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orsay

  • Regarde de tous tes yeux, regarde

    Un chef d’œuvre par semaine pendant une année. C’est le pari que s’est donné un grand-père à sa petite fille pour lui faire découvrir quelques unes des créations les plus marquantes de l’histoire de l’art. Tel est l’objet du best-seller surprise de ce début d’année, Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser, paru chez Albin Michel.

    Le vieil homme y voit d’autant plus une urgence que l’enfant est atteinte d’un syndrome qui risque de lui faire perdre totalement la vue du jour au lendemain.  Aussi, entre chaque rendez-vous médical de l’enfant, Mona et Henry se retrouvent à arpenter des galeries afin que la jeune fille capte cette beauté du monde et qu’elle ne l’oublie jamais, même lorsqu’elle sera aveugle. Cela tombe bien : tous les deux vivent à Paris. Henry invite naturellement Mona à l'accompagner dans les musées du Louvre, d’Orsay et du Centre Pompidou.

    Pour chacune des 52 semaines, il choisit une œuvre, de manière chronologique, de Botticelli à Pierre Soulages, en passant par Léonard de Vinci, Nicolas Poussin, Manet ou Picasso. Le rendez-vous hebdomadaire devient un moments d’autant plus sacré que les parents de Mona ne sont pas au courant de ce secret.

    Un livre qui entend vulgariser les beaux-arts

    Complètement inconnu du grand public, l’écrivain et historien de l’art Thomas Schlesser s’est révélé grâce à Mona et à un livre qui entend vulgariser les beaux-arts. Son roman a déjà été traduit dans le monde entier et on ne serait pas surpris de le voir un jour adapté pour le cinéma ou la télévision.

    Malin, Thomas Schlesser part d’un drame familial – la maladie inéluctable d’une petite fille, mais il y a aussi les difficultés professionnelles de son père – pour imaginer un voyage dans quelques unes des plus belles galeries de musée. La construction est simple : après un prologue, chaque chapitre s’intéresse à un tableau, une sculpture, voire une performance (Louise Bourgeois, Marina Abramovic).

    Pour chaque œuvre, l’auteur fait un descriptif factuel, avant de laisser les deux personnages, Henry et sa petite-fille, échanger. Au fur et à mesure des jours et des semaines, Mona parvient à acquérir une finesse d’analyse qui laisse le vieil homme interloqué. Le roman se termine par un épilogue qui vient donner une fin étonnante à cette année pas tout à fait comme les autres. Et pour un roman bienvenu et tout aussi singulier. 

    Thomas Schlesser, Les Yeux de Mona, éd. Albin Michel, 2024, 496 p.
    https://www.albin-michel.fr/les-yeux-de-mona-9782226487162

    Voir aussi : "Poésie feel good"
    "Génie vidi vici"

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  • Deborah de Robertis l’ouvre

    © Deborah De Robertis & Jean Paul Lubliner

    Ça s’est passé au Louvre le 15 avril 2017. Deborah de Robertis, artiste franco-luxembourgeoise féministe, engagée et aux performances sulfureuses, pose dénudée au milieu d’un parterre de touristes venus mitrailler et filmer La Joconde. Devant ce public médusé et vite acquis à sa cause, Deborah de Robertis expose son sexe, comme elle l’avait d’ailleurs fait au Musée d’Orsay en 2014 devant le tableau L’Origine du Monde de Gustave Courbet. La scène, brève et violente, est interrompue par les gardiens du musée et par l’auguste établissement qui choisit d’évacuer le public.

    Le 29 septembre dernier, Deborah de Robertis présentait au Silencio, le sélect club imaginé par David Lynch, son œuvre audiovisuelle, Ma Chatte mon ©. Ce film réalisé autour de sa performance d’avril "utilise les codes du rap US" et a été réalisé en "featuring" avec la rappeuse Mac Manu et le rappeur Yaway. À l’occasion de cette diffusion, un débat était organisé dans une salle pleine à craquer. Il réunissait Deborah de Robertis, son avocate Marie Dosé, la directrice du Centre culturel de Neimënster Ainoha Achotegui et la philosophe et féministe Geneviève Fraisse venus commenter cette performance.

    Vulgaire délit d’exhibition sexuelle – qui a d’ailleurs conduit l’artiste en garde à vue après une nouvelle "exposition" le 24 septembre, toujours au Louvre ? Acte de revendication d’une féministe s’érigeant en modèle d’émancipation appelant aux "les prémices d’une nouvelle ère" ? Simple buzz médiatique ? Ou bien authentique démarche créative devant le plus célèbre tableau du monde, devenu si iconique que les visiteurs du Louvre ne le regardent même plus et se contentent de le photographier et le filmer ?

    "Tant qu'à "faire la pute", pourquoi ne pas vendre mes culottes ?"

