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Histoire - Page 10

  • Mon Précieux

    C’est une tradition historico-religieuse qui a resurgi ces dernières semaines : celle des reliques. Le protagoniste en est Philippe de Villiers, figure politique de la droite catholique traditionaliste – et accessoirement créateur du Puy du Fou. Connu pour son sens de la communication et pour ses coups médiatiques, l’ancien secrétaire d’État à la culture, ex-Président du Conseil Général de Vendée et actuel député européen, a acquis lors d’une vente aux enchères une ancienne bague de Jeanne d’Arc que l’évêque Cauchon lui aurait dérobé peu avant son supplice du bûcher en 1431. Le dimanche 20 mars 2016, un spectacle au Puy du Fou réunissait 3000 personnes venus accueillir le précieux anneau, à coups d’oriflammes, de cavalcades et de haies d’honneur de chevaliers tout droit sortis de la Guerre de Cent ans. 

    On devine la valeur d’un tel objet et, en l’occurrence, le prix payé plutôt rondelet : 380 000 euros, que le député européen a pu débourser, via la Fondation du Puy du Fou, grâce à une souscription publique. Il n’est pas anodin de préciser que cet anneau quitte la Perfide Albion pour rejoindre le pays de la Pucelle.

    Cet objet trouvera-t-il sa place dans un musée, par exemple à l’Historial Jeanne d’Arc de Rouen, à la maison Jeanne d'Arc d'Orléans ou dans sa maison natale de Domrémy dans les Vosges ? Non. La bague légendaire est désormais exposée dans une chapelle au sein du parc d’attraction du Puy du Fou.

    Non sans provocation ni arrière-pensée, Philippe de Villiers transforme ainsi le gigantesque espace ludique créé il y a près de 40 ans en "lieu de mémoire". Qu’on se le dise : le Puy du Fou n’est plus simplement ce gigantesque espace ludique mêlant décor en carton pâte, reconstitutions de villages ou d’arènes et scénettes restituant des épisodes historiques plus ou moins avérés. L'un de principaux parcs d’attraction français, en acquérant un objet estampillé "historique", entend aussi symboliquement s’élever au-dessus de ses concurrents – Eurodisney ou Astérix en premier lieu – pour garantir une forme d’authenticité dans sa démarche de divertissement. Le Puy du Fou n’est pas tout à fait un parc comme les autres, semble nous dire Philippe de Villiers et ses fidèles qui sont aux manettes. Les adversaires de l’ancien candidat à l’élection présidentielle parlent de "privatisation de l’histoire" alors que des voix – en premier lieu à l’extrême-droite – se félicitent du retour de "l’anneau de Jehanne d’Arc en terre de France" (Marine Le Pen).

    "L’anneau de Jehanne d'Arc" ? En sommes-nous si sûrs ? Arrivé au stade de cet article, le bloggeur ne peut s’empêcher de s’interroger justement sur l’authenticité de qu’il convient d’appeler une relique. Les nouveaux propriétaires, Philippe de Villiers et son fils Nicolas, qui a pris la Présidence du Puy du Fou, assurent que les documents en leur possession attestent que le bijou est bien celui qui a appartenu à la Pucelle d’Orléans. 

    Umberto Eco s’était intéressé au phénomène médiéval des reliques, qui avait vu la multiplication d’objets sacrés (fragments de la crèche de Jésus, étoffes tâchées de sang et de cervelle de saint Thomas, une côte de sainte Sophie, des poussières d’ossements, et cetera) destinés à impressionner les croyants autant qu’à développer les pèlerinages et les trafics en tout genre. L’auteur du Nom de la Rose a ironisé sur le nombre incalculable de ces reliques qu’une personne un tantinet sensée ne prendrait pas au sérieux. La bague de Jeanne en fait-elle partie ? Et d’ailleurs, de quelle bague parlons-nous ?

    L’historien normand Michel de Decker raconte pour Paris Normandie que les spécialistes en repèrent deux : la première a été volée à Jeanne d’Arc lors de son arrestation par les Bourguignons à Compiègne en 1430 alors que l’autre aurait été récupéré par l’évêque Cauchon lors de son procès. L’ecclésiastique l’aurait ensuite offert au cardinal de Beaufort avant que l'anneau ne traverse la Manche. Passons sur les ventes et les achats successifs au cours du XXe siècle, jusqu’à son acquisition par le docteur Hasson en 1947 pour 175 livres sterling. En 1952 puis 1956, la bague est exposée à la Turbie (près de Monaco), à Paris puis à Rouen. Les spécialistes se montrent à l’époque prudents sur l’authenticité de l’objet. Ce qui n’empêche pas quelques tractations en 1980 pour que l’anneau retourne en France. Finalement, l’héritier du Dr Hasson choisir de le vendre aux enchères. Le prix de départ de 19 000 euros est vite dépassé et la fondation du Puy du Fou, présidée par Philippe de Villiers, l’achète.

