En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Il arrive parfois que lors de concours, on ne retienne pas le gagnant mais un candidat perdant qui a su marquer les esprits. Tel est sans doute le cas de figure des Soignantes, finalistes à la dernière saison de La France a un incroyable talent, concours finalement gagné par la troupe de danse Mega Unity.
Les Soignantes est un trio vocal formé par Aïcha, chirurgienne cancérologue, Abigaël, urgentiste et Amandine, podologue. Les trois amies médecins et aujourd’hui artistes, peuvent se targuer d’avoir su émouvoir un large public. Les Soignantes ont fait de la musique un outil thérapeutique autant qu’un moyen d’apporter de la joie et du plaisir aux patients, familles et proches des malades mais aussi au personnel soignant travaillant avec elles. Le groupe a été formé par Loïc Manwell suite à une expérience en Ehpad pendant le confinement. Lors des auditions de La France a un incroyable talent, les chanteuses ont eu le privilège de recevoir un golden buzzer avec leur reprise de "Unstoppable".
Après la saison de la célèbre émission de M6, l’aventure musicale continue pour les Soignantes avec un premier album de reprises, Les Voix du Cœur ("Unstoppable" de Sia, "Vivre pour le meilleur" de Johnny Hallyday ou "Survivor" des Destiny’s Child), sans oublier des inédits.
Les Soignantes seront présentes à Orléans le 6 janvier dans le cadre de la promotion de leur album Les Voix du Cœur sorti le 15 décembre dernier. Showcase et dédicace à l’espace culturel du Leclerc Olivet.
Roxane Elfasci est un des gros coups de cœur de cette fin d’année, avec un album consacré à la guitare et à des adaptations passionnantes, étonnantes, enivrantes et parfois surprenantes pour cet instrument. C’est l’objet de Poésie française et Hommage à Debussy. Nous avons voulu en savoir plus cet projet musical mêlant tubes classiques, standards français et coups de cœur. Rencontre inédite avec Roxane Elfasci qui a la guitare dans la peau.
Bla Bla Blog – Bonjour Roxane. Vous proposez, avec votre Poésie française un album de reprises et d’arrangement à la guitare deux albums en un. Pouvez-vous nous raconter la genèse de cet opus ? Tout est parti, je crois de Youtube et d’une première version du Clair de lune.
Roxane Elfasci – Bonjour, et merci pour l’intérêt que vous portez à mon album ! J’ai toujours eu un grand amour pour la musique française, et en particulier celle du tournant du 20ème siècle. Debussy est un compositeur sans égal, qui a su amener énormément de délicatesse et de poésie dans ses compositions. J’ai eu très tôt l’envie de m’approprier sa musique à la guitare, par le biais d’arrangements. Le premier enregistrement que j’ai réalisé a été le Clair de Lune en effet, puis j’ai enregistré un premier album, sorti en 2021, entièrement consacré à la musique de Debussy et à des hommages à sa musique écrits par d’autres compositeurs. Après cela, je sentais que tout n’avait pas encore été dit, c’est pourquoi j’ai voulu enregistrer un second album intitulé Poésie Française : on y retrouve un nouvel arrangement de Debussy, pour duo de guitares : La Valse Romantique, mais également des références à d’autres compositeurs iconiques français comme Fauré, Satie ou encore Saint-Saëns. L’album est comme une mosaïque, un patchwork de la poésie musicale de ces années-là, en France.
BBB – L’auditeur découvrira sans doute tout l’éventail de nuances que propose la guitare. Quelle relation avez-vous d’ailleurs avec cet instrument, mais aussi avec la musique classique, un genre où la guitare est présente de manière plus discrète que le piano ou le violon ?
RE – J’ai commencé la guitare très jeune et je ne l’ai jamais quittée depuis. Parfois, la relation avec un instrument est assez conflictuelle, c’est presque comme une passion amoureuse : il y a des moments de joies intenses, d’autres où on se sent malheureux, mais en fin de compte, je ne peux pas me passer de ma guitare, elle fait partie de ma vie et de mon quotidien. Je suis dépendante de son odeur, de la sensation tactile des doigts sur la touche, du son de ses six cordes, et de tous les effets que le travail d’un instrument procure sur les sens. Je n’écoute pas uniquement de la musique classique, mais il est vrai que mes plus grands émois musicaux proviennent de là. J’ai appris à l’écouter, à l’apprécier, à en connaître les secrets au fur et à mesure de mes études et c’est aussi ça qui me plaît : avoir cette écoute active, comprendre toutes les merveilles d’écriture d’une symphonie, d’un concerto, d’une sonate pour piano. Certes la guitare classique est un peu à part dans ce milieu, mais la volonté que j’ai eue de m’y consacrer entièrement est indissociable de l’amour que j’ai pour la musique classique et de la fascination que ce milieu exerce sur moi.
