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Saluons l’initiative de La Poste qui choisit de rendre hommage à un très grand – et trop, discret – philosophe, Emmanuel Mounier. 2025 marque le 120e anniversaire de sa naissance. C’est l’occasion pour La Poste d’émettre un timbre à son effigie.
Emmanuel Mounier est né à Grenoble le 1er avril 1905 de parents modestes d’ascendance paysanne. Après des études de philosophie avec Jacques Chevalier, auteur notamment des Entretiens avec Bergson, Emmanuel Mounier poursuit à Paris sa préparation à l’agrégation de philosophie qu’il obtient en 1928, à l’âge de 23 ans.
La découverte de la pensée de Charles Péguy le conduit à renoncer à une carrière universitaire toute tracée et l’amène à fonder, avec quelques amis, la revue Esprit en 1932, revue internationale et laboratoire d’idées.
Exemplaire dans une existence marquée par ses convictions sur l’humanisme, le suivi de ses convictions et le sens aigu de son analyse du monde contemporain, il participe jusqu’à sa mort, le 22 mars 1950, à tous les engagements qui ont marqué la France et le continent européen : la dénonciation des accords de Munich, la défense de la République espagnole, la Résistance, la condamnation de l’oppression coloniale, la participation à la construction européenne.
Emmanuel Mounier méritait largement d’être honoré pour ses engagements
Timbre Emmanuel Mounier Portrait de René ICHÉ Impression : héliogravure Format du timbre : 30 x 40,85 mm Présentation : 15 timbres à la feuille Tirage : 702 000 exemplaires Valeur faciale : 1,39 € Lettre Verte Conception graphique timbre à date : Ségolène Carron Le timbre sera vendu en avant-première les vendredi 21 et samedi 22 mars à Grenoble, Bureau de Poste, le vendredi 21 mars de 10h à 12h et de 14h à 17h et le samedi de 9h à 11h, 12 rue de la république et à Paris, Le Carré d’Encre, de 10h à 19h, 13 bis rue des Mathurins (Oblitération jusqu’à 17h). https://www.laposte.fr/boutique https://www.lecarredencre.fr
Une chose est sûre. Mattieu Lavagna et Michel Onfray ne passerons pas leurs vacances ensemble, comme aurait dit un journaliste sportif. Depuis le temps que le philosophe Michel Onfray truste les plateaux télé et propose sa "bonne parole", il fallait bien que quelques voix discordantes vienne susciter la polémique. C’est le cas avec cette Libre réponse à Michel Onfray proposé par les éditions Artège.
Ce n’est pas un mais plusieurs ouvrages qui intéressent le philosophe et théologien Matthieu Lavagna : Traité d’Athéologie (2005), Décadence, Vie et Mort du Christianisme (2017) et Anima (2023). Le tort de Michel Onfray ? Affirmer que Jésus n’a jamais existé, ni plus ni moins, et que sa vie n’est jamais qu’un mythe. C’est la "thèse mythiste", très ancienne, pour ne pas dire datée. Dès la préface, Matthieu Lavagna cogne, et dur : "Ce qui frappe dans la théorie d’Onfray, condensé de clichés éculés et de raccourcis simplificateurs, s’appuyant sur une bibliographie périmée, vieille d’au moins un siècle, c’est la méconnaissance profonde de l’exégèse moderne". Voilà qui est dit. La conclusion n’est pas moins virulente : Michel Onfray, tout engagé qu’il est pour la laïcité et l’athéisme, "nemaîtrise absolument pas les sujets qu'il aborde".
Les pieds dans le tapis
L’essai est composée en deux parties, la première, de loin la plus convaincante, tire à boulet rouge sur un philosophe qui semble avoir pris certaines libertés avec l’historiographie. Reprenant point par point les sources et surtout les affirmations du philosophe hypermédiatisé, Matthieu Lavagna remet l’église au milieu du village ! Oui, Jésus a bien vécu en Palestine, il y près de deux mille ans, et l’on sait même assez précisément ses dates de décès et de mort, ce qui est plutôt rare pour un personnage de cette période. Mieux, il est l’un des rares personnages antiques aussi bien documenté, et pas seulement par les sources chrétiennes, plus orientées, il est vrai. Flavius Josèphe, Tacite, Suétone ou Pline le Jeune, qu’on ne peut pas taxer de franchement disciples de Jésus, le mentionnent.
