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  • À l’écoute de tes pièces, Clara...

    Mieux que jouer, Sophia Vaillant nous fait découvrir Clara Schumann dans une intégrale de son œuvre pour clavier (moins deux Scherzi que la musicienne avait déjà enregistrés en 2017) : polonaises, caprices, romances, variations, préludes et fugues. N’en jetez plus.

    Clara Schumann a été, pendant des années, indissociable de son mari Robert Schumann. Interprète, égérie, admiratrice, célébrité influente, la compositrice Clara Schumann, comme beaucoup de femmes artistes est pourtant tombée aux oubliettes en tant que compositrice. Depuis quelques années – et Bla Bla Blog s’en est fait régulièrement l’écho – les musicologues, spécialistes et interprètes permettent de découvrir et redécouvrir des femmes artistes ignorées, oubliées et souvent méprisées. Les choses changent et c'est heureux ! Clara Schumann a laissé une cinquantaine d’œuvres au total. On la considère maintenant à l’égal de ses contemporains – hommes –, à commencer par Franz Schubert, Robert Schumann ou Frédéric Chopin. 

    C’est du reste ce dernier nom qui vient tout de suite en tête à l’écoute des quatre Polonaises op. 1 qui ouvrent le triple album. À l’époque de leur écriture, Clara Schumann – ou plutôt Clara Wieck – n’a que… 10 ans ! Moins révolutionnaire que son homologue polonais, ces pièces séduisent par leur légèreté, leur gaieté et leur insouciance, servies par une Sophie Vaillant impeccable dans le rythme comme dans les couleurs données à ces éclatants morceaux, avec en particulier une dernière Polonaise en do majeure particulièrement espiègle. Le nom de Chopin revient encore dans les Valses romantiques op. 4 en do majeur. Après une introduction sombre, elles virevoltent et s’épanouissent. Il faut ici encore saluer Sophia Vaillant dans une interprétation tendue, sérieuse et nous entraînant dans un paysage musical aux nombreux recoins. Il semble que la pianiste et la compositrice nous prennent par la main.  

    Les Neuf Caprices en forme de valse op. 2 ont été composés plus tard, au début de l'adolescence de la musicienne. Nous sommes entre 1831 et 1832. Elle n’a que 12 ans mais quelle maîtrise, déjà ! Ces Caprices enlevés, élégants et aux lignes mélodiques élaborées ont été composées, nous dit le livret, pour les salons de la bonne bourgeoisie allemande. "La compositrice a voulu s’imposer avec brio dans cette société masculine". Mais aussi pour impressionner un certain Robert Schumann, de neuf ans son aîné, qui lui donne des cours de piano. On pense au dernier et court Caprice en ré bémol majeur, ressemblant à l’expression d’un émoi dissimulé.

    C’est à son futur mari qu’elle dédicace la Romance variée op. 5 en do majeur. Parfaite illustration du romantisme, Clara Wieck, future Schumann, semble assumer complètement ses sentiments pour celui qui va devenir son mari, au prix cependant d’un procès, plus tard, avec son propre père. En attendant, l’innocence, l’espièglerie et la joie d’être amoureuse rejaillissent dans cette romance incontournable. Sophie Vaillant affronte avec vaillance les nombreux pièges techniques de cette pièce alliant raffinement, simplicité et virtuosité.

    La déclaration amoureuse pour Robert Schumann est plus évidente encore dans la Romance des Quatre Pièces Caractéristiques. Cette dernière œuvre, op. 5, d’une incontestable modernité (L’Impromptu Le Sabot, très naturaliste ou l’étonnante Scène fantastique du Ballet des revenants, gothique avant l’heure), viennent conclure un premier CD revenant sur les premières années décidément prometteuses d’une future très grande de la musique classique. 

    On la considère maintenant à l’égal de ses contemporains – hommes –, Schubert, Chopin ou Robert Schumann

    C’est une Clara Schumann endiablée qui surgit du 2e CD grâce à la brillantissime Toccatina en la majeur de ses Soirées musicales op. 6. Elle se révèle en compositrice audacieuse et ambitieuse, tout en restant bien ancrée dans le Romantisme de son époque (Notturno en fa majeur). Pourtant, Clara future Schumann n’a que 16 ans. Ses sentiments pour Robert sont intacts et exprimés ici avec un mélange de passion, de langueur et de mélancolie (Mazurka en sol mineur). Restons dans ces Soirées musicales semblant organisées dans un de ces salons aristocratiques et bourgeois de 1836. Clara Schumann propose sa mélancolique Ballade en ré mineur avant une courte Mazurka en sol majeur et une Polonaise gracieuse aux belles lignes mélodiques, grâce à une Sophia Vaillant cavalant avec plaisir sur ces partitions exigeantes.  