BBB – On est surpris de voir que la guitare sert admirablement bien des œuvres de Debussy, Satie ou Fauré. Pour vous, ces compositeurs allaient-ils de soi pour des adaptions à la guitare ?
RE – D’une manière générale, la guitare fonctionne très bien pour les adaptations d’énormément de styles musicaux différents. C’est un instrument polyvalent, polyphonique, et qui offre des ressources quasiment illimitées quant aux variétés de timbres ou de modes de jeu. Réaliser des arrangements a toujours été une tradition chez les guitaristes classiques. C’est aussi une manière pour nous de pallier les manquements de notre répertoire : Debussy, Satie et Fauré n’ont jamais écrit pour guitare par exemple. Toutes les œuvres ne sont pas arrangeables pour autant, et le travail de transcription commence d’abord là : choisir les œuvres qui fonctionneront, et déterminer également pour quelle formation de cordes pincées on va l’arranger : guitare seule, duo, quatuor… Dans l’album Hommage à Debussy, l’un des arrangements fait appel à une formation assez rare : un trio avec deux guitares et une guitare baryton (instrument peu commun): c’était la formation qui me semblait convenir le mieux pour recréer l’atmosphère énigmatique et profonde de La Plainte au loin du Faune de Paul Dukas, à l’origine écrite pour piano.
BBB – Pouvez-vous nous parler des adaptations en elles-mêmes, puisque vous êtes l’auteure de quelques-unes d’entre elles, dont les Gymnopédies de Satie, La Rêverie de Debussy ou sa première Arabesque. Quelles sont les difficultés lorsque l’on passe d’une œuvre composée pour le clavier à la guitare ?
RE – Le piano offre un très grand ambitus, avec plus de sept octaves de jeu. La guitare elle, a un ambitus beaucoup plus réduit, qui s’étend sur un peu plus de trois octaves, avec un accès déjà plus difficile aux suraigus pour la main gauche. Par ailleurs, le pianiste dispose de ses dix doigts sur le clavier, ce qui lui permet une grande facilité de phrasé. À la guitare, nous sommes limités par les quatre doigts de la main gauche. Mais c’est ce qui est formidable aussi avec la guitare : c’est qu’elle arrive à rendre possible ce qui semble parfois impossible ! Je me souviens que lorsque j’avais travaillé sur l’arrangement de l’Arabesque, j’avançais pas à pas, mais je trouvais à chaque fois des solutions étonnantes qui ravivaient mon amour pour la guitare car je prenais conscience de toutes ses possibilités. On trouve des astuces, des combinaisons d’arpèges, des choix d’octaviation, des scordatura arrangeantes, un usage approprié des harmoniques etc. qui permettent de s’en sortir. Un arrangement réussi, c’est lorsqu’on oublie quel a été l’instrument destinataire et qu’on se laisse entièrement convaincre par le nouvel instrument.
"Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire"
BBB – Parlons aussi d’Édith Piaf. Voilà une présence étonnante dans cet album. Pourquoi ce choix ?
RE – Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire : c’est le cas de la Gymnopédie n°1 de Satie ou encore du Cygne de Saint-Saëns, et à l’inverse, des musiques populaires d’une telle richesse mélodique et orchestrale, qu’on les considère comme des "grands classiques". J’ai voulu illustrer cette perméabilité de la frontière entre musique classique et musique populaire en insérant ces deux pièces chantées par Édith Piaf à la fin de l’album. Je trouve qu’elles illustrent tout autant la poésie française que la Gymnopédie de Satie par exemple. Par ailleurs les arrangements de ces deux chansons de Piaf sont incroyables : ils ont été réalisés par Roland Dyens qui est probablement l’un des guitaristes que j’admire le plus, tant pour son exceptionnelle inventivité de compositeur et de transcripteur que pour ses qualités uniques d’interprète et d’improvisateur.
BBB – L’auditeur sera frappé par cette Marseillaise de Baden Powell, si mélancolique, si romantique… On sent que vous avez pris plaisir à surprendre et désarçonner.