    Nous parlions un peu plus haut de deux bagues. Oliviez Bouzy, directeur scientifique de l’Historial du centre Jeanne d’Arc d’Orléans fait la remarque que les minutes du procès de Rouen décrivent un anneau en laiton. Or, celui qui a été vendu est en argent. Par contre, il porte des inscriptions attestant qu’il s’agirait bien d’un bijou du XVe siècle ("IHS MAR" pour "IHeSus MARia"). S’agit-il bien de celui que l’évêque Cauchon a dérobé à la jeune guerrière ? Pas sûr. Il pourrait s’agir – ce que le Président du Puy du Fou reconnaît – du premier bijou – en argent donc – qui a été volé par les Bourguignons lors de la capture de la Pucelle à Compiègne.

    En 2016, cette affaire d’anneau de Jeanne remet donc au goût du jour la tradition des reliques, objets à l’historicité plus ou moins douteuse, vénérés pour des raisons parfois autres que religieuses. Pour l’heure, Philippe de Villiers s’est mis la bague au doigt et n’entend pas de sitôt voir cet objet hors du commun lui échapper : "Mon Précieux !" comme le dirait Golum dans Le Seigneur des Anneaux.

    "Le seigneur de l’anneau", Le Monde, 22 mars 2016
    "L’anneau de Jeanne fait-il foi ?" Liberté Dimanche (Paris-Normandie), 20 mars 2016

    "Le nom de la rose, souvenir d'un ossuaire / Hommage à Umberto Eco"

  • Promenade à Nice

    nice,nucera,aillagonNiçoises et Niçois, l’exposition "Vos souvenirs de la Prom’" est la vôtre, à bien des égards.

    En 2015, dans le cadre de la candidature de Nice à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la Mission Promenade des Anglais, initiée par la mairie de la "Capitale de l’Hiver", a proposé aux Niçois d’ouvrir leurs albums photos afin de montrer au public plus d’un siècle de Promenade des Anglais. Cette opération participative a trouvé un écho populaire : plusieurs centaines de clichés, issus d’archives privées et familiales, ont déjà été rassemblés et sont exposés gratuitement pour la Mission Promenade des Anglais.

    Micro-événement local ? Initiative municipale n’intéressant que les Azuréens ? Promotion d’un lieu hautement touristique ? Pas si vite. Plusieurs choses se jouent en réalité dans cette manifestation.

    Il s’agit d’abord d’un hommage, issu de centaines d’anonymes de Nice ou d’ailleurs, d’un lieu français des plus emblématiques. Ce qui est rassemblé dans cette exposition ce sont des clichés a priori anodins et souvent émouvants sur cette fameuse Promenade connue du monde entier : couples posant sur la plage, bande de copains en goguette sur la côte, vues de la traditionnelle Batailles de Fleurs ou du Negresco (inauguré en 1913), souvenirs de baignades, de bronzettes ou de sports d’hiver, compétitions de beach-volley ou d’Ironman, employés travaillant sur le littoral, sans compter tous ces autres événements locaux, historiques et climatiques qui font la petite et la grande histoire de Nice.

    Ce dont il est également question dans ces moments immortalisés est bien un moment d’histoire sociologique, que Jean-Jacques Aillagon, président de la Mission Promenade des Anglais, traduit ainsi : "En s’attardant sur l’évolution des pratiques sociales, des modes vestimentaires, des changements de mobiliers urbains, des aménagements de loisirs, de la végétation, cette collection permet de comprendre, au travers de multiples détails insignes, les mutations d’un territoire." D’un territoire mais aussi de ses habitants, les vrais "héros" de cette exposition.