    L’auditeur sera captivé par l’irrésistible Variation de concert op. 8 Sur la cavatine du Pirate de Bellini. La passion de la compositrice pour l’opéra italien est évident. Mieux, cette variation vaut à la jeune femme une reconnaissance officielle et publique. Le morceau est servi par une Sophia Vaillant incroyable de fraîcheur et de virtuosité pour cette pièce aussi complexe que lumineuse.

    Le 2e CD est complété par Trois Romances sans parole op. 11. On pourra retrouver dans la 2e Romance le thème initiale de la Sonate n°2 de Robert Schumann qui y verra un message, partagé à sa future compagne : "À l’écoute de ta Romance, j’ai entendu une nouvelle fois que nous devions devenir mari et femme." Message bien reçu.

    On avance dans le temps avec le 3e CD et ces Trois Pièces Fugitives op. 15 composées entre 1840 et 1844. Clara Schumann a un peu plus de vingt ans et voit sa vie sentimentale et maritale s’éclaircir après le procès gagné contre son père. Elle se montre ici d’une grande mélancolie (le Larghetto et l’Andante expressivo). Sophia Vaillant semble s’effacer derrière des partitions dans lesquelles pointe une grande tristesse, ne prenant toutefois jamais le dessus (Scherzo).

    Les Préludes et fugues op. 6 renvoient inévitablement à Bach et à son Clavier bien tempéré (Fugue en si bémol majeur). Les notes se déploient avec la même technicité (Fugue en ré mineur), densité (toutes durent moins de 2 minutes 50) et tonicité (Fugue en sol mineur). Il y a pourtant je ne sais quoi de moderne dans cette exploration de préludes et fugues écrites en plein XIXe siècle romantique (que l’on pense au Prélude en si bémol majeur ou celui en ré mineur).  

    La pièce la plus longue de ce 3e disque, mais aussi du coffret, sont ces somptueuses Variations sur un Thème de Robert Schumann op. 20. Écrites en 1843, elles sont une déclaration d’amour à Robert Schumann. L'idylle entre eux est toujours là, ancrée et solide comme un roc. Toutefois, le musicien voit sa santé décliner. La compositrice a-t-elle l’intuition à l’époque qu’il mourra trois ans plus tard ? Elle propose en tout cas autant une œuvre pleine de tristesse et de nostalgie qu'un tombeau funèbre et un hommage au grand artiste et complice qu’est son mari. Sophia Vaillant propose un enregistrement de ces Variations faisant répondre mélancolie et réconfort, force et désespoir. Il s’agit sans doute là d’une des pièces phares de cette importante compilation Clara Schumann.  

    Trois Romances op. 21 viennent clôturer ce coffret. Certes moins joueuses, elles restent élégantes, virtuoses et d’une folle modernité.

    Mieux que de nous faire découvrir – ou peut-être redécouvrir – Clara Schumann, Sophia Vaillant nous fait entrer dans son intimité et dans son cœur. Elle nous fait d’elle une amie. À l’écoute de ses pièces, nous sommes moins seuls.

    Clara Schumann, Un destin romantique, Sophia Vaillant (piano), 3 CD,
    Indésens Calliope Records, 2024

    https://indesenscalliope.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    http://www.sophiavaillant.com/bio.html
    https://www.facebook.com/sophiavaillant

    Voir aussi : "Nuit et lumières chez les Schumann"
    "1842, année romantique"

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  • Du côté de chez Mozart

    Allez, un petit crochet du côté de Mozart avec ce cinquième et dernier volume d’une intégrale de ses sonates pour piano par Jean Muller. On retient son souffle et on se laisse porter par les sonates n° 14, 5 et 18 du compositeur autrichien. 