RE – J’avais découvert cette version de La Marseillaise il y a quelques années déjà, et j’avais tout de suite été séduite par la douceur de ses harmonies et la sobriété de l’écriture, à contre-pied de l’ambition martiale de l’hymne français. Cet arrangement a été écrit par Baden Powell, un guitariste et compositeur brésilien que j’affectionne beaucoup. On peut trouver sur YouTube une vidéo où on l’entend jouer cette Marseillaise. La partition n’est qu’une retranscription de ce moment live. J’ai depuis le début cette idée d’insérer LaMarseillaise dans l’album Poésie Française, car ce disque est aussi une manière pour moi de manifester mon patriotisme. Je suis en effet une grande admiratrice de la culture française : son histoire, sa musique, sa littérature, sa gastronomie, ses paysages… C’est elle qui a nourri ma sensibilité et mon approche artistique, et j’ai souhaité lui rendre hommage ainsi avec ma guitare.
BBB – Quels sont vos projets pour 2024 ? Un nouvel album ? Une tournée ?
RE – J’aimerais consacrer du temps en 2024 à promouvoir ce nouvel album. De nouvelles vidéos doivent encore sortir, notamment celle de la Valse Romantique, et quelques concerts sont prévus pour l’instant. J’ai toujours en tête de nouvelles idées d’albums, et je suis actuellement en train de travailler avec mon duettiste Baptiste Erard sur un projet autour de la musique de Philip Glass. J’ai par ailleurs un nouveau projet musical avec une chanteuse lyrique mezzo-soprano, Marthe Alexandre, que j’avais rencontrée il y a quelques années lors de concerts aux Arènes de Montmartre l’été. Nous commençons à jouer notre programme en public, et nous cherchons à multiplier progressivement les concerts en 2024. Je travaille également régulièrement avec mon quatuor de guitares, la Quatuor Iberia ; nous venons de sortir notre première vidéo sur YouTube, il s’agit d’une valse vénézuélienne composée par Jorge Cardoso. Nous avons également pour projet d’enregistrer un disque très prochainement.
Voilà un des plus beaux albums classiques de cet automne. Un vrai voyage poétique – Poésie française est, du reste le titre de l’opus – proposé par la guitariste Roxane Elfasci.
Deux parties composent cet album, Hommage à Debussy et Poésie française, avec quelques reprises peu étonnantes tellement elles semblent avoir été écrites pour la guitare. On pense à la première "Gymnopédie" de Satie ou à la délicieuse "Valse romantique" de Claude Debussy. Comment ne pas parler non plus plus de ce morceau romantique qu’est "Le cygne" de Camille Saint-Saëns, véritable tube du répertoire classique, même si l’on a souvent du mal à mettre un nom sur cette pièce archi-connue.
Disons-le : Roxane Elfasci est géniale dans ces arrangements pour un instrument aussi populaire que peu goutté des compositeurs classiques. Que l’on pense à sa manière de s’emparer des "Romances sans paroles op. 17", numéros 1 et 3, de Gabriel Fauré. L’élégance est là, la simplicité aussi, sans affectation ni sensiblerie. Impossible non plus de ne pas parler du bel "Hommage à Ravel", à la fois classique dans sa forme et hispanisant.
Les surprises de l’opus viennent de ces coups de cœur populaires de la guitariste. Édith Piaf a droit à deux arrangements de Roland Dyens : "La foule" et le non moins célèbre "Hymne à l’amour", proposé dans une version d’une profonde mélancolie. Suit un morceau jazz de Baden Powell : la fameuse "Marseillaise" de Rouget de Lisle. L’auditeur sera frappé de constater que la charge guerrière de l’hymne française a totalement disparu, au profit d’un morceau d’une profonde tristesse, comme si le jazzman américain avait voulu proposer un hommage aux héros de la liberté.
Un immense succès sur Youtube, avec plusieurs millions d’auditeurs
Retour à Debussy dans la seconde partie de l’album, cet Hommage à Debussy qui avait fait l’objet d’un disque à part de Roxane Elfasci. Le "Clair de lune" de Claude Debussy (arrangé par James Bishop-Edwards) est bien entendu présent. À noter que le premier enregistrement de la musicienne a connu un immense succès sur Youtube à sa sortie en 2016, avec plusieurs millions d’auditeurs. L’auditeur y retrouvera les nuances impressionnistes du chef d’œuvre grâce au jeu subtil de la guitariste. On se prend à penser que ce joyau musical trouve dans la guitare un médium naturel – pour ne pas dire évident.
