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  • À fleur de Poe

    Luc Loiseaux, il en a déjà été question sur Bla Bla Blog. Musicien, auteur, compositeur, chanteur, photographe, conférencier, il est aujourd’hui homme de lettres avec son premier livre, le recueil Le Poison et autres nouvelles.

    Si le terme de dandy s’applique à quelqu’un, c’est bien à Luc Loiseaux. Son univers est fortement influencé par les artistes de la fin du XIXe siècle, que ce soit Baudelaire, Verlaine, Edgar Allan Poe ou encore Oscar Wilde. De cet intérêt pour la décadence fin de siècle, Luc Loiseaux en a fait le leitmotiv de son recueil où la mort rôde, insidieuse et parée souvent des plus beaux atours.   

    "Les naufragés", la nouvelle qui ouvre le récit est une déambulation dans une ville dont le lecteur ne sait rien. Le narrateur décrit avec talent cette "nuit lamentable" où il traîne comme une âme en peine "de bars « canaille » en cabarets borgnes". Il y parle des hères croisés au gré des rencontres, "de pauvres égarés", "spectres du passé" et autres "anciennes gloires". Ce premier texte bref à la sombre mélancolie ouvre un recueil où ce sont des fantômes, des êtres inquiétants, voire la mort elle-même, qui intéressent l’auteur.

    La nouvelle qui donne son nom au livre donne la parole à Isis, quelques heures après un assassinat d’autant plus pervers qu’il a été imaginé par elle et sa victime comme un jeu sous forme d, le double suicide raté... Isis se félicite d’avoir joué ce sale tour à la personne qu’elle a à la fois le plus aimée ("Tu es mort de m’avoir trop aimée") et le plus haïe ("Je n’aurais jamais osé te dire combien j’avais envie de rire"). Contre toute attente l’éternelle victime a ainsi pris sa revanche, comme le dit avec ironie : "C’est une femme, une faible femme, elle ne me tuera pas. Quand donc cesserons-nous ces enfantillages ?" C’est non sans délectation, ni surprise, que le lecteur découvre cette histoire familiale de vengeance, dans laquelle l’influence d’Oscar Wilde est bien présente.

    La décadence comme un des beaux-arts

    Un autre auteur imprime sa marque dans l’ouvrage de Luc Loiseaux : Edgar Allan Poe. A l'instar de l'auteur américain, avec "Le chat pétrifié", nous voilà cette fois dans un univers fantastique fait de mystères, de magies, de sorciers d’un autre âge, de phénomènes inexpliqués et de sorts funestes. "Le double" pourrait lui aussi sortir d’un recueil des Histoires extraordinaires.

    La mort est plus que présente dans Le Poison et autres nouvelles : elle est personnifiée et se joue du rationnel et de l’évidence. Ainsi, dans "Ange", lorsque Claire voit Paul, son amour éconduit tambouriner à la porte de sa chambre, elle ne peut soupçonner que c’est un étrange voisin qui va donner une issue à une relation pour le moins compliquée. Dans "Julia", c’est dans un cimetière que le narrateur, un certain Honoré Moustache, romancier de son état, va chercher à la fois l’inspiration mais aussi l’amour.

    La nouvelle qui vient clore le recueil, "À trois sur la banquette arrière" – dont on peut saluer le titre – fait le choix plutôt rare de personnifier la grande faucheuse, à travers l’enquête menée par une journaliste aussi curieuse que naïve. Mal lui en prend : "Quand à toi ma belle Isabelle, j’avais très envie de te faire connaître les mystères, tous les mystères assurément, jusqu’à celui de la mort !"

    Pour illustrer son livre mêlant finesse d’écriture, romantisme noir et efficacité, Luc Loiseaux a fait le choix d'ajouter des calligrammes de sa composition. Ce sont autant de ponctuations visuelles et poétiques qu’Apollinaire n’aurait pas reniées.

    L’auteur ne fait pas mystère que le noir lui va très bien. En donnant à la mort le premier rôle dans ses nouvelles, il entend bien montrer que la décadence peut être un des beaux-arts.

    Luc Loiseaux, Le Poison et autres nouvelles, LSR, 2022, 154 p.
    https://moonccat.weebly.com
    https://www.facebook.com/Moonccat
    https://www.facebook.com/luc.santiago
    https://www.amazon.fr/Poison-autres-nouvelles-Luc-Loiseaux/dp/2958138208

    Voir aussi : "Rimbaud, sors de ce corps"
    "MoonCCat a une autre corde à sa guitare"
    "L’âme de fond"
    "C’est le plus dandy des albums"

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  • L’âme de fond

    On aime l’univers de MoonCCat, musicien, photographe et poète assumant à 200 % un dandysme qui se serait transporté en plein XXIe siècle. Un style fin de siècle donc, mêlant textes saturniens et musque pop-rock, à mi-chemin entre Jim Morrison (Shoot The Poet) et lo-fi nighties (Sanatorium Europa). L’artiste le dit à sa manière sur son site : "Musicien, photographe et écrivain, MoonCCat a été le premier voyageur temporel à essayer la machine à explorer le temps de H.G. Wells en 1895. Elle l'a conduit au XXIème siècle sans possibilité de retour."

