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rap

  • À hauteur de Lhomé

    Une fois n’est pas coutume, c’est de rap, dont il sera question dans cette chronique. Mais c’est un rap à la fois ambitieux et d’une belle ambition littéraire, autant que musicale.

    Celui à qui on doit ce "Miracle(s)" – c'est le nom de son troisième album – est Lhomé, qui nous présente lui-même son opus dans son "Incipit" : "En chasseur d’âmes, j’traverse la mer des hommes en « Apnée » / J’écris des vagues au bout d’un songe, je suis « Au bout du monde » / Un dernier disque, un dernier rêve qui sonne au fouet du fiacre / Et cet album qui dans mon cœur s’annonce comme un « Miracle »". L’artiste ne le dit pas autrement dans "L’arche" : "J’défends le texte ad vitam æternam Lhomé c‘est pur, Lhomé c‘est du khalam".

    Quand je vous parlais de travail sur le texte, je ne vous mentais pas. Mais il faut ajouter aussi l’engagement, aux antipodes de beaucoup de rappeurs. Il y a du social, du positif et un regard porté à hauteur d’homme. Que l’on écoute ce formidable titre, "LBTC", une invitation à "laisser battre son cœur" et assumer son  bonheur. L’auditeur sera indéniablement touché par "Malik" consacré au deuil d’un enfant victime de la violence.

    Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego, mais des paroles pleines de sens tournées vers les autres, sans pour autant laisser de côté les préoccupations d’un artiste de son temps ("Miracle", "La clé"). Impossible non plus de ne pas parler de ce très beau titre qu’est "Sur mes pas", dans lequel le rappeur se retourne avec nostalgie sur ses souvenirs, ses bonheurs et ces petits bouts de vie, de bonheur et d’amour ("Je reviens sur mes pas / L’amour en mémoire").

    Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego mais des paroles pleines de sens

    Le rap de Lhomé navigue avec bonheur entre slam (le sombre, poignant et sans concession "Comme toi"), chanson françaises ("Plus que toi"), d’électro ("La musique faire", étonnant et passionnant renouvellement du rap urbain) ou  d’inspirations world (le très beau "Danser dans le ciel"). De ces influences vient sans doute le soyeux de ses compositions musicales, à l’instar de l’"Incipit", de "Process" ou encore des sons résolument pop de "La clé", en featuring avec Mirana. Ce qui n’empêche pas Lhomé de s’avancer vers le rap urbain. C’est "Sans thème", en featuring avec DDK, dans lequel l’artiste parle d’identité, de sa place dans la société, de ses rêves mais surtout d’authenticité. Que l’on pense également à "Golgotha (Pris sur moi)", véritable hymne au combat intérieur, à l’honnêteté en dépit des coups mais aussi à la générosité ("Accepter de ne rien recevoir en retour / Rien que des vautours").

    L’album se termine avec le passionnant et ambitieux "Kingsman". Lhomé s’y livre avec passion et montrant sa formidable maîtrise du son comme des textes, et dans lequel le rappeur clame haut ses ambitions : "Ma mission est claire, élever les cœurs, au rang des étoiles". Pari réussi.  

    Lhomé, Miracle(s), L'atelier du Pélican / Absilone, 2023
    https://www.lhome.fr
    https://www.facebook.com/Lhomeofficiel
    https://www.instagram.com/lhome.officiel

    Voir aussi : "Méfiez-vous de Ferielle"

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  • Confidences urbaines de Mood Supachild

    Bla Bla Blog consacre peu de chroniques sur le rap. Voilà une lacune – en partie – réparée e avec le nouveau EP de Mood Supachild, Boy Convoy. Le musicien avait déjà sévi en 2011 sous le pseudonyme de Kool A avec un premier EP acoustique, Symphony of my thoughts. Il y a trois ans, Mood Supachild était également de la partie pour l’album de Fatbabs, Music Is For Kids.

    Après une "Intro" des plus denses, et en forme d’autoportrait et de remerciement, l’artiste bordelais d’origine rwandaise déploie sur les sept autres singles un esprit urbain dépassant largement les frontières.

    "No Worries" propose un rap à la fois introspectif, rassurant et plongeant ses sources du côté des USA. Il est vrai que Mood Supachild aime citer ces influences : Outkast, Musiq, Lil Wayne, Kendrick, Dwele, Lauryn Hill, Jay Z. Impossible non plus de ne pas citer l’apport singulier du gospel dans "Ego", l’un des morceaux les plus séduisants et les mieux foutus de l’EP.