Roxane Elfasci est adaptatrice elle-même de la "Rêverie". Le passage à la guitare permet de voir sous un œil différent des œuvres de Debussy, à l’instar de "Doctor Gradus and Parnassum". L'Hommage à Debussy est de ce point de vue une réelle redécouverte du compositeur français, même lorsqu’il s’agit de morceaux légendaires ("Arabesque n°1"). Disons aussi que la guitare prend tout son sens lorsqu’il s’agit de pièces hispanisantes dans l’esprit (le coloré et attendrissant "Soirée dans Grenade", adapté par James F. Smith).
L’Hommage à Debussy fait place, dans la fin de cette partie, à des pièces d’autres compositeurs. Il y les classiques et ses contemporains Manuel de Falla (le "Tombeau de Claude Debussy", sombre et hispanisant) et Paul Dukas (l’étrange "Plainte au loin du Faune").
L’opus se termine avec des créations. Georges Migot propose "Pour un hommage à Claude Debussy" en trois mouvements, "Prélude", "Pastorale" et "Postlude". Des morceaux méditerranéens, modernes qui ne trahissent pas l’esprit impressionniste du compositeur symboliste. Philippe Lemaigre propose enfin un "Prélude en hommage à Claude Debussy". L’auditeur y trouvera les échos du "Clair de lune".
Quelques mois après une chronique sur le brillant album Symphony de Jean-Michel Pilc, voilà le jazzman français de retour avec, cette fois, un album trio, le bien nommé YOU Are The Strong.
Symphony se présentait comme un opus se jouant des styles, entre jazz, contemporain et classique. Voilà ici Jean-Michel Pilc de retour avec du jazz, du vrai, mené tambour battant, avec le groupe formé avec le contrebassiste François Moutin et le batteur Ari Hoenig. Il faut préciser que l’ensemble Pilc Moutin Hoenig ne s’était pas réuni depuis douze ans : "C’était une belle occasion de s’associer avec une maison de disque qui comprend notre manière de jouer, c’est-à-dire notre traitement du rythme et notre façon de composer ensemble à travers l’improvisation", confie le musicien français, avant d’ajouter : "C’est un album important pour nous… Nous avons tant évolué en tant que trio. Aujourd’hui, nous sommes différents de ce que nous étions il y a dix ans".
La couleur et le rythme sont ce qui domine dans cet opus aux multiples univers. Celui d’abord de la reprise de standards. C’est "Impression" de John Coltrane, nous renvoyant à la légende américaine et à son album éponyme de 1963.
Reprise encore, avec "The Song Is You" de Jerome Kern et Oscar Hammerstein, écrit à l’origine pour la comédie musicale Music in the Air (1932). Le trio Pilc-Moutin-Hornig font de ce classique des Broadway une revisite presque contemporaine, aux teintes où se mêlent sensualité, mélancolie et étrangeté, comme si l’amour venait nous cueillir par surprise.
Un album marquant le retour de l’ensemble Pilc Moutin Hoenig
Arrêtons-nous sur cet autre morceau, "Dear Old Stockholm", passionnante déambulation tirée, nous dit l’album, d’une chanson traditionnelle suédoise. Précisons tout de même que cet air a aussi fait les honneurs du jazz dans le passé grâce à des reprises de Stan Getz, Miles Davis, Paul Chambers et John Coltrane. Ici, c’est l’ensemble Pilc-François-Hoenig qui se prête au jeu avec un bel aplomb.
Thelonious Monk est présent sur d’autres pistes. C’est d’abord le cool "Straight No Chaser", que le trio étire de trois à plus de six minutes pour se l’approprier totalement. C’est ensuite le "Bemsha Swing", composé par "Monk" et le batteur Denzil Best, morceau qui, cette fois, est raccourci de moitié, comme si Pilc et ses amis voulaient en retirer tous ses sucs.
Jean-Michel Pilc, François Moutin et Ari Hoenig sont à la composition pour plusieurs morceaux. "YOUu are the strong", qui donne son nom à l’opus, est une déambulation jazz à la nostalgie certaine. Mais c’est aussi une belle déclaration. Plus rythmé et plus ramassé, "Searing Congress" prouve la solidité du trio autant que ses envies de revenir à l’essence même du jazz. La tension est là, tout comme la virtuosité des interprètes et cette manière de faire du jazz une matière vivante. Plus nostalgique et plus sombre, pour ne pas dire mystérieux, "Thin Air", le morceau le plus court de l’opus (un peu plus de trois minutes).
