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  • Quelques tangos avec Patricia Bonner

    Patricia Bonner est de retour avec Chronicles of Time, un nouvel album qui lui tient à cœur. La chanteuse a en effet choisi un projet musical qui allie jazz et tango. Pas la peine de dire que cet opus s’avère irrésistible. Saluons aussi le choix de Patricia Bonner de ne pas se contenter de reprises de standards. Elle a en effet choisi de retravailler avec Jean-Michel Proust pour des titre inédits.

    Dis te souviens-tu ? chante la jazzwoman dans un morceau au parfum doux-amer de nostalgie. On est dans l’esprit du tango, sans doute la plus belle danse qui soit, alliant sensualité, amour et tristesse, le tout enveloppé dans la grâce et je ne sais quoi d’effronterie. On aime cette manière dont Patricia Bonner, avec le soutien de Jean-Michel Proust, se fond avec bonheur dans une ce répertoire renouvelé. Il y a cette déclaration d’un amour presque insolent ("No sientes que soy infeliz ?", Palabras). Elle se fait poétique et romantique, toujours en espagnol, dans Soy et Verano.  

    Retour à la chanson française avec Je m’aime. Cette fois, c’est Gilberto Gil qui semble s’être penché au-dessus de l’épaule de Bonner et Proust. Certains parlerons de jazz easy-listening. Préférons plutôt parler d’un titre à la facture sixty, souriant et invitant à l’amour dans la plus romantique des villes. Au jeu des références, on s’amusera à retrouver Michel Legrand dans le virevoltant et romantique La chanson des troubadours ("Dans l’tourbillon de la vie, de l’amour / Y’a celui qui aimera pour toujours / Qui fera de ses nuits, de ses jours / Son soleil à lui, ses plus beaux jours") et même dans le titre anglais, sixties et sexy, Foolish Dream.

    Sixties et sexy

    Patricia Bonner sait tout faire : crooneuse en anglais (Memories, le formidable et jazzy Anita), jazzwoman semblant évoluer avec légèreté dans un caveau de Saint-Germain-des-Prés (Da Capo) ou avec le même plaisir dans un club new-yorkais (It’s A Good Day, No Rush), sachant être plus grave et engagée (Stay On Line, sur un rythme militaire).

    Le tango n’est jamais très loin. Dans It’s A Spring, la chanteuse le marie avec l’anglais, ce qui lui donne une légèreté singulière et un air de comédie musicale.

    Smooth à souhait, Cette larme à l’instant entend bien laisser une place au choix à la chanson jazz. La tristesse se fait paradoxalement séduisante car elle invite à vivre et à retenir ses larmes ("Est-ce la rosée du matin / Sur ma joue qui fait que d’un coup / Je me sens bien"). La liberté, "les yeux d’un enfant", les voyages, les rêves et un "baisé volé sur la joue" : Patricia Bonner préfère chanter la vie, l’amour et "le retour du printemps".

    Album jazz coloré et souriant, ces "chroniques d’un temps" entendent faire du jazz la meilleure musique feel-good qui soit.

    Patricia Bonner, Chronicles of Time : Tango, Jazz & Beyond, Teranga Production, 2024
    https://www.patriciabonner.com
    https://www.facebook.com/ILikePatriciaBonner

    Voir aussi : "Pas de réserve pour Paris Orly"
    "Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary"
    "Chaud, fort et bon"

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  • Dumas, le fils

    Soyons précis. Des trois Dumas, c’est le deuxième qui est le plus connu. Alexandre Dumas, dit Père, est devenu pour toujours l’auteur des Trois Mousquetaires, du Comte de Monte-Cristo ou de La Reine Margot. Les qualificatifs le concernant sont bien entendu d’autant plus élogieux qu’il reste moderne.

    Qu’en est-il des deux autres Dumas. Thérèse Charles-Vallin, autrice du Troisième Dumas (éd. de la Bisquine) passe rapidement sur l’ancêtre, lui aussi nommé Alexandre, plus précisément Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie. Général métissé, il a eu pour père un noble normand qui épousa une femme noire de Saint-Domingue. Le militaire, le "premier Dumas", donc, donne naissance au plus célèbre d’entre eux, le fameux Alexandre Dumas Père.

