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symphonies

  • Haydnissimo !

    Figure capitale du XVIIIe siècle, Joseph Haydn (1732-1809) aurait pu être écrasé par ses géniaux contemporains que furent Mozart (qu’il rencontra et avec qui il se lia tant amicalement qu’artistiquement) que Beethoven qui fut son élève. Et ne parlons ni de Jean-Sébastien Bach ni de Haendel. Alors oui, Haydn n’est certes pas le premier compositeur que l’on cite lorsque l’on parle de classicisme musical mais il en fut certainement une figure essentielle. Ce qui explique pourquoi ses œuvres sont encore jouées et admirées.

    Parmi ces œuvres, il faut absolument citer ses Symphonies (on le surnomme d’ailleurs "le père de la symphonie"). Haydn a tant labouré ce genre qu’il en a sorti pas moins de 106 symphonies. Dans le dernier album de la Tafelmusik, c’est la 43e Mercure et la 49e La Passione qui sont proposées, avec la violoniste Rachel Podger – "La gloire britannique inégalée du violon baroque" selon le prestigieux Times – au premier violon et à la direction de l’orchestre canadien Tafelmusik.  

    L’ensemble ontorien joue sur des instruments anciens ces deux symphonies écrites entre 1768 et 1771. À l’époque, le prestigieux compositeur viennois suit la cour impérial en Hongrie au Palais d’Esterházy dans la ville de Fertöd. Le livret précise que cet éloignement de la luxuriante et exaltante capitale austro-hongroise pour un lieu plus calme permit à Haydn de se concentrer sur ses créations sans distraction excessive. Le livret de l’album nous apprend qu’entre 1770 et 1774, dans ce lieu de villégiature hongrois, le compositeur autrichien écrivit pas moins de 17 symphonies, 12 quatuors à cordes, une demi-douzaine de sonates pour piano, 2 messes, un Salve regina et 4 opéras… Un  vrai stakhanoviste !

    Lignes mélodiques architectoniques

    La Symphonie 43 Mercure frappe d’emblée par sa vivacité et son classicisme que Mozart a certainement dû apprécier. Il y a, pour commencer, un Allegro lumineux et dense que les riches instruments d’époque viennent d’autant plus embellir. Avec Rachel Podger au premier violon, inutile de dire que les cordes ont le beau rôle. L’incroyable Adagio, à la fois quiète et mélancolique, est vraiment caractéristique du XVIIIe siècle classique, tout en retenues et en lignes mélodiques élégantes. Haydn n’exprimait-il pas ici sa mélancolie de Vienne ?

    Arrêtons-nous sur le court Menuetto & Trio, un troisième mouvement lui aussi représentatif du style et des rythmes de l’époque. L’orchestre s’en empare sans complexe, avec une solide assurance. Autrichien dans l’âme, il est possible, dit le livret, que ce mouvement ait pu plonger la reine Marie-Antoinette dans une profonde nostalgie de son pays. La dernière partie de la 43e, avec son Final enlevé et dynamique, a donné à l’œuvre le surnom de Mercure, le dieu messager et celui des voyages. L’Allegro termine ce périple dans un bel enthousiasme, avec un orchestre mené tambour battant par Rachel Podger.

    La seconde œuvre présent dans l’album est la Symphonie 49, dite La Passione. Écrite en 1768, elle s’inspire de la Passion chrétienne, d’où son titre. Elle aurait d’ailleurs été composée à l’occasion d’un Vendredi Saint. Il est vrai que cette symphonie est beaucoup plus grave et solennelle que la 43e, avec son long Adagio qui n’est pas sans majesté. À la plainte de ce premier mouvement succède un Allegro di molto vigoureux, à la fois grave et étincelant. Haydn fait preuve d’une audace certaine. Tout le classicisme du XVIIIe siècle est dans cette densité, ces rythmes envolés et ces lignes mélodiques architectoniques.

    Restons dans ce XVIIIe siècle prérévolutionnaire avec le 3e mouvement sous forme de menuet (Menuetto & Trio). Rachel Podger s’y meut avec une belle aisance. Les instruments anciens ne sont pas pour rien dans cette impression d’être face à un Haydn comme ressuscité, sachant se faire délicat dans les cuivres mais aussi plus nostalgique que pieux. Ne serait-ce pas un Haydn qui, depuis la Hongrie, se languit de son Autriche de cœur ? Le Finale Presto termine en beauté une symphonie passionnée – dans tous les sens du terme.

    Violoniste renommée, Rachel Podger a très bien fait de se mettre en danger pour la direction de ces deux symphonies. Elle prouve que le le XVIIIe siècle ne se limite ni à Bach ni à Mozart. Haydnissimo !  

    Joseph Haydn, Symphonies 43 & 49, Mercure & La Passione,
    Tafelmusik, dirigé par Rachel Podger

    https://tafelmusik.org
    https://www.rachelpodger.com

    Voir aussi : "Caroline Leisegang ressort de l’ombre"
    "Compositrices entre classicisme et romantisme"

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  • Beethoven, Intégrale, Première

    Après une série de chroniques tour à tour sur un opéra contemporain âpre, tragique et terrible (Les Bienveillantes d'Hèctor Parra), puis sur du théâtre lyrique XXe siècle tombé dans l’oubli (La Sorcière de Camille Erlanger) et des pièces contemporaines italiennes des XXe et XXIe siècle (le formidable programme de Claudia Chan, Toccare), place cette fois à du classique de chez classique, en l’occurrence Ludwig van Beethoven et trois de ses Symphonies, la 1ère, la 2e et la 4e. Elles nous sont proposées par l’Orchestre Consuelo dirigé par Victor Julien-Laferrière à la baguette.