    Ce qui est également en jeu dans cette manifestation, qui fleure bon les vacances et le farniente, c’est l’illustration de la popularisation de la photographie. Cet art s’est rapidement démocratisé à partir de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, contribuant à figer pour l'éternité les petits et les grands souvenirs personnels. L’exposition "Vos souvenirs de la Prom’" peut se lire autant comme un morceau de nostalgie (et beaucoup de Niçois y seront sans aucun doute sensible) que comme une présentation ethnologique et historique sur une ville française majeure. Louis Nucera écrivait ceci dans son roman Chemin de la Lanterne : "La ville est un aide-mémoire. On emprunte des rues, et des fragments d’existence réapparaissent. C’est la récolte du souvenir à chaque instant… Les feux d’artifice de la vie ont les leurs qui ne s’éteignent pas ; seraient-ils tragiques."

    Mission Promenade des Anglais , Nice, du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures
    Exposition Vos souvenirs de la Prom’

  • Si la France était une terre de fantasy...

    Alors que les débats vont bon train au sujet des futurs noms des nouvelles régions françaises, j'ai imaginé ce que pourrait être une carte de France si un auteur de fantasy s'y était intéressé (d'après une carte du Huffington Post).

    Certains noms sont complètement imaginaires, d'autres tout à fait plausibles (Nouvelle Austrasie, Terres du Nord). À noter que certains noms sont clairement inspirés d'anciennes appellations mérovingiennes et carolingiennes (Austrasie, Neustrie, Burgondie).    

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  • Verdun et le temps des noyaux

    Nous célébrons aujourd'hui le centième anniversaire du début de la bataille de Verdun.

    Marie Cherrier a composé et chanté un titre poignant il y a quelques années : Le Temps des Noyaux (clip réalisé par Stéphane Mondino). Il est à découvrir et à redécouvrir ci-dessous. 

    Pour en savoir plus sur Marie Cherrier, rendez-vous sur cet article : "Voilà Marie".

    http://mariecherrier.com

  • Et si l'on discutait du Masque de Fer ?

    1540-1.jpgJe sais ce que vous allez dire : le Masque de Fer a été un sujet archi traité. Il pourrait même que cela soit "le" sujet favori des amoureux de la petite histoire, au point de rendre chèvre pas mal d'historiens dits "sérieux". Pierre Dumez propose pourtant de se replonger dans cette énigme dans son roman historique Louis XIV le Fils de ? Que savait le Masque de Fer ?

    Une courte présentation nous entraîne dans la rédaction (imaginaire) d'une revue d'histoire, L'Histoire et ses grandes énigmes. C'est une manière habile d'introduire la suite de dialogues entre des protagonistes passionnés et vulgarisateurs. Il y a un côté suranné dans ces conversations qui sentent bon l'odeur des archives, de la poussière et des vieilles reliures. L'ambition de Pierre Dumez est de remettre à plat, à travers ses protagonistes, les secrets du Masque de fer et de proposer une explication à une détention classée secret d’État.

    Les cinquante premières pages de ce livre reviennent sur les faits : en 1669, une lettre de Louis XIV, au pouvoir depuis 1661, ordonne l'arrestation d'un certain Eustache Danger. Ce dernier est emprisonné à la forteresse de Pignerol, avec comme unique geôlier – pendant 34 ans – l'ancien mousquetaire Saint-Mars. C'est aussi Saint-Mars, gouverneur de cette bastille, qui a "accueilli" quatre ans plus tôt l'ancien surintendant des finances Fouquet après son arrestation et jugement sur ordre du roi. Certains ont d'ailleurs vu dans Fouquet le Masque de fer himself.

    Pendant sa détention à vie, jusqu'à sa mort à La Bastille en 1703 – preuve de l'importance de ce mystérieux personnage – le prisonnier est interdit de tout contact extérieur, même visuel. Il doit porter par moment un masque de velours noir, nous disent les sources, voire un masque d'acier pendant certains transports (car il changea de lieux de détention plusieurs fois), afin de ne pas être reconnu.

    Mais reconnu de qui et pour quelles raisons ? Et pourquoi autant de mystères sur un prisonnier qui semble avoir marqué les esprits jusque chez les soldats qui gardaient la Bastille ? Un traité paru en 1769 rapporte que les affaires personnelles d'Eustache Danger furent consciencieusement brûlées afin de faire disparaître toute trace de lui.
    L'historiographie a échafaudé plusieurs dizaines d'hypothèses pour mettre une identité sur le Masque de Fer : Nicolas Fouquet (une option unanimement rejetée), un frère jumeau de Louis XIV, un de ses fils (qu'il aurait eu avec Louise de la Vallière), le duc de Beaufort, un fils illégitime de Charles II d'Angleterre, Henri II de Guise duc de Joinville... ou Molière ? Les imaginations d'historiens et romanciers (dont Voltaire et Alexandre Dumas) ont été sans limite pour dissiper ce mystère.