De longs passages sont consacrés aux écrits du Nouveau Testament dont l’orientation n’empêchent pas le sérieux, avec plusieurs auteurs différents ayant écrit peu de temps après la mort de Jésus. Matthieu Lavagna s’appuie sur des auteurs spécialisés, parfois non-croyants, et sur des recherches scientifiques, à l’instar de fouilles archéologiques.
La deuxième partie du livre, tout aussi intéressante, quoique plus polémique, s’intéresse à l’Église catholique, en tant qu’institution. Michel Onfray l’avait couvert de toutes les opprobres (Inquisition, manipulation des opinions, génocide indien après la découverte des Amériques, antisémitisme, silence pendant la Shoah). Matthieu Lavagna répond point pour point à ces accusations.
Non, le christianisme n’est pas misogyne, non la sexualité chrétienne n’est pas "névrosée" ou non les millions d’Indiens morts après le XVe siècle n’ont pas été dû à une évangélisation violente de l’Église de l’époque. Une section est consacrée aux conciles et aux canons, un sujet où Michel Onfray, moins théologien que philosophe, semble s’être largement pris les pieds dans le tapis. On retiendra aussi et surtout de longues pages sur l’Église pendant la seconde guerre mondiale et la Shoah, un sujet toujours brûlant mais au sujet duquel Matthieu Lavagna semble avoir une opinion bien arrêtée.
Essai enlevé, passionnant et remettant les pendules à l’heure, cette Libre réponse à Michel Onfray risque bien, justement, ne pas rester sans réponse par l’intéressé lui-même. La parole est à l’accusé.
Lorsqu'un génie de la littérature parle d'un géant de la philosophie, cela donne forcément un livre hors norme. Ce petit essai est plus le portrait qu'une véritable biographie de Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900).
Stefan Zweig insiste sur la soif de liberté jusqu'à la folie de celui que l'on a caricaturé jusqu'à en faire un des inspirateurs du nazisme. En réalité, Nietzsche a rejeté son pays, sa famille et ses amis jusqu'à vivre dans une parfaite solitude. Un ermite toujours en mouvement, insatiable chercheur de vérité, conscient qu'avec sa mort s'éteignait un ancien monde.
Sa prédiction d'une grande guerre européenne rend d'autant plus son oeuvre intéressante.
Voici un petit livre parfait pour qui veut avoir une initiation de l’œuvre d'Arthur Schopenhauer.
Philippe Perrot parvient à nous faire comprendre les grands concepts philosophiques du penseur allemand : son pessimisme exacerbé (pour ne pas dire son dégoût) de l'homme, son rejet de la religion comme moyen de salut, son intérêt pour le corps et surtout le concept de la Volonté qu'il place au centre de la condition humaine.
Après lui, et en dépit des contradictions de ses théories (que l'auteur esquisse dans une seconde partie à la fois plus intéressante et/car engagée), Schopenhauer a ouvert un boulevard à des penseurs majeurs comme Nietzsche ou Freud. Philippe Perrot voit même dans Schopenhauer un précurseur de l'engouement occidental pour la sagesse orientale.
Après cette courte approche, il ne reste plus qu'à s'atteler au Monde comme Volonté et comme Représentation, l’œuvre phare de Schopenhauer. Mais ceci est une autre histoire...
Il ne s'agit pas du livre le plus connu d'Arthur Schopenhauer mais c'est un essai très abordable qui permet de comprendre quelques bases de la pensée de ce philosophe majeur.
Écrit en 1837, Essai sur le libre arbitre est en fait la contribution de Schopenhauer à un concours de la Société Royale de Norvège qui avait posé ce problème : "Le libre arbitre peut-il être démontré par le témoignage de la conscience de soi ?" Le philosophe allemand part de cette problématique pour mieux asseoir ses théories sur la liberté (elle n'existe que d'un point de vue moral) et le libre arbitre (c'est un leurre).
Daniel Halévy a été l'un des premiers lecteurs de Nietzsche. Dès sa mort en 1900, il a travaillé sur le philosophe allemand avant de consacrer une biographie qu'il n'a eu de cesse de remanier. Autant dire que cet ouvrage est une référence qui entend décortiquer l'œuvre du "philosophe au marteau".
