Musique ••• Chanson ••• Eva Marchal, 88
Piano duo
Choc musical chez Deutsche Grammophon avec l'incroyable enregistrement Rachmaninoff For Two. Le compositeur est bien connu. Il s'agit de Sergeï Rachmaninoff célèbre pour ses concertos pour piano, en particulier le célébrissime deuxième et son "Adagio". Les interprètes, Sergeï Babayan et surtout Daniil Trifonov, finissent de rendre l’album Rachmaninoff For Two absolument immanquable.
Les deux pianistes – le premier arménien et le second russe – proposent, pour commencer, une transcriptions par Daniil Trifonov d’"Adagio" de la Symphonie n°2 du compositeur russe. Une entrée en matière passionnante avant le cœur du programme, à savoir les Suites n°1 et 2 pour deux pianos et ses Danses symphoniques op. 45.
En un double album mémorable c'est toute l'essence de Rachmaninoff qui est proposée. La virtuosité du génie russe expatrié aux États-Unis après la Révolution Russe explose dans cet enregistrement à ne pas manquer. Il faut pourtant souligner que, dernier romantique russe, Sergueï Rachmaninoff a été un élève et un admirateur de Tchaïkovski, au point de lui dédier sa première Suite op. 5, tout comme la seconde op. 17 mais que le maître n’a jamais pu entendre.
Sergeï Babayan et Daniil Trifonov s’emparent de la Suite op. 17 avec fougue et enthousiasme (I. Introduction) mais aussi avec cet élan de vie où la mélancolie n'est jamais loin (II. Valse). L'auditeur sera sans doute captivé par le 3e mouvement de cette Suite. Il faut se laisser entraîner au long cours par cette délicate "romance" avant une troisième et dernière partie virtuose faisant d'une tarentelle une infernale et magnétique danse.
En un double album mémorable c'est toute l'essence de Rachmaninoff qui est proposée
L’auditeur se laissera baigné par les averses sonores de l'allegretto ("Barcarolle") de la première Suite ou les vagues pianistique d'un romantisme de l'"adagio sostenuto" ("La nuit… l’amour"). Mais à force de faire rimer Rachmaninoff avec virtuosité on oublie ces moments où la délicatesse et la retenue du génie lui permettent de proposer les pages les plus bouleversantes sans doute de la première moitié du XXe siècle (le largo funèbre nommé "Les larmes"). Dernier grand compositeur classique, Rachmaninoff entre pourtant dans la modernité à travers le dernier mouvement entêtant de la première Suite (l’allegro maestoso se place sous le signe de "Pâques").
Toujours aussi impliqués et parfaits dans ce projet musical de haute volée, Sergey Babayan et Daniil Trifonov jouent une version dense, colorée et rythmée des Danses Symphoniques dédiées en 1940 au chef Eugene Ormandy. On est dans une synthèse du classicisme et de la modernité. Oeuvre d'un immigré russe loin de son pays, la nostalgie n’est jamais absente, pas plus que son admiration pour les traditions de son pays (2e mouvement "Andante con moto" avec son tempo enivrant et dingue d'une valse). Dans cet opus, la virtuosité n'empêche jamais les respirations d'y faire leur place, avec qui plus est deux interprètes vivant de concert ce beau moment musical. L'ambitieuse écriture de Rachmaninoff explose dans le 3e et long dernier mouvement de ces Danses Symphoniques (plus de 11 minutes). Les interprètes russes ne transigent pas sur leur implication artistique autant que leur technique. Quatre mains – seulement, aurions-nous envie d'écrire – suffisent à élever cette architecture sonore complexe, puissante, déroutante et d'une grande profondeur.
Cet album a été l'un Diapason d'Or ce mois de juin.
Rachmaninoff for Two, Sergueï Babayan et Daniil Trifonov (piano), Deutsche Grammophon, 2024
https://store.deutschegrammophon.com
https://daniiltrifonov.com
https://sergeibabayan.com
Voir aussi : "Alexandra Lescure à la découverte de Jacques Duphly"
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