    Osons dire qu’il y a une certaine audace à voir un rappeur français s’emparer du son et du flow américain

    Osons dire qu’il y a une certaine audace à voir un rappeur français s’emparer du son et du flow américain, à l’instar du titre à la fois urbain et funk qui donne son nom à l’opus.

    Le rap de Mood Supachild sait faire preuve de douceur et d’apaisement, mais non sans sophistication. Que l’on pense au titre "Chanson d’amour". Est-il utile d’ajouter que le musicien est à la composition paroles et musiques ?

    "L’auditeur sera sans doute happé par "Hate On You". Mood Supachild donne à son rap une allure à la fois élégante et d’une belle modernité. Vraiment irrésistible. La brièveté des morceaux les rend d’autant plus efficaces, permettant au musicien de muscler son flow ("Same Shit"), dans un son mêlant hip hop et RnB.    

    Avec "Waste", qui vient clore l’album, Mood Supachild prouve qu’il est une voix du rap avec qui il faudra compter. 

    Mood Supachild, Boy Convoy, Paper Heals Music / Big Scoop Records, 2023
    https://www.facebook.com/Moodsupa
    https://www.instagram.com/moodsupachild

    Voir aussi : "Fatbabs et ses potes"

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  • Fatbabs, avec tout son amour

    Au fil des années et des rencontres, Fatbabs a multiplié les collaborations et produit des instrumentales pour entre autres Vanzo (Jamaïque), MC Kaur (Inde), Volodia (France), ou encore Balik (France). Le beatmaker ne se distingue pas que dans le reggae, et c’est bien là sa force. Il remporte en 2017 le contest de remix organisé par Wax Tailor grâce auquel il figure sur l’album By Any Remix Necessary. Fatbabs revient en ce moment avec son nouvel EP, Daily Jam – Aimer.

    "On A Daily" bouscule d’emblée l’auditeur avec son instrumental intense, suave et coloré, mélange de funk, de soul, de sons hip-hop et d’électro.  "Daddy’s Home" lorgne, lui, du côté de la Jamaïque dans un morceau rempli de nostalgie, en featuring avec Cellz. 

    Culotté et généreux

    Reggae encore avec "Where Do We Go", pour lequel Fatbabs s’est adjoint la collaboration de Naâman pour un morceau tout en harmonie et en tension, avec d’élégantes trouvailles sonores.

    Les amoureux du rap américain se régaleront de leur côté avec "Out Deh". Le flow de Tripl3 y est irrésistible, tout comme les apports des rythmiques et de l’électro.  

    Culotté et généreux, Fatbabs l’est assurément, ne serait-ce que dans sa manière d’inventer une nouvelle manière de faire de l’urbain et de rester sur une corde raide, entre hip hop, trip hop, reggae et électronique.

    L’EP se termine avec "Aimer" qui donne le sous-titre à l’opus. Le délicat morceau s’écoute comme une déclaration d’amour à écouter les yeux fermés. L’apport de cuivre donne au titre une texture chaleureuse, tout cela avec un son et une rythmique mêlant trip hop, reggae et jazz.  

    Tout simplement ébouriffant, généreux et chaleureux.

    Fatbabs, Daily Jam – Aimer, Big Scoop Records, EP, 2022
    https://www.facebook.com/fatbabsbigscooprecord
    https://www.instagram.com/fatbabs_beatz

    Voir aussi : "Fatbabs, Demi-Portion, Miscellaneous et compagnie"
    "Un bock party de Radio Kaizman"

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  • Un bock party de Radio Kaizman

    Il y a comme un retour  dans les années 70 avec ce surprenant et très urbain EP de Radio Kaizman, Block Party. Quelques années avant l’arrivée du hip-hop, aux États-Unis, les "block parties" inauguraient une nouvelle manière de faire de la musique : une rue fermée de part et d’autre devenait le lieu de concerts improvisés pour faire la fête, avec un son mêlant soul, funk mais aussi jazz. Le rap allait naître de ces "block parties" dans des quartiers désœuvrés et souvent interlopes, une manière comme une autre de donner de la vie mais aussi parler de son mal-être et du mal-vivre.

    Block Party reprend cette tradition avec leur brass band et des instruments traditionnels : flûte, trompette, trombone, caisse claire, soubassophone, sans oublier les voix de Delphine Morel et de Stéphane Benhaddou. Clément Drigon, Quentin Duthu, Romain Maitrot, Brice Parizot et Aldric Plisson complètent le groupe.

