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  • Bonnes chansons de Fauré

    En cette année Fauré (le compositeur français est mort en novembre 1924), pour quelques jours encore, il n’est pas trop tard pour s’intéresser à un délicat album du duo formé par Jacques Herbillon, décédé en 2023, et Théodore Paraskivesco. Le regretté baryton et le pianiste franco-roumain proposent un programme de mélodies et de chansons, complétées par L’Horizon chimérique op. 118.

    Ne nous arrêtons pas, dit en substance le livret du disque, sur l’allure bonhomme de Gabriel Fauré et de ses œuvres d’une simplicité parfois austère. En réalité, le caractère bien trempé de l’auteur du célèbre Requiem était notable. Quant à ses mélodies, elles étaient goûtées et chantées avec bonheur dans l’Europe entière, y compris en Belgique, en Allemagne ou Angleterre où l’on s’en délectait particulièrement.

    Voilà pourquoi cet album proposé par  Jacques Herbillon et Théodore Paraskivesco est essentiel. Les deux musiciens mettent un doigt d’honneur à sortir de dessous les fagots des chansons et des mélodies à la facture musique française bien assumée.

    Le compositeur s’appuie sur les textes d’écrivains parfois connus (Victor Hugo, Paul Verlaine, Théophile Gauthier, Sully Prudhomme, Leconte de Lisle, Villiers de l’Isle Adam), parfois moins (Raymond Bussine, Paul de Choudens, Armand Sylvestre, Victor Wilder, Jean Richepin, Jean de la Ville de Mirmont).

    Les compositions de Fauré et les interprétations de Jacques Herbillon et Théodore Paraskivesco laissent à entendre le raffinement, y compris dans les poèmes les plus sombres (le poignant Au cimetière) et romantiques. Que l’on pense à L’Absent de Victor Hugo ("— Sentiers où l'herbe se balance, / Vallons, coteaux, bois chevelus, / Pourquoi ce deuil et ce silence ? / — Celui qui venait ne vient plus...").

    Le post-romantisme finissant est à l’œuvre dans ces chansons souvent brèves (elles dépassent rarement les trois minutes) et aux titres évocateurs : Aubade, Tristesse, Sylvie, Chanson d’amour. Fauré est un compositeur dont le travail harmonique a pu sembler décalé à la fin de sa vie, avec le surgissement du modernisme en musique. Une considération vite oubliée, tant le travail sur les mélodies continue à impressionner (Après un rêve ou le somptueux Noël). 

    Le travail de Gabriel Fauré sur les mélodies continue à impressionner

    L’auditeur s’arrêtera sur le mystérieux et parnassien poème de Sully Prudhomme, Ici-bas ("Ici-bas tous les hommes pleurent / Leurs amitiés ou leurs amours / Je rêve aux bonheurs qui demeurent / Toujours..."). Fauré le met en musique avec le tact artistique dont il est habitué, sans ostentation. On peut aussi parler de légèreté dans certains morceaux (Chanson d’amour), voire d’onirisme – et parnassien (La Fée aux chansons, Aurore, Le pays des rêves). N’oublions pas non plus l’orientalisme du poème Les Roses d’Ispahan ("Les roses d'Ispahan dans leur gaîne de mousse, / Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger / Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce, / O blanche Leïlah ! que ton souffle léger...").

    L’un des morceaux phares de ce programme est la mise en musique du Clair de lune de Verlaine, tiré des Fêtes galantes ("Votre âme est un paysage choisi / Que vont charmant masques et bergamasques / Jouant du luth et dansant et quasi / Tristes sous leurs déguisements fantasques..."). Fauré s’approprie les vers du poète français avec la délicatesse, la grâce et la simplicité qu’on lui connaît. Le piano de Thédore Paraskivesco déroule avec la même discrétion, tandis que Jacques Herbillon s’interdit toute effusion et choisit la pudeur et la retenue. Verlaine est encore présent dans ces Mélodies de Fauré avec son fameux Spleen ("Les roses étaient toutes rouges / Et les lierres étaient tout noirs. / Chère, pour peu que tu ne bouges, / Renaissent tous mes désespoirs. / Le ciel était trop bleu, trop tendre, / La mer trop verte et l'air trop doux. / Je crains toujours, - ce qu'est d'attendre ! / Quelque fuite atroce de vous. / Du houx à la feuille vernie / Et du luisant buis je suis las, / Et de la campagne infinie / Et de tout, fors de vous, hélas !").

    Encore et surtout Verlaine avec La Bonne Chanson. Du recueil éponyme du poète parnassien, Fauré en a tiré neuf mélodies. Là encore, les chansons sont courtes (la plus longue fait un peu plus de trois minutes). Le compositeur français a dédié son œuvre à sa maîtresse Emma Bardac. Il est vrai que l’esprit romantique plane sur ces morceaux délicats mais non moins torturés ("J'allais par des chemins perfides, / Douloureusement incertain. / Vos chères mains furent mes guides").

    L’Horizon chimérique op. 118 vient clore cet album émouvant. Émouvant car, en plus d’être un hommage à Gabriel Fauré, il constitue un testament musical de Jacques Herbillon. Ce  cycle de mélodies est constitué de quatre mélodies écrites à la fin de sa vie, sur des poèmes de Jean de la Ville de Mirmont. Fauré fait ici de touchants adieux, avec toujours cette économie de moyens (Je me suis embarqué, Vaisseaux, nous vous aurons aimés). 

    Gabriel Fauré, Mélodies, Jacques Herbillon (baryton) & Thédore Paraskivesco (piano),
    Indésens Calliope, 2024

    https://indesenscalliope.com/boutique/faure-melodies

    Voir aussi : "Élégies pour Fauré"

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  • Voyages en jazz avec Anne Paceo

    Artiste prolifique (deux Victoires de la musique à ce jour – "Révélation jazz" en 2011 et "Artiste jazz de l’année" en 2016 –, six albums et des concerts dans le monde entier), Anne Paceo a sorti en début d’année son nouvel opus, Bright Shadows. "Je n’ai jamais aimé frontières entre les styles musicaux. C’est les disquaires qui ont inventé ces cases", affirme l’artiste pour présenter un album qui s’affranchit du jazz et s’ouvre vers bien d’autres horizons.

    Bright Shadows est un vrai Rubik’s Cube musical, coloré, attachant et mystérieux, à l’image de ce titre pop eighties qu’est The Shell. La batteuse et compositrice a construit son dernier opus comme autant d’îlots musicaux autonomes et vite familiers : Tomorrow avec la voix soul d’Anne Paceo, le rythmé, envoûtant et métissé Bright shadows qui donne son titre à l’album, le pop urbain Shell, l’électro jazz ensoleillé Jasmin flowers, la magnifique ballade folk Hope is a swann ou Nehanda avec ses sonorités africaines.

    Un vrai Rubik’s Cube musical

    L’auditeur s’arrêtera avec d’autant plus d’intérêt sur ce dernier morceau consacré à la guerrière zimbabwéenne Nehanda Nyakasikana. Pour rendre hommage à cette figure féministe Anne Paceo dit avoir choisi "d’inventer une langue imaginaire et incantatoire."

    Calle silencio vient donner une respiration instrumentale et contemplative à l’opus grâce à un électro jazz laissant sa part à l’improvisation.

    Petite merveille de cet opus à la richesse infinie, Stranger est une soul langoureuse et sexy à danser joue contre joue : "You know I’m a stranger / You know / I know you’re a stranger." Chavirant et envoûtant : "Je suis là devant toi / Ne détourne pas ton regard de moi / Mon souffle s’amenuise / Je sens mes forces lentement me quitter."

    Le titre Contemplation vient clore l’album, sous forme d’une respiration zen et d’une ode à la nature.

    Anne Paceo, Bright Shadows, Laborie Jazz, 2019
    En concert, le 11 mai au Mans, le 23 mai à Châteauroux
    les 29 mai et 1er juin à Coutances

    https://www.annepaceo.com
    https://www.facebook.com/annepaceo

     

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