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  • Basson, toi mon ami

    Nous avions déjà parlé du basson dans une chronique consacrée à Rui Lopes. Cet instrument discret – et même trop discret – est une nouvelle fois mis en valeur dans un formidable album de compilations d’œuvres classiques et contemporaines. C’est Lola Descours qui mène le bal dans son formidable album Hommage à Nadia Boulanger.

    Au programme de la bassoniste, Stravinsky, Sains-Saëns, Nadia Boulanger (bien sûr), Lili Boulanger, Poulenc, Fauré, mais aussi Philipp Glass, Aaron Copland ou encore Piazzola. Autant de compositeurs qui ont entouré la musicienne, cheffe d’orchestre et pédagogue. Saluons aussi la présence de compositeurs souvent cantonnés à la musique de films mais qui sont réellement entrés dans le répertoire classique contemporain. Ce sont Michel Legrand, Jean Françaix, Leonard Bernstein et Vladimir Cosma.

    Une seule œuvre de Nadia Boulanger est proposée. Il s’agit du lumineux "La mer" qui s’écoute comme un hommage à Debussy. Lili Boulanger, décédée dans sa 24e année ne pouvait pas ne pas apparaître non plus dans cet hommage à sa sœur. Elle qui se savait tôt gravement malade, a laissé une œuvre évidemment incomplète mais en tout cas marquante. Lola Descours propose un "Nocturne" d’elle à la facture classique et aux délicats reflets que vient épouser le basson.  

    C’est une vraie gourmandise que d’écouter et de découvrir des œuvres et surtout un instrument au son rond et profondément humain. L’album commence par la Suite italienne sur Pulcinella d’Igor Stravinsky. Cette œuvre, au départ un ballet écrit en 1919 d’après des emprunts au compositeur baroque Pergolese, est devenu une suite orchestrale en 1932. Le basson de Lola Descours se fait tour à tout joueur ("Overture", "Tocata"), mélancolique ("Serenata"), amoureux ("Gavotte con due variazioni") et sombre en forme d’adieu ("Minuetto e Finale").

    Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui

    On a dit que cet album constitue un hommage et, mieux, un cercle d’amis et de proches de Nadia Boulanger. Parlons à ce sujet du "Maria de Buenos Aires" d’Astor Piazzolla que Nadia Boulanger, est-il dit dans le livret, encouragea, avec l’intuition que le musicien argentin devait assumer le choix du tango. On sait ce qu’il advint par la suite. Il y a une autre "Maria" dans l’opus. Il s’agit de l’héroïne légendaire de West Side Story. Lola Descours en propose une version pour basson à la toute fin de l’album. Leonard Bernstein a qualifié Nadia Boulanger de "Reine de la musique". La bassoniste propose une version épurée du classique de la comédie musicale new-yorkaise avec accordéon, rendant le titre plus bouleversant encore.

    C’est avec le morceau "Old Poem" que s’est concrétisée une autre relation artistique, cette fois entre Aaron Copland et la musicienne et pédagogue française. Le compositeur américain propose dans ce court morceau une essence à la fois moderne et une création aux sources anciennes. Le basson caresse chaque note, donnant à ce poème musical une teinte tout en romanesque.

    Il est naturel de trouver dans cet album la Sonate op. 168 pour basson et piano de Camille Saint-Saëns. Ce dernier l’a composé en 1921, peu avant sa mort. Il s’agit d’une des œuvres majeures du répertoire pour cet instrument mal-aimé. Lola Descours propose cette sonate en sachant que Saint-Saëns, un ami de la famille Boulanger, fut quelque peu misogyne pour Nadia Boulanger, sans doute un peu trop libre à son goût et pour son époque.      

    D’autres grands classiques de la musique française rejoignent cet enregistrement, à commencer par Francis Poulenc et trois courts morceaux élégants, "Fiançailles pour le rire", un extrait de La Courte Paille et un autre de Léocadia, le fameux air "Les chemins de l’amour", rendu célèbre à par Yvonne Printemps. Le basson est parfait pour rendre à cette chanson toute sa douceur. Gabriel Fauré est également présent la mélodie "Les berceaux", interprété là aussi avec piano et basson.

    L’auditeur découvrira avec bonheur le titre phare du film Le Jouet, avec un Vladimir Cosma plus inspiré que jamais et qui a fait de la BO de cette célèbre comédie une œuvre désormais classique. Autre compositeur pour le cinéma, Michel Legrand est présent avec le morceau "Watch What Happens". Le titre dira sans doute moins que l’œuvre dont il est tiré : Les Parapluies de Cherbourg.    

    Parmi les grandes figures de la musique contemporaine américaine, et outre Aaron Copland, Lola Descours a la bonne idée de proposer le passionnant "Love Divided Bye" de Philipp Glass. Le minimalisme est bien là mais le compositeur américain le mâtine de cet esprit français. Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui.

    La musicienne française vouait une tendresse et une admiration particulière pour Jean Françaix qu’elle a formé dès son enfance. Il est présent ici avec son "Divertissement pour basson et quintettes à cordes". Sérieux, légèreté, gravité, insouciance, classicisme et modernisme se marient avec bonheur dans cette œuvre de 1959 que l’on découvre grâce à Lola Descours. Le basson se fait plus discret, tout en restant central et capital. Un instrument roi, assurément.   

    Hommage à Nadia Boulanger, Lola Descours (basson), Paloma Kouider (piano),
    Trio ABC, Octuor de France, Indésens Calliope Records, 2024
    https://loladescours.com
    https://www.facebook.com/p/Lola-Descours-Bassoon

    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Rui Lopes, le basson peut lui dire merci"

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  • Basson, toi mon ami

    Nous avions déjà parlé du basson dans une chronique consacrée à Rui Lopes. Cet instrument discret – et même trop discret – est une nouvelle fois mis en valeur dans un formidable album de compilations d’œuvres classiques et contemporaines. C’est Lola Descours qui mène le bal dans son formidable album Hommage à Nadia Boulanger.

    Au programme de la bassoniste, Stravinsky, Sains-Saëns, Nadia Boulanger (bien sûr), Lili Boulanger, Poulenc, Fauré, mais aussi Philipp Glass, Aaron Copland ou encore Piazzola. Autant de compositeurs qui ont entouré la musicienne, cheffe d’orchestre et pédagogue. Saluons aussi la présence de compositeurs souvent cantonnés à la musique de films mais qui sont réellement entrés dans le répertoire classique contemporain. Ce sont Michel Legrand, Jean Françaix, Leonard Bernstein et Vladimir Cosma.

    Une seule œuvre de Nadia Boulanger est proposée. Il s’agit du lumineux "La mer" qui s’écoute comme un hommage à Debussy. Lili Boulanger, décédée dans sa 24e année ne pouvait pas ne pas apparaître non plus dans cet hommage à sa sœur. Elle qui se savait tôt gravement malade, a laissé une œuvre évidemment incomplète mais en tout cas marquante. Lola Descours propose un "Nocturne" d’elle à la facture classique et aux délicats reflets que vient épouser le basson.  

    C’est une vraie gourmandise que d’écouter et de découvrir des œuvres et surtout un instrument au son rond et profondément humain. L’album commence par la Suite italienne sur Pulcinella d’Igor Stravinsky. Cette œuvre, au départ un ballet écrit en 1919 d’après des emprunts au compositeur baroque Pergolese, est devenu une suite orchestrale en 1932. Le basson de Lola Descours se fait tour à tout joueur ("Overture", "Tocata"), mélancolique ("Serenata"), amoureux ("Gavotte con due variazioni") et sombre en forme d’adieu ("Minuetto e Finale").

    Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui

    On a dit que cet album constitue un hommage et, mieux, un cercle d’amis et de proches de Nadia Boulanger. Parlons à ce sujet du "Maria de Buenos Aires" d’Astor Piazzolla que Nadia Boulanger, est-il dit dans le livret, encouragea, avec l’intuition que le musicien argentin devait assumer le choix du tango. On sait ce qu’il advint par la suite. Il y a une autre "Maria" dans l’opus. Il s’agit de l’héroïne légendaire de West Side Story. Lola Descours en propose une version pour basson à la toute fin de l’album. Leonard Bernstein a qualifié Nadia Boulanger de "Reine de la musique". La bassoniste propose une version épurée du classique de la comédie musicale new-yorkaise avec accordéon, rendant le titre plus bouleversant encore.

    C’est avec le morceau "Old Poem" que s’est concrétisée une autre relation artistique, cette fois entre Aaron Copland et la musicienne et pédagogue française. Le compositeur américain propose dans ce court morceau une essence à la fois moderne et une création aux sources anciennes. Le basson caresse chaque note, donnant à ce poème musical une teinte tout en romanesque.

    Il est naturel de trouver dans cet album la Sonate op. 168 pour basson et piano de Camille Saint-Saëns. Ce dernier l’a composé en 1921, peu avant sa mort. Il s’agit d’une des œuvres majeures du répertoire pour cet instrument mal-aimé. Lola Descours propose cette sonate en sachant que Saint-Saëns, un ami de la famille Boulanger, fut quelque peu misogyne pour Nadia Boulanger, sans doute un peu trop libre à son goût et pour son époque.      

    D’autres grands classiques de la musique française rejoignent cet enregistrement, à commencer par Francis Poulenc et trois courts morceaux élégants, "Fiançailles pour le rire", un extrait de La Courte Paille et un autre de Léocadia, le fameux air "Les chemins de l’amour", rendu célèbre à par Yvonne Printemps. Le basson est parfait pour rendre à cette chanson toute sa douceur. Gabriel Fauré est également présent la mélodie "Les berceaux", interprété là aussi avec piano et basson.

    L’auditeur découvrira avec bonheur le titre phare du film Le Jouet, avec un Vladimir Cosma plus inspiré que jamais et qui a fait de la BO de cette célèbre comédie une œuvre désormais classique. Autre compositeur pour le cinéma, Michel Legrand est présent avec le morceau "Watch What Happens". Le titre dira sans doute moins que l’œuvre dont il est tiré : Les Parapluies de Cherbourg.    

    Parmi les grandes figures de la musique contemporaine américaine, et outre Aaron Copland, Lola Descours a la bonne idée de proposer le passionnant "Love Divided Bye" de Philipp Glass. Le minimalisme est bien là mais le compositeur américain le mâtine de cet esprit français. Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui.

    La musicienne française vouait une tendresse et une admiration particulière pour Jean Françaix qu’elle a formé dès son enfance. Il est présent ici avec son "Divertissement pour basson et quintettes à cordes". Sérieux, légèreté, gravité, insouciance, classicisme et modernisme se marient avec bonheur dans cette œuvre de 1959 que l’on découvre grâce à Lola Descours. Le basson se fait plus discret, tout en restant central et capital. Un instrument roi, assurément.   

    Hommage à Nadia Boulanger, Lola Descours (basson), Paloma Kouider (piano),
    Trio ABC, Octuor de France, Indésens Calliope Records, 2024
    https://loladescours.com
    https://www.facebook.com/p/Lola-Descours-Bassoon

    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Rui Lopes, le basson peut lui dire merci"

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  • Roxane Elfasci : "La relation avec un instrument est assez conflictuelle, c’est presque comme une passion amoureuse"

    Roxane Elfasci est un des gros coups de cœur de cette fin d’année, avec un album consacré à la guitare et à des adaptations passionnantes, étonnantes, enivrantes et parfois surprenantes pour cet instrument. C’est l’objet de Poésie française et Hommage à Debussy. Nous avons voulu en savoir plus cet projet musical mêlant tubes classiques, standards français et coups de cœur. Rencontre inédite avec Roxane Elfasci qui a la guitare dans la peau. 

    Bla Bla Blog – Bonjour Roxane. Vous proposez, avec votre Poésie française un album de reprises et d’arrangement à la guitare deux albums en un. Pouvez-vous nous raconter la genèse de cet opus ? Tout est parti, je crois de Youtube et d’une première version du Clair de lune.

    Roxane Elfasci – Bonjour, et merci pour l’intérêt que vous portez à mon album ! J’ai toujours eu un grand amour pour la musique française, et en particulier celle du tournant du 20ème siècle. Debussy est un compositeur sans égal, qui a su amener énormément de délicatesse et de poésie dans ses compositions. J’ai eu très tôt l’envie de m’approprier sa musique à la guitare, par le biais d’arrangements. Le premier enregistrement que j’ai réalisé a été le Clair de Lune en effet, puis j’ai enregistré un premier album, sorti en 2021, entièrement consacré à la musique de Debussy et à des hommages à sa musique écrits par d’autres compositeurs. Après cela, je sentais que tout n’avait pas encore été dit, c’est pourquoi j’ai voulu enregistrer un second album intitulé Poésie Française : on y retrouve un nouvel arrangement de Debussy, pour duo de guitares : La Valse Romantique, mais également des références à d’autres compositeurs iconiques français comme Fauré, Satie ou encore Saint-Saëns. L’album est comme une mosaïque, un patchwork de la poésie musicale de ces années-là, en France.  

    BBB – L’auditeur découvrira sans doute tout l’éventail de nuances que propose la guitare. Quelle relation avez-vous d’ailleurs avec cet instrument, mais aussi avec la musique classique, un genre où la guitare est présente de manière plus discrète que le piano ou le violon ? 

    RE – J’ai commencé la guitare très jeune et je ne l’ai jamais quittée depuis. Parfois, la relation avec un instrument est assez conflictuelle, c’est presque comme une passion amoureuse : il y a des moments de joies intenses, d’autres où on se sent malheureux, mais en fin de compte, je ne peux pas me passer de ma guitare, elle fait partie de ma vie et de mon quotidien. Je suis dépendante de son odeur, de la sensation tactile des doigts sur la touche, du son de ses six cordes, et de tous les effets que le travail d’un instrument procure sur les sens. Je n’écoute pas uniquement de la musique classique, mais il est vrai que mes plus grands émois musicaux proviennent de là. J’ai appris à l’écouter, à l’apprécier, à en connaître les secrets au fur et à mesure de mes études et c’est aussi ça qui me plaît : avoir cette écoute active, comprendre toutes les merveilles d’écriture d’une symphonie, d’un concerto, d’une sonate pour piano. Certes la guitare classique est un peu à part dans ce milieu, mais la volonté que j’ai eue de m’y consacrer entièrement est indissociable de l’amour que j’ai pour la musique classique et de la fascination que ce milieu exerce sur moi. 

    BBB – On est surpris de voir que la guitare sert admirablement bien des œuvres de Debussy, Satie ou Fauré. Pour vous, ces compositeurs allaient-ils de soi pour des adaptions à la guitare ? 

    RE – D’une manière générale, la guitare fonctionne très bien pour les adaptations d’énormément de styles musicaux différents. C’est un instrument polyvalent, polyphonique, et qui offre des ressources quasiment illimitées quant aux variétés de timbres ou de modes de jeu. Réaliser des arrangements a toujours été une tradition chez les guitaristes classiques. C’est aussi une manière pour nous de pallier les manquements de notre répertoire : Debussy, Satie et Fauré n’ont jamais écrit pour guitare par exemple. Toutes les œuvres ne sont pas arrangeables pour autant, et le travail de transcription commence d’abord là : choisir les œuvres qui fonctionneront, et déterminer également pour quelle formation de cordes pincées on va l’arranger : guitare seule, duo, quatuor… Dans l’album Hommage à Debussy, l’un des arrangements fait appel à une formation assez rare : un trio avec deux guitares et une guitare baryton (instrument peu commun): c’était la formation qui me semblait convenir le mieux pour recréer l’atmosphère énigmatique et profonde de La Plainte au loin du Faune de Paul Dukas, à l’origine écrite pour piano. 

    BBB – Pouvez-vous nous parler des adaptations en elles-mêmes, puisque vous êtes l’auteure de quelques-unes d’entre elles, dont les Gymnopédies de Satie, La Rêverie de Debussy ou sa première Arabesque. Quelles sont les difficultés lorsque l’on passe d’une œuvre composée pour le clavier à la guitare ? 

    RE – Le piano offre un très grand ambitus, avec plus de sept octaves de jeu. La guitare elle, a un ambitus beaucoup plus réduit, qui s’étend sur un peu plus de trois octaves, avec un accès déjà plus difficile aux suraigus pour la main gauche. Par ailleurs, le pianiste dispose de ses dix doigts sur le clavier, ce qui lui permet une grande facilité de phrasé. À la guitare, nous sommes limités par les quatre doigts de la main gauche. Mais c’est ce qui est formidable aussi avec la guitare : c’est qu’elle arrive à rendre possible ce qui semble parfois impossible ! Je me souviens que lorsque j’avais travaillé sur l’arrangement de l’Arabesque, j’avançais pas à pas, mais je trouvais à chaque fois des solutions étonnantes qui ravivaient mon amour pour la guitare car je prenais conscience de toutes ses possibilités. On trouve des astuces, des combinaisons d’arpèges, des choix d’octaviation, des scordatura arrangeantes, un usage approprié des harmoniques etc. qui permettent de s’en sortir. Un arrangement réussi, c’est lorsqu’on oublie quel a été l’instrument destinataire et qu’on se laisse entièrement convaincre par le nouvel instrument.  

    "Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire"

    BBB – Parlons aussi d’Édith Piaf. Voilà une présence étonnante dans cet album. Pourquoi ce choix ? 

    RE – Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire : c’est le cas de la Gymnopédie n°1 de Satie ou encore du Cygne de Saint-Saëns, et à l’inverse, des musiques populaires d’une telle richesse mélodique et orchestrale, qu’on les considère comme des "grands classiques". J’ai voulu illustrer cette perméabilité de la frontière entre musique classique et musique populaire en insérant ces deux pièces chantées par Édith Piaf à la fin de l’album. Je trouve qu’elles illustrent tout autant la poésie française que la Gymnopédie de Satie par exemple. Par ailleurs les arrangements de ces deux chansons de Piaf sont incroyables : ils ont été réalisés par Roland Dyens qui est probablement l’un des guitaristes que j’admire le plus, tant pour son exceptionnelle inventivité de compositeur et de transcripteur que pour ses qualités uniques d’interprète et d’improvisateur. 

    BBB – L’auditeur sera frappé par cette Marseillaise de Baden Powell, si mélancolique, si romantique… On sent que vous avez pris plaisir à surprendre et désarçonner.

    RE – J’avais découvert cette version de La Marseillaise il y a quelques années déjà, et j’avais tout de suite été séduite par la douceur de ses harmonies et la sobriété de l’écriture, à contre-pied de l’ambition martiale de l’hymne français. Cet arrangement a été écrit par Baden Powell, un guitariste et compositeur brésilien que j’affectionne beaucoup. On peut trouver sur YouTube une vidéo où on l’entend jouer cette Marseillaise. La partition n’est qu’une retranscription de ce moment live. J’ai depuis le début cette idée d’insérer La Marseillaise dans l’album Poésie Française, car ce disque est aussi une manière pour moi de manifester mon patriotisme. Je suis en effet une grande admiratrice de la culture française : son histoire, sa musique, sa littérature, sa gastronomie, ses paysages… C’est elle qui a nourri ma sensibilité et mon approche artistique, et j’ai souhaité lui rendre hommage ainsi avec ma guitare. 

    BBB – Quels sont vos projets pour 2024 ? Un nouvel album ? Une tournée ?

    RE – J’aimerais consacrer du temps en 2024 à promouvoir ce nouvel album. De nouvelles vidéos doivent encore sortir, notamment celle de la Valse Romantique, et quelques concerts sont prévus pour l’instant. J’ai toujours en tête de nouvelles idées d’albums, et je suis actuellement en train de travailler avec mon duettiste Baptiste Erard sur un projet autour de la musique de Philip Glass. J’ai par ailleurs un nouveau projet musical avec une chanteuse lyrique mezzo-soprano, Marthe Alexandre, que j’avais rencontrée il y a quelques années lors de concerts aux Arènes de Montmartre l’été. Nous commençons à jouer notre programme en public, et nous cherchons à multiplier progressivement les concerts en 2024. Je travaille également régulièrement avec mon quatuor de guitares, la Quatuor Iberia ; nous venons de sortir notre première vidéo sur YouTube, il s’agit d’une valse vénézuélienne composée par Jorge Cardoso. Nous avons également pour projet d’enregistrer un disque très prochainement. 

    BBB – Merci, Roxane.

    Roxane Elfasci, Poésie française et Hommage à Debussy, Amigo, 2023
    https://roxane-elfasci.com
    https://www.instagram.com/roxanelfasci
    http://amigo-musik.se/en

    Voir aussi : "Guitare et classique by Roxane Elfasci"

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  • Guitare et classique by Roxane Elfasci

    Voilà un des plus beaux albums classiques de cet automne. Un vrai voyage poétique – Poésie française est, du reste le titre de l’opus – proposé par la guitariste Roxane Elfasci.

    Deux parties composent cet album, Hommage à Debussy et Poésie française, avec quelques reprises peu étonnantes tellement elles semblent avoir été écrites pour la guitare. On pense à la première "Gymnopédie" de Satie ou à la délicieuse "Valse romantique" de Claude Debussy. Comment ne pas parler non plus plus de ce morceau romantique qu’est "Le cygne" de Camille Saint-Saëns, véritable tube du répertoire classique, même si l’on a souvent du mal à mettre un nom sur cette pièce archi-connue.

    Disons-le : Roxane Elfasci est géniale dans ces arrangements pour un instrument aussi populaire que peu goutté des compositeurs classiques. Que l’on pense à sa manière de s’emparer des "Romances sans paroles op. 17",  numéros 1 et 3, de Gabriel Fauré. L’élégance est là, la simplicité aussi, sans affectation ni sensiblerie. Impossible non plus de ne pas parler du bel "Hommage à Ravel", à la fois classique dans sa forme et hispanisant.

    Les surprises de l’opus viennent de ces coups de cœur populaires de la guitariste. Édith Piaf a droit à deux arrangements de Roland Dyens : "La foule" et le non moins célèbre "Hymne à l’amour", proposé dans une version d’une profonde mélancolie. Suit un morceau jazz de Baden Powell : la fameuse "Marseillaise" de Rouget de Lisle. L’auditeur sera frappé de constater que la charge guerrière de l’hymne française a totalement disparu, au profit d’un morceau d’une profonde tristesse, comme si le jazzman américain avait voulu proposer un hommage aux héros de la liberté.

    Un immense succès sur Youtube, avec plusieurs millions d’auditeurs

    Retour à Debussy dans la seconde partie de l’album, cet Hommage à Debussy qui avait fait l’objet d’un disque à part de Roxane Elfasci. Le "Clair de lune" de Claude Debussy (arrangé par James Bishop-Edwards) est bien entendu présent. À noter que le premier enregistrement de la musicienne a connu un immense succès sur Youtube à sa sortie en 2016, avec plusieurs millions d’auditeurs. L’auditeur y retrouvera les nuances impressionnistes du chef d’œuvre grâce au jeu subtil de la guitariste. On se prend à penser que ce joyau musical trouve dans la guitare un médium naturel – pour ne pas dire évident.

    Roxane Elfasci est adaptatrice elle-même de la "Rêverie". Le passage à la guitare permet de voir sous un œil différent des œuvres de Debussy, à l’instar de "Doctor Gradus and Parnassum". L'Hommage à Debussy est de ce point de vue une réelle redécouverte du compositeur français, même lorsqu’il s’agit de morceaux légendaires ("Arabesque n°1"). Disons aussi que la guitare prend tout son sens lorsqu’il s’agit de pièces hispanisantes dans l’esprit (le coloré et attendrissant "Soirée dans Grenade", adapté par James F. Smith).

    L’Hommage à Debussy fait place, dans la fin de cette partie, à des pièces d’autres compositeurs. Il y les classiques et ses contemporains Manuel de Falla (le "Tombeau de Claude Debussy", sombre et hispanisant) et Paul Dukas (l’étrange "Plainte au loin du Faune").

    L’opus se termine avec des créations. Georges Migot propose "Pour un hommage à Claude Debussy" en trois mouvements, "Prélude", "Pastorale" et "Postlude". Des morceaux méditerranéens, modernes qui ne trahissent pas l’esprit impressionniste du compositeur symboliste. Philippe Lemaigre propose enfin un "Prélude en hommage à Claude Debussy". L’auditeur y trouvera les échos du "Clair de lune".

    Envoûtant. Un cadeau idéal pour les fêtes. 

    Roxane Elfasci, Poésie française et Hommage à Debussy, Amigo, 2023
    https://roxane-elfasci.com
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    Voir aussi : "Harpe et Basson au rooftop" 

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  • Je m'en irai à Guéthary

    Étrange et magnétique projet musical que ce Guéthary, album en forme de mélange thématique, autour de la ville basque d’où vient le pianiste Aurèle Marthan. Le musicien y a même créé un festival.  

    À la première écoute, il est impossible de voir le point commun qui relie des artistes aussi différents que Camille Saint-Saëns ("Le Carnaval des Animaux"), Philip Glass, François Couperin (la pièce pour clavecin "La Basque"), les Eagles ("Hotel California") ou le groupe pop français La Femme ("Sur la planche"). Voilà un choix éclectique pour ce répertoire qui a tout pour décontenancer l’auditeur. Le résultat est pourtant un opus cohérent et envoûtant.

    Guéthary est un voyage géographique et musical dans cette petite ville de la côte basque située non loin de Biarritz. Le pianiste en fait un album fait de sensations et d’impressions aux mille teintes. Aurèle Marthan impose lui-même la signature et la marque de cet opus avec une de ses compositions. Le bien nommé morceau "Guéthary" se veut une déambulation magique dans son pays, non sans des teintes raveliennes. Ravel, justement, a une place de choix. Le natif de Ciboure, à quelques encablures de la modeste cité balnéaire, est présent grâce à son "Concerto en sol M.83". Aurèle Marthan exprime dans son interprétation la puissance maritime et les contrastes envoûtants. 

    Les familiers de cette région de la côte basque ont une place de choix dans l’album

    Les familiers de cette région de la côte basque ont une place de choix dans l’album, à l’image de l’Espagnol Esteban Sánchez Herrero ("Recuerdos de viaje"). Citons aussi Alberto Iglesias et son "O Night Divine", d’après la bande originale du film de Luca Guadagnino (O Night Divine) mais aussi l’hispanique "Piano Bar y coro infantil" tiré d’une autre BO, celle de Dolor y Gloria de Pedro Almodóvar. Pablo de Sarasate, originaire de Pamplune a tout autant sa place, lui qui a posé ses bagages dans le Pays Basque français. Aurèle Marthan propose une délicate version de sa "Prière et berceuse, Op. 17".  

    Igor Stravinsky s’est exilé à Biarritz entre 1921 et 1924, d’où sa présence avec la "Danse russe" tirée de Petrushka, qu’il écrivit en partie là-bas. Rameau connaissait bien lui aussi cette région et sans doute a-t-il déambulé dans Guéthary. Le jeune pianiste ne l’oublie pas et propose le formidable extrait de la suite n° 14 "Les Sauvages".

    Un vent océanique et atlantique souffle sur ce très bel album qui emballera autant les amateurs de classique que les autres, à l’image des inratables versions d’"Hotel California" des Eagles et leurs plages océaniques? Parlons enfin du tube pop "Sur la planche" de La Femme. Un groupe dont les deux membres fondateurs sont originaire de Biarritz – bien entendu. 

    Aurèle Marthan, Guéthary, Alpha Classics, 2022
    http://www.aurelemarthan.com
    https://www.facebook.com/FestivalClassicAGuethary

    Voir aussi : "Klaudia Kudelko, à la bonne heure"

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