    Pierre Dumez propose à son tour de "démasquer" ce prisonnier dans un livre hybride, à la fois clair, agréable à lire et synthétisant les différents travaux passés. Loin des romans historiques classiques, Louis XIV le Fils de ? se présente comme un savant mélange de dialogues romancés, de focus pédagogiques, de compilation de sources brutes régulièrement référencées (mais étrangement pas en bas de page) et aussi de scènes théâtrales. Avec passion, conviction et assurance, l'auteur dévoile en effet, grâce à trois scénettes mettant en scène Louis XIV, Anne d'Autriche, Richelieu, Mazarin, Le Tellier, les motivations qui ont conduit à la mise au secret d'un homme qui dérangeait le pouvoir royal. 

    Au terme de l'enquête de Pierre Dumez, le lecteur découvre des conclusions qui ne sont pas si absurdes que cela et qui permettent de situer la petite histoire du Masque de Fer dans la grande histoire.

    Pierre Dumez, Louis XIV le Fils de ? Que savait le Masque de Fer ?
    Enquête sur un Secret d'Etat bien gardé
    , éd. Persée, 312 p.

  • Umberto Eco, un mélange

    Umberto Eco disait : "Celui qui ne lit pas, arrivé à soixante-dix ans, n’aura vécu qu’une vie : la sienne. Celui qui lit en aura vécu au moins cinq-mille". L'intellectuel, universitaire, essayiste, romancier et journaliste italien, décédé le 19 février 2016, vouait une vénération absolue pour la connaissance et la littérature. Jean-Christophe Buisson, du Figaro, était allé à sa rencontre il y a cinq ans, à Bologne, et parlait des rayonnages faramineux de sa bibliothèque personnelle de Bologne. Eco y conservait plusieurs dizaines de milliers d'ouvrages, conservés avec amour.

    Umbero Eco est mon auteur fétiche, et cela depuis des années. Il risque bien de le rester encore quelque temps. Pour ce billet, et parce que je tenais à parler de lui, j'ai choisi de compiler un mélange de critiques sur quelques-uns de ses principaux livres.

    L’Oeuvre ouverte

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesAvec cet essai, paru en 1964, le jeune Umberto Eco s'ouvre les voies de la notoriété en s’intéressant à l'art d'avant-garde, au langage, à l'information, au signe et à la communication. Dans cette étude, austère et aride pour certains passages (notamment sur la différence entre information et communication), l'auteur italien s'avère passionnant dans sa vision de l'ouverture des œuvres d'art (modernes et contemporaines). Il est surtout convaincant dans son approche des romans de James Joyce : il parvient à montrer pourquoi les livres Ulysse et Finnegans Wake ont révolutionné la littérature en même temps qu'ils se situent dans la droite ligne de la culture occidentale. Il nous fait découvrir en quoi s. Thomas d'Aquin peut être considéré comme une référence capitale dans l'oeuvre de Joyce. Un essai lumineux.

    Umberto Eco, L’Oeuvre ouverte, éd. Seuil, Point, Essais, 314 p.

     

    Le Nom de la Rose

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe Nom de la Rose, son premier roman (1982), qui est aussi son plus célèbre, a comme vampirisé le reste de sa production romanesque. Un moine franciscain et son jeune secrétaire sont chargés de résoudre les mystères de crimes qui ensanglantent un monastère. Il semble que ces meurtres ont pour origine l'imposante bibliothèque des lieux. Un polar médiéval devenu un classique qui est aussi un plaidoyer pour la tolérance et le savoir. Reste cette question que le lecteur peut se poser : qu'est-ce que la rose ? La bibliothèque de l'abbaye ? Un livre en grec tant convoité ? La jeune fille rencontrée et aimée par Adso de Melk ? Ou tout simplement la vie terrestre ? 

    Umberto Eco, Le Nom de la Rose, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    Le Pendule de Foucault

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesEn 1988, vingt ans avant Dan Brown et son Da Vinci Code (mais en plus subtil et plus ambitieux), le célèbre auteur italien proposait une relecture originale de la religion et des sciences occultes. L'histoire ? Trois amis italiens travaillant dans l'édition décident, par amusement, d'imaginer un vaste complot mené par une société secrète pour la domination du monde. Bientôt cette supercherie les dépasse complètement : et s'ils n'avaient pas réveillé des forces souterraines à force de les inventer ?  La lecture de ce livre est quelque chose d'assez unique, une vraie expérience en soi - pour peu que l'on dépasse les cinquante premières pages. Un must.

    Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    À reculons, comme une écrevisse

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesSémiologue et romancier internationalement connu, Umberto Eco était également connu en Italie pour être un observateur attentif du monde contemporain. Ce livre est un recueil d'articles qu'il a publiés de 2000 à 2005. Avec un sens aigu de l'analyse, Ce spécialiste des signes, qui se fait aussi intellectuel engagé contre Berlusconi, interroge notre monde dit "post-moderne" : les néo guerres, le terrorisme, la paix mondiale, la dernière chance de l'Europe, l'intolérance ou la manipulation médiatique de Silvio Berlusconi. Un ouvrage intelligent et engagé qui appel au sursaut de l'intelligence et de la tolérance pour sortir des nouvelles barbaries.

    Umberto Eco, À reculons, comme une écrevisse, éd. Grasset, 420 p.

     

     

    La mystérieuse Flamme de la Reine Loana

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesVoici un roman peu connu du maître italien mais qui mérite d'être redécouvert. La mystérieuse Flamme de la Reine Loana (2004) nous prouve qu'Umbero Eco n'était pas cantonné à la littérature scientifique. Nous suivons le personnage principak, Yambo, qui se trouve amnésique suite à un choc. Pour retrouver son passé, il part quelques jours dans la demeure de son grand-père où il a passé une partie de son enfance durant le fascisme italien et la seconde guerre mondiale. Là, Yambo découvre les lectures qui berçaient son enfance et son adolescence. Cette production d'Eco a été fraîchement accueilli à sa sortie. C'est injuste car voici un roman émouvant et érudit à la fois sur les thèmes de la culture populaire, des remords, des blessures de l'enfance, du sens de l'honneur et de l'idéal féminin. Seul regret : la fin du livre a tendance à tourner en rond.

    Umberto Eco, La mystérieuse Flamme de la Reine Loana, éd. Grasset, 489 p.

     

    Le Cimetière de Prague

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième de couverture de ce livre paru en 2010 induit le lecteur en erreur en plaçant Le Cimetière de Prague dans la droite lignée du Nom de la Rose. En réalité, cette sixième production romanesque a bien plus de points communs avec Le Pendule de Foucault, fabuleux roman traitant avec maestria d'un complot universel des Templiers. Il est question dans Le Cimetière de Prague d'un complot imaginaire : celle de Juifs réunis un soir dans un cimetière de Prague et se mettant d'accord pour dominer le monde. Un thème hautement sulfureux qui a fait polémique en Italie. Le narrateur principal, Simon Simonini, brillant faussaire et antisémite notoire, raconte son travail de rédacteur qui aboutira à "l'évangile" antisémite des Protocoles des Sages de Sion. À la fois extraits de journaux intimes et de lettres, cette production littéraire s'apparente aux romans-feuilletons du XIXe siècle. Bien plus baroque que dans ses livres précédents, et non sans audace, Umberto Eco multiplie chausse-trappes, fausses pistes destinées à perdre le lecteur (qui est qui ?), conspirations fumeuses mettant en scène jésuites, franc-maçons, sectes diaboliques et d'authentiques personnages historiques (Alexandre Dumas, Garibaldi, Dreyfus ou le jeune Sigmund Freud). Un roman intéressant qui n'est sans doute pas le meilleur de notre plus brillant écrivain européen mais qui a le mérite de démonter avec talent la manière dont se créent des légendes comme celle des Protocoles de Sion.

    Umberto Eco, Le Cimetière de Prague, éd. Grasset, 551 p.