    Arrêtons-nous tout de suite sur cette naissance car c’est là qu’il faut chercher un des points communs des trois Dumas : une paternité mal assumée qui est au cœur de l’essai de Thérèse Charles-Vallin. Pour autant, les liens pères-fils restent très forts. Le créateur de Monte-Cristo a une fascination pour le brillant Général increvable et qui eut pour seul "tort" d’être métis. "À l’âge de quatre ans, [Il] voulait aller au ciel pour y trouver Dieu et le tuer afin de venger la mort de son général de Pierre".

    Singulièrement, Alexandre Dumas Fils ne fut reconnut lui aussi que tardivement, après une enfance difficile, trois femmes se disputant sa garde jusqu’à ce qu’il soit définitivement reconnu à l’âge de sept ans. La suite c’est un long chemin personnel et artistique jusqu’au triomphe d’Alexandre Dumas Fils.

    Féminisme

    Thérèse Charles-Vallin suit chronologiquement la carrière exceptionnelle d’un écrivain qui aurait pu se faire écraser par une paternité exceptionnelle, d’autant plus que son enfance augurait mal de la suite – un père absent, des femmes ne s’entendant pas, le rejet et les humiliations à l’école en raison de sa naissance et de ses racines antillaises. Lorsque le père se rapproche du fils, ce dernier ne pourrait que se sentir écrasé par un écrivain adulé et à la force de travail exceptionnelle : "Un véritable bourreau de travail qui peut rédiger 200 pages d’un excellent texte en une nuit". Finalement, les relations entre le père et le fils vont devenir excellentes, comme le prouvent les multiples extraits de leur correspondance, le père soutenant et appuyant le fils et le fils marquant son amour pour un père jusqu’à ses derniers jours.

    L’essai de Thérèse Charles-Vallin est passionnant en ce qu’il donne à voir un artiste s’émancipant d’un père autant admiré et reconnu que "frivole et jouisseur" mais qui finira ruiné. C’est son fils qui l’accueillera chez lui dans ses derniers jours et le veillera jusqu’à sa mort. L’auteure propose sans doute là les plus belles et émouvantes pages de son essai.

    D’Alexandre Dumas Fils, le grand public a avant tout retenu son chef d’œuvre, La Dame aux camélias. Le roman a été écrit en 1847, dans une rage que son père n’aurait pas renié. Le troisième Dumas n’a jamais caché que cette histoire d’amour et de mort lui a été inspiré par sa propre relation avec une jeune femme dont il était épris, Alphonsine Plessis et qui mourut à l’âge de 23 ans, après une vie des plus agitée.

    Dumas Fils est surtout un homme de théâtre et c’est bien naturellement qu’il se lance dans  l’adaptation sur scène de sa Dame aux camélias, avant qu’elle ne devienne ensuite une œuvre lyrique, La Traviata.

    Le Troisième Dumas est aussi passionnant par son tableau du XIXe siècle, ses fièvres politiques, le retour de l’Empire, la guerre de 1870 puis la jeune IIIe République. Dans cet essai, traversent des personnages historiques, que ce soit Victor Hugo, Émile Zola ou Sarah Bernhardt. Thérèse Charles-Vallin souligne la clairvoyance de Dumas Fils qui s’est lancé dans le féminisme et le soutien de l’égalité de droits entre hommes et femmes, une attitude à la fois rare et remarquable pour un homme du XIXe siècle, très souvent cantonné, à tort, dans celui d’artiste bourgeois.

    Finalement, Alexandre Dumas Fils est resté dans les manuels d’histoire autant que de littérature en dépit de l’ascendance de Dumas Père. Mieux, au contraire de ce dernier, il réussit à se faire élire à l’Académie Française. 

    Thérèse Charles-Vallin, Le Troisième Dumas, éd. de la Bisquine, 2024, 214 p.
    https://www.editions-labisquine.com/le-troisieme-dumas.html
    https://www.facebook.com/p/Therese-Charles-Vallin-100063155264919

    Voir aussi : "Thérésia versus Robespierre"

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  • Bowie, Paganini, Scarlatti et compagnie

    Il est absolument impossible d’être insensible au formidable dernier album d’Alexander Boldachev. Il s’agit du second volume de son projet musical Pop Meets Classical. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une rencontre entre deux genres souvent considérés comme irréconciliables. D’un côté une musique populaire et souvent commerciale et de l’autre le classique, trop boudé et à tort considéré comme élitiste.