L’album se termine par deux singulières reprises. La première est un standard de 1918, "After You've Gone" de Turner Layton et Henry Creamer, un bel hommage aux origines du jazz autant qu’une revisite moderne. La seconde est une vraie surprise qui vient clôturer l’album, "Alice in Wonderland" de Sammy Fain et Bob Hilliard. Une incroyable et merveilleuse reprise d'un Disney qui clôt de main de maître cet album marquant le retour de l’ensemble Pilc Moutin Hoenig. Et une manière aussi de dire que le jazz sait ne pas se prendre au sérieux et se jouer la légèreté.
La jazzwoman Robin McKelle fait son retour tant attendu avec un album gracieux et séduisant, Impressions of Ella, Ella comme Ella Fitzgerald, bien sûr.
C’est l’occasion de découvrir ou découvrir des classiques du jazz qu’Ella Fitgerald a interprété à son époque. Pour ces revisites, Robin McKelle est accompagné d’un orchestre restreint, avec Kevin Barron au piano, Peter Washington à la guitare et Kenny Washington à la batterie, sans compter le featuring de Kurt Elling.
Cet opus marque le grand retour de la chanteuse américaine, sous forme d’hommage à une figure tutélaire du jazz. "Ma voix a mûri, et moi aussi. J’ai senti qu’à ce moment de ma vie, ces paroles avaient un sens pour moi. Impressions of Ella est comme un retour à la maison pour moi. Comme une réunion familiale après des années de séparation. Une reconnexion avec la musique qui m’a nourrie pendant toutes mes années de formation musicale, et qui furent largement influencées par Ella Fitzgerald", confie Robin McKelle, bien décidée à remettre au goût du jour des standards du jazz.
Que l’on pense au "Old Devil Moon", composée par Burton Lane sur des paroles de Yip Harburg pour la comédie musicale Finian's Rainbow (1947), et que Robin McKelle interprète sans coup férir, dans l’esprit des musicaux de Broadway.
Autre grand classique, toujours de l’entre-deux-guerre, "My One And Only" a été d’abord une chanson de George Gershwin et Ira Gershwin pour la comédie musicale Funny Face, avant de figurer dans le répertoire de la Grande Elsa. Et maintenant Robin McKelle, dans une facture des plus simples et efficaces – voix et piano, avec ce swing extraordinaire. Les frères Gershwin ont d’ailleurs une place de choix dans Impressions of Ella, avec le délicat "Embraceable You" et le mélancolique "Soon" qui vient clôturer l’album.
Du jazz, du vrai, du pur
Le lecteur de cette chronique sera sans doute surpris de voir le nom de Lady Gaga cité en référence pour le titre "Lush Life" de Zara Larsson. Il est vraie que l’interprète de "Bad Romance" l’avait chanté pour son album jazz (et oui!), en duo avec Tony Bennett. C’est là l’occasion de se précipiter sur l’opus Cheek to Cheek (2014), aussi velouté et sensuel que la version de sa compatriote. On pourrait dire la même chose de "I Won’t Dance" de Jerome Kern que Robin McKelle interprète avec Kurt Elling, tout en suavité et en complicité.
Il y a incontestablement un swing réjouissant chez Robin McKelle, à l’instar de "How High The Moon" de Morgan Lewis et Nancy Hamilton. Robin McKelle s’épanouit avec un bonheur communicatif, à l’instar du "Do Not Nothing Til You Hear from Me" que Duke Ellington avait écrit dans les années 40. Ella Fitgerald avait chanté cette chanson pour l’album de 1957 (Ella Fitzgerald chante le livre de chansons de Duke Ellington). Dans cette version de 2023, Robin McKelle ne se laisse pas impressionner par ces deux figures de la musique du XXe siècle. On y voit la marque d’une artiste à la voix puissante et capable des plus belles arabesques.
"Robin’s Nest" ne pouvait pas ne pas apparaître dans cet hommage à Ella Fitgerald. Du jazz, du vrai, du pur, là encore. Un titre écrit par la jazzwoman, ainsi qu'Illinois Jacquet et Charles Thomson.
Vernon Duke est à l'honneur à deux reprises à la fin de l’opus, avec deux classiques, le standard de Broadway "Taking a Chance to Love", écrit avec John LaTouche et Ted Fetter et le suave "April in Paris", cette fois avec Yip Harburg. Robin McKelle s’empare de ces classiques avec gourmandise, tempérament et passion.
Est-il utile de dire que le bonheur est à tous les étages dans ce somptueux album ?