    Mettre "les rimes en barres"

    Formé en 2013, Radio Kaizman est avant tout un groupe de scène. Profondément inspiré des sonorités urbaines, du groove et des rythmes typiques des marching bands de la Nouvelle Orléans.

    Dans leur dernier EP plein de vie, produit avec un soin remarquable, les Radio Kaizman rappellent la culture des block parties en réalisant le leur. Les six titres urbains et soul parlent de la manière de vivre dans des quartiers mal aimés ("Drive"), de choix impossibles et de "faux débats" ("Kidding – On se tape des barres"). Le flow de Radio Kaizman est à l’avenant d’une musique lumineuse et funk : le groupe carbure à la vitamine et au son.

    La générosité est là, dans ces tableaux pourtant gris et urbains : "Pensée pour tous ces migrants, qui affrontent vents et marées / Mari femme et enfant, l’enfer avant la liberté" ("Hubris – Traversée"). Le message du groupe ? Le plaisir de faire monter les décibels et de mettre "les rimes en barres" ("I Don’t Know").

    Dans cet EP, comme dans ces block parties des années 70, le dernier mot est à la musique : "Vas-y rentre dans la danse / Cadence, détente, rythme entêtant, / P’tites boîtes grands rêves / Ici la place est métisse."

    La preuve avec ce mini-album franchement réjouissant, et assurément dansant.  

    Radio Kaizman, Block Party, Youz Prod, 2022
    https://www.radiokaizman.com/wp
    https://www.facebook.com/RadioKaizman
    https://www.instagram.com/radiokaizman_official

    En concert le 26 août, Détour en Tournugeois, Lacrost (71), le 28 août, Fanfarefelues, Vitré (35),
    les 17 et 18 septembre Cergy Soit, Cergy (95), le 9 septembre, Asso Lézarts, Colmar (68),
    les  22 et 23 septembre, La Faïencerie, Creil (60) et le 29 octobre, Lavoir Entendu, Épinal (88)

    Voir aussi : "Les incantations de MLD"

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  • Beau gosse

    Coffees & Cigarettes est de retour avec son troisième album Roller Coaster, un opus autant urbain, pop-rock qu’électro, à l’image du premier morceau en forme d’introduction, "Intropode".  Pour ce titre, MC Jesse - Renaud Druel, dans le civil – lorgne du côté de Kraftwerk pour un court voyage dans les années 70. La suite de l’album – pas moins de 16 titres – est à l’avenant, aventureux tout en se voulant  plus urbain.

    Le rap domine en effet Roller Coaster, à commencer par le morceau "Coffees alchimie, un flow qui est en forme d’autoréférence : "Pour créer la potion magique et vénère que tu vénérerais / Si je composais mes chansons en tubes à essais".

    Dans une facture plus courante au rap contemporain, "J’flippe", avec ce son hip-hop se mêlant à l’électro, a des accents sombres, sinon désespérés sur le thème de la perdition sociale : "Je flippe / Je prends chaque choix comme un deuil / Je flippe / Que la musique ne soit qu'un tombeau qu'un linceul /  J'flippe / Que je finisse un jour par dépit, ras-le-bol / Par lâcher prise et par fermer ma gueule".

    Moins neurasthénique, "Colline de jeux" surprend par sa composition mêlant la world music et électro, dans un instrumental presque onirique. Ce titre annonce le suivant, "Le syndrome de Peter Pan", résolument urbain, avec cette touche poétique et lumineuse placée sous les auspices de la fin de l’enfance et du temps qui passe. À partir de souvenirs de gosses, il y est question de cette envie de de pas devenir adulte et de garder son âme innocente : "Je veux pas vieillir, je veux garder mon âme d'enfant / Je me suis perdu dans le Labyrinthe de Pan / Nostalgie qui fait mal et du bien en même temps". Et si la solution venait du dernier morceau de l’album, "Coffees Resistance" ?

    Hop'n'roll

    Après l’extrait "Y’a quelqu’un", un court morceau électro et "hop'n'roll", il est de nouveau question d’enfance dans l’étonnant "Croquemitaine" dans lequel Coffee & Cigarettes parle des peurs de l’enfance et des cauchemars : "C'est moi le Père Fouettard sorti tout droit de tes cauchemars / Moi c'est MC Jesse et je rappe comme le croquemitaine / L'ambiance est cauchemardesque".

