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poemes

  • Églantine

    tatiana colas,poésie,poèmes,confrériePassions, séparations, coups de foudre, intimités, attentes déçues, vie quotidienne à deux ou en famille : toute la palette du sentiment amoureux est réuni dans ce bref recueil de poèmes. Peu original, diriez-vous ? Je n'ai cependant pas boudé mon plaisir avec ces textes courts sur l'amour, le plus partagé des sentiments mais aussi celui qui a inspiré le plus grand nombre d'écrivains.

    Tatiana Colas, Églantine, éd. EdiLivre, 87 p.
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2013/04/25/27011343.html
    https://www.edilivre.com/eglantine-colas-tatiana.html 
     
    Voir aussi : "Agenda d'une grossesse heureuse"

     

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  • Louis Arlette, classique et moderne

    On ne saurait que conseiller de se précipiter sur Sacrilèges, le dernier album de Louis Arlette qui avait déjà, par le passé, séduit Bla Bla Blog. Sa personnalité, son univers et la densité de sa musique ne peuvent que frapper. Mais là où le musicien s’avère indispensable – oui, indispensable !  – c’est dans sa revisite de textes classiques de la littérature française. Une revisite ou un sacrilège comme le laisse penser le musicien ? "Je prends un poème que j’adore. Je le déshonore ! Un premier poème. Puis deux... Le plaisir est devenu ivresse. Plongée en apnée....", confie-t-il. François Villon, Ronsard, Alfred de Musset, Gérard de Nerval et – bien sûr – Baudelaire sont les héros de son dernier EP, Sacrilèges. La mort et la fin sont le fil conducteur de cet EP.

    L’auditeur pourra se replonger dans un des premiers grands monuments de la littérature française. Au XVe siècle, alors que Villon, vaurien condamné par la justice, attendait, dit la légende, son exécution, il donne par écrit la parole à des morts pendus. Poignant, humain et exemplaire : "Frères humains, qui après nous vivez, / N’ayez les cœurs contre nous endurcis, / Car, si pitié de nous pauvres avez, / Dieu en aura plus tôt de vous mercis". Ici, Louis Arlette rhabille ce grand classique du Moyen-Âge de sons électro, en redonnant la densité à ce texte à redécouvrir.

    Pierre de Ronsard est lui aussi dépoussiéré. À l’instar de Maurice Ravel qui, en 1924, avait mis en musique le poème "À son âme", Louis Arlette propose une lecture pop-folk et faussement légère d’un texte, en forme d’épitaphe, sur l’âme de l’écrivain et sur sa mort à venir : "Passant, j’ay dit, suy ta fortune / Ne trouble mon repos, je dors".

    Séduisant et incontournable EP

    La revisite de Musset et de son poème "Tristesse" séduira tout autant, avec une mention spéciale pour la flûte métaphysique accompagnant la voix toute en retenue du chanteur : "Quand j’ai connu la Vérité, / J’ai cru que c’était une amie ; / Quand je l’ai comprise et sentie, / J’en étais déjà dégoûté".

    Louis Arlette a fait le choix d’un grand texte de Gérard de Nerval. "El Desdichado" fait partie des "Chimères", la dernière partie des Filles de feu de l’un des grands artistes maudits du XIXe siècle. "El Desdichado" est exemplaire de construction, de poésie et de puissance d’évocation ("Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, / Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : / Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé / Porte le Soleil noir de la Mélancolie").  Il fallait du cran et de l’audace pour adapter ce chef-d’œuvre en 2023. Louis Arlette le fait avec une gourmandise non dissimulée, délivrant ce sonnet comme on entonne une chanson populaire de marin au long cours.

    Baudelaire ne pouvait pas ne pas apparaître dans cet album. Intelligemment, Louis Arlette a choisi "La fin de la journée", un poème des Fleurs du Mal où la mort est identifié à la nuit, ces "rafraîchissantes ténèbres" : "La nuit voluptueuse monte, / Apaisant tout, même la faim".

    Assurément, ces revisites de classiques français sont délivrées avec intelligence, et sans esprit de "sacrilège" comme le laisserait penser le titre de ce séduisant et incontournable EP. 

