Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

prévert

  • Le pouvoir de consolation de Sarah Lancman

    Sarah Lancman est de retour avec un nouvel album, Le Pouvoir des Mots, dans lequel la jazzwoman s’épanouit dans des compositions où la chanson française se teinte harmonieusement de jazz. Est-il encore utile de répéter que la musicienne s’aventure sur les pas de Michel Legrand ? Une influence qu’elle revendique au travers de sa reprise de "Que feras-tu de ta vie ?", titre composé à l’origine pour le film The Happy Ending et pour lequel Michel Legrand a été nommé en 1970 pour le Golden Globe de la meilleure chanson originale et pour l'Oscar de la meilleure chanson originale. "Les Feuilles mortes" est l’autre reprise, en bonus track, de l’opus. Saluons au passage l’interprétation mezza-voce et jazzy de Sarah Lancman dans ce classique de Prévert et Kosma. 

    La musicienne se fait aussi compositrice dans ce nouvel album, concocté, on l’imagine, avec un soin particulier. Du bel ouvrage. Dès le début de son opus, la Parisienne rend un superbe hommage à la plus belle ville du monde avec "Nostalgia in Paris" : romantisme, mélancolie, voix veloutée et orchestration impeccable font de ce morceau un magnifique joyau de l’album.

    Sarah Lancman sait aussi quitter les sentiers battus et surprendre avec un boléro ("Boléro Nocturne n°3) pour une succulente et soyeuse déclaration d’amour, sous le signe de la danse à deux, joue contre joue : "Tu as le beau rôle / Toi mon héros".

    L’auditeur sera également frappé par une autre danse, cette fois un tango qui sert de trame à une chanson de séparation. Paradoxal et pertinent choix de faire de la plus sensuelle des danses à deux le rythme d’une séparation. Mais une séparation douce et rassurante, comme un joli beau baume à l’âme. "Mon amour ne me fait pas souffrir / C’est quand il a disparu / Que le cœur a si mal se déchire / On souffre quand on n’aime plus".

    Jazzwoman jusque dans ses tripes

    Jazzwoman jusque dans ses tripes (son "Interlude musical" au piano) , Sarah Lancman propose avec la chanson qui donne son titre à l’album une revisite du poème "Liberté" de Paul Éluard. La musicienne s'inspire du texte emblématique de l’écrivain en chantant un message universaliste, susurré comme un désir ardent : "Mais c’est bien le pouvoir des mots / Qui rendre le monde plus beau / Démolissant les interdits."

    Outre le morceau personnel et autobiographique "Je le sais", dont Bla Blog avait parlé, Sarah Lancman prend l’auditeur par la main pour un voyage intime, chaleureux et réconfortant. C’est cette "Ôde à l’amitié" touchante ("Toi"). C’est aussi "Les hommes que j’aime" que l’on goutte avec plaisir. Sarah Lancman se lance dans un hommage aux hommes sous forme d’une liste de qualités que beaucoup reconnaîtront sans doute : "Les atypiques / Les astucieux / Les lunatiques / Les audacieux / Les romanesques / Les courageux / Les passionnés…" C’est léger et frais comme une coupe de champagne.

    On sera tout autant touché par "Ma prière", une prière païenne en vérité dans laquelle Sarah Lancman parle de chagrin, de résilience et d’un "signe" qui se fait attendre : "Que ma voix me porte / Pour tracer ma voie / Vulnérable ou forte / Je chanterai pour toi".

    Il y a un parfum de résilience, voire de consolation, dans cet album, à la fois léger dans sa forme et profond dans son message. C’est un peu à l’image de "Danse avec ta peine", un titre qui entend nous ragaillardir, et nous appeler à aller de l’avant, en un mot à aimer : "Est venu le temps de dire au revoir / Aux larmes et aux regrets / Pour enfin retrouver l’espoir / D’aimer encore et encore". 

    Sarah Lancman, Le Pouvoir des Mots, Inouïe Distribution, 2023
    https://www.sarahlancman.com
    https://www.facebook.com/sarahlancmanjazz
    https://www.instagram.com/sarahlancman

    Voir aussi : "Sarah Lancman, on le sait"
    "Sarah Lancman amoureuse"
    "Sarah Lancman : 'Oser oser !'"
    "Les bonnes fées de Sarah Lancman"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Je vous salis ma rue, pleine de crasse

    bruck.jpgLe premier chapitre du roman La Maison des Anges est à lui seul un morceau d'anthologie que je n'aurai pas la cruauté de dévoiler. Disons qu'il s'agit moins d'une scène déclenchant l'intrigue qu'un épisode révélant une blessure profonde du personnage principal.

    Antonin Dampierre, trentenaire bien mis, agent immobilier doué et apprécié par son patron, vaguement épris de Monika, une ancienne mannequin – croquée avec humour et inspiration par l'auteur – est aussi un obsédé de la propreté. Et c'est cette obsession qui va entraîner sa chute. Le jour de la visite d'un appartement luxueux, un ivrogne lui fait rater sa vente. Par vengeance autant que par envie de "nettoyer" Paris, Antonin décide de s'en prendre à lui. À lui et pourquoi pas aux autres clochards qui errent dans la capitale ? Dans son projet meurtrier, Antonin découvre la Maison des Anges, un foyer pour SDF dirigé avec autorité par Isolde de Hauteluce, une sémillante et charismatique humanitaire. Cet havre de paix va servir ses desseins – à moins qu'il ne soit changé lui-même.

    Peintre cruel de la nature humaine, Pascal Bruckner l'est tout autant d'un Paris qui a été rarement décrit : celui de la plus basse des misères, des rejetés, de la crasse et d'une population miséreuse condamnée au plus grand désespoir. L'un des plus beaux portraits dans ce roman, qui est à lire comme un polar, est celui d'Isolde, bobo humanitaire, illuminée par une obsession quasi mystique : secourir les indigents. 

    Au terme de ce roman, au dénouement inattendu, je ne peux que conseiller la lecture des remerciements. L'auteur y dévoile la genèse de son roman et ses emprunts. Celui qu'il a fait à Jacques Prévert n'est pas le moindre. Il s'agit d'une citation utilisée dans son livre : "Je vous salis ma rue, pleine de crasse".

    Pascal Bruckner, La Maison des Anges, éd. Grasset, 2013, 315 p.