    Confessions d'un jeune Romancier

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième couverture de ce nouvel essai d'Umberto Eco est trompeur et risque fort de conduire nombre de lecteurs dans l'erreur. Sans doute parce que c'est plus vendeur, l'éditeur présente Confessions d'un jeune Romancier (2013) comme d'une sorte de vade-mecum pour écrivain en herbe. C'est faire insulte à Umberto Eco, tant cet essai est moins un manuel pratique pour jeune écrivain en quête de succès, qu'une brillante présentation de la carrière de "jeune" romancier d'Umberto Eco (seulement sept romans à son actif, en comptant Le Cimetière de Prague publié après les conférences à l'origine de ce livre). Il y livre également sa vision du roman dans l'histoire de la littérature tout en répondant à quelques questions essentielles : comment lui vient son inspiration ? Quelles sont les contraintes de ses romans ? Quels sont les liens entre les intentions de l'auteur et les interprétations du(des) lecteur(s) ? Quelle est la réalité et la vérité des personnages romanesques (une question moins anodine qu'il n'y paraît) ? En quoi la sémiotique peut-elle s'intéresser aux personnages fictionnels ?  Eco termine cet essai par une partie étonnante et passionnante sur la place des listes dans son œuvre comme dans la littérature en général. Finalement, voilà un essai passionnant qui confirme qu'Umberto Eco reste l'un des plus passionnants intellectuel et artiste de notre époque.

    Umberto Eco, Confessions d'un jeune Romancier, éd. Grasset, 232 pages

    Site officiel d'Umberto Eco

  • Le Top 10 de Bla Bla Blog pour 2015

    Les fins d'année sont propices aux bilans de tout genre. À mon tour, je voulais conclure cette année 2015 par un point sur une année pleine pour ce blog. 125 articles ont été publiés cette année : livres, cinéma, télévision, musique et philosophie ont été les principaux thèmes abordés. Plusieurs posts sont sortis du lot, de par les réactions qu'ils ont suscitées (messages, commentaires, likes sur Facebook ou retweets). Voici le top 10 de ces articles.

     10  Montargis la Chinoise

    Cette série d'articles retrace l'aventure chinoise d'une modeste sous-préfecture du Loiret, Montargis, devenue, grâce aux hasards de l'Histoire, et à quelques jeunes hommes ambitieux et enthousiastes (dont Zou Enlai et surtout Deng Xiaoping) , la ville qui a vu naître la Chine communiste au début des années 1920. Une histoire étonnante et passionnante.

    Extrait : "Pourquoi Montargis est-elle la plus chinoise des villes françaises, au point d'être reconnue jusqu'à Pékin ?
    Un visiteur qui débarque dans cette modeste sous-préfecture du Loiret pourrait être étonné par des plaques touristiques en français et en mandarin, disséminés dans différents endroits de la ville, balisant un parcours touristique consacré à ce pays lointain...
    " (la suite ici)

     9  Spéciale Stanley Kubrick

    Je publiais en début d'année une série de 10 articles consacrés au réalisateur américain Stanley Kubrick. Outre une biographie de l'auteur, plusieurs posts étaient consacrés à quelques-uns de ses plus grands films (2001 L'Odyssée de l'Espace, Shining, Eyes Wide Shut, Barry Lyndon) ainsi qu'à un focus sur Kubrick et la musique.

    Extrait : "Stanley Kubrick naît le 26 juillet 1928 à New-York dans une famille de la petite bourgeoisie du Bronx. Élève moyen timide mais néanmoins d’une très grande curiosité, il se destine très jeune à la photographie, domaine où il exerce son premier métier à 17 ans dans la revue Look, luxueux magazine concurrent de Life.
    Cette première expérience sera décisive dans sa future carrière de cinéaste. Dès sa toute première création, un reportage photographique sur le boxeur Walter Cartier (
    Le Boxeur professionnel, 18 janvier 1949), le jeune Stanley Kubrick démontre déjà un grand sens du cadrage et de la lumière..." (la suite ici)

     8  Cléo ou de jolis débuts (les filles ça pleure sous vent)

    Cléo publie ses textes – poésie, haïkus, calligrammes ou aphorismes – sur Twitter (pour l'instant ?). L'article que je lui ai consacré a reçu un joli écho sur le réseau social où elle publie principalement. Une auteure à découvrir de toute urgence.

    Extrait : "C'est par hasard que j'ai découvert La PoésieDeCléo, sur son compte Twitter @nothingbut66. L'artiste est également active sur Instagram.
    Il est de notoriété que l'Internet, et en particulier les réseaux sociaux, sont un vivier intarissable d'expressions artistiques.
    Le compte de Cléo (impossible de nommer autrement cet artiste bien mystérieuse qui a pris pour pseudonyme le nom d'une des neuf Muses) offre le meilleur d'un genre dénigré par le milieu éditorial traditionnel : la poésie.