    Roller Coaster devient à partir de là un concept album mêlant peurs, tourments de l’artiste, monstres et affres de la création – ou "affreux de la création", aurait dit Serge Gainsbourg. Le titre "C’Koa", mêle charleston et rap dans une fantaisie assez incroyable sur le mystère de la création : "Comment qu'il compose ? / Comment qu'il écrit ? / C'est quoi ces vidéos ? / C'est qui MC Jesse ? Mais Coffees, c'est quoi ? / Coffees c'est quoi ? / C'est qui Douce, c'est qui Jesse Juice ?"

    Suit "Coselofo", ce monstre invisible porteur de nos cauchemars des obsessions mais aussi des inspirations de l’artiste – qui pourrait être les drogues sous toutes leurs formes : "Le monstre suprême, le boss, l'ultime cauchemar / Viens gangrener mes mots et toutes les notes de ma guitare". Cette présence aliénante et dangereuse peut mener l’artiste à sa perte : "[Il] Dévore l'imagination envoie l'art à l'échafaud". Le vaincre devient vital.

    "Arthropode" continue cette plongée cauchemardesque et aliénante : "L'Arthropode est là, il scanne ton esprit, entre en toi / Il te prive de tes cinq sens". Mais qui est cette bête digne de l’ennemi de Sigourney Weaver ? La dépression ? Les drogues ? Et "comment venir à bout de cette putain de bestiole / Le diagnostic est sévère, l'espoir de vaincre est minime / Et je sens bien que rien ne s'arrange, que tout s'envenime / Dans la lutte, on garde toujours la hargne et le sourire aux lèvres / On se souvient de nous et nos souvenirs sont des trêves".

    "Journal de bord" vient conclure ce titre qui semble, sinon autobiographique, du moins personnel : "Tôt ou tard la Coffees tribu le savait sans l’accepter / L’arthroprode finirait par gagner / Ce n’était qu’une question de temps / il fallait en profiter de ce temps qui nous était confié / Et un matin il gagna il nous l’enleva il l’emporta / Alors Jesse Juice disparut à jamais avec elle aussi / Laissant désormais place sombre à MC Jesse".

    Roller Coaster s’avère bien plus intime qu’il n’y paraît, comme le montre encore "Emmène-moi", un morceau de slam à la première personne en forme de confidence, osant l’optimisme dans ces dernières paroles. Il y a encore de l’autobiographie avec "Full HD", une histoire d’amour qui transportera aisément l’auditeur.

    Plus joyeux, le titre "Roller Coaster", qui donne son titre à l’album, se pique d’inspirations balkaniques pour un morceau coloré se déroulant dans un parc d’attraction, celui de la vie à en croire MC Jesse, et avec toujours l’enfance en filigrane : "Embarqués tous les deux dans le train fantôme / Face à ton sourire je redeviens un môme".

    Voilà un opus aventureux à coup sûr, à l’instar du "Journal de bord", puisant son inspiration dans la SF et les souvenirs de space-operas, ou encore l’étonnant "02/01/19", mixant musique de chambre et hip-hop, audace une audace rarement entendue. Audace : le mot est lâché, définitivement.  

    Coffees & Cigarettes, Roller Coaster, Baco Music, 2022
    https://www.coffeesandcigarettes.org
    https://www.facebook.com/coffeesandcigarettesband
    https://www.instagram.com/coffeescigarettes

    Voir aussi : "Le noir est une couleur"

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  • La seule règle qui vaille est qu'il n'y a pas de règle

    Le public français découvrira avec la plus grande curiosité Marie-Gold, ancienne membre du collectif canadien Bad Nylon. Cette musicienne nous vient du Québec et propose un rap venu de ce coin de l'autre côté de l’Atlantique.

    Parce que nos cousins canadiens tiennent à leur langue tout autant que nous, il est passionnant de voir comment Marie-Gold parvient à libérer son flow dans son premier album solo opportunément intitulé Règle d'Or, évidemment en rapport avec son nom. Mais il s'agit aussi d'une référence à une citation de George Bernard Shaw: "La seule règle d’or est qu’il n’y a pas de règle d’or". Vous avez quatre heures pour disserter...

    Dans cet opus, conçu en collaboration avec des beatmakers montréalais, français et belges, la chanteuse se livre à corps perdu : "Marie-Gold dans la jungle des animaux / S’accroche à son style comme une anémone / Si tu veux blesser je connais les mots", comme elle le scande dans "JACK". Libre dans sa tête, libre dans son corps, la rappeuse délivre "La seule règle" qui vaille : un album aux rythmes hip hop ("Goélands"), volontiers minimaliste et lorgnant aussi largement du côté de la chanson française ("La seule règle").

