéal pour découvrir un aperçu de l’œuvre de Loputyn.

    Son univers est celui de princesses perdues dans des mondes où rôle le mal et la mort.  Ces jeunes filles rêveuses (le chapitre "Rêverie"), parfois perdues dans des paysages végétaux – ce pourrait être le parc d’un domaine anglais comme une nature sauvage, à l’instar de ces trois lilliputiennes en pleine promenade – semblent tout droit sortie d’un livre pour enfant de l’époque victorienne (le chapitre "Promenade dans la nature").

    Sauf que Loputyn, aka Jessica Cioffi, vit à Brescia dans la péninsule italienne et fait partie de ces jeunes artistes européennes prometteuses.

    L’artiste s’inspire de l’imagerie du XIXe siècle pour mieux détourner les codes des contes pour enfants

    L’artiste s’inspire de l’imagerie du XIXe siècle, visible jusque dans les costumes, pour mieux détourner les codes des contes pour enfants. Dans cet artbook, les monstres côtoient d’innocentes damoiselles d’une autre époque. Loputyn ose aussi l’érotisme. Que l’on pense au chapitre "Queue de coton", à cette interprétation sensuelle de Peau d’Âne ou encore à cette jeune fille à demie-nue pourfendue par une épée en même temps qu’un loup qu’elle étreignait – et/ou qu’il attaquait.

    L’amour fait, du reste, l’objet d’un chapitre. La peintre et graphiste italienne représente à l’aquarelle ces magnifiques jeunes filles dans des tableaux où la cruauté de l’amour est implacable : adolescente accrochée à un tableau de collectionneur telle une insecte, maîtresse empalée avec son loup d’amant (nous l’avons dit), un autre loup mangeant le corps-pelote de laine d’une jeune fille. Mais ces héroïnes peuvent aussi être les manipulatrices, à l’exemple de cette ensorceleuse sexy ou de cette autre jeune fille brossant avec amour le pelage d’un loup des plus dociles.  

    À l’instar des livres pour enfants, les animaux sont omniprésents : des loups, des lapins blancs, souvent victimes naïves et innocentes, un chien enragé ("Possession"), un escargot nonchalant, sans compter ces crânes de cervidés ponctuant les illustrations de l’artbook, comme autant de vanités.

    Loputyn fait partie de ces artistes italiennes à découvrir absolument. Son univers fait de rêveries entend aussi bousculer le lecteur. La technique de l’aquarelle, la finesse des traits et l’inspiration des vieux livres pour enfants viennent servir des messages sérieux et plus sombres et cruels qu’il n’y paraît.   

    Loputyn, Artbook, éd. Shockdom, 2022, 80 p.
    https://fr.shockdom.com
    https://stay-hop.com/collections/loputyn
    https://www.facebook.com/jessica.cioffi.14
    https://www.instagram.com/loputyn/?hl=fr

    Voir aussi : "Oh, les beaux jours"
    "Terribles filles rêveuses"

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