    Au fil des jours, voire des heures, et ce depuis 2011, l'auteure publie textes courts ("J'ai mis du rouge à lèvres Du noir à mes genoux Et puis des bottes Pour sauter dans les flaques"), haïkus, calligrammes ou aphorismes ("Je Tu Elle Les conjugaisons sont mortelles")..." (la suite ici)

     7  Une partie de football contre le djihadisme 

    Quelques jours après les attentats de novembre à Paris, ce focus sur la bande originale du film Timbuktu était une manière de traiter d'un événement capital de notre actualité.

    Extrait : "Le cinéma français consacrait cette année le film Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, bouleversant tableau d'un village malien écrasé par l'Islam radical.
    Pour traiter du djihadisme international avec une telle puissance et une telle justesse, il fallait une musique à la hauteur..."

    (la suite ici)

     6  Escroc, gourou et artiste 

    Je consacrais, le 19 décembre dernier, un article au sujet de l'enquête qu'a menée Bernard Hasquenoph, journaliste et bloggeur, sur le photographe, milliardaire, gourou et escroc Aahe. Un reportage exemplaire qui est aussi un coup de gueule contre des institutions culturelles imbues d'elles-mêmes et se croyant intouchables. 

    Extrait : "Le crime pourrait-il réellement être considéré comme un des beaux-arts, pour reprendre le roman de Thomas de Quincey ? Il semblerait en tout cas qu'il ait sévi impunément dans les plus grands sites culturels du monde, au su et au vu de beaucoup de spécialistes. C'est le journaliste Bernard Hasquenoph, journaliste et bloggeur pour Le Louvre Pour Tous, qui a mis fin à une escroquerie artistique qui aurait pu rendre chèvre encore quelques années le microcosme feutré des musées..." (la suite ici)

     5  Les super prouesses de SuperFeat 

    Un coup de projecteur mérité sur l'illustratrice et animatrice Superfeat. Un style inimitable, de l'humour (noir), un univers poétique et surréaliste. À découvrir absolument !

    Extrait : "Quelque part, entre Pierre de la Police et Topor, vit SuperFeat, une jeune illustratrice, graphiste et animatrice qui se serait nourrie de films de David Lynch, de poèmes dadaïstes et de bandes dessinées de Joann Sfar pour créer un univers surréaliste, poétique, déjanté, sexy et bourré d'humour noir (voir aussi ce texte de Superfeat publié sur ce blog, avec l'aimable autorisation de l'auteur).
    Comment reconnaît-on la marque d'un véritable artiste ? Sans doute à ceci : qu'il puisse être immédiatement reconnaissable par le public et qu'il ait la capacité de nous aimanter..."
    (la suite ici)

     4  Random : Que personne ne sorte

    Ce post, publié le 3 décembre 2015, était consacré à la webserie française Random. La saison 1 s'est achevée, récompensée par une pluie de récompenses internationales ainsi que par une diffusion en replay sur la première chaîne française. Une révélation qui vient à point nommer alors que les séries françaises ont la réputation d'être des peines-à-jouir ! Une saison 2 est en préparation pour 2016.

    Extrait : "Une fois n'est pas coutume, TF1 se distingue dans sa programmation en proposant Random, l'une des séries françaises les plus originales du moment.
    Ne cherchez cependant pas cette fiction sur la TNT. Cette production originale a eu l'exclusivité de Mytf1.fr. C'est mieux que rien, me direz-vous, la chaîne commerciale n'étant sans doute pas prête à troquer quelques épisodes de Joséphine Ange Gardien contre une production ambitieuse ou innovante..." (la suite ici)

     3  42 heures pour un court : la jeunesse, la comédie et l'audace récompensées

    Membre du jury 2015 du festival de court-métrage de Montargis "42 heures pour un court", j'ai été aux premières loges pour témoigner de la qualité d'une programmation. Dans le bilan que je fais de cette édition, je saluais les trois films couronnés, trois œuvres drôles, culottées et réalisées par de jeunes artistes plein d'avenir.