    Deborah de Robertis ne serait-elle qu’une provocatrice, dont les actes se limiteraient à des délits d’exhibitions sexuelles ? Marie Dosé rappelait au cours du débat que jusqu’à récemment la justice n’a poursuivi que des hommes pour ce type d’agression, les femmes ne pouvant être que de fragiles victimes... L’avocate s’interrogeait parallèlement au sujet de la pudeur et de l’atteinte aux bonnes mœurs, lorsqu’il est question de dénuder une poitrine, comme chez les Femen : "Qu’est-ce qui dit qu’une poitrine masculine est plus sexuelle qu’une poitrine féminine ?"

    L’exhibition est partout dans notre société, était-il rappelé, y compris des exhibitions à visée commerciale et publicitaire. Est-il tenable que Deborah de Robertis soit sanctionnée pour un travail artistique ? L’artiste franco-luxembourgeoise a fait de son corps un instrument politique et de son sexe un medium – avec un copyright de bon aloi. Genevièvre Fraisse citait de son côté Michel Foucault : "Le sexe qui parle." Cette affirmation forte prend tout son sens s’agissant du travail de Deborah de Robertis : "Si j'ouvre mon sexe au lieu d'ouvrir ma bouche, c'est parce que c'est là où réside la transgression. En faisant ce geste, ce n'est pas mon sexe que j'expose, mais l'état du droit."

    Finalement, les performances des 15 avril et 24 septembre, ont permis à Mona Lisa de sortir du tableau de Léonard de Vinci et de s’incarner à travers une femme d’aujourd’hui. Le modèle venait ainsi prendre sa revanche sur le chef d’œuvre désincarné et Mona Lisa, la muse, prenait symboliquement sa revanche sur l’artiste. Une revanche déshabillée ? L’artiste et performeuse rappelle que La Joconde a probablement posé nue…

    Outre une suite judiciaire probable, Deborah de Robertis va continuer à asséner son message féministe à travers une campagne de crowdfunding où un objet phare est mis à l'honneur : les culottes d'artistes. "Lorsque j'ai exposé à la Fiac, j'ai eu l'impression de faire le tapin, alors tant qu'à "faire la pute", pourquoi ne pas vendre mes culottes ?" dit-elle. Provocatrice jusqu’au bout, en plus d’être drôle et douée.

    "Cachez ces seins"
    http://www.union.fr/actus/les-blablas-cul-ture/deborah-robertis-louvre-179285.html

  • Cachez ces seins

    Ce fait nous est rapporté par le Quotidien de l'Art du 19 janvier dernier et a pour protagoniste le Musée d'Orsay, une artiste contemporaine et un respectable grand maître de la peinture, Édouard Manet.

    L'auguste musée avait, dans un souci de populariser la peinture autant que de faire un peu de retape commerciale, proposé "d'emmener [les] enfants voir des gens tout nus". Ce n'est pas moi qui le dit mais une publicité pour l'exposition "Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910" (22 septembre 2015 au 17 janvier 2016). Cette promesse a été tenue au-delà de toutes les attentes, au grand dam du musée parisien.  

    L'artiste luxembourgeoise Deborah de Robertis a profité de l'exposition temporaire sulfureuse pour réaliser une performance qui a affolé agents de surveillance des salles, responsables du musée et forces de l'ordre.

    Dans le but de "rendre compte de la violence symbolique qui entoure le corps des femmes... et de rendre visible aux yeux du grand public une mécanique de censure installée autour de la nudité féminine", nous dit Sarah Braun dans le magazine web FemmesDeborah de Robertis a choisi le samedi 16 janvier, de reproduire en live l'Olympia de Manet, en se déshabillant au milieu du public. L'objectif était également, nous apprend le Quotidien de l'Art, de filmer les réactions du public et de l'interpeller également sur la liberté de l'artiste et sur la question de la censure.

    La réponse des autorités et de l'institution culturelle a, en quelque sorte, répondu aux attentes de Deborah de Robertis puisque ce sont les forces de l'ordre qui ont mis fin à la performance de l'artiste – à la demande du musée organisateur. Celle-ci s'est élevée contre cette forme de censure et ce que son avocat qualifie de "pudibonderie judiciaire". 

    "Voir des gens nus", avait promis le prestigieux Musée d'Orsay. La promesse a été respectée au-delà de toutes les espérances, par la même artiste qui avait rendu chèvre le musée d'Orsay en exposant son sexe devant le tableau L'Origine du Monde de Courbet. C'était en 2014. L'artiste avait écopé à l'époque d'une condamnation pour exhibition sexuelle. Cette fois, Deborah de Robertis s'en tire avec un rappel à la loi. Jusqu'à la prochaine performance ? 

    "La performeuse Déborah de Robertis arrêtée samedi au musée d’Orsay",
    Quotidien de l'Art, 19 janvier 2016

    Sarah Braun, "Déborah de Robertis arrêtée à Paris", in Femmes, 18 janvier 2016