    Louis Arlette, Sacrilège, Le Bruit Blanc, 2023
    https://www.facebook.com/louisarlette
    https://www.instagram.com/louisarlette/?hl=fr

    Voir aussi : "Le loup Arlette"

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  • Électros-poèmes et autres chansons

    C’est du bon rock, mais du rock poétique, que nous propose Sam Frank Blunier dans son dernier opus, Loterie, qui est également le titre d’un des nombreux morceaux engagés de ce dernier opus.

    Bien dans son époque, le chanteur s’appuie sur des textes rigoureux pour nous parler de la grande loterie qu’est notre vie et notre société hyperconnectée ("Web, promesses & vidéo"). Un vaste miroir aux alouettes, dit l’artiste dans une électro pop rock enjouée. Sam Frank Blunier  se fait le chantre de la liberté, la vraie, au-delà des apparences et du virtuel : "Il te faut des printemps prometteurs aux parfums tellement enivrants qui te f’ront voyager plus loin que le désir" ("Klein Twitterin").

    Qu’on ne s’y trompe pas : le chanteur suisse est un poète et un sage, certes très rock. La maîtrise de son album est évidente. Le musicien y met de l’urgence et de l’engagement, non sans se priver de conseils et de notes d’espoir ("T’as dansé", "Mon bel amour").

    Musicalement, Sam Frank Blunier assume ses influences du côté des eighties - le délicat "Maria (au petit jour)" - et non sans des décrochages du côté de l’urbain ("Loterie", avec Lady_o en featuring)  

    Il y a du Bernard Lavilliers dans ces morceaux bruts et au sombre lyrisme

    Le deuxième partie de l’album est consacrée à ces électro-poèmes, tout aussi engagées. Il y a du Bernard Lavilliers dans ces morceaux bruts et au sombre lyrisme ("J’utilise la nuit, le matériau brut des poèmes", "On m’attend quelque part"), mais un Bernard Lavilliers qui se serait nourri de sons d’aujourd’hui.

    "Désir" illustre parfaitement ces "électro-poèmes". L’artiste propose un texte dont la noirceur brille avec l’éclat des textes parnassiens. La musique accompagne avec justesse et sobriété cette déclaration d’amour d’un authentique auteur de fin de siècle ("Je voudrais voir l’aurore sur le galbe de tes seins / Dans une chambre d’hôtel qui ne ressemble à rien / Et que l’on rie du plafond et des motifs anciens / Qui serpentent sur les plinthes et le papier peint").

    "Pochimou" a la facture des beaux textes slamés, sur le thème du voyage (le texte est dédié à Blaise Cendars), où la nuit et l’insomnie ont le beau rôle ("La nuit est rousse / Je peux la tousser / La nuit est douce / Elle vient me caresser"), appuyée par une musique rock planante et minimaliste.

    Tout aussi sobre et porté par un séduisant et sensuel talk-over, le morceau "Elle parlait" laisse là aussi la part belle au texte et à ce poème en forme de road-movie mais aussi de retour vers un souvenir d’adolescent. L’auditeur sera sensible à ce souvenir poignant d’une amour à la fois puissant et éphémère, de ceux que l’on n’oublie jamais.

    "L’Avenue des Amériques", qui vient clore cet opus à la fois musical et littéraire, prouve l’exigence artistique de Sam Frank Blunier. L’artiste musicien propose un album infiniment personnel. L’œuvre d’un homme se tournant vers son passé avec nostalgie, avec regret aussi. Oui, semble-t-il nous dire, la vie est une loterie. Mais que cette loterie est belle !

    Sam Frank Blunier, Loterie, Sabina, 2023
    https://www.samfrank-blunier.com
    https://www.facebook.com/SamFrankBlunier
    https://www.instagram.com/samfrankblunier

    Voir aussi : "Mâle assurance"

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  • La vie des plantes

    S’arrêter au bord d’un torrent, grimper une colline, déambuler entre les allées d’un jardin familial, se perdre dans des forêts, ramasser des branches mortes ou gambader sous des chênes : Sophie Loizeau fait de la nature le fil conducteur de son recueil Les Épines rouges (éd. Le Castor astral). Cette nature est vécue à hauteur d’homme – et de femme.

    Le parti pris de l’auteure est de faire de ces textes un hommage à des plantes mal-aimées, "maltraités") et parfois menaçantes, dans un livre où la sensualité affleure à tout moment : "À Célesteville Virginia et moi sommes sur la plage / je la regarde délasser ses bottines / remonter sa robe s’avancer vers l’océan". Sophie Loizeau insuffle une singulière modernité dans ces textes où elle parle de déambulation en pleine nature : "Je cherche le silence mystique dans les forêts sans Freddy Krueger".