    MoonCCat revient avec Forget Me Knot, album autoproduit, sombre mais traversé aussi de brillants éclats de lumière. Ce côté romantique noir, le chanteur l’assume avec un bel aplomb, en mettant en musique les vers de Gérard de Nerval (Vers dorés), de Baudelaire (Baudelaire 20 décembre 1855) et même... d’Alphonse Daudet (L’oiseau bleu). Disons aussi que les influences du chanteur sont à chercher autant du côté de Rimbaud ou Verlaine Edgar Alan Poe que de celui de Bram Stoker ou de Hermann Hesse.

    MoonCCat est également au texte dans des titres tout autant convaincants et acides : Le voyage ("Il ne faut pas regretter / Ce que la vie nous offre / Il ne faut pas penser que ce n’est pas assez… / Il ne faut pas espérer que les choses s’améliorent"), Le chat Haret, L’idole ou Ton souvenir.

    Comme s'il était catapulté dans notre époque, MoonCCat y apporte sa part de mystère, mêlant, dans un album résolument rock, mâtinée de pop eighties (Baudelaire 20 décembre 1855, L’idole), du mysticisme (Le chat Haret), du désespoir (Le voyage), de sensualité (Morganella Morganii qui "provoque des incendies"), de la poésie (Shoot the poet) et du gothique éclatant de lyrisme (Shadow, L’obscurité des nuits).

    "Le premier voyageur temporel à essayer la machine à explorer le temps de H.G. Wells"

    Dans cet album d’une belle cohérence figure un morceau énigmatique. Avec Sanatorium Europa, le plus dandy des chanteurs nous transporte dans l’Europe des années 20, sur la trace de Thomas Mann et d’Herman Hesse, lors de son séjour à Monte Verità. Explication de texte par MoonCCat lui-même : "Si les deux auteurs allemands sont peut-être familiers à certains, notamment Thomas Mann et sa Montagne Magique, Monte Verità ne doit pas dire grand chose à grand monde car il s'agit d'une expérience communautaire assez étrange et aujourd'hui oubliée qui a eu lieu au début du XXe siècle en Suisse… Six jeunes gens de bonne famille se sont effectivement lancés dans une aventure unique en son genre : quitter la société moderne dont ils étaient dégoûtés pour créer un nouveau mode de vie destiné à retourner au plus proche de la nature en construisant de toutes pièces un village autarcique auto suffisant qui réunira artistes, peintres, danseurs, chorégraphes, occultistes, anarchistes, bref, une population très éclectique, en recherche d'authenticité. Le village s'éleva à Monte Verità, "la montagne de la vérité", à Ascona en Suisse… C'est une utopie communautaire qui s'est construite et a perduré durant une vingtaine d'années. Elle a brassé de grands noms comme Hermann Hesse, Carl Jung ou Isadora Duncan, entre autre… Le titre raconte le séjour de Hermann Hesse dans ce lieu hors norme. Il ne raconte pas sa rencontre avec un prophète étrange qui à ce moment là, avait quitté la communauté pour vivre en ermite dans une grotte : l'étrange Gustö Gräser, qui fut pour lui une rencontre déterminante et a certainement joué un rôle dans ses romans initiatiques comme Demian et Le Loup des Steppes, avec qui Gräser avait certains traits en commun…"

    Sanatorium Europa est une vraie singularité dans un album à l’empreinte XIXe siècle, sombre, beau, érudit et douloureux : "J’ai dans mon cœur un oiseau bleu, / Une charmante créature, / Si mignonne que sa ceinture / N’a pas l’épaisseur d’un cheveu… / Et son bec fin comme une lame, / En continuant son chemin, / M’est entré jusqu’au fond de l’âme."

    MoonCCat, Forget Me Knot, autoproduit, 2020
    https://moonccat.bandcamp.com/album/forget-me-knot
    https://moonccat.weebly.com

    Voir aussi : "C’est le plus dandy des albums"

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  • MoonCCat a une autre corde à sa guitare

    Nous avions parlé de MoonCcat à travers sa musique et ses deux albums rock, dandy et gothique.

    C’est un autre talent que nous offre cet artiste, qui expose ses photos au Relais de la Côte Beauté, à Saint-Georges-de-Didonne, près de Royan (Charentes-Maritime).

    MoonCCat présente sa vision du beau et du bizarre à travers ses photographies en noir et blanc. Sombres, étranges et poétiques, elles font la part belle au clair-obscur, qu’il s’agisse de portraits, de paysages, de détails architecturaux ou de natures-mortes. Des vues crépusculaires de la Charente-Maritime sont également au programme d’une exposition aux thèmes variés, dont le maître mot est la quête de la Beauté. Une autre partie de l’exposition est dédiée à une sélection de tableaux à l’encre (Klecksographies) et à des poèmes accompagnant certaines photographies.

    Il reste encore quelques jours pour venir découvrir cet artiste que Bla Bla Blog suit avec le plus grand intérêt.