    Écrit à la première personne, Marie-Gold pousse son travail d’écriture jusqu’à proposer des textes à la langue charpentée et largement mâtinée d’anglais : "Car je passe mes journées à faire des maths / En m'demandant qu'est-ce que je calice à pas faire plus de rap / But I guess que c'est calculé, l'encre still finit par couler / J'ai fais un portrait du futur, je l'ai juste mal cloué" ("Pousse ta luck").

    A l’instar de "Crache sur vos tombes", la Québécoise délivre un album rugueux qui plonge dans son quotidien, son passé, ses espoirs, ses rêves mais aussi les déceptions d’une artiste : "J'ai pas manqué de flair, en renonçant à vos sons / So vous m'oublierez, j'espère pis j'irai cracher sur vos tombes". Sans oublier ce foutu argent ("Aucun bling"). Écouter Règle d’or c’est entrer dans la tête d’une fille d’aujourd’hui, avec ses galères, ses interrogations et ses ras-le-bols : "J’peux pas sortir d’mon lit / J’ai l’système démoli / Perico et Molly / La drogue nous fait faire des folies / J’peux pas quitter l’logis" ("Goélands").

    Libre dans sa tête, libre dans son corps

    "Mémoire" est l’un des meilleurs morceaux, à la composition particulièrement soignée et mêlant rap et chanson, avec un message féministe, à l’instar de sa consœur Samuele : "Les gentilles filles ont aussi le droit d'être en colère / Mais t'oublies de te contenir, il faut le reconnaître / Les gens exagèrent, pardonne-leur… / Rappelle-toi ceux qui t'aiment, t'aiment, t'aiment / Oublie ceux qui te down, down, down / Malgré tout ce que tu donnes, everything's never enough / Au moins tu dormiras bien dans ta tombe."

    Marie-Gold assène ses titres avec une rare puissance, ponctuant ça et là son album de titres insouciants, voire aux trouées lumineuses. C’est le cas du duo avec Stone, riche de promesses en weed et en nuits blanches : "J'veux faire tourner la terre / J'veux faire tourner les têtes / Quitte à m'en jeter à terre / Smoke weed ‘til I die - excès, tu adhères / On en reparle plus, on revient à nos affaires" ("s.w.t.i.d."). C’est aussi le cas du titre "Doser", plus électro que rap, au texte dense, surréaliste et poétique : "Je préfère être l’amour qu’être celle qu’on adore / Je vous salue Marie, j’peux-tu croire en Chloé ? / Dans ce pays d’Oz aux idoles krizokal et aux âmes encodées / Où l’espérance se dose / En frappant tous les murs dans la boîte de Pandore? / Démesure ! / Même l’histoire ne m’a pas dosée ! / Au futur, il me souffla ! La vérité".

    La vérité, l’amour, le combat quotidien pour être soi, la liberté. La vie selon Marie-Gold, quoi.

    Marie-Gold, Règle d'Or, Les Faux-Monnayeurs, 2020
    https://www.facebook.com/marie.goldgoldmusique
    https://marie-gold.bandcamp.com/album/r-gle-dor

    Voir aussi : "Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent"

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  • Brassage musical

    Je vous parlais il y a peu des Headshakers et de leur jazz mêlé de funk. Voici, avec l’album Higher, le troisième album des Big Funk Brass, une autre de ces rencontres musicales passionnantes où se mêlent le jazz (Rain, Little Man), le son des brass-bands de la Nouvelle Orléans, le funk (Move Your Fonky Booty) et même le hip-hop (Rock The Stage). Pour enregistrer cet album intégralement autoproduit, le groupe a élu domicile au studio Gil Evans à Amiens.

    Big Funk Brass montre qu’il n’a peur de rien lorsqu’il s’avance sur des terres à la fois si proches et si lointaines. Outre Teach You To below, en featuring avec FP, très dansant et rythmé, le groupe vient se mesurer avec du jazz cool et à la rigueur impeccable (Caol Ila).

    Après un début sous les promesses du rap, Higher s’impose comme ce qu’il est : un album de jazz chatoyant, coloré, joyeux et dense (Fireworks, Manhunt, Lucky Fucker).

    Pour Higher Funk le groupe des Big Funk Brassss s’est carrément offert la collaboration de Ben L’Oncle Soul. 

    L’album se termine par Make Your Choices, avec cette fois un jazz tournant les yeux vers les caraïbes.

    Big Funk Brass, Higher, 202
    http://bigfunkbrass.fr
    https://www.facebook.com/bigfunkbrass

    Voir aussi : "Les doigts dans le nez"

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  • Partir, même loin de la région du cœur

    Pour bien commencer cette rentrée, Bla Bla Blog propose un focus sur Kerredine, dont le dernier titre, Nos Rêves d'Enfant, frappe par l’intelligence de l’écriture, la puissance du message dénué de tout pathos et la sensibilité d’un talentueux artiste que le grand public connaît grâce à sa composition Je veux de Zaz.

    Nos Rêves d'Enfant de Kerredine commence par une adresse en direction de ses propre rêves ("T’étais où pendant ce temps / Je patientais à devenir fou / Et tu arrives en me racontant / Que je n’aurai rien du tout"), avant de faire le constat amer ("J’ai le cœur qui part en vrille") que les rêves de ces enfants de banlieue auxquels il s’identifie ne pourraient bien se faire qu’en prenant la fuite car, chez lui, "On a le talent / Mais pas l’argent / On a le temps / Mais rien à faire".

    Kerredine ne fait pas de la banlieue ce territoire fantasmé – souvent en mal du reste, comme le souligne le chanteur (RSA, SMIC, Scarface, Toni Montana, rappeurs, stups, shits ou vodka) –, mais comme un lieu où la réussite et l’accomplissement des rêves peut vite se révéler frustrants, sinon impossibles. La solution pourrait donc bien être pour beaucoup de ces jeunes rêveurs la fuite, ailleurs : "Partons / Sans attendre ici que l’on nous aime / Partons / Avant que le désespoir ne règne / Partons / N’entends-tu pas le chant des sirène s/ Et on s’en fout de ce qu’ils penseront / Que nous sommes des inconscients / Que la folie nous envahit parce qu’on veut vivre nos rêves d’enfants." Le chanteur commente ainsi ce morceau : "Ma chanson Nos rêves d’enfant raconte mon envie et celles des enfants de ma cité d’Argenteuil de se bouger pour construire. Dans mon clip j’ai voulu montrer sur un mode positif ma jeunesse et ma réalité. Aujourd’hui je vis de la musique. Je vis mon rêve d’enfant."

    Musicalement, Nos Rêves d'Enfant délaisse la rugosité que réclamerait un tel message au profit d’un certain lyrisme, un orchestre symphonique accompagnant l’artiste.

    "On a le talent / Mais pas l’argent / On a le temps / Mais rien à faire"

    Le clip, tourné sa ville d’Argenteuil, donne la parole à ces enfants de cités et à leurs rêves d’enfants (pédiatre, juge, médecin, professeure ou auteure). Partir pour réaliser ces rêves, écouter sa petite voix, essayer : voilà le message de ce titre lumineux. Kerredine dit ceci : "Dans mon clip je retrace l’histoire de Melinda, 15 ans, une grande fan de Beethoven. Quand on lui demande si elle veut devenir Chef d’orchestre, elle répond : c’est pas pour nous ça. Sa réponse est hélas bien trop courante ici. Pourquoi ? Parce que les jeunes n’ont pas d’exemple dans le cadre familial qui ressemble à leur rêve. Pour eux c’est impossible. Ils veulent garder les pieds sur terre, mais moi je leur dit que la terre est grande et on peut garder ses pieds sur cette même, terre mais avancer plus loin. Dans ma chanson Nos rêves d’enfant, je veux donner cette force manquante, pour y aller, traverser la cité, comme je l’ai fais, prendre le bus puis le train de banlieue comme je l’ai fais, frapper aux portes avec beaucoup de courage et un peu de talent." Un autre artiste, Julien Clerc, grand voyageur et grand rêveur s’il en est ne chantait-il pas lui aussi : "Partir / Partir / Même loin / Loin de la région du cœur" ?

    Et si je vous dis que les cordes symphoniques de ce morceau sont jouées par des enfants de la région, que le chœur vient d’Argenteuil (Cap Cœur) et que les figurants vivent à la cité Joliot-Curie, voilà qui devrait finir de vous convaincre de partir à la découverte de Kerredine.

    Kerredine, Nos Rêves d'Enfant, 2020
    https://www.facebook.com/kerredineofficiel
    https://www.instagram.com/kerredine

    Voir aussi : "Qu’est-ce que Carole Pelé a à nous raconter ?"

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