    L’auteure tire de ses souvenirs, dans la maison familiale d’Arnouville dans les Yvelines, une poésie essentielle, lorsqu’elle parle par exemple d’elle "toute rayonnante encore d’orgasmes" après avoir fait l’amour. Le jardin et la nature sont indissociables de la vie intime et familiale, avec l'évocation du père mourant, de la mère en mules ou de la grand-mère Eugénie. Il y a aussi cette sœur évoquée à plusieurs reprises : "En fait je ne me pardonne pas / sœur nantie d’avoir / vécu au contraire dans une bien / heureuse innocence / l’innocence crasse des animaux comme moi : c’est que j’ai pu être totalement dénuée de culpabilité".

    Sophie Loizeau part des ronces, les plantes les plus méprisés sans doute, pour construire une série de chants plongeant tout entiers dans une nature à la fois simple, proche et exigeante. "Qu’est-ce de dire je suis / l’égale de l’arbre (saule pin noyer) à cette seconde / féconde que je suis/ solidaire / et pas supérieure / à part lire & écrire". 

    Va-et-vient entre la nature et l’amour

    La poétesse fait des va-et-vient incessants entre observations de plantes ("Je suis Rubus fruti / cosus épineux des Rosacées je produis le / mûron") et textes où l’auteure se met en scène : "Au dictaphone ai-je fait j’étais sans stylo au bord de la rivière à voix basse de peur qu’on me lève".

    Le cœur des Épines rouges bat à chaque page, entre souvenirs d’enfance ("Ma sœur m’accuse de l’avoir jetée petite aux orties – aux ronces"), propos sur la mort ("Seule voilà ce qu’à moi sa mort m’a fait / il n’y a pas d’autre rupture que celle-là"), le sexe et l’amour ("On donne à entendre que la « petite graine » du mâle chez l’humain est l’étincelle / un échange de cellules sexuelles de part et d’autre").

    Un passage illustre ce va-et-vient entre la nature et l’amour : "Je me fais belle car je sais que JF sera là (peut-être) et qu’il aime que je sois en jupe / il y a trente ans le cerisier tout de suite à droite du jardin quand on arrive n’offrait rien avant août / ses cerises blanches étaient des olives en attente de chaleur jaunes d’or – pâles elles sont un peu amères / à la mi-juin on les croque". Le regret et l’amertume affleurent à chaque page comme l’écrit l’auteure : "Est-ce que je mourrai plus douloureusement / d’être poète à la vue des cercueils / j’aurais dû me consacrer à lire à ma mère / tout le temps de sa mort".

    Outre un singulier calligramme, il y a des descriptions poétique rarement écrites sur nos amies les plantes, des plantes incarnant la puissance des femmes : "La Gynescrie mi-femme mi ronce / ses dents vibrionnent dans sa bouche / – ce qui altère son langage / et ses baisers plusieurs autres forment / en petit des chaînes / de pics ou Femme de la lune (woman in the moon)". L’art est omniprésent dans un recueil qui s’interroge sur la représentation de la femme : "Redon la beauté de vos sarments fleuris d’un rouge mimosas qui pourrait bien être des flocons de viande crue".

    L’auteure complète ce recueil par un bestiaire "par ordre d’apparition", qu’elle a vu, raconté ou simplement rêvé mais aussi une palette chromatique, établie comme pour faire une nomenclature technique – et poétique. La deuxième partie, Feue, la nature fait place à l’élément du feu, avec toujours ces souvenirs d’enfance, la campagne, la nature et des émois remontant à la surface.  

    Mes cahiers de Malte forme la troisième partie du livre, avec ces textes écrits en 2020, tel un journal en friche : "Mon jardin périclite / il meurt d’une mort qui excède mon amour / qui l’impatiente". Sophie Loizeau ne manque pas de faire référence à l’incendie de Notre-Dame et à sa restauration : "Abattage des mille chênes suite à l’élection des huit pour refaire la forêt de Notre-Dame et partie de la flèche selon le plan de Viollet à l’identique ces cons – je vote pour une qui soit comme à Reims en béton".