    Le pianiste luxembourgeois a choisi de commencer son enregistrement par la Fantaisie K475 Sonate n°14, assez tardive (elle date de 1785) et fortement influencée par Bach et Haendel. Sans ostentation, Jean Muller déploie les lignes mélodiques de Mozart. Il s’en empare avec douceur et élégance jouant des silences, tant il est vrai, comme le dit une célèbre expression, que "le silence qui succède à Mozart est encore du Mozart". 

    La véritable entrée en matière de l'opus commence avec la Sonate pour piano en ut mineur K. 457. De la même période que la Fantaisie (1784), elle a une facture mozartienne bien reconnaissable. Jean Muller s’empare du Molto allegro avec ce qu’il faut de (fausse) légèreté et d’élégance. On se laissera porter par un Adagio comme suspendu. Ici encore, les silences et les pauses font loi.  

    On parlait de fausse légèreté. Le troisième et dernier mouvement de la Sonate K 457 ne fait pas exception à la règle. Derrière une certaine joie de vivre, pour ne pas dire de l’allégresse, la mélancolie n’est pas absente de l’Allegro assai dont les mouvements virevoltants sont comme laissés en suspens, contrariés.  

    Les silences et les pauses font loi

    La Sonate K283 en sol majeur fait partie des œuvres de jeunesse de Mozart. Il s’agit d’une des six sonates, dites "de Munich", composées lors d’un de ses voyages en Allemagne. Il a à l’époque 18 ans mais déjà une solide expérience et une renommée européenne. Le prodige et prodigieux jeune compositeur étincelle dès les premières mesures d’un Allegro virevoltant. Jean Muller s’en empare avec une gourmandise certaine, y compris dans le charmant mouvement lent Andante, plus subtil que la première écoute ne le laisse a priori penser. La ligne mélodique pure et la simplicité en font un moment intime, au point sans nul doute d'impressionner les contemporains de Mozart dans les salons aristocrates de l’époque. Respectant la forme classique de la sonate, Mozart termine par un mouvement rapide, Presto. Il faut de la technique et de la virtuosité pour mener à bien cette partie à la fois compliquée et passionnante.  

    Ce dernier volume de l’intégrale des sonates de Mozart par Jean Muller se termine par la La Sonate pour piano n° 18 en ré majeur K. 576. Composée en 1789 Il s’agit de la dernière sonate de Mozart. Il s’agissait à l’origine d’une commande de six sonates pour la princesse Frédérique-Charlotte de Prusse. C’est la seule qui ait été écrite par le compositeur autrichien. Cette sonate dite "de la chasse" apparaissait à un Mozart, sans doute un peu blasé, comme une œuvre "facile". En réalité, dès la première écoute elle apparaît comme d’une complexité redoutable et demandant une grande virtuosité. Jean Muller cavalcade dans le mouvement Allegro, tendu, rapide et semblant nous entraîner dans une partie de chasse endiablée. Pour l’Adagio, Mozart fait le choix de l’émotion - avec un grand "é". De la retenue, de longues respirations mais aussi une profonde mélancolie dans ce mouvement, à une époque où la situation de Mozart s’aggrave. Il est endetté, produit moins et doit déménager pour raisons financières. Le compositeur n’a plus que trois ans à vivre. Dans cet Adagio, Mozart noie sa profonde mélancolie dans une écriture harmonique toujours étincelante. L’enregistrement se termine par un Allegretto d’une belle densité, menée par un Jean Muller impérial. 

    Mozart, Piano Sonatas vol. 5, Jean Muller (piano), Hänssler Classic, 2025
    https://www.facebook.com/pianistjm
    https://www.pianistjm.com
    https://haensslerprofil.de

    Voir aussi : "Haydnissimo !"
    "Franck par Lazar"

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  • Alexandra Lescure à la découverte de Jacques Duphly

    Une fois n’est pas coutume pour ses chroniques de musique classique, c’est à un compositeur méconnu, sinon inconnu, que Bla Bla Blog s’intéresse.

    On sait finalement peu de choses sur Jacques Duphly, né à Rouen en 1715 et mort à Paris le 15 juillet 1789, complètement oublié au moment de son décès. Célébré en son temps comme un véritable aristocrate du clavecin, avec une "perfection du doigté" comme le soulignait Jean-Jacques Rousseau, Jacques Duphly a laissé une œuvre finalement assez modeste, à savoir quatre recueils pour clavecin entre 1744 et 1768. Parmi ses influences, il faut citer Couperin, Rameau, Scarlatti, Forqueray, mais aussi Bach ou Frescobaldi. .