    Extrait : "Ce week-end avait lieu la 9e édition de 42 heures pour un Court. J'avais l'honneur de faire partie du jury de ce "triathlon vidéo", en compagnie de Jean-François Szczepanek, Anne-Lise Gaudichon, Françoise Pastor Strazzieri et Anne Berrou. Rémi Julienne est le parrain de ce festival de court-métrage. Neuf équipes (sur les dix engagées) avaient 42 heures pour écrire, réaliser et monter un court-métrage de 5 à 9 minutes, à partir de contraintes exigées par les organisateurs. Cette année, les concurrents avaient le choix entre quatre thèmes imposés : le harcèlement moral au travail, le mariage pour tous, l'économie de partage et le recul de l'âge de départ à la retraite. Neuf lieux de tournage à Montargis étaient également imposées et tirées au sort..." (la suite ici)

     2  Le Globecroqueur en Iran 

    Ce guide de voyage du Globecroqueur, alias Philippe Bichon, retrace un voyage hors du commun en Iran, loin des clichés sur ce pays dont nous abreuve l'actualité internationale. L'auteur et dessinateur nous dévoile un pays légendaire, attachant et fascinant, sans nous cacher toutefois les travers d'une république islamique corsetée par les interdits religieux. Un carnet de voyage richement illustré qui donne envie de faire son sac à, dos et de filer découvrir ce pays qui reste le berceau de notre civilisation.

    Extrait :  "Amateurs de guides de voyage, ce carnet de route sur l'Iran est pour vous.
    Un voyage en Iran, dans le pays des ayatollahs, de la puissante République islamique chiite : étrange destination, me direz-vous. C'est pourtant ce qu'a entrepris Philippe Bichon, qui se surnomme lui-même le Grobecroqueur (il est l'auteur de plusieurs guides en Égypte-Syrie, en Inde et au Tibet).
    Pourquoi l'Iran ? Alors que vient de se terminer une des plus longues batailles diplomatiques de ces dernières années, l'accord sur le nucléaire iranien, l'ancien royaume perse est en passe de s'ouvrir au monde, via notamment le tourisme..
    ." (la suite ici)

     1  Voilà Marie

    C'est l'article phare de cette année, et sans doute aussi celui qui me tient le plus à cœur, tant les chansons de Marie Cherrier m'ont accompagné depuis plusieurs années. Une première place sans surprise et méritée pour l'une des plus belles voix actuelles de la chanson française.

    Extrait : "Puisque l'on est entre nous, je dois vous avouer que Marie Cherrier fait partie depuis longtemps des auteurs dont je voulais parler sur ce blog. Elle est ce genre d'artiste qui vous accompagne des années durant, offrant une présence rassurante et revivifiante. Voilà donc cet article, voilà Marie, alors que sort en ce moment son quatrième album studio, L'Aventure.
    Comment pourrait-on ne pas l'aimer, elle, son opiniâtreté à creuser son sillon artistique, son sens de l'écriture, ses saynètes (
    Le Curé, 7ème Ciel ou Café noir), ses mélodies et ses interprétations sensibles ?  La chanteuse poursuit son petit bonhomme de chemin, suivie par un public de fidèles..."
    (la suite ici)

  • Rien de nouveau sous le soleil

    51TS7qGqz3L._SX298_BO1,204,203,200_.jpgVous les connaissez ces ritournelles : "Les temps ont bien changé", "les enfants ne respectent plus rien, pas même l'école", "tout va trop vite de nos jours", "on était bien plus heureux autrefois", "le niveau scolaire baisse", "à cause des étrangers, on n'est plus chez nous"... Ce sont ces discours et ces commentaires courants qui sont évoqués dans le court ouvrage Rien de Nouveau sous le Soleil (Nihil novi sub sole), à travers des textes... vieux de 2000 ans.

    En préface de ce mélange, Michel Marcheteau rappelle en avant-propos que l'insécurité ou la circulation dans les villes, la violence des jeunes gens, les problèmes scolaires (la méthode globale par exemple !), la corruption des hommes politiques, le problème de la Palestine et du Moyen-Orient, les catastrophes naturelles, la dégradation des mœurs, la destruction de la nature ou le... hooliganisme avaient déjà été stigmatisés par de nombreux auteurs latins.

    Rien de Nouveau sous le Soleil présente une sélection de textes (avec leur version originale en latin) de quelques-uns de ces écrivains : Plaute, Cicéron, Quintilien, Tacite, Apulée, Juvénal, Salluste, Ovide,  Tibulle et Sénèque.

    Une manière passionnante de se replonger en douceur dans la langue et la civilisation latine, tout en nous faisant une jolie leçon de relativisme : "Ce petit ouvrage remet ainsi à leur place les enthousiasmes excessifs et les pessimismes exagérés...  Il constitue un antidote à la fois à l’utopie et au catastrophisme qui peuvent nous aveugler sur la réalité de notre époque et le devenir de nos sociétés."  

    Rien de Nouveau sous le Soleil (Nihil novi sub sole), éd. Pocket, 2006, 143 p.