Avec précision, érudition et non sans lyrisme, on plonge dans la vie de Nietzsche et des quelques personnes qui ont partagé son existence : sa sœur, sa mère, quelques femmes dont la jeune Lou Andréas-Salomé, Richard Wagner et ses plus fidèles disciples - car on ne peut nommer autrement les rares lecteurs qui ont suivi avec enthousiasme et parfois aveuglement un auteur difficile, peu édité, peu lu de son vivant et aux sautes d'humeur fréquents (Nietzsche mourra d'ailleurs fou alors que la gloire commence à venir).
Reste l'œuvre de Nietzsche au sujet duquel Daniel Halévy entend éclaircir les grandes lignes de sa pensée. Le pari reste impossible tant l'auteur de Par delà le Bien et le Mal a truffé son œuvre d'aphorismes obscurs et de fulgurances lyriques. Cependant, Halévy parvient à ressortir les éléments phares de ce philosophe incompris à son époque mais qui reste le penseur le plus influent depuis le début du XXème siècle : l'éternel retour, la destruction des idoles, la mort de Dieu, le sens de la morale et du bien et du mal ainsi que les références de Nietzsche. Le dernier intérêt de cet essai vient des ajouts à cette édition qui entend rejeter une fois pour tout l'influence qu'aurait eu Nietzsche, le philosophe solitaire et érudit, sur l'idéologie nazie. Une légende qui a la vie dure. Une bonne entrée en matière pour un essai exigeant.
Ses émissions, sobrement mais précisément intitulées "Une philosophie pratique", sont enregistrées en public, sauf bien sûr en période de confinement. Chaque jeudi à partir du 15 octobre, sur Spotify, le philosophe, traite de sujets qui entendent nous questionner sur des problématiques actuelles.
"Les derniers seront-ils les premiers ?", "Notre cerveau : allié ou ennemi ?", "Que faire de nos fantasmes ?" ou encore "La bêtise rend-elle méchant ?" : voici quelques-uns des sujets proposés, dont certains seraient dignes de figurer à une épreuve de bac de philo.
S’appuyant sur des exemples et des références culturelles, littéraires et bien sûr philosophiques, Charles Pépin déroule des pistes pour aller au-delà de ces interrogations et nous proposer d’y réfléchir. Le podcast intitulé "Les derniers seront-ils les premiers ?" prend ainsi pour point de départ une exhortation chrétienne, avant de proposer une réflexion sur l’échec, la réussite et finalement la compétition.
"Les derniers seront-ils les premiers ?"
Pour le numéro intitulé "Yoga, sexe, réunions : à quoi bon être pleinement présent ?", le philosophe s’arrête sur les notions de bien-être, de bonheur et de développement personnel à la télé, dans les magazines ou sur Instagram : l’injonction à la pleine présence est partout. Mais n’existe-t-il pas une autre façon d’être présent, qui laisse la place à la créativité, aux souvenirs ou la rêverie ?
Le public présent lors de ces émissions est invité à s’exprimer et à débattre en fin d’émission.
De plus, Charles Pépin propose en fin d’épisode des exercices pratiques aux auditeurs. Par exemple, à la fin du premier épisode qui interroge l’injonction contemporaine à la pleine présence, le philosophe propose à ses auditeurs de cuisiner leur plat préféré tout en écoutant leur album favori. Et leur pose une question : faire ces deux actions en même temps entrave-t-il le plaisir ou le décuple-t-il ?
"La philosophie c’est cela avant tout : une discipline actuelle, vivante, qui se partage dans la passion et sans jargon, qui permet de mieux se comprendre soi-même, de mieux comprendre les autres, de mieux comprendre le monde", commente Charles Pépin.
Une dernière questions pour terminer cette chronique, et qui fait l’objet d’un autre podcast ? "Couple, argent, nombre de likes : sait-on vraiment ce qu’on désire ?" Vous avez 1 heure 10. C’est d’ailleurs la durée de chaque émission.
Pour qui n’est pas familier de Schopenhauer, l’essai synthétique d’Ugo Batini est parfait pour découvrir le philosophe le plus lu au XIXe siècle. L’auteur du Monde comme Volonté et comme Représentation (1819), ouvrage majeur s’il en est, s’est pourtant fait connaître sur le tard. Il a 60 ans lorsqu’une revue anglaise s’intéresse à cet "iconoclaste dans la philosophie allemande." C’est le point de départ d’une notoriété qui ne s’arrêtera plus, jusqu’à son décès sept ans plus tard en 1860. Arthur Schopenhauer, "philosophe autant qu’artiste", a laissé l’image tenace et largement galvaudée d’un intellectuel aigri, pessimiste et vouant un mépris pour les hommes (il leur préfère largement ses chiens, dit-on).
Cette légende, Ugo Batini entend la démystifier grâce à son essai, mêlant la biographie et et l’essai de philosophie. Et l’on découvre un homme prenant chair, dans une époque troublée. Né à Dantzig l’année précédant la Révolution française, Arthur Schopenhauer vit dans une Europe abîmée par les guerres napoléoniennes. Issu d’une famille de la petite bourgeoisie allemande, le jeune homme sera toute sa vie hantée par un père qu’il a toujours vénéré et une mère intellectuelle, tenant un salon réputé. Elle sera aussi la célébrité de la famille grâce à des succès éditoriaux.
En suivant ses parents en voyage à Toulon puis à travers l’Allemagne, et en touchant au commerce et à la médecine, Arthur Schopenhauer bâtit peu à peu un système philosophique, inédit par ses influences comme par ses concepts : "[Il] développe une véritable Natur-philosophie, qui cherche à expliciter la totalité des phénomènes de la nature sans les réduire à la simple opposition de la matière et de l’esprit."
Ugo Batini parle des influences de philosophes et de courants de pensée : Platon, le scepticisme (Gottlob Ernst Schulze) et Kant, qu’il étudie avec passion, avant d’en critiquer les idées. Schopenhauer met en jeu la question de l’intuition et de l’expérience, contre l’idéalisme sous toutes ses formes (critique, subjectif ou absolu).
Une influence inattendue : celle du bouddhisme
En pleine guerre napoléonienne, Arthur Schopenhauer rencontre Goethe, qui salue en lui "un homme remarque et plein d’intérêt." Ensemble, ils travaillent sur un Traité des Couleurs, en 1810, qui marque à la fois une rupture entre ces deux génies et qui constitue aussi le ferment du Monde comme Volonté et comme Représentation : "Schopenhauer a besoin pour établir son système de rapatrier les couleurs dans l’œil alors que le tempérament réaliste de Goethe ne pouvait l’empêcher de les laisser aux mains de la nature."
Le lecteur trouvera dans cet essai biographique un chapitre passionnant sur une influence inattendue : celle du bouddhisme. Au début du XIXe siècle, les sciences orientales sont en pleine renaissance, et le philosophe allemand y trouve une puissante inspiration : "[Il] n’en retient spécifiquement que trois éléments : sa conception non-individuelle des âmes ou métempsychose (…), l’appréhension purement négative de la délivrance… [et] l’idée un peu réductrice d’une religion athée." La référence au brahmanisme est au cœur du Monde comme Volonté et comme Représentation.
Son essai majeur est publié en 1819, ne suscitant que peu de réactions, jusqu’à la parution de cet article anglais élogieux, trente ans plus tard. Ugo Batini consacre les cent dernières pages de son essai à expliquer la portée de son système de pensée. Le lecteur est pris par la main pour découvrir les concepts développés par le philosophe : la conscience meilleure ("un négatif de la conscience empirique"), la contemplation esthétique (car Schopenhauer peut être vu autant comme un philosophe que comme un artiste), l’irréalité du monde (cette "fragilité de la représentation"), l’"intrication intime du sujet et de l’objet" et la place centrale de la volonté. Ugo Batini avance pas à pas pour nous faire saisir les concepts novateurs - et parfois complexes - de Schopenhauer. "Ainsi, le monde entier nous apparaît bien comme une représentation, mais il se trouve qu’au sein de toutes nos représentations il en existe une singulière dont nous saisissons la face cachée : le corps."
"Quelle est la clef de l’énigme de l’essence du monde" ? Quel est le lien entre corps et volonté ? Peut-il y avoir une métaphysique de la nature ? Quid de l’art et de l’expérience esthétique ? Ce sont autant de questions qu’aborde ce Schopenhauer.
Hugo Batini réussit à faire du philosophe non plus ce vieillard acariâtre mais un homme sachant parler de la nature, de la compassion, de l’amour et des arts. Un Schopenhauer enfin révélé.