Musique ••• Contemporain ••• Hanni Liang ,Voices for solo piano
Forçat en eau libre
La natation en eau vive a connu un coup de projecteur malheureux durant les Jeux Olympiques de Rio. Lors de la finale du 10 kilomètres, la Française Aurélie Muller, arrivée deuxième, fut déclassée pour une manœuvre jugée anti-sportive. Contrainte de boire la tasse sur la ligne de l’arrivée, l’Italienne Rachele Bruni déposa une plainte auprès du jury qui estima que la Française avait gêné sa concurrente pour lui passer devant.
La médaille promise lui passait sous le nez et le grand public français découvrait du même coup une sportive de haut-niveau. Canal+ propose en ce moment un documentaire sur cette "marathonienne des eaux" que la désillusion de Rio a touché mais pas coulé. À l’occasion des championnats du monde de Budapest, le documentaire de Vincent Alix, La Chica del Rio, propose le portrait d’une sportive exceptionnelle.
Le palmarès d’Aurélie Muller ferait pâlir d’envie pléthores d’athlètes. La nageuse de Sarreguemines a commencé sa carrière dans les bassins avec deux titres de championne du monde junior du 1500 et du 400 mètres mètres nage libre en 2006. En 2008, elle se lance dans les exigeantes mais relativement confidentielles courses en eaux libres, qui sont devenues olympiques à Pékin en 2008. La Française collectionne des performances plus qu'honorables, jusqu’à son premier podium en 2011 aux championnats du monde de Shanghai. Les années 2015 et 2016 marquent la consécration d’une athlète exceptionnelle, avec deux titres de championne du monde et championne d’Europe. De ce point de vue, la disqualification aux JO de Rio lors des 10 kilomètres pourraient faire figure de simple faux-pas dans une carrière marquée par le travail, l’opiniâtreté et le succès.
Il faut regarder le documentaire de Vincent Alix pour mesurer le talent de ces forçats en eaux libres. En 2017, quelques mois après la déception des jeux olympiques au Brésil, Aurélie Muller se lance dans une course inimaginable, en forme de défi et de rédemption : le marathon de Santa Fe. Cette course en eau libre se déroule sur une distance de 57 kilomètres, pour 9 heures de nage, dans un fleuve sale et secoué, ce jour-là, par le vent et les vagues. Ces conditions infernales rendent d’autant plus ahurissantes ce marathon d’un autre genre. Pour Aurélie Muller, c’est aussi un moyen de se remettre à l’eau et de marquer les esprits. "C’est l’année zéro, donc il me fallait un gros truc pour recommencer. Et là, je suis servie," disait la Française dans les colonnes de l’Équipe.
La performance d’Aurélie Muller, arrivée à une magnifique 3e place, est exemplaire. Le marathon aquatique Santa Fe-Coronda a certainement marqué la résurrection d’une nageuse qui se voit bien rester encore dix ans dans ce sport surhumain qu’elle vénère.
Lors des championnats du monde de Budapest qui viennent de se tenir sur le lac Balaton, Aurélie Muller vient de conserver son titre de numéro un mondial au 10 kilomètres en eaux libres. La déconvenue de Rio est d’ores et déjà derrière elle. La Française a déjà en ligne de mire les JO de Tokyo en 2020. La forçat en eau libre est bien décidée à devenir une nouvelle impératrice de la natation française.
Vincent Alix, La Chica del Rio, 2017, Canal+