    Alexander Boldachev propose de les faire se rejoindre grâce à la harpe, son instrument fétiche. Son premier volume avait permis de mettre dans un même album Scorpions et Debussy, Red Hot Chili Peppers et Bach ou Nirvana et Rossini. Culotté. Voilà que le harpiste helvético-russe récidive avec un second volume pas moins audacieux et séduisant ! Simplement séduisant ? Non, enthousiasmant ! Au menu de ce programme, les Beatles, Sting, David Bowie, Queen et Michael Jackson mais aussi Scarlatti, Paganini, Brahms et Piazzolla. 

    C’est peu de dire que ces revisites sont des redécouvertes habillées d’un classicisme qui semble sans âge. Yesterday des Beatles a ainsi une facture Renaissance. Pour Shape of My Heart de Sting, Alexander Boldachev insuffle à ce titre mélancolique des percussions. L’auditeur reconnaîtra le fameux Space Oddity, moins interstellaire que mystérieux et onirique – au passage, le harpiste n’oublie pas le fameux compte à rebours. 

    Simplement séduisant ? Non, enthousiasmant !

    Plus que pour cette adaptation de David Bowie, on sera en droit de préférer la version originale du fameux Bohemian Rhapsody, moins rock-baroque que romantique.

    Parlons maintenant de la version harpe d’Earth Song de Michael Jackson. C’est là que l’on constate le génie de composition du "Roi de la Pop". Alexander Boldachev respecte les lignes mélodiques de ce morceau vieux déjà de 30 ans mais toujours actuel dans son message.

    Les compositeurs plus anciens ne sont pas en reste dans ce très joli album, prouvant que le harpiste connaît ses classiques. À côté de la délicate Sonate K466 de Dominico Scarlatti, véritable appel à l’amour, il y a ce véritable tube de Paganini, le Caprice n°24. Mais la vraie bonne idée de cet enregistrement c’est d’avoir ressorti le Recuerdos de la Alhambra de Francisco Tárrega que Mike Oldfield avait adapté au synthétiseur dans les années 80 pour la BO du film La déchirure (Étude).

    Outre le très bel Intermezzo n°2 de Brahms, on trouvera Astor Piazzolla et son Libertango. Alexander Boldachev respecte à la lettre le rythme et l’esprit de ce tango entré dans l’histoire de la musique et de cette danse.  

    Alexander Boldachev, Pop Meets Classical vol 2, Indésens Calliope, 2024
    https://indesenscalliope.com/boutique/pop-meets-classical-vol-2
    https://alexanderboldachev.com

    Voir aussi : "Haydnissimo !"
    "Guitare et classique by Roxane Elfasci"

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  • À Beethoven, l’humanité reconnaissante

    Peu connu mais archidoué, virtuose et romantique (son look sur la pochette d’album finit de nous convaincre), le pianiste Nikolay Khozyainov revient cet année avec un nouvel opus, Monument to Beethoven (Rondeau Production). Pourquoi, d’ailleurs, cette expression ? Il faut revenir aux années 1830-1840, soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Franz Liszt entreprend de rendre hommage à son illustre aîné en faisant bâtir une statue à Bonn. Robert Schumann, Félix Mendelssohn et bien entendu Liszt sont sollicités pour composer des œuvres directement inspirés du répertoire de Beethoven, et en particulier de l’Allegretto de sa Symphonie n°7.

    Ce sont ces morceaux créés ad hoc que Nikolay Khozyainov a choisit d’enregistrer, en commençant par l’Allegretto originel, ici transcrit au piano par Liszt. C’est à un Everest que s’attaque le pianiste, dont la virtuosité n’écrase jamais la puissance dramatique ni la densité. Les respirations sont les bienvenues et viennent insuffler ce souffle que l’on appellera plus tard romantisme. Beethoven a fait de cette marche funèbre un mouvement allegretto, comme pour se jouer de la mort et donner à ce deuxième mouvement le pouvoir de la vie. Nikolay Khozyainov la rend dans un mélange d’ardeur, de passion et de gravité.