    Avec ce premier coffret, c’est une intégrale des Symphonies du génie allemand qui se construit, certes pas avec ses œuvres les plus célèbres. Mais n’est-ce pas un moyen de les redécouvrir – voire de les découvrir ? B.records, qui a fait du live sa spécialité, nous propose une captation impeccable à l’Abbatiale Saint-Robert lors du Festival de la Chaise-Dieu les 22 et 213 août 2023.

    En deux CD, nous voilà au cœur de ces monuments musicaux que Beethoven a commencé à composer finalement assez tardivement. À 30 ans, date de l’écriture de la première symphonie, il a déjà derrière lui quelques chefs d’œuvres de musique de chambre, dont ses trois premiers concertos pour piano. C’est un musicien aguerri qui voit en 1800 sa Symphonie n°1 op. 21, écrite un an plus tôt, être jouée en grande pompe à Vienne. La fougue mozartienne (sans compter le mouvement Menuetto, si caractéristique du XVIIIe siècle), l’influence de son maître Haydn, la virtuosité, la densité et les riches couleurs frappent aux oreille. À l’époque de l’écriture de la Symphonie n°1, le compositeur a les yeux tournés vers la France de Napoléon, personnage qui le fascinera longtemps avant qu’il ne lui tourne définitivement le dos.  

    Fougue mozartienne

    La Symphonie n°2 est composée un an plus tard. Le musicien est atteint des premiers symptômes de sa surdité, ce qui ne l’empêche pas d’écrire, et même d’écrire vite. Après la découverte mémorable de la première symphonie, celle-ci surprend moins. Enlevée, rythmée et tonique, elle reste paradoxalement peu jouée – sinon dans le cadre d’intégrales.

    On imagine les auditeurs de l’époque secoués malgré tout par le dynamisme de cette construction musicale menée par un Orchestre Consuelo franchement emballant. La direction de Victor Julien-Laferrière ne s’embarrasse pas de temps morts ou d’une revisite qui aurait été vaine. Cette 2e Symphonie est à écouter pour le deuxième mouvement Larghetto. Ample et mélodieuse, cette partie est le gros point fort d’une symphonie souvent poliment écoutée et encore fortement influencée par Mozart et Haydn, même si Beethoven commence déjà à s’en détacher. Il n’y a cependant pas encore ce souffle héroïque (le bref mouvement Allegretto) et romantique (Allegro Molto) que l’on trouvera dans la symphonie suivante, la 3e, "Héroïque", justement.

    Sombre majesté

    Le 2e CD est consacré à une seule symphonie, la 4e en si bémol majeur op. 60. C’est sur des notes funèbres que commence cet opus, plus long mais aussi plus mystérieux. Il y a une sombre majesté planant sur cette symphonie débutant singulièrement par un Adagio, un mouvement lent, certes, mais complété par un Allegro vivace, enjoué.

    Composée entre la Symphonie Héroïque – la 3e – et l’incroyable 5e (les fameux et populaires "pom pom pom pom" d’introduction), celle-ci semble se chercher. Marchant là encore sur les traces de ses brillants aînés – Mozart et Haydn – Beethoven l’écrit en 1806 sur une commande du comte Franz von Oppersdorff. Le compositeur propose là une œuvre de qualité, certes, mais n’ayant pas pour ambition de renverser la table. L’auditeur sera charmé par l’écriture subtile et mélodieuse, avec un deuxième mouvement Adagio paisible et plein de noblesse.

    Victor Julien-Laferrière conduit l’Orchestre Consuelo avec ardeur et sans se poser de questions sur cette Quatrième mal-aimée (car) coincée entre les deux monuments que sont la Troisième et la Cinquième. Saluons la technicité et la maîtrise du chef dans l’appréhension d’un troisième mouvement aux indications aussi précises que Allegro molto e vivace – Un poco meno allegro – Tempo primo ! Et si la "révolution Beethoven" était déjà en marche dans ces "symphonies paires", déroulant une cadence infernale et construites comme des machineries à la fois redoutables et profondément humaines ? Le dernier mouvement Allegro ma non troppo séduit par sa tonicité et sa puissance dramatique pour ne pas dire romantique.

    Voilà un premier volume passionnant, augurant une Intégrale alléchante.

    Beethoven : Intégrale des Symphonies, vol.1 – Symphonies N° 1, 2 & 4,
    Orchestre Consuelo, direction Victor Julien-Laferrière, b•records, coll Festival de la Chaise-Dieu, 2024
    https://www.b-records.fr/beethoven-symphonies-vol1
    https://www.orchestreconsuelo.com
    https://www.victorjulien-laferriere.com

    Voir aussi : "L’indicible en musique"
    "Oui, je suis la sorcière"
    "Touchés !"

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