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trio xenakis

  • Trio percutant

    Fascinant, culotté et exceptionnel que l’album Alliages, le premier du Trio Xenakis. Il a été enregistré en public le 15 décembre 2023 au studio de l’Orchestre National d’Île-de-France à Alfortville. Comme son nom l’indique, le Trio Xenakis nous emmène tout droit dans l’univers de la musique contemporaine. Adélaïde Ferrière, Emmanuel Jacquet et Rodolphe Théry, tous trois aux percussions, proposent un programme constitué de pièces représentatives de compositeurs actuels ayant tous en commun d’avoir bousculé l’espace sonore et de faire de la musique un matériau brut se permettant toutes les audaces.

    Prenez la première pièce, 24 Loops de Pierre Jodlowski. Il donne à écouter ici un ensemble de séquences s’empilant (le compositeur français parle "d’écriture cumulative"), donnant à cette pièce de 2007 une série de pulsations singulièrement vivantes – et non-dénuées d’humour.

    Autre compositeur français vivant, Philippe Hurel est présent dans ce programme avec Ritual Trios, datant de 2018, composé de "trois miniatures", comme le dit le musicien. Derrière l’apparent désordre sonore, Philippe Hurel propose trois pièces à l’écriture fine et épurée. À la facture orientalisante du Ritual Trio I succède une élégante ronde semblant rendre hommage à l’enfance (Ritual Trio II). La dernière miniature fait, elle, une large place au silence et à la méditation. Les rythmiques s’effacent, les sons s’éclaircissent et l’apaisement vient (Ritual Trio III).   

    Le Trio Xenakis démontre tout son savoir-faire dans l’art de construire des architectures sonores riches et vibrantes

    Plus connu, Steve Reich est présent dans un de ses exemples de musique répétitive, caractéristique dès les premières secondes. Marimba Phase a été écrit en 1967. Un morceau déjà ancien, donc, mais qui n’a pas pris une ride. Le Maître américain fait se succéder des séquences harmoniques sur plus de 17 minutes. La répétition n’est qu’apparente car, au fur et à mesure de la progression, des déphasages et des changements parfois infimes se produisent dans le rythme, donnant toute sa saveur et son intérêt à cet opus phare du courant minimaliste américain. Plus récent (1994), Nagoya Marimbas utilise des sons japonais (elle a été commandée et créée en 1994 pour l’inauguration d’une salle du conservatoire de musique de Nagoya), au service du même langage répétitif.

    Restons au Japon avec Yoshihisa Taïra (1937-2005), compositeur nippon naturalisé français. Trichromie, composé en 1992, ce sont les percussions au service d’un langage à la fois actuel et ancestral. Le Trio Xenakis, qui ne cache pas son amour pour cette pièce, s’en empare avec une énergie mystique. Yoshihisa Taïra prouve que la création contemporaine n’est surtout pas un genre tournant le dos au passé. Bien au contraire, elle s’y nourrit et y trouve même de nouvelles formes de langages sonores.

    Iannis Xenakis (1922-2001) ne pouvait pas ne pas être présent dans ce premier album d’un trio qui a choisi de se baptiser sous son nom. Précisions aussi que b.records propose avec le livret de l’album la reproduction d’une estampe du compositeur grec. Okho, écrit en 1989, autre œuvre emblématique du trio français, est joué ici sur des djembés. Cela donne à cet opus une puissance tribale incroyable. Là encore, le Trio Xenakis démontre tout son savoir-faire dans l’art de construire des architectures sonores riches et vibrantes.

    Clapping Music : quelle autre œuvre que celle-là pouvait conclure ce programme de musque contemporaine ? Steve Reich, de nouveau présent ici, fait de ce gimmick sonore popularisé dans les stades de football une singulière œuvre reprenant sa grammaire minimaliste. Tout à fait fascinant, d’autant plus que l’album est servi par une prise de son impeccable, en particulier dans les trois œuvres de Steve Reich.

    Alliages, Trio Xenakis, b•records, coll. Trio Xenakis, 2024
    https://www.b-records.fr/alliages
    https://www.facebook.com/trioxenakis/?locale=fr_FR
    https://www.singer-polignac.org/fr

    Voir aussi : "Touchés !"
    "Hanni Liang et les voix (féminines) du piano"

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  • Taillé sur mesure

    Singulier programme que ce Vitrail proposé par les Trios Messiaen et Xenakis, à l’œuvre dans une création éponyme de Thierry Escaich, d’une part, et dans une version musique de chambre de la Symphonie n°15 de Dimitri Chostakovitch, d’autre part. Deux compositeurs bien différents sont au cœur de cet enregistrement proposé par b.records, enregistré en live le 1er août 2023 à la Salle Elie de Brignac-Arqana à l’occasion du 22e Août musical de Deauville.