    Sophie Loizeau, Les Épines rouges, Biographie d’une âme, éd. Le Castor astral, 2022, 136 p.
    https://sophieloizeau.wordpress.com
    https://www.castorastral.com/livre/les-epines-rouges

    Voir aussi : "Ça caille les belettes"

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  • Voyages poétiques

    Une anthologie de poésies est sortie en fin d’année 2021 aux éditions Caractères. Encore une, direz-vous. Nombreuses sont les maisons d’éditions qui ont réservé leur catalogue à un genre capital dans la littérature. Sauf que, cette fois, le mot "mondiale" vient souligner la démarche du magazine créé en 1950 par l’auteur, poète et éditeur d’origine polonaise Bronisław Kamiński, avec Jean Tardieu, Jean Follain et André Frénaud.

    Cette  Anthologie de la Poésie mondiale mérite que l’on s’y intéresse : "372 poètes de 96 pays en deux volumes (842 pages). Un bouquet de visions, d’images, de graphies, d’alphabets, de poèmes du monde entier présentés par ordre alphabétique d’auteurs, accompagnés de biographies, dessins, gravures, collages", annonce l’éditeur. L’anthologie pourra également surprendre par son choix de mettre à côté d’odes, de versets ou de chants poétiques, des slogans ("Soleils", en mai 68), mais aussi des textes en prose, à l’instar d’Achani de l’Allemand Peter Altenberg.  

    À côté d’auteurs et auteures que les Français connaissent – Francis Picabia, Georges Perec, le Portugais Fernando Pessoa (Bureau de tabac et autres poèmes) ou l’Irlandais James Joyce (Musique de Chambre) – le lecteur du coffret découvrira des noms, des œuvres mais aussi des cultures dont il est généralement peu familier : l’Inde (Sri Aurobindo), le Pérou (Alejandro Calderón), la Roumanie (Mircea Cărtărescu), Haïti (Georges Castera), le Népal (Laksmīprasād Devkotā), le Groenland (Nakasuk), l’Afghanistan (Abdolbâri Djahâni), la Bulgarie (Plamen Doynov), sans oublier la Chine (Xingjian Gao) ou le Japon (Gôzo Yoshimasu).

    L’Anthologie des éditions Caractères a fait le choix de donner toute sa place à des auteur·e·s vivant·e·s et même jeunes

    La poésie aztèque a elle aussi sa place, tel ce "Chant à la louange des chefs". Il faut aussi souligner la présence de figures quasi inconnues de ce côté-ci de l’Europe, comme les Ouïgour Chimengul Awut ou Ghojamuhammet Muhammet, des présences qui ont toute leur importance alors que ce peuple est persécuté par le régime communiste chinois. Le recueil présente aussi un texte rare issu des traditions indiennes en Amérique du Nord ("Nez-Percé").

    Outre le Français d’origine chinois François Cheng mis à l’honneur dans le double recueil, il faut noter la place singulière laissée à Ben, le graphiste et peintre moderne prenant les atours du poète maniant l’autodérision telle une arme : "Ben tu es un con. / C’est des blagues / Je suis le type le plus fantastique dont vous avez jamais entendu parler". Un autre Français, beaucoup moins connu, a sa section : Bruno Durocher (À l’image de l’homme).

    L’Anthologie des éditions Caractères a fait le choix de donner toute sa place à des auteur·e·s vivant·e·s et même jeunes, à l’instar de la néerlandaise Radna Fabias (Habitus), l’Éthiopien Alemou Tebeje, la Néo-Zélandaise Selina Tusitala Marsh ou l’excellente Cubaine Zoé Valdès.

    En proposant cette Anthologie passionnante, c’est autant un voyage littéraire qui est proposé qu’un voyage tout court. 

    Nicole Gdalia, Sylvestre Clancier et Jean Portante, Anthologie de la Poésie mondiale,
    éd. Caractères, 2 vol., 2021, 842 p.

    https://www.editions-caracteres.fr

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"

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  • Pauline Paris,  parle-nous de Renée Vivien

    Il y a des découvertes comme ça qui sont à la fois bienvenues et de véritables plaisirs.  