La découverte du dernier album de la jazzwoman Laura Anglade, Venez donc chez moi, que nous avions chroniqué sur Bla Bla Blog, nous a donné envie d’interviewer la chanteuse, un pied en France et l’autre de l’autre côté de l’Atlantique. Rencontre avec une artiste qui voue un amour immodéré pour la chanson française, y compris le répertoire moins connu des années 30.
Bla Bla Blog – Bonjour Laura. Le public français vous découvre cette année avec votre reprise de standards de la chanson française, l’album Venez donc chez moi. Au Canada, vous êtes une des voix montantes de la scène jazz. Franco-américaine, quels sont vos rapports avec le Canada et la France ? Laura Anglade – Merci. J’ai quitté le Connecticut à l’âge de 18 ans, à la fin du lycée. Je suis partie à Montréal, à l’université Concordia, pour suivre des études de Traduction. J’ai toujours été fascinée par les langues, depuis toute petite. Je n’avais pas du tout envisagé de suivre une carrière en musique à ce moment-là. Cette ville me tentait bien, et le programme surtout…et depuis je n’ai pas quitté le Canada !
BBB – Pour cet album de reprises, vous avez choisi des titres qui ne sont pas forcément les plus connus : "Venez donc chez moi", qui donne le titre à l’opus, mais aussi "Vous qui passez sans me voir" ou "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours". Pourquoi ces choix ? LA –Venez Donc Chez Moi, tout d’abord met en avant mon identité française, mon “chez moi”, mais aussi, à un autre niveau, un album est une œuvre qui représente un moment précis, un peu comme la photographie. Nous avons enregistré cet album en pleine période de pandémie, bloqués chez nous. Avec Sam, le guitariste, on voulait inviter le public à passer un beau moment intime d’écoute, chez eux, en attendant de venir nous voir en concert peut-être un jour. En ce qui concerne les autres titres, Charles Trenet est le chanteur préféré de mon grand-père, il me chantait souvent ses chansons quand j’étais petite. Je connais pratiquement toutes ses chansons par cœur. Je voulais rendre hommage à ma famille, en leur faisant ce cadeau, pour qu’ils puissent chanter avec moi en écoutant mon disque. Ils sont loin, donc au moins cela nous permet de nous rapprocher un peu, comme si une partie de moi était là, avec eux. D’après moi, “Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours” est une belle leçon. Quand on se lance dans une histoire avec quelqu’un en tout début de relation, il y a toujours un moment d’hésitation. On essaye de se protéger, sûrement pour ne pas s’emballer trop vite. On ne veut pas trop se projeter, par peur d’être rejeté, mais quand ça doit marcher, les choses se mettent en place petit à petit, naturellement. On a pas besoin de se faire des promesses ni des plans, on peut simplement vivre jour après jour, sans attente. Je trouve ce message magnifique.
BBB – On sent chez vous un attachement au répertoire des années 30 et aussi au compositeur Paul Misraki, peu connu, et qui a écrit deux de vos reprises ("Venez donc chez moi" et "Vous qui passez sans me voir"). Est-ce une invitation à redécouvrir le patrimoine musical français oublié et les chansons de Lucienne Boyer, Ray Ventura, voire Charles Trénet ? LA – Effectivement. Je trouve que ces chansons sont intemporelles. On arrive à plonger dans ces histoires et ces mélodies, comme un bon livre. Ce sont des thèmes nostalgiques, mais en même temps encore courants. On s’y retrouve.
BBB – On est peu surpris de voir apparaître Michel Legrand ; on l’est plus par le choix de vos reprises : au lieu des "Moulins de mon cœur" ou de la "Recette du cake d’amour", vous avez choisi la magnifique "Chanson de Maxence" et de la "Valse des lilas". Pourquoi le choix de ces morceaux ? LA – "La Chanson de Maxence", de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort par Michel Legrand est l’une de ses plus belles chansons. Elle a été adaptée en anglais, et raconte une histoire complètement différente de l’originale. En général, je choisis de chanter une chanson si je trouve les paroles captivantes. Dans ce cas, je me laisse emporter par la mélodie, complexe et à la fois mémorable et nostalgique, des thèmes que l’on reconnaît facilement à travers toutes les œuvres de Michel Legrand. "La Valse des Lilas" a aussi été adaptée en anglais, c’est une chanson pleine d’espoir, comme les premières fleurs au printemps.
"Mon rêve serait de lui chanter « Chez Laurette » un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !"