    Le premier compositeur est Thierry Escaich, un contemporain français toujours très actif. Vitrail, qui donne son nom à l'opus, est une commande de la Fondation Singer-Polignac et des Amis de la musique à Deauville. Voilà une nouvelle preuve que la musique contemporaine reste un domaine essentiel dans la culture actuelle. Dans le livret de l’album, le compositeur français explique qu’il a écrit Vitrail pour faire écho à l’arrangement pour musique de chambre de la Symphonie n°15. Thierry Escaich parle de cohérence, d’unité et des "mêmes couleurs instrumentales" que celles de Dimitri Chostakovitch. Dans ce programme taillé sur mesure, l’alliance des Trios Messiaen et Xenakis est remarquable de pertinence, de cohésion, de finesse et finalement d’évidence.

    En un seul mouvement d’un peu plus de dix minutes, Vitrail propose un voyage dans lequel les sons concrets et lumineux – pour ne pas dire spatiaux – semblent rejoindre le jazz dans une sorte de chant religieux. On trouve dans cet opus d’Escaich ce qui ressemble à des danses traditionnelles. La musique contemporaine n'est très jamais très loin du classique, pour ne pas dire du folklore. Voilà qui rend ce Vitrail tout à fait passionnant. La recherche sonore est dans chaque mesure d’une création du Trio Messiaen et du Trio Xenakis. Il y a des mouvements espiègles dans cette œuvre, mais aussi une sombre mélancolie, au point que l’auditeur pourra y entendre d’inquiétants appels d’esprits tourmenteurs. Les cordes y répondent avec ce qui ressemble à des implorations, voire des prières. Les différents instruments – percussions, cordes, piano – dialoguent, se répondent, s’affrontent dans une œuvre qui reste d’une grande cohérence. 

    Thierry Escaich parle de cohérence, d’unité et des "mêmes couleurs instrumentales" que celles de Dimitri Chostakovitch

    Cette cohérence est présente dans la 15e Symphonie de Dimitri Chostakovitch. Le compositeur russe avait l’habitude des grands ensembles, à telle enseigne que c’était un vrai défi qu’a relevé – avec succès – Viktor Derevianko lorsqu’il a transcrit cette Quinzième pour un orchestre de musique de chambre.  

    Cette symphonie, écrite en 1971, est la dernière composée par Chostakovitch qui meurt quatre ans plus tard. Résolument moderne, cette œuvre frappe par les rappels de classiques – Rossini et l’Ouverture de Guillaume Tell, mais aussi Wagner ou Mahler. Chostakovitch est resté mystérieux sur ce choix artistique et ces "citations" musicales. Dans l’Allegretto, mélancolie, espièglerie et tragédie se mélangent allègrement dans la formidable version des Trios Messiaen et Xenakis.    

    De tragédie, il en est encore plus question dans le bouleversant Adagio. Il faut se souvenir que Chostakovitch incarne sans doute plus que n’importe quel artiste du XXe siècle les drames historiques de son époque, que ce soient les guerres mondiales ou les totalitarismes nazis et communistes. On retrouve dans cette transcription pour un ensemble ramassé les couleurs et l’ampleur musical du compositeur russe. Les percussions y ont en particulier toutes leurs places avec un Trio Xenakis faisant montre d’une subtilité rare dans la manière d’utiliser les percussions. 

    L’auditeur sera sans dote frappé autant par la brièveté de l’Allegretto – brièveté à la fois sèche, pour ne pas dire cinglante – et sa facture plus grave qu’il n’y paraît. Il y a une certaine insouciance dans ce troisième mouvement. Mais cette insouciance est frappée par de lourds dangers, comme si vie et mort s’affrontaient dans un combat qui ne sera finalement que mortel.  

    C’est un mouvement funèbre – Adagio – qui vient conclure cette ultime symphonie de Chostakovitch. Le compositeur russe fait se réconcilier modernité et classicisme pour cette partie baignée dans une sombre mélancolie, non sans éclats lumineux, quand ils ne sont pas aveuglants. Il s’agit de la mélancolie, des tourments et des interrogations d’un homme âgé et qui se sait dans les derniers moments de son existence.  

    Le Trio Messiaen est constitué de David Petrlik (violon), Volodia Van Keulen (violoncelle) et Philippe Hattat (Piano). Le Trio Xenakis est constitué d’Emmanuel Jacquet, Rodolphe Théry et Nicolas Lamothe aux percussions.

    Dimitri Chostakovitch et Thierry Escaich, Vitrail, Trio Messiaen, Trio Xenakis, b.records, 2024
    https://www.b-records.fr/vitrail
    http://www.escaich.org
    https://www.facebook.com/Triomessiaen
    https://www.trioxenakis.com

    Voir aussi : "Romantique et métaphysique Schumann"
    "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"

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