    Exposition de MoonCCat, Relais de la Côte de Beauté,
    136 Boulevard de la Côte de Beauté
    17110 Saint-Georges-de-Didonne
    du 13 mars au 25 mars à 18:30

    "Rimbaud, sors de ce corps"
    "C’est le plus dandy des albums"
    http://www.moonccat.com

  • Rimbaud, sors de ce corps

    MoonCCat serait sans doute la meilleure définition du musicien rock : dur, fragile et provocateur. Il avait été question de lui sur ce blog, à l’occasion de la sortie de son précédent album L'Absinthe, un vibrant hommage aux décadents du XIXe siècle que sont Charles Baudelaire, Oscar Wilde, Edgar Allan Poe ou Thomas Lovell Beddoes.

    Pour son dernier opus, sorti fin 2017, MoonCCat, sans doute le plus dandy des musiciens actuels, propose une lecture musicale, pop et rock, d’un autre poète maudit, Arthur Rimbaud. Bateau Ivre, c’est l’adaptation sombre, moderne - et lofi - de cinq textes classiques : Le Bateau Ivre, Le Dormeur du Val, Une Nuit d'Enfer, Première Soirée et Rêvé pour l'Hiver.

    MoonCCat fait oublier le Rimbaud académique enseigné dans les salles de classe. Il redevient cet artiste maudit, incompris et aux textes vibrants. Le Bateau Ivre est une ballade à la Noir Désir, sombre et désespérée et que l’on croirait enregistrée dans un caveau de Saint-Germain, sombre et enfumé : "Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes / Et les ressacs et les courants : je sais le soir, / L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, / Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !"

    Tragique et romanesque est le célébrissime Dormeur du Val, que MoonCCat interprète avec rage et sans tricher : "Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; / Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, / Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit."

    Le musicien slame le poème en prose Une Nuit en Enfer, adapté avec fidélité pour traduire le cri de désespoir du poète : "J’ai avalé une fameuse gorgée de poison. – Trois fois béni soit le conseil qui m’est arrivé ! – Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier."

    Artistes maudits

    Première Soirée séduit particulièrement pour le choix d’un magnifique et sombre chant d’amour. Accompagné de Delphine M., MoonCCat en propose une relecture rockabilly, non teintée d’humour noir : "Elle était fort déshabillée / Et de grands arbres indiscrets / Aux vitres jetaient leur feuillée / Malinement, tout près, tout près. / Assise sur ma grande chaise, / Mi-nue, elle joignait les mains. / Sur le plancher frissonnaient d'aise / Ses petits pieds si fins, si fins." Une vraie belle réussite. 

    Arthur Rimbaud sort de son image classique grâce enfin au dernier titre, Rêvé pour l’hiver : "L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose / Avec des coussins bleus. / Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose / Dans chaque coin moelleux."

    MoonCCat démontre encore une fois qu’il est un musicien à la fois rare et audacieux, dans la lignée de ces autres artistes maudits de la fin du XIXe et du début du XXe siècle – et récupérés depuis par l’académisme littéraire. Hommage à Rimbaud, Bateau Ivre est aussi une relecture gothique, élégante et inédite de joyaux poétiques. Des joyaux empoisonnés, "dangereux et sensationnels" comme le dit lui-même le musicien, et qui invitent à " l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !"

    MoonCCat, Bateau Ivre, 2017
    http://www.moonccat.com

    "C’est le plus dandy des albums"

  • C’est le plus dandy des albums

    Si L’Absinthe de MoonCCat, était sorti il y a plus de quinze ans, le bloggeur (et sans doute pas que lui) se serait fait une joie de le classifier parmi les œuvres "fin de siècle." Décadent, dandy, d’un romantisme noir : les qualificatifs ne manquent pas pour ce deuxième album d’un artiste atypique sur la scène musicale française, et qui a fait récemment la première partie d’un concert de La Femme à La Rochelle, le 26 janvier dernier.

    MoonCCat fait de l’absinthe, cette boisson verte alcoolisée mythique et polémique, le thème d’un album enivrant et puisant ses références dans la cohorte d’artistes dits "décadents" de la seconde moitié du XIXe siècle : Charles Baudelaire, Oscar Wilde, Edgar Allan Poe ou Thomas Lovell Beddoes.

    La "fée verte" a inspiré au poète et musicien des titres sombres, élégants, étranges et renvoyant l’auditeur à une certaine idée de l’artiste maudit.

    MoonCCat impose son univers avec une constance qui impose l’admiration. Les textes parlent d’ivresses, de visions gothiques ou d’amours noirs, à l’exemple de Poison, une adaptation d’un poème de Charles Baudelaire : "Tout cela ne vaut pas le poison qui découle / De tes yeux, de tes yeux verts, / Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers."

    MoonCCat instille ce je ne sais quoi de poison raffiné dans les onze titres de cet album pop-rock et lo-fi. Le style du chanteur n’est pas sans rappeler Bryan Ferry, donnant à L’Absinthe l’éclat d’un diamant noir. Enivrant comme la fée verte, vous disais-je.

    MoonCCat, L’Absinthe, Vert d’Absinthe, 2016
    www.moonccat.com