    La pianiste Alexandra Lescure a choisi de mettre en lumière ce compositeur des Lumières à travers un choix de pièces issus de ses recueils, au départ conçues pour le clavecin. "L'écriture riche et variée répond magnifiquement aux multiples possibilités du piano moderne permettant de passer du jeu scandé et véhément au perlé volatile", écrit la pianiste dans le livret de présentation de l’album.

    Saluons à la fois l’audace, le courage et le talent de l’interprète qui a choisi de s’attaquer à un compositeur tombé aux oubliettes. Prise de risque maximale donc pour la pianiste tellement peu impressionnée par cette gageure qu’elle met du cœur au service d’un répertoire classique et vite attachant. Attachant parce qu’on découvre des morceaux qui sont pour beaucoup des danses (courantes, rondeaux, allemandes) et parce que l’influence des aînés et parfois contemporains de Jacques Duphly est évidente. 

    Prise de risque maximale donc pour la pianiste

    L’élégance et la légèreté ("La De Belombre") le disputent à la virtuosité et à la technicité ("Courante"). L’influence de Bach est évidente (l’irrésistible "La Vanlo", "La larare"  ou l’"Allemande", qui vient clore le recueil). On est tout autant touché par la mélancolie qui se dégage de "La Félix" tout comme du "Rondeau en ré mineur".

    L’auditeur sera certainement frappé à l’écoute de "La De Drummond" par la touche mozartienne d’un morceau au joli raffinement. Dans "Les Colombes", l’un des joyaux de l’opus, c’est la figure de Rameau qui vient en tête dans cette pièce naturaliste faisant autant penser à un morceau ornithologique qu’à une déclaration d’amour. Dans le "Rondeau En Do", c’est indubitablement le chef d’œuvre de Couperin "Les Barricades" qui vient en tête, mais dans une réminiscence à la fois tendre et nostalgique. Parlons aussi de "Forqueray", dédié et influencé – bien entendu – par Antoine Forqueray, l’inventeur de la viole de gambe. La retenue, le rythme lent et une certaine forme de noblesse toute versaillaise est parfaitement rendue par le piano d’Alexandra Lescure.  

    Jacques Duphly, dont les compositions n’ont sans doute pas révolutionné l’histoire de la musique, mérite d’être découvert pour son impeccable travail sur les mélodies et le rythme (la "Lanza"). L’écoute de l’album donne l’impression d’être dans un de ces salons parisiens des Lumières.

    Nous le disions, Jacques Duphly faisait figure de véritable aristocrate de la musique. Pour preuve, la pièce "La Victoire" qu’il dédie à la deuxième fille de Louis XV, Henriette de France. La vivacité et la virtuosité en font un morceau incroyable de modernité pour l’époque.

    Dans cette découverte de l’œuvre de Jacques Duphly, Alexandra Lescure propose une série d’interprétations colorées, feutrées, parfois en retenues, mais non sans ces élans hardis ("La Tribolet") et ce qu’il faut de virtuosité, à l’instar de la dense et passionnante pièce "La Pothoüin".

    Oublié mais redécouvert grâce à Alexandra Lescure, Jacques Duphly apparaît comme un de ces artistes remarquables et représentatif d’une époque portée par les Lumières, avant la déflagration qu’a été la Révolution Française. Le compositeur n’en a été témoin que des premiers éclairs puisqu’il a rendu son dernier souffle le lendemain de la Prise de la Bastille.

    Jacques Duphly, Alexandra Lescure (piano), Indésens Calliope Records, 2024 
    https://indesenscalliope.com
    http://alexandralescure.com
    https://www.facebook.com/Alexandralescure13
    Alexandra Lescure en concert : 
    15 juin, Ma Vigne en Musique, Narbonne
    11 juillet, Festival d'Auriol
    25 juillet, Festival de Poitiers
    15 août, Les Rencontres Musicales de Figeac
    18 septembre, Gréoux les Bains
    13 octobre, L'impro de Gap
    26 octobre, Festival des Tourelles, Belfort

    Voir aussi : "Des papillons à l’estomac"

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