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Arnaud Prochasson : "Emi, c’est potentiellement notre copine à tous"
Nous parlions il y a quelques jours du court-métrage d’Arnaud Prochasson, Emi. Le réalisateur a été récompensé lors du dernier VIFF (Varese International Film Festival). Il a bien voulu répondre à nos questions. Une interview confinée, bien entendu.
Bla Bla Blog – Bonjour Arnaud. Ton actualité du moment c’est un film, un court-métrage, Emi, pour lequel tu as obtenu le prix du meilleur réalisateur au Festival du Film International de Varèse. Félicitations à toi. Raconte-nous comment s’est passée cette manifestation. Cette récompense était-elle une surprise ?
Arnaud Prochasson – Bonjour et merci beaucoup. Le festival de Varese s’est adapté au Covid-19, comme beaucoup d’autres. Beaucoup ont été annulés, d’autres reportés, et certains comme Varese sont devenus online. Ils ont décidé de faire des sélections mensuelles avec une finale en fin d’année regroupant tous les gagnants des compétitions mensuelles. Emi a donc reçu son prix pour la sélection de mars. J’ai reçu un mail me confirmant ma sélection et trois jours après, j’ai été taggué sur Facebook par le festival. C’est comme ça que j’ai appris le prix. Autant te dire que je n’ai pas beaucoup d’anecdotes de festival à te raconter. À part que c’était totalement inattendu comme prix.
BBB –Emi est un court-métrage de moins de 4 minutes qui nous raconte l’histoire d’une séparation. Qu’as-tu voulu raconter dans ce film ? Et d’abord, sans nous spoiler, qui est cette Emi que l’on voit finalement très peu ?
AP – Le film tente de parler des choix que nous faisons. Ici, sans spoiler, on comprend très vite que Tom fuit sa future paternité. Il se prend le coup de flip qui doit toucher pas mal d’hommes dans cette situation. Ça parle du choix de partir, et du choix de revenir… ou pas. Emi, c’est donc potentiellement notre copine à tous. Ce qu’on sait d’elle, c’est qu’elle ne veut pas que Tom parte et tente de le faire revenir sur sa décision.
BBB –Peux-tu nous raconter l’histoire de ce film depuis le moment où tu en as eu l’idée ?
AP – C’est tout simplement un rêve que j’ai fait. Dans mon rêve, je me vois en train de m’embrouiller au téléphone avec ma copine. Je rentre dans cette ruelle, passe devant un bar ou plusieurs jeunes se moque d’un autre, plus frêle. Je suis bloqué au bout de la ruelle, la communication se coupe. Je fais demi-tour et je tombe au milieu de cette dispute entre jeunes. Le plus frêle s’enfuit vers le boulevard. Accident ! Arrivé sur place, je me rends compte que le jeune a disparu et que le mec par terre, c’était moi. Ça, c’est mon rêve ! Il y a pas mal de similitudes. Le reste, on l’a brodé autour pour accentuer la dramaturgie. On a réécrit avec mon chef op jusqu’à la veille du tournage au grand dam de ma première assistante et on a réécrit tous les dialogues une heure avant de tourner, au grand dam des comédiens.
BBB –Le tournage s’est tourné à Montargis où tu as tes attaches. C’était important d’y poser tes caméras ?
AP – Important oui et non. Ce qui était important c’était de pouvoir tourner dans des conditions logistiques confortables et de bénéficier d’un maximum de coups de main locaux ô combien vitaux. Bloquer une ruelle comme ça, de nuit, avec un carrefour fermé à la circulation, une destruction de voiture et des machines à fumée de partout, à Paris, m’aurait été tout bonnement refusé. Surtout sans prod derrière. À Montargis, ça a pris deux mails et deux coups de téléphone. L’avantage d’avoir grandi ici fait que je connais très bien les élus locaux. On a eu tout ce qu’on voulait niveau autorisations de tournages, rues bloquées et places de parking réservées. Je tiens à remercier Benoit Digeon, le Maire. Le député, Jean-Pierre Door nous a même prêté sa permanence pour servir de local maquillage, régie et costumes. Mes parents ont participé activement à l’hospitalité de l’équipe, ça aussi, c’est précieux. Et, grâce à Erick Serdinoff et son association des Prospecteurs du 7ème Art, nous avons pu tourner avec les jeunes pour les postes techniques (machine à fumée, éclairage, blocage de rue, etc.). Sans eux, ç’aurait été vraiment galère !
BBB – Et puis il y a le boulevard des Belles Manières. Pourquoi avoir choisi ce lieu ?
AP – Par pur pragmatisme. On avait une nuit de tournage. Déplacer une équipe prend du temps. Et là, on en manquait. Les Belles Manières avaient tout ce qu’on recherchait : un décor qui semble vraiment différent et loin de la ruelle, un environnement urbain mais sans voiture qui passent, et une proximité immédiate avec le local matériel et la ruelle Pinon. On a juste bloqué l’accès au parking la nuit et on avait réservé quelques places de parking pour donner de l’espace autour d’Emi.
"Le Covid-19 a pas mal chamboulé mes plans"
BBB – Peux-tu nous parler des personnes et notamment des acteurs qui t’ont accompagné dans ce projet.