    Suit Robert Schumann avec ses Études en forme de variations sur un thème de Beethoven. 15 variations, rarement de plus d’une minute 30, s’approprient le thème principal de l’Allegretto de la 7e de Beethoven en variant les tempos, du Moderato au Prestissimo, en passant par le Passionato.

    Nikolay Khozyainov s’empare de cette œuvre rare de Schumann en prouvant le panel de son jeu, y compris des variations les plus sombres (Ohne Titel n°5) ou les plus techniques (Presto n°6). Schumann fait œuvre d’une grande liberté dans son appropriation du thème original (A11. Legato teneramente), ne s’empêchant pas des revisites franchement épatantes (B4. Ohne Titel) et transformant la marche funèbres en chants populaires (B5. Cantando), voire d’une singulière modernité (B7. Ohne Titel). Ces études se terminent de la plus belle des manière, avec la variation la plus longue de l’opus, tout en pudeur et en légèreté. Bref, un bel hommage à Beethoven. 

    Un bel hommage à Beethoven

    Plus courtes, les Variations sérieuses de Felix Mendelssohn Bartholdy prennent à la fois plus de liberté et plus de gravité avec l’Allegretto de Beethoven. Le Thema et les Variations balancent entre la luxuriance et romantisme fou.

    Beethoven est de retour avec une transcription par Liszt du lied An die ferne Geliebte ("À ma bien aimée"). L’histoire retient qu’il s’agit du premier cycle de lieder de l’histoire de la musique. Il est difficile de rester insensible à ce court morceau dont le pianiste rend toute la profondeur et toute la justesse sentimentale.

    La Fantaisie, op. 17 de Robert Schumann a ceci de particulier qu’elle fait partie des œuvres majeures du compositeur allemand. Cet opus autonome, en trois parties, n’a figuré que tardivement dans le programme hommage à Beethoven – en réalité les deux derniers mouvements – pour la souscription destinée à la construction de son monument à Bonn. La Fantaisie est au départ une déclaration à Clara Wieck, future Clara Schumann. Nikolay Khozyainov s’en empare avec délectation. Il y a du Beethoven dans la puissance évocatrice du 2e mouvement et la richesse de l’opus devient un envol du romantisme dans le dernier mouvement.

    Nikolay Khozyainov ne pouvait terminer ce Monument à Beethoven autrement que par une création, car il est lui-même compositeur. Avec son morceau Petals of Piece. Son hommage au compositeur allemand est aussi un chant de paix que lui avait commandé l’ONU en novembre 2022. dans cette œuvre contemporaine et post-romantique, c’est avec gravité que l’instrumentiste russe lance ses "Pétales de la Paix". Plus que jamais d’actualité pour cet artiste résolument engagé pour le pacifisme. 

    Nikolay Khozyainov, Monument à Beethoven, Rondeau Production, 2024
    https://www.nikolaykhozyainov.com
    https://www.rondeau.de

    Voir aussi : "Beethoven, Intégrale, Première"

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  • Sacrés romantiques !

    Sublimes romantiques que ces cinq là ! Je veux parler de Richard Strauss, Frédéric Chopin et Franz Liszt, bien entendu, mais aussi de leurs interprètes de cet enregistrement Indésens, à savoir David Louwerse, au violoncelle, et François Daudet, au piano.

    C’est Richard Strauss, le dernier des grands romantiques (il est décédé en 1949), qui ouvre ce programme consacré à un style qui fit les beaux jours de la musique classique au XIXe siècle. La Sonate pour violoncelle en fa majeur, op. 6 a été composée en 1883. Il flotte sur cette œuvre un parfum de légèreté et d’insouciance (l’Allegro con brio) que David Louwerse et François Daudet transmettent avec passion, dans une conversation violoncelle-piano passionnée mais non sans instants mélancoliques ou enflammés.