    Renée Vivien (1877-1909) sera sans doute une étonnante révélation pour beaucoup. Femme de lettres de la fin du XIXe et du XXe siècle, elle a laissé l’image d’une artiste en marge, poétesse, féministe et figure du saphisme. Elle fut entre autres amante de Natalie Barney et proche amie de Colette ou de Pierre Louÿs. Il faut lire, et en l’occurrence écouter dans la version musicale de Pauline Paris, le poème "Avril" pour comprendre pourquoi la redécouverte de cette poétesse est indispensable.

    L’enregistrement de Pauline Paris, sobrement intitulé Treize poèmes de Renée Vivien, est un excellent moyen de découvrir cette formidable femme de lettres de la Belle Époque, victime d’une "dépression suicidaire" à l’âge de 32 ans. Nicole G. Albert souligne dans le texte de présentation que Renée Vivien se disait mauvaise musicienne, ajoutant aussitôt que "chaque grand poète est un musicien". Voilà qui rend pertinent l’opus présenté par Pauline Paris.

    Dans les 13 titres de l’album, la Parisienne a choisi avec soin des textes exprimant tous à leur manière le désir, dans une langue baudelairienne et parnassienne ("La pleureuse"). Hélène Hazera commente ainsi : "À l’écoute, on remarque à quel point la versification de Renée Vivien est parfaite. Vers de huit ou douze pieds, alternance de rimes féminines et de rimes masculines".

    Odes amoureuses, chants de ruptures, déclarations enflammées : Pauline Paris s’approprie des textes mélancoliques, voire sombres, pour en faire des adaptations délicates ("Sans fleurs à votre front"), légères ("Fraîcheur éteinte") ou gourmandes ("Violettes d’automne"), comme autant de bouquets de renoncules. Pour autant, l’opus est traversé de vagues sombres ("Mon ombre suit comme un reproche… comme un remords", "Chanson pour mon ombre"). Pour faire vivre les Treize poèmes de Renée Vivien, Pauline Paris n’hésite pas à utiliser la pop-folk ("Sans fleurs à votre front"), le rock ("À l’amie"), le talk-over ("Chanson pour mon ombre"), le jazz ("Lassitude") et même la  pop tahitienne ("L’éternelle tentatrice").

    Surnommée "Sapho 1900", Renée Vivien propose des textes saphiques à la sophistication parnassienne : "Je t’aime d’être, ô sœur des reines de jadis, / Exilée au milieu des splendeurs de jadis, / Plus blanche qu’un reflet de lune sur un lys…"

    "Car j’osai concevoir / Qu’une vierge amoureuse est plus belle qu’un homme, / Et je cherchai des yeux de femme au fond du soir"

    "Parle-moi", à la facture parisienne période début XXe siècle, voit surgir des épines derrière un splendide texte au désespoir naissant et inéluctable : "Parle-moi, de ta voix pareille à l’eau courante, / Lorsque s’est ralenti le souffle des aveux. / Dis-moi des mots railleurs et cruels si tu veux, / Mais berce-moi de la mélopée enivrante."

    Dans "À l’amie", c’est une ode à une amante dont il est question, cette fois sur un rythme rock : "Ainsi nous troublerons longtemps la paix des cendres. / Je te dirai des mots de passion, et toi, / Le rêve ailleurs, longtemps, de tes vagues yeux tendres, / Tu suivras ton passé de souffrance et d’effroi."

    "Sans fleurs à votre front", l’un des plus brillants titre de cet album, se comprend autant comme le regret d’une amoureuse éconduite que comme une revendication assumée pour les amours saphiques : "Je ne suis point de ceux que la foule renomme, / Mais de ceux qu’elle hait… Car j’osai concevoir / Qu’une vierge amoureuse est plus belle qu’un homme, / Et je cherchai des yeux de femme au fond du soir".

    Née à Londres en 1877 (Pauline Mary Tarn dans le civil), Renée Vivien a proposé un poème en anglais, "The Fjord Undine" : Pauline Paris s’empare courageusement de ce conte gothique et romantique consacré à une ondine, dans un esprit très fin de siècle : "By one far-off autumn evening, beheld I the long-dreamed-of water-maiden, Undine..."

    Tout aussi lyrique et parnassienne, "Prolonge la nuit" est proposée par Pauline Paris dans une interprétation scandée, sombre et très contemporaine : "Prolonge la nuit, Déesse qui nous brûles ! / Éloigne de nous l'aube aux sandales d'or ! / Déjà, sur la mer, les premiers crépuscules / Ont pris leur essor".