AP – Ici aussi, c’est des habitués. C’est mon deuxième tournage avec Nicolas Buchoux (Tom), que vous avez pu voir dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? Il est très pointilleux. Au café, avant le tournage, j’ai du lui mimer avec les doigts les déplacements de caméra du plan séquence. Et presque chaque plan du film. C’est rare de rencontrer des comédiens aussi précis. Amélie Ressigeac (Emi), était avec moi au CLCF (Conservatoire Libre du Cinéma Français). Elle avait tourné dans mes deux premiers courts. Depuis elle s’est reconvertie et travaille désormais avec les enfants. On a profité de sa maternité toute récente pour l’écriture du personnage. C’est également la conjointe de Yann Tribolle (qui a travaillé entre autres avec Mathieu Kassovitz sur L’ordre et la Morale), mon chef op binôme depuis de nombreuses années. On faisait d’une pierre deux coups. Jérôme Godgrand, (Émilien) c’est mon troisième court métrage avec lui. Il tourne vraiment pas mal en ce moment. Tu l’as surement vu dans la dernière pub Ikea à la TV. Je suis amoureux de lui. Il a une façon tellement incroyable de donner de l’épaisseur à ses personnages. Il fourmille d’idées : c’est lui qui a proposé le couteau par exemple. Les peluches, c’est Rodrigue (un jeune des Prospecteurs) et Hassan (un pote réal du CLCF qui voulait donner un coup de main et assister au tournage). Vu que je suis lancé, je tiens aussi à mentionner Sarah Wagner (rédactrice à Canal+), ma coscénariste depuis l’école, qui est toujours d’une aide précieuse quant à la direction d’acteurs et à tous les petits détails que je ne vois pas forcément au milieu du chaos. Julie Gobiet (Golden Moustache), ma première assistante réal, est responsable de l’organisation aux petits oignons et de la fin de tournage presque dans les délais. Pierre Sweiker et Philippe Benoist, fidèles parmi les fidèles, au son. Philippe a même assuré la musique et le sound design, qui était super fun à faire. Le seul nouveau, Samuel Vergnaud, le maquilleur, a permis au plan séquence d’exister grâce à sa dextérité incroyable. Et bien sûr, tous les jeunes des Prospecteurs.
BBB – Être récompensé comme meilleur réalisateur c’est prouver que l’on a univers artistique qui est déjà là. Comment pourrais-tu définir le tien ? Et as-tu des figures du cinéma qui t’ont inspiré ?
AP – Ce que j’aime, c’est partir du réel, d’un ancrage social fort et progressivement glisser vers le genre. Là, c’est très court, très sensoriel. L’histoire est vraiment racontée par l’image, les couleurs, l’ambiance sonore... Le principe même d’Emi justifiait cette esthétique vaporeuse, évanescente... J’aime beaucoup le sensoriel c’est vrai. L’impact de l’image, du raccord, du hors champ, sur le spectateur. J’aime le mouvement, la fluidité, le défi technique, la puissance évocatrice de l’image. J’aime quand il se passe plein de trucs, partout, tout le temps, avec une narration en engrenage. Pour les figures de cinéma, je ne vais pas être très original : comme beaucoup de réals de ma génération, Spielberg, Tarantino, Fincher et Cameron ont abreuvé notre cinéphilie. Aujourd’hui, j’adore Denis Villeneuve, Nolan, Cuaròn et Del Toro. Des mecs qui parlent d’abord à nos sens en fait, qui pensent qu’une image vaut mille mots.
BBB – Quels sont tes projets pour cette année ? Des courts-métrages ? Un long-métrage en préparation peut-être ?
AP – Le Covid-19 a pas mal chamboulé mes plans. Avec Sarah, nous avons été sélectionnés pour la prestigieuse compétition Création du Festival des Scénaristes de Valence pour Crash, un projet de série de 8 x 52 que l’on mène depuis plusieurs années. Le Covid-19 a annulé le festival. J’essaye aussi de me faire produire Bonne Année, mon prochain court, beaucoup plus gros que celui-ci. Dedans, il y aura aussi une séquence de nuit dans une ruelle et un très long plan séquence. Emi est un peu la démo de Bonne Année. Et puis, Emi se balade un peu partout en festival. En trois mois, une douzaine de sélections sont confirmées. J’espère voir un peu de pays dans les prochains mois en festival et, pourquoi pas, il n’est pas interdit de rêver, rencontrer mon producteur de demain.
BBB – Pour terminer, en cette fin de confinement, comment s’est passé le tien ? Est-ce que tu l’as bien vécu ?
AP – Je suis confiné à Paris avec ma copine, podcasteuse. On a l’habitude de travailler de chez nous donc on n’est pas tellement chamboulé. Je t’avoue que ma créativité n’est pas au top en ce moment. C’est en partie dû à la déception de l’annulation de Valence. Avec Sarah, nous avons néanmoins finalisé le dossier de Crash, j’ai réécrit Bonne Année et je continue d’envoyer Emi, en festival. Sinon, pour la rubrique insectes : on a eu des punaises de lits, des souris et des fourmis. Nous avons donc eu un confinement très animé où la solitude n’a que peu régnée. Accessoirement, j’ai rattrapé un retard fou en matière de séries et de films. Je voulais lire des livres aussi… Ils sont encore sur l’étagère. Je devais finir ma bande démo. Je crois que je vais m’y remettre, tiens.
Merci, Arnaud.
Emi, court métrage d’Arnaud Prochasson, avec Nicolas Buchoux, Jérôme Godgrand, Amélie Ressigeac, Rodrigue Staub et Hassan Benali, France, 2010, 3 mn 39
https://www.facebook.com/arnaud.prochasson
https://vimeo.com/368991314/eab362577a
ITW "Arnaud Prochasson primé à Varese", La Gatinaise WebTV
Voir aussi : "Emi primé au Viff"
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