    Le deuxième mouvement lent débute de manière funèbre. Strauss fait preuve de simplicité dans cet Andante ma non troppo, d’autant plus frappant après la fougue de la première partie. C’est simple. Il semble que le piano et le violoncelle chantent de concert. Les lignes mélodiques se déploient avec élégance, dans une économie de moyens singulière. La jeunesse et la fougue ont laissé place aux regrets, à la nostalgie et à la tristesse, sans que ces sentiments ne soient jamais appuyés.

    Le livret parle d’espièglerie en évoquant l’ouverture du troisième mouvement (Finale – Allegro vivo). Il est vrai que l’on retrouve ici de la joie de vivre et la jeunesse d’un compositeur de 19 ans seulement lorsqu’il écrit cette sonate incroyable. Le génie de Strauss est déjà à l’œuvre. Violoncelle et piano s’amusent autant qu’ils dialoguent, dans une série de conversations (de "questions-réponses" dit le livret) à la fois légères, séduisantes et passionnantes.  

    "Le meilleur des critiques, c'est le temps"

    Frédéric Chopin prend la relève avec sa Sonate pour violoncelle en sol mineur, op. 65 en quatre mouvements. Écrite en 1846, il s’agit de sa dernière œuvre publiée de son vivant. On retrouve la touche du compositeur polonais, notamment dans les premières minutes du long Allegro moderato. Cependant, rapidement elle suit une direction qui a pu déconcerter les contemporains de Chopin. Le "roi des romantiques" a énormément travaillé cette œuvre, ce qui se sent à l’écoute du premier mouvement, complexe et comme torturé.

    On applaudira la technicité des deux interprètes dans le jeu de cette sonate pour violoncelle et piano aux nombreuses lignes mélodiques. Chopin avait ces mots au sujet de cette pièce : "Je suis tantôt content, tantôt mécontent de ma sonate avec violoncelle. Je la jette dans un coin et puis je la reprends. La réflexion vient ensuite et l'on rejette ou l'on accepte ce qu'on a fait. Le meilleur des critiques, c'est le temps ; et la patience le meilleur des maîtres." Plus enjoué et dansant, le Scherzo se veut à la fois lyrique et vivant. Dans la grande veine romantique, le Largo se déploie avec une majesté des plus sombres. C’est un Chopin à la fin de sa vie qui s’exprime ici – il a pourtant à peine 36 ans ! La Sonate op. 65 se termine avec un Finale luxuriant et aux nombreuses lignes mélodiques. David Louwerse et François Daudet y déambulent avec bonheur, assurance et virtuosité. Voilà un Chopin tardif étonnant et d’une grande modernité.

    L’album se termine avec la troisième des Consolations, Lento quasi recitativo de Franz Liszt. La poésie, les lumières et les couleurs du génial pianiste et compositeur hongrois baignent cette pièce jouée avec délicatesse et profondeur par deux interprètes décidément romantiques dans l’âme. 

    David Louwerse (violoncelle) & François Daudet (piano), Les sublimes romantiques,
    Strauss, Chopin et Liszt
    , Indésens Calliope, 2024

    https://indesenscalliope.com/boutique/les-sublimes-romatiques
    https://www.david-louwerse.com
    https://francoisdaudet2.wixsite.com

    Voir aussi : "Bouquets de Fauré"

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  • Contre Mike Diana

    Si Mike Diana est entré dans l’histoire de l’art et de la justice c’est en raison d’un procès singulier survenu il y a un peu plus de 30 ans. Nous sommes en mars 1994 en Floride, dans le comté de Pinellas. Mike Diana a à peine 25 ans et produit une série de dessins et de BD pour plusieurs fanzines confidentiels, dont la revue Boiled Angel ("Ange bouilli" en français) qui peine à dépasser quelques dizaines de lecteurs. Une production underground amenée à tomber dans l’oubli sans un policier trouvant des liens entre des dessins de ce fanzine et des meurtres particulièrement horribles dans la région.  

    Finalement, le procureur de l’époque retient la plainte d’obscénité, une première dans un pays libéral comme les États-Unis, premier producteur en outre de matériaux pornographiques.

    Dans Disgrâce en Amérique, paru aux éd. White Rabbit Prod, Pierre Dourthe revient sur cette affaire hors-norme et sur les 10 ans de la production de Mike Diana, entre 1988 et 1997. ajoutons que l’artiste est toujours en activité aujourd’hui.