    Impossible enfin de ne pas parler de l’album de Pauline Paris sans parler de ce très bel objet littéraire, éditorial, musical et graphique, car ces "Treize poèmes" se présentent comme une œuvre totale mêlant le CD de la chanteuse française, les textes de Renée Vivien, des textes de présentation et les magnifiques dessins à l’encre d’Élisa Frantz. Pour ce très bel album, Pauline Paris s’est vue décernée le Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros 2020. Voilà qui est mérité. 

    Pauline Paris, Treize poèmes de Renée Vivien, Quart de Lune / ErosOnyx, 2021
    http://www.paulineparis.com
    https://www.instagram.com/paulineparisofficiel
    https://madeinfrantz.com

    http://www.renee-vivien.com

    Voir aussi : "Claire Gimatt, libre"

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  • Approcher Marie Noël

    "Qui peut prétendre connaître Marie Noël ?" Ainsi commence ces Portraits intimes de Marie Noël choisis et commentés par Chrystelle Claude de Boissieu, docteure en littérature comparée et chercheuse en lettres modernes.

    Marie Noël : la plus inclassable, la plus insaisissable, la plus discrète et la plus indépendante des poétesses du XXe siècle, fait l’objet ici d’un ouvrage constitué de 60 photos, comme autant de scènes fixant une auteure tour à tout raisonnable, déraisonnable, timide, intrépide, forte, faible, écrivaine, lectrice, indépendante ou dépendante. Ces qualificatifs forment autant de chapitres pour fixer une femme que l’on connaît si mal : "Les photographies choisies s’organisent en une galerie de portraits… des facettes antithétiques de son tempérament. De ce fait,elles regroupent autour d’un trait de caractère et de son contraire, tels qu’ils sont énoncés dans « Connais-moi »."

    Assez justement, Chrystelle Claude de Boissieu la compare avec une autre grande auteure incomprise à son époque, Emily Dickinson: "[Ces] sœurs jumelles n’ont guère apprécié le passage brutal de l’ombre à la lumière."

    Le lecteur trouvera dans ce livre proposée par les éditions Desclée de Brouwer une autre manière d’approcher la petite Marie Rouget, fille d’un professeur de philosophie rude. Contrairement à une biographie traditionnelle, Chrystelle Claude de Boissieu trace un portrait vivant et sensible de Marie Noël, à la manière d’une peintre impressionniste. L’auteure bourguignonne se dévoile par petites touches : interrompant une minute sa lecture ; déchiffrant une partition à son piano ; se promenant dans un jardin ; posant, petite fille, en robe de dentelles ; croisant à Auxerre le Général de Gaulle ; surprise au milieu d’un tournage ; ou bien au cœur d’une cour de récréation en compagnie d’enfants, de pied avec son chien.

    Inconsolable après le deuil d’un petit frère et une rupture amoureuse

    Femme de lettres effacée, Marie Noël se révèle surtout une femme autant qu'inconsolable après le deuil d’un petit frère et une rupture amoureuse : deux événements qui la laisseront blessée à jamais. Durant la période de Noël 1904, c’est d’abord un jeune homme, qu’elle aimait, qui choisit de s’éloigner d’elle. De cette "trahison", qui la marquera à jamais, Marie écrit : "Il a marché sur moi, suivant sa route" (Chanson). Quelques jours plus tard, elle découvre dans son lit le corps inerte de son petit frère Eugène ("Marie Noël paraît projetée dans un roman de Charles Dickens"). Le choc est immense pour cette jeune femme pieuse : "Ô Dieu ! La Mort ouvrant la porte / Me l’a volé ! / Mon agneau blanc, le loup l’emporte !" (Hurlement).

    Ce double événement privé va marquer profondément la carrière artistique de Marie Noël, dont on souligne souvent la nature pieuse ("Plus près de Marie Mère", "Pied à pied pour la chrétienté", "Pas à pas vers la sainteté"), mais sans doute moins le caractère hypersensible d’une femme de son époque (le chapitre de sa rencontre surprenante avec le Général de Gaulle peut être lu comme le récit d’une auteure déjà incomprise), indépendante, insatiable et sans doute aussi "rassurante" ("[P]ouvais-je refuser de partager avec ceux qui suivent l’expérience de ma misère ?").

    Au terme de la lecture de ces Portraits intimes de Marie Noël, Le lecteur sera sans doute décontenancée par les propos d’une auteure inclassable, à la fois passionnée, très croyante et d’une sensibilité rare : "J’ai été toute passion, tout élan, toute flamme, toute folie, pourtant je n’ai jamais commis d’action folle ou singulière… Ma seule action déréglée, je m’en suis rendue coupable quand j’aimais Jésus."

    Marie Noël paraît finalement plus appartenir au XIXe siècle qu’à ce XXe siècle brutal et, à bien des égards, nihiliste. Mieux, l’auteure des Chansons semble échapper à tous les qualificatifs : "Ces oscillations se succèdent aux caprices du temps et des humeurs." Chrystelle Claude de Boissieu choisit de conclure ainsi cet ouvrage : "Connaissons-nous Marie Noël ? Le pouvons-nous ? / Nous l’avons approchée. / Nous l’avons observée. / Nous l’avons imaginée. / Nous l’avons devinée./ Nous l’avons écoutée. / Nous l’avons vue, lue, entendue. / Au fur et à mesure. / Qu’avons-nous retenu ?"

    Chrystelle Claude de Boissieu, Portraits intimes de Marie Noël
    éd. Desclée de Brouwer, 2019, 321 p.

    https://www.editionsddb.fr/auteur/fiche/55284-chrystelle-claude-de-boissieu
    http://www.marienoelsiteofficiel.fr
    http://www.marie-noel.asso.fr
    https://fr.linkedin.com/in/chrystelle-claude-de-boissieu-389359126

    Voir aussi : "Marie Noël, jour après jour"

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  • Cuisine poétique

    paul pariente,rose poullot-robin,cuisine,poésie,poèmes,vigan,georges blancBla Bla Blog avait parlé il y a quelques semaines de l’étonnant livres de recettes de Paul Pariente. Pour ses plats du pays viganais, le chef avait imaginé un livre atypique mixant recettes, dessins humoristiques… et slam. Une manière de réconcilier plats traditionnels et culture urbaine.

    Pour ce nouvel ouvrage, Paul Pariente, qui ne dédaigne jamais le risque, choisit cette fois d’allier cuisine et poésie traditionnelle, grâce à la collaboration de Rose Poullot-Robin.

    Cuisine en Poésie, qui a été préfacé par Georges Blanc, propose douze recettes de Paul Pariente que Rose Poullot-Robin illustre en vers. Pourquoi poésie et cuisine font si bon ménage ? Les auteurs le précisent grâce à deux courtes présentations se faisant écho l’une et l’autre : une histoire synthétique de la cuisine et une autre sur la poésie : "Voici aujourd’hui la poésie associée à des recettes de cuisine. Chaque poème les mets en valeur, profitez de ce moment unique pour apprécier l’œuvre du cuisinier mais aussi l’œuvre du poète !"

    Voilà qui est "judicieux", pour reprendre un mot de Georges Blanc, le chef étoilé de Vonnas. Et il est vrai que l’alliance entre les recettes de Paul Pariente (la tarte aux quatre saveurs du pays viganais, la blanquette de veau à l’ancienne, le feuilleté cévenol, le petit sablé du Vigan, le gratin du docteur Brochet, la tarte à la brandade de morue et au foie gras, la truite en papillote "André Chamson", la pomme reinette en baluchon, les artichauts à la gantoise, l’escalope des camisards, la tourte de poulet de Bresse façon "Rose Poullot-Robin" et l’étonnant lapin rôti à la sauce à la réglisse) trouvent un écho à travers les textes d’une poétesse et femme de lettres qui a su mettre des mots sur les saveurs d’un chef, un chef qui a choisi de prendre des chemins de traverse pour faire partager sa passion : "La joie illumine le visage gracieux / De ces chefs où le temps a perdu sa victoire, / Où la cuisine est pour eux un hymne à la gloire, / Créant une œuvre d’art aux subtiles couleurs, / Mêlant à son bouquet la beauté et la flaveur."

    Peut-être est-ce là, comme l’écrit Rose Poullot-Robin, "la recette d’une bonne journée."

    Paul Pariente et Rose Poullot-Robin, Cuisine en Poésie, autoédité, 2018, 56 p.
    https://twitter.com/pariente

    Voir aussi "Feu sur l'omelette de la Mère Poulard"

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