BBB – Deux femmes ont les honneurs de votre opus : Jeanne Moreau, l’interprète de "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours et surtout "Barbara ("Précy Jardin" et "Ce matin-là"). J’imagine que c’est tout sauf un hasard de voir Barbara figurer sur cet album. LA – Barbara a toujours été une grande source d’inspiration. "Precy Jardin" est la chanson de Barbara ou je me reconnais le plus. Chaque été depuis mon enfance, ma famille retournait dans notre petit village dans le sud de la France. En 1973, Barbara a quitté Paris pour aller vivre à Précy sur Marne, à la campagne, et c’est là ou elle a passé ses dernières années. Dans ce lieu paisible, loin de tout, près de la nature, Barbara est au paradis. Je reconnais mon petit village, Brousse le Château, à travers les paroles, “juste le clocher qui sonne minuit”.
BBB – L’auditeur français sera heureux de trouver une reprise de "Chez Laurette". À ma connaissance, c’est l’une des première fois que Michel Delpech côtoie Charles Trénet, Charles Aznavour ou Barbara. "Chez Laurette" se devait de figurer dans votre album ? Et spécialement cette chanson, la plus célèbre sans doute de son répertoire ? LA – "Chez Laurette", de Michel Delpech, est une de mes chansons préférées de tout l’album. J’ai appris que le chanteur a écrit la chanson en une traite durant un court trajet en train. Chez Laurette raconte l’amitié entre un jeune garçon et la dame qui tient le café au coin de la rue. Laurette devient vite la confidente de lui et de tous ses amis. Chaque chagrin d’amour, chaque fou rire, elle les voit grandir au fur et à mesure des années qui passent. C’est une belle confiance qui se construit, surtout pendant les années les plus importantes, elle les aident à naviguer l’adolescence. Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été et qu’on retrouvait toujours les mêmes vendeuses, qui me disaient avec leur sourire familier, “alors ça pousse !” ou quand on allait chercher la viande chez le boucher de ma grand-mère, qui a vu ma mère grandir, et maintenant voyait ses enfants grandir aussi. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et ce que l’on devient. J’ai aussi choisi la chanson parce que c’est une des chansons préférées de mon grand-père. Même si Michel Delpech n’est plus parmi nous, j’ai appris que cette “Laurette” est inspirée d’une vraie personne, qui existe toujours, et que ce fameux café aussi ! Mon rêve serait de lui chanter cette chanson un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !
BBB – Après cet album, quels sont vos futurs projets ? Une tournée est-elle prévue en France ? Ou un album en préparation ? LA – Je viens de faire une mini tournée à Paris dernièrement en juin 2022. J’espère y revenir le plus vite possible, j’adore cette ville, surtout au printemps. Je pars en tournée avec Melody Gardot en septembre, j’ai vraiment hâte. En ce moment, oui, je pense à un futur album aussi. Plein de belles choses ! Merci beaucoup.
Qui dit reprises de chansons françaises dit standards incontournables d’Édith Piaf, Yves Montand ou Maurice Chevalier, avec des classiques archi rabattus, de ceux que Thomas Dutronc avait réinterprétés en duo il y a quelques années, dans un très joli album au demeurant. La jazzwoman franco-américaine Laura Anglade, accompagnée du guitariste québécois Sam Kirmayer, a choisi le contre-pied dans son album de reprises, Venez donc chez moi.
"Venez Donc Chez Moi", à l'origine un tube de l’entre-deux guerres écrit par Paul Misraki et créé par Lucienne Boyer et Ray Ventura et ses collégiens, peut s’écouter comme une invitation dans l’univers smooth de Laura Anglade, reconnue par "Ici Musique" de Radio Canada comme l'une des cinq meilleures musiciennes de jazz à surveiller.
Paul Misraki est mis à l’honneur dans une autre de ses compositions avec cet autre classique qu’est "Vous qui passez sans me voir" que Charles Trénet avait rendu célèbre, en dépit du fait que ce morceau n’est pas celui que le grand public a retenu de l’interprète de "La mer", de "Douce France" ou de "Boum !"
L’auditeur sera sans doute plus familier avec ce bijou qu’est "Paris au mois de mai", romantique et parisien à souhait, grâce à l’accordéon de Benjamin Rosenblum. Laura Anglade reprend également le célébrissime "Que reste-t-il de nos amours ?", dans lequel Charles Trénet – encore lui ! – s’était rarement montré aussi mélancolique. La chanteuse y ajoute sa patte jazz, montrant du même coup un aperçu de sa palette vocale.
"Chez Laurette" est la reprise la plus incroyable de l’album, et qui mérite à elle-seule que l’on se précipite pour découvrir l’opus de Laura Anglade
La Franco-américaine ne pouvait pas ne pas reprendre des standards de Michel Legrand. Outre "La valse des lilas", qui clôt l’album, sa revisite délicate de "La chanson de Maxence" permet de déguster les paroles et d’apprécier les qualités de parolier du compositeur français : "Elle a cette beauté des filles romantiques / Et d'un Botticelli, le regard innocent / Son profil est celui de ces vierges mythiques / Qui hantent les musées et les adolescents".
Un hommage est rendu à deux femmes, deux artistes et deux musiciennes : Jeanne Moreau, avec une reprise "Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerai toujours" (par ailleurs, la chanson du film Pierrot le fou, avec Anna Karina et Jean-Paul Belmondo) et Barbara avec deux titres que beaucoup d’auditeurs découvriront sans doute : le nostalgique "Précy Jardin" et le délicat "Ce matin-là", toujours avec l’accompagnement à l’avenant de Sam Kirmayer.
"Chez Laurette" est la reprise la plus incroyable de l’album, et qui mérite à elle-seule que l’on se précipite pour découvrir l’opus de Laura Anglade. La chanteuse se l’approprie totalement au point que l’auditeur, pourtant habitué à l’original, a la sensation de la redécouvrir, dans toute sa pureté avec voix jazzy et guitare. Laura Anglade dit ceci : "Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et qui on devient."
Tout autant que ces reprises de standards français, c’est une chanteuse d’exception qui est à découvrir à travers ce Venez donc chez moi, étincelant dans sa simplicité.
Voilà un disque absolument parfait pour les fêtes de fin d’année : Yves Carini propose en ce moment son album de reprise The Way You Are, au parfum délicieux et hors du temps : celui des comédies musicales, des grands orchestres et des crooners romantiques.
Pour son projet musical, constitué de neuf reprises et de deux inédits ("Sous les Mains d’Elsa" et le public "Savoir faire"), Yves Carini s’est entouré des meilleurs arrangeurs, notamment Jorge Calandrelli, producteur, arrangeur qui cumule six Grammy Awards, avec à son crédit tous les albums de Tony Bennett. À ses côtés, on retrouve aussi Randy Waldman, arrangeur et pianiste de Barbra Streisand et qui a travaillé notamment avec Frank Sinatra. Avec de telles collaborations, The Way You Are ne pouvait que se parer de couleurs jazz et crooner. "L’album s’écoute comme un spectacle de Broadway", confie à ce sujet le musicien frenchy.
L’auditeur trouvera dans cet album des reprises tombant sous le sens, à l’exemple du fameux "Hymne à l’amour" d’Édith Piaf, du succès international "Eye In The Sky" des The Alan Parsons Project ou encore du tube intersidéral "Just The Way You Are" qu’avaient chanté Billy Joel, Barry White ou Bruno Mars.
L’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens
La première surprise vient de la reprise du désormais classique "Un homme heureux", une revisite dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Yves Carini abandonne la ballade murmurée, timide et plaintive de William Sheller pour un titre alliant recherche amoureuse, mélancolie et espoir. Il faut entendre comment Yves Carini choisit de chanter le droit au bonheur et à l’amour sur un rythme jazzy, avec la guitare brillante de Larry Koonse qu’il faut absolument mentionner ici.
L’auditeur français découvrira sans doute le standard de jazz italien "Estate", composé par Bruno Martino et popularisé par Joao Gilberto. Avec cette reprise d’Yves Carini, nous voilà dans La Dolce Vita. Il n’y a qu’à fermer les yeux pour se retrouver dans le film de Federico Fellini, avec Marcello Mastroianni et Anita Ekberg, une nuit à Rome. Quoi de plus romantique ?
On est toujours dans l’amour avec la version singulière de "Love Me Like You Do" d'Ellie Goulding. Le crooner français fait même une version française et romantique ("Aime-moi comme tu es") de ce titre qui a illustré la bande originale de Cinquante Nuances de Grey !
Yves Carini sait surprendre son public avec l’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens. Le musicien reprend une scène grise et cruelle vécue à Nantes par la chanteuse pop française pour en faire l’histoire d’une rencontre envoûtante. Il colore le tube de Christine and The Queens d’un rythme jazz audacieux, au point d’en faire un standard digne de Broadway. Qui l'eût cru ?
Après cette revisite ébouriffante et désarçonnante qui ne laissera personne indifférent, Yves Carini propose une reprise aussi classique qu’élégante des "Mots bleus", dans une mélancolie très smooth.