    La monographie s’intéresse à l'artiste américain underground grâce à de nombreuses illustrations et planches à ne pas mettre entre toutes les mains. L’art de Mike Diana est en effet volontairement provocatrice et ne s’empêche aucun interdit. Sexe, violence, tortures, mutilations et toutes les perversités possibles et imaginables constituent cet univers singulier. Le dessin est "rudimentaire" comme le précise Pierre Dourthe. La facture du dessin est naïve, les traits réduits à leur plus simple expression et les décors quasi inexistants. 

    À ne pas mettre entre toutes les mains

    Le grotesque le dispute au morbide et les personnages apparaissent comme des caricatures soumises à toutes les perversités. La religion – le christianisme en l’occurrence – en prend pour son grade, avec ses symboles détournés. Monstres, extra-terrestres et animaux viennent compléter ce bestiaire parfois difficilement supportable.

    Le procès en valait-il cependant la chandelle ? C’est là que la question se pose de manière pertinente. Au début des années 90, Mike Diana est un adolescent inconnu proposant ses œuvres à des magazines confidentiels, parfois photocopiés et agrafés sommairement – maintenant des objets culturels à la valeur marchande certaine. Cependant, l’Amérique traditionnelle et puritaine est bien décidée à ne pas laisser passer ce qui ressemble à une série de créations qu’elle considère comme obscène.

    Pierre Dourthe s’interroge longuement sur la question à la fois du jugement moral et de l’utilité sociale d’un tel procès. "Que fait le dessin de Mike Diana ?" se demande-t-il. La brutalité des crimes, leur gratuité, leur absence de justification et, plus que tout, leurs violences sans limite font dire que l’artiste fait de la dérision et de la raillerie le cœur de son œuvre. Le lecteur aura d’ailleurs en-tête la participation à un projet postérieur, celui d’un jeu de société, The Rape Game! Ce faisant, Mike Diana se pose en pourfendeur de la morale traditionnelle, ce que les accusateurs de l’artiste ne pouvaient ou ne voulaient pas admettre. Pire pour eux, c’est aussi aux rituels et aux institutions chrétiennes que s’attaque le dessinateur dans plusieurs créations.

    Pierre Dourthe souligne, tout comme Nicolas Le Bault dans la préface, que le premier amendement de la constitution américaine sur la liberté d’expression ne pouvait protéger Mike Diana des foudres de la censure. Au final, les outrances de Mike Diana n’ont pas été freinées par la décision judiciaire de 1994, loin s’en faut. Pour autant sa condamnation interroge sur la notion d’œuvre d’art, sur la place de la morale, sur la capacité d’une cour de justice de rendre des décisions esthétiques et, plus généralement sur la notion de liberté d’expression. Il est au final frappant que de telles questions ont été posées à cause de fanzines confidentielles qui auraient très bien pu rester complètement oubliés.  

    Pierre Dourthe, Disgrâce en Amérique, Dix ans de l'art de Mike Diana (1988-1997),
    éd. White Rabbit Prod, 2024, 176 p.

    https://www.whiterabbitprod.com/product/pierre-dourthe-mike-diana-disgrace-in-america
    https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=955285119971830&id=100064710515208
    https://www.instagram.com/mikedianaboiled
    https://mikedianacomix.com

    Voir aussi : "Rêves violents"
    "Visages de la peur"
    "Au-delà du miroir"

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  • 3 est un chiffre impair

    Séduction garantie dès les premières notes de Wanderer pour le poétique album Valse en U du trio Espace impair.

    Espace impair, "impair" comme le chiffre 3, c’est Gérald Lacharrière à la flûte, Matthieu Buchaniek au  violoncelle et Frédéric Volanti au piano et au mélodica. Impair également comme les rythmiques impaires données aux 9 morceaux de l’opus. Les 3 artistes ont fait le choix de l’instrumental et d’une musique croisant le jazz, le contemporain, la  pop et la musique du monde.

    Wanderer, qui ouvre l’opus, est en soi un univers mixant avec bonheur rythmes jazz et pop, sons de musique de chambre et dépaysement comme seuls les musiques du monde peuvent se le permettre.

