Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livres et littérature - Page 28

  • Un ange passe

    Les deux personnages de ce conte moderne sont ceux du titre : Ève et l’Ange. Le court récit de Thomas Pourchayre publié aux éditions Abstractions met en scène les deux êtres les plus improbables qui soient, embarqués dans une histoire d’amour qui les surprend eux-même.

    Ève et l’Ange commence par l’évocation de la chute du paradis terrestre – en l’occurrence un foyer familial – ou plutôt patriarcat :  un père "attend sa fille son joyau majeure", telle une princesse de conte de fée. Mais elle tarde et ne reviendra pas : le père "attend longtemps… sa fille première fois ce soir-là s’est envolée".

    À partir de là commence l’histoire : celle d’une rencontre surréaliste entre cette Eve, irrésistible et assoiffée de vie ("La poitrine aboie / soudaine et gonflée") et un ange, "un ange... mais pas selon l’idée que les gens s’en font", précise l’auteur plus loin dans son livre. Cet être, comme sorti de l’enfance, découvre sa sexualité, qui est aussi la fin d’une forme d’innocence : "Mais où est passé la vierge à l’enfant / de mon enfance !" L’auteur avance aussi cet argument : cet ange est "descendu sur Terre pour éprouver [son] caractère et fortifier [ses] ailes." Mais aussi autre chose, serions-nous tentés de préciser.

    Il sera, par la suite, question  d’un jardin, de pomme aussi - mais pas de serpent, son rôle de tentateur étant endossé par l’ange, "le chaînon manquant", aussi crédule que fasciné par cette rencontre improbable mais qui promet de faire des étincelles : "Que viennent faire des anges qui passent / dans les moments d’intimité, hein ? / à qui s’en plaindre de toute façon ?" Une autre question se montre beaucoup plus directe : "Quelle femme voudrait d’ailes dans un lit ? / De clochettes contre ses cuisses ?"

    Thomas Pourchayre pratique l’art du télescopage dans ce conte surréaliste

    Thomas Pourchayre pratique l’art du télescopage dans ce conte surréaliste mêlant textes sacrés, souvenirs d’enfance, humour et saynètes prosaïques, telle la séquence de la terrasse de café, la découverte comique de l’appartement d’Ève ou des scènes d’intérieur que l’on croirait sorti de n’importe quelle émission de télé-réalité : Ève "s’installe dans le fauteuil velours velours / tambour d’attente / et feuillette un magazine féminin."

    Thomas Pourchayre se fait poète tout autant que disciple de Boris Vian dans sa manière de convoquer dans son récit des personnages singuliers, telle celle-ci : "Une femme pleure au clair de lune / car son lanceur de couteaux de mari, raconte-t-elle / trouve qu’elle n’a plus un physique aussi affûté qu’avant…"

    L’auteur a fait le choix de vers pour son récit mêlant poésie, religieux et érotisme, non sans de brillants aphorismes : "Les angélismes peuplent le monde / de diables forcenés, / de diables consternés tous moralistes". 

    Thomas Pourchayre, Ève et l’Ange ou la gravité négociable , éd. Abstractions, 2021, 63 p.
    www.editions-abstractions.com 

    Voir aussi : "Les loups sont entrés dans Paris"
    "Ça caille les belettes"

    Illustration :Jean-Christophe Stauder, La Beauté sort du chaos, créée pour Ève et l’Ange ou la gravité négociable,
    encre du Japon et lavis. 15 cm x 20 cm. 2021

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • En attendant les jours meilleurs

    Sorti en 2014,  La Tête de l’Emploi de David Foenkinos (éd. J’ai lu) appartient à cette catégorie de romans coutumiers de l’auteur de La Famille Martin : une comédie douce-amère s’intéressant à des personnages ordinaires, des "invisibles" à la vie terne et sans aspérités. Ils pourraient être nos voisins ou des membres de notre famille qu’on finit par ne plus remarquer.

    Notre "héros", qui s’exprime à la première personne comme beaucoup de romans de Foenkinos, s’appelle Bernard. Il travaille dans une banque – la BNP – comme conseiller financier et est bien décidé à y rester jusqu’à la retraite.

    Dans sa vie privée, Bernard est marié avec Nathalie depuis plus de 20 ans. Ils ont eu une fille, Alice, partie vivre au Québec à l’âge de vingt ans. Lorsque le roman commence, Bernard a cinquante ans. Sa vie est un long fleuve tranquille, même si le lecteur devine derrière ce personnage, une faille qu’il aborde ainsi à l’ouverture de son récit : "Un jour, mes parents ont eu l’étrange idée de faire un enfant : moi".

    Ces parents, qui "auraient fait de bons personnages de roman", il en sera question plus tard dans le roman, lorsque Bernard aura commencé une descente aux enfers, descente qui commence par l’annonce par sa femme qu’elle souhaite qu’ils se séparent. Une séparation temporaire, juge d’abord le mari refroidi, qui le contraint à prendre une chambre d’hôtel. Mais comme souvent, le temporaire peut vite devenir définitif. Cette chambre est située non loin de son lieu de travail, et c’est justement là qu’a lieu la suite de son aventure tragi-comique. 

    Bernard entend bien sauver les apparences

    Son chef, Laperche, un de ces personnages de bureau machiavéliques et pervers – au sujet duquel il faudra bien  qu’une étude soit pour l’œuvre de Foenkinos – contraint le conseiller bancaire à occuper à mi-temps le guichet d’accueil pour remplacer une employée qui a été licenciée afin "d’alléger la masse salariale". Ce déclassement qui ne dit pas son nom va avoir de sérieuses conséquences professionnelles après sa crise de couple ("J’avais le sentiment que les trente dernières années de ma vie venaient d’être réduites à néant"). La seule issue de Bernard est de revenir vivre chez ses parents, un couple aussi déprimant que lui, aussi radin qu’ennuyeux. Mais Bernard entend bien à la fois sauver les apparences (sa fille ne doit surtout pas être au courant de sa déchéance) et rebondir, en attendant des jours meilleurs.

    On retrouve dans ce roman sorti il y a moins de 10 ans toutes les qualités de la plume de David Foenkinos : un style léger et virevoltant, le parti pris d’assumer sans rougir des histoires de gens ordinaires, et avec tout cela de l’humour, grinçant parfois lorsque Bernard retourne chez ses parents et constate qu’il redevient à à cinquante ans un adolescent infantilisé.

    Héros ordinaire, personnage a priori falot et ennuyeux, Bernard parvient tout de même à se rendre attachant lorsque, notamment, il brise son armure lors d’une soirée mémorable avec ses parents et leurs voisins. Les personnages secondaires s’effacent derrière cet homme aussi peu-moderne (il avoue qu’il aurait plus sa place en 1982 qu’en ce début de millénaire) qu’adepte de la routine mais que des circonstances extérieures mettent au pied du mur.

    On le devine : David Foenkinos va lui trouver un nouveau but improbable dans sa vie. Grâce à une femme, bien entendu. 

    David Foenkinos, La Tête de l’Emploi, éd. J’ai lu, 2014, 286 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Qui nous protégera du bonheur ?"
    "Anti fiction"

     

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Raconter l’enfer et faire œuvre de littérature

    Voici sans doute le livre le plus incroyable de ces dernières années. Dans les Geôles de Sibérie de Yoann Barbereau (éd. Stock) n’est pas seulement le témoignage brut d’un rescapé du régime autoritaire russe : c’est aussi une œuvre littéraire remarquable qui parvient à rendre dérisoire le flot d’autofictions que chaque rentrée littéraire nous abreuve.

    "La grande prose de Sibérie reste à inventer", dit un moment l'auteur. Il est probable qu’il vient de proposer un texte bien plus important littérairement que ce qu’en dit le pitch du livre : un Français, parti travailler en Sibérie pour le compte de l’ambassade de son pays, est arrêté du jour au lendemain, victime d’une kompromat – un mot russe désignant un dossier bidon monté contre quelqu’un pour le faire tomber. Emprisonné, incarcéré puis placé sous surveillance, Yoann Barbereau parvient cependant à s’enfuir en parcourant des milliers de kilomètres, au nez et à la barbe des autorités russes.

    Voilà pour l’histoire. Une histoire que les médias français ont suivi et relaté après-coup et que le public a découvert, ahuri. Si vous souhaitez en savoir plus, faites donc un tour du côté de la remarquable émission d’Affaires sensibles sur France Inter.

    S’il n’y avait qu’une seule raison de lire le livre de Yoann Barbereau c’est bien celle-là : découvrir le complot incroyable d’un Français "presque" ordinaire (car Yoann Barbereau reste tout de même un homme assez peu commun, comme il en témoigne) pris dans un piège fomenté par des agents du FSB (l’ex-KGB), beaucoup plus pied-nickelés et stupides que l’image que l’on a de ces fonctionnaires, prêts à tout pour des motivations qui restent encore obscures. Yoann Barbereau le dit autrement, en prenant l’exemple du film des frères Cohen, Burn After Reading : "Les benêts ont enchaîné les décisions insensées sans jamais rien comprendre de la mécanique cruelle qu’ils alimentaient. Il n’y avait pourtant aucun enjeu, sinon celle des carrières et des opérations de surveillance farfelues."

    Un très grand ouvrage littéraire

    Le résultat de ce coup monté, ce fameux kompromat, a eu pour l’auteur des conséquences tragiques : arrestation, emprisonnement, prisons infâmes de la Russie, découverte des conditions de vie des détenus dont il partagera le sort souvent fraternellement (la "toussovka" des prisonniers), l’asile psychiatrique puis le bracelet électronique. À cela, il faut ajouter l’incompétence des fonctionnaires des affaires étrangères : Un précepte guide les hommes du Quai d’Orsay : "En toutes circonstances, penser d’abord à se couvrir". Une réflexion qui s’explique par la manière dont le fugitif français est accueilli à l’ambassade français de Moscou après son évasion.

    Nous sommes en Russie : autant dire que le témoignage de Barbeau nous renvoie à la période sombre de l’Union Soviétique, du Goulag, des réclusions arbitraires et des décisions arbitrales de fonctionnaires, qu’une citation d’Andreï Vychinski, le procureur de Staline, décrit ainsi : "Donnez-moi l’homme, je trouverai l’article de loi".

    Yoann Barbereau inscrit d’emblée son livre dans le sillon de la littérature des victimes de la Russie, qu’elle soit soviétique ou post-soviétique. Il cite abondamment ces écrivains qu’il admire, que ce soit Soljenitsyne, Tchekhov ou Boulgakov. Il faut le dire et le marteler :  Dans les Geôles de Sibérie est un très grand ouvrage littéraire, servi par des phrases tour à tour sèches, amples, élégantes et poétiques. Cet amoureux de la Sibérie et des hommes et ses femmes (on apprend d’ailleurs que l’auteur les a aimées avec passion, ce qui a été à la fois l’une des causes de sa perte mais aussi son salut), en parle comme peu d’écrivains avant lui, son ouvrage apparaissant pour le lecteur comme la première pierre plus que convaincante d’une œuvre littéraire à venir.

    Mieux qu’un témoignage sur un fait d’hiver ahurissant, Dans les Geôles de Sibérie peut se lire comme un cri d’amour pour ce pays. Il suffit pour cela de lire ce passage consacré au lac Baïkal : "Le lieu donnait son assentiment, le lac nous accordait la sainteté. Qu’il nous avalât la minute d’après était chose possible, mais pour l’heure les histrions prenaient place sur l’icône".

    Yoann Barbereau, Dans les Geôles de Sibérie, éd. Stock, 2020, 323 p.
    https://www.editions-stock.fr

    Voir aussi : "Chanter dans les forêts de Sibérie avec Jean-Baptiste Soulard"
    "RIP URSS"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Anti fiction

    Avec La Famille Martin (éd. Gallimard), son dernier livre sorti à ