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Saluons cette excellente bande dessinée de Michele Botton au scénario et Marco Maraggi au dessin qui se sont attaqués à celui qui reste l’un des artistes les plus incontournables et les plus populaires de la deuxième moitié du XXe siècle (éd. Larousse).
L’américain Andy Warhol, pape du pop art, a vu ses œuvres archi diffusées, commercialisées, montrées et souvent copiées, faisant dire parfois qu’il est entièrement identifié au pop art.
Ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur de faire connaître l’artiste et l’homme, ce dernier étant souvent effacé derrière ses boîtes de soupe Campbell ou ses sérigraphies iconique autour du visage de Marylin Monroe.
Suivant la chronologie, les auteurs suivent la vie d’Andy Warhol de son enfance à Pittsburgh où le garçon timide se tenait à l’écart des autres enfants jusqu’à son décès en 1987, quelques temps après celui de son ami Jean-Michel Basquiat.
Pape du pop art
C’est avec la mention de biographie "non officiel et non autorisé" que se présente cette "bio graphie". Ce qui ne veut pas dire que Michele Botton et Marco Maraggi osent l’impertinence à tout crin et le fantasque. En réalité, voilà une sérieuse biographie qui se distingue autant par le soin de sa vulgarisation que par les dessins et les couleurs – très pop, justement.
L’introduction de l’ouvrage insiste sur le terme de "pop", justement, renvoyant au mot "populaire", ce qui dit beaucoup sur les intentions des artistes de l’époque, à commencer par Warhol lui-même. L'artiste ne cachait d'ailleurs pas son ambitieux de faire une oeuvre à la fois originale, populaire et commercialement monnayable. Réussite totale !
Le récit de son parcours, de l’école où il était sérieux, en passant par la publicité puis finalement la Factory, le lieu où il accueillait les artistes new-yorkais, dit beaucoup sur les intentions de Warhol : créer des œuvres et faire de l’argent.
L’artiste archi célèbre de son vivant, le plus commenté et imité depuis les années 60, reste toutefois un inconnu, tant Warhol s’est dissimulé derrière un personnage. Voilà une belle occasion de le découvrir, en attendant de se précipiter pour découvrir d’un nouvel œil ses œuvres entrées dans le patrimoine de l’humanité.
Le design a été rarement traité sur Bla Bla Blog. Il est plus que temps de rattraper cette erreur avec cette chronique qui entend mettre à l’honneur les œuvres de Louis Durot, un artiste designer aussi attachant que ses créations.
De Toulouse à Canton, en passant par Atlanta et, bien sûr, Paris, les mobiliers de Louis Durot passent aisément les frontières et sont appelés pareillement à devenir des classiques. C’est, en quelque sorte, à l’image de sa table en résine blanche décorant la salle d’un hôtel particulier de Toulouse : le contemporain vient se fondre avec harmonie dans un intérieur néoclassique. Cette demeure figure dans un classement des "plus belles maisons du monde" établi par le magazine AD.
L’homme aime surprendre, c’est certain, mais aussi montrer que ses objets ont de la chair. Car, à côté de sa lampe en inox courbé des années 70, les objets conçus par l’artiste entendent mettre l’humain et le corps au centre de ses créations. Que l’on pense au fauteuil pédestre "Prenez le Chair" (sic) datant de 1980, la “Langue mise à table”, une chaise de 1968 aux couleurs et au style pop-art ou cette chaise en spirale rouge plus récente.
La vie, l’amour, la couleur, l’humour et la sensualité dominent l’œuvre d’un artiste dont l’existence a été marquée dès sa petite enfance par la mort. Raflé avec sa famille en décembre 1943, le jeune garçon ne doit sa survie qu’à une panne du camion qui se dirigeait vers le camp d’extermination d'Auschwitz. Voilà qui marque à jamais la vie d’un homme.
Suite à ce drame à peine croyable, Louis Durot est recueilli par une Juste et créé chez elle, dans une maison près de Grasse, ses premiers jouets en argile. Après des études scientifiques, il devient ingénieur, avec de nombreux travaux de recherche en chimie et notamment dans le polyuréthane.
En 1964, Louis Durot fonde le Freelane Studio qui fédère des artistes de diverses disciplines aux attentes plastiques communes. La suite, ce sont ces rencontres : César, dont il devient l’assistant, Pierre Restany, Arman ou Robert Malaval. À partir de 1968, Louis Durot créé ses premières œuvres.
La vie, l’amour, la couleur, l’humour et la sensualité dominent l’œuvre de Louis Durot
Les créations du designer sont le fruit de longues recherches sur les matériaux. Des matériaux que l’artiste transforme en objets parfois extravagants. Les courbes, les couleurs vives et les trouvailles stylistiques sont autant de réponses aux idées que l’on se fait d’une table, d’une chaise ou d’une lampe. Comme aux plus belles heures du pop-art, les mobiliers se féminisent, non sans humour ("Saint Siège"), les tables défient la gravité ("Stalactite"), les sièges ondulent (une sculpture siège en mousse polyuréthane polyurée) et les sculptures se font lèvres voluptueuses ("L’échauffeuse", sculpture canapé).
L’œuvre importante de Louis Durot est aujourd'hui présente dans plusieurs continents, dont dans les collections publiques en Allemagne (Vitra Design Museum), en Chine (Guangdong Museum of Art, Canton), aux États-Unis (à Atlanta au High Museum of Art) et à Paris au Musée des Arts décoratifs.
L'actualité récente de Louis Durot s'est passée à Lausanne en Suisse. Le MUDAC a révélé pour la première fois au public la collection de Thierry Barbier-Mueller, une des plus grandes collections privées au monde de chaises d’artistes, de designers et d’architectes, dans une scénographie immersive et sonore signée Robert Wilson. Parmi ce mobilier exceptionnel, le designer français a redécouvert avec une grande émotion sa chaise "Plante Carnivore", 50 ans après qu'elle ait été saisie par les huissiers français. A l'époque, l'artiste n'avait pu sauver que la "coffee table" intitulée "La langue se met à table" qu'il avait créé avec César en 1960. Voilà ce qu'on appelle une belle revanche d'un artiste exceptionnel à bien des égards.
William Roger : cette signature pourrait bien sortir de l’ombre dans quelques années. Qu’on se le dise : un diamant brut se cache derrière ce peintre et dessinateur foutrement doué. En ce moment, l’artiste se singularise, non par une exposition, mais par un livre pour enfant. Peur de rien ou presque (éd. Flam) prouve que William Roger est d’abord et surtout un touche-à-tout. On peut cependant regretter que ce sage et classique conte pour enfant n’ait pas été suffisamment mis en valeur par l’éditeur.
Voilà qui est presque anecdotique si l’on s’intéresse à ce qui reste la pierre angulaire de William Roger : la peinture et le dessin, que l’artiste expose régulièrement autour de Montargis. Les influences de l’artiste sont à chercher du côté du pop-art, de la culture geek (geek-art), de la bande-dessinée et plus généralement de la culture pop et mainstream.
Outre des portraits et des nus de belle facture, William Roger a le mérite choisir des sujets aussi hétéroclites que très contemporains : personnages de super-héros (Deadpool), scènes urbaines, planches de mangas ou têtes d’animaux.
La virtuosité comme l’audace de William Roger est évidente, comme l’est d’ailleurs son approche contemporaine de la création. Il puise dans notre quotidien comme dans l’imagerie de notre époque ses modèles et ses inspirations. Sa page Facebook propose un aperçu de son art qui n’attend plus qu’un galeriste prête un œil attentif à son travail.
William Roger, Peur de rien ou presque, Flam éditions, 2017, 40 p. Exposition-dégustation Beaujolais Nouveau, Cave Mélodie des Saveurs, Châlette-sur-Loing 16 novembre – 18 novembre, 15H-19H https://www.facebook.com/wroger.art
Il faut lire la préface de 100 Artistes du Street Art, signée par Paul Ardenne ("Street Art, la rue est à nous !") pour comprend l’importance et la spécificité du street art, un mouvement mal aimé, dénigré et moqué : ses pourfendeurs l’accusent d’avoir fait du saccage urbain un moyen d’expression underground. Le dernier exemple en date étant le procès intenté par la SNCF contre l'auteur de Monsieur Chat.
Voilà qui est sévère, et Paul Ardenne n’écarte pas ce discours critique d’un revers de main. Plutôt que de dresser un tableau chronologique de cet art de la rue, le maître de conférences en histoire de l’art à l’université d’Amiens, et aussi collaborateur pour les revues Art Press et Archistorm, se fait analyste précis et pertinent du street art. Il esquisse les origines d’un mouvement culturel foisonnant, de ses courants hétéroclites, de quelques figures majeures comme des problématiques culturelles, sociales, politiques ou juridiques d’un art engagé et, au départ, clandestin : "L’art de la rue stricto sensu, ce sont (…) toutes les formes d’expressions qui se moulent dans le tissu urbain et au contact direct du spectateur."
Art intrusif, urbain (la plupart du temps, en tout cas), gratuit, entaché d’une réputation subversive, le street art est indéniablement entré dans une période de légitimité : un certain nombre d’artistes issus de cette mouvance voient de prestigieux musées publics ou privés leur ouvrir leurs portes.
Quelles sont les origines du street art ? Né en Occident dans les années 60 (les artistes ont pour pseudonymes Cool Earl, Julio204, Phase2, Eva62 ou Flint 707), cette forme de création est en réalité bien plus ancienne. Paul Ardenne rappelle que les premières formes d’expressions artistiques étaient les grattages de surfaces ou les marquages à l’encre naturelle de surfaces rupestres durant le paléolithique. Le street art serait donc un mouvement culturel aussi vieux que l’homme, même si les bombes aérosols mises sur le marché dans les années 60 ont remplacé les empreintes de mains ou les reproductions de buffles à Lascaux ou Chauvet.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’affirmation et le développement du street art, aussi critiqué soit-il (ou parce qu’il est critiqué et subversif ?) est spectaculaire. Il prend son essor dans les villes de la côte est des États-Unis avant de s’étendre en quelques années aux autres grandes cités occidentales, avec d’autant plus de vigueur que se propagent les grandes crises planétaires, pétrolières, économiques, sociales ou écologiques.
À ses débuts, rappelle Paul Ardenne, l’expression graphique de ces artistes d’un nouveau genre est avant tout narcissique : le graffeur est dans une course à la visibilité. En taggant son blaze, lui - ou sa bande (le crew) - entend s’approprier en son nom propre l’espace urbain, jusqu’au recouvrement ("pourrissement") de l’espace public (Seen).
Loin d’être le désœuvré dont on voudrait l’affubler, l’artiste de rue serait avant tout cet activiste utilisant la transgression pour faire de la rue un musée à ciel ouvert (une TAZ, ou Temporary Authonomy Zone), voire un lieu de vie où se mêlent musiques, danses, performances… en toute illégalité (5 Pointz, au Queens, New York).
Cette illégalité, voire le vandalisme, n’est pas caché par Paul Ardenne dans sa préface. Il en fait d’ailleurs une véritable problématique, la plupart de ces artistes de la rue ayant assumé d’emblée d’être marginalisés.
Art démocratique s’il en est, sans exigences académiques a priori (ce qui n’exclut pas les influences de brillants noms comme Jackson Pollock, Jean Dubuffet ou Cy Twombly), le street art a fait et fait toujours l’objet de tensions entre graffeurs et institutions publiques (Paul Ardenne cite justement le cas des pisadores à São Paulo). Pour autant, l’intégration, pour ne pas dire l’adoubement, d’artistes de rues à de grandes institutions publiques – que ce soit Jean-Michel Basquiat, Ernest Pignon-Ernest ou JR – est presque aussi ancienne que cet art lui-même. Des espaces dédiés sont concédés par les autorités pour les graffeurs – souvent du reste pour les canaliser – alors que des grands musées proposent d’ouvrir leurs galeries à ces créateurs venus de la rue.
Le cœur de cet ouvrage paru aux éditions de la Martinière est la présentation de 100 artistes (ou groupes d’artistes) incontournables. Ils sont classés par ordre alphabétique, de "5 Pointz" à "Zoo Project" et se voient consacrés équitablement deux pages, une de texte, l’autre d’illustrations.
Grâce à ces 200 pages, le lecteur peut se faire une idée d’un mouvement sans frontières, hétéroclites et aux approches parfois diamétralement opposées.
Quelques noms connus ressortent : Bansky, Jean Faucheur, Keith Haring, Invaders, JR, Miss.Tic, Monsieur Chat, Ernest Pignon-Ernest ou Jean-Michel Basquiat (alias SAMO).
Les 100 portraits brossés laissent voir la diversité de parcours chez des artistes que l’on a souvent caricaturés comme des vandales détériorant l’espace public. En réalité, ces artistes, souvent cachés derrière d’obscurs pseudonymes, ou bien œuvrant dans des collectifs plus ou moins influents, peuvent être d’authentiques avant-gardistes, prouvant que le street art ne doit pas se limiter à ces tags tracés en catimini sur des wagons abandonnés ou à des façades défigurés par des blazes.
L’art urbain, nous disent les auteurs, Marie Maertens, Paul Ardenne et Thimothée Chaillou, peut être d’une très grande technicité et conceptuellement très élaboré, lorsqu’il ne renvoie pas à des influences artistiques reconnues : le land art (JR), le minimalisme (Slinkachu), l’art brut (Nunca), le folklore (Vitché) ou la vidéo (Videoman).
Finalement, la richesse du street art dépasse, et de beaucoup, le phénomène populaire des tags, qui font tout de même l’objet d’une double page. Les créations conceptuelles de l’art urbain sont d’une richesse qui n’a pas à pâlir de la comparaison avec d’autres courants ou artistes de l’art contemporain : les interventions de Cédric Bernadotte, les peintures à la bombe monumentales d’Ash, les travaux au pochoir pop art de Bleck le Rat, les graffes de Corn-Bread, les actions engagées des Déboulonneurs, les affiches sophistiquées de Diuf, les fresques d’El Mac, les portraits emblématiques de Barack Obama par Sheppard Fairey, les peintures pointillistes (à la bombe!) de Jean Faucheur, les détournements féministes des Guerilla Girls ou ceux de Zevs, les petits personnages reconnaissables entre tous de Keith Haring, les collages monumentaux de JR, les installations minutieuses à base de tessons de bouteilles d’Olivier Kosta-Théfaine ou l’univers iconique de Miss.Tic.
Citons aussi les détournements de panneaux routiers par le collectif roumain Monotremu, les intrusions urbaines de Monsieur Chat, les poupées mangas de Laidy Aiko, les tressages au scotch rouge de Louis Pavageau (alias Ligne Rouge), les personnages éthérés de Jérôme Mesnager, la performance spectaculaire d’Alexandre Orion dans les tunnels de São Paulo, les interventions d’Ernest Pignon-Ernest, les coulures de Quick, les phrases barrées en police Verdana de Rero, les créations complexes de SAMO (Jean-Michel Basquiat), les jeux de piste de Taki 183, les travaux au scotch de Tape Art ou les grattages monumentaux de Vhils et Zhang Dali.
Le guide ne met pas sous silence l’une des plus étonnantes réalisations du street art, l’Underbelly Project. Il s’agit d’une vaste exposition secrète dans les sous-sols de New-York. Une station de métro abandonnée a été confiée à des centaines d’artistes. Sorte de "Lascaux contemporain", l’Underbelly Project est destiné à être vu par les spectateurs… des siècles futurs : "Un acte de mémoire, comme un acte d’amour sans attente de retour", commente Paul Ardenne au sujet de ce projet spectaculaire et inédit.
Un monde underground est dévoilé dans ce livre rigoureux et de qualité. Au terme de la lecture de cet ouvrage collectif, le lecteur ne verra plus de la même manière les tags qu’il croisera au coin de la rue.
Marie Maertens, Thimothée Chaillou et Paul Ardenne, 100 Artistes du Street Art, éd. La Martinière, 2011, 236 p. "Qui veut la peau de Monsieur Chat ?"