    Espace impair rend très pop-rock ce formidable opus. Dépaysement garanti avec le méditerranéen Pizza di Spagna mêlant astucieusement jazz et musique contemporaine.

    C’est la nostalgie qui domine Malinconico, tout aussi jazz. Plus court mais tout aussi passionnant, il déploie de jolies lignes mélodiques, servies par le trio de musiciens dialoguant en parfaite harmonie. 

    Dépaysement garanti

    Valse en U, qui donne son titre à l’album, s’approche plus de la création contemporaine que du traditionnel ou du jazz. Voilà une valse digne de figurer dans tous les concerts de musique de chambre. Les trois musiciens font preuve ici d’audace dans le travail sur les sonorités et les rythmes et où l’improvisation n’est pas absente. Toundra se déploie sur la même facture, avec un enthousiasme certain et le sens du swing.

    L’auditeur sera touché par les vagues harmoniques de Mer morte, morceau jazz à la fois méditatif et mélancolique. Dans le court Ségolène Swing, c’est le minimalisme qui prévaut, dans un morceau qui n’est pas sans adresser un clin d’œil appuyé au courant répétitif américain. Flûte, violoncelle et piano viennent dialoguer avec bonheur.  

    Pour Uzivaj, nos trois compères font le choix d’un alliage contemporaine-traditionnel, avec des rythmes tout droit venus des Balkans mais là aussi dopées au jazz, avec le piano incroyable de Frédéric Volanti.

    Silencio vient clore l’album de la plus belle manière. Le morceau se déploie avec nostalgie et mélancolie, pour ne pas dire tristesse (félicitations particulières pour la flûte de Gérald Lacharrière). Aussi pop que jazz, Silencio est une lente déambulation dans lequel s’exprime tout l’esprit d’indépendance du groupe Espace Impair. À découvrir absolument. 

    Espace impair, Valse en U, Booster Music, 2024
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100066700990993
    https://www.instagram.com/espaceimpair

    Voir aussi : "Pas de réserve pour Paris Orly"

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  • Pas de réserve pour Paris Orly

    Il y a comme un parfum années 80 dans le dernier EP de Paris Orly, La réserve. Dès le premier morceau Il va falloir déménager, on est dans le grand bain avec cette chanson électro-pop à la fois survitaminée et aux accents désabusés sur nos existences.

    Derrière Paris Orly, se cache un homme, Stéphane Loisel. Aux manettes de A à Z dans cet album autoproduit, l’artiste propose un univers à la fois vintage et ultramoderne, dans une pop acidulée dominée par des sons synthétiques et une voix humaine qui tente de se faire sa place (Lotus Elan).

    Il y a autant de de la poésie dans cet opus singulier ultrasophistiquée (Le jardinier systématique) que de l’engagement.

    Engagement

    Bien dans son époque, Paris Orly se fait le critique de la société de consommation, à l’instar du titre parlé-chanté Je suis unique chez Prisunic. Grande distribution, consommateurs choyés, magasins achalandés jusqu’au dégoût, services clients, "identités visuelles" ou "niveau de contestation". L’artiste vilipende la culture autant que la novlangue de notre société mercantilisée, avec une voix robotisée. Implacable.  

    Tout aussi sombre, Paris Orly s’attaque aux dangers environnementaux avec le sombre et lourd Paris sous 50 degrés. Le désenchantement est là, dans cette french pop bricolée avec amour (Joueur de fond de court), même si ça et là percent des sons presque réconfortants (l’harmonica bienvenu des Éléments).

    Le titre éponyme vient conclure La Réserve. Accents eighties là encore pour un morceau pourfendant les ordres et la discipline.

    Pas de réserve pour cet album qui vient confirmer tout le bien que l’on pense de Paris Orly. 

    Paris Orly, La Réserve, 2024
    https://www.facebook.com/music.parisorly
    https://www.instagram.com/parisorly_music
    https://parisorly.bandcamp.com/album/dans-les-espaces-interm-diaires

    Voir aussi : "Dans la ronde du blues-rock"
    "BT93 ou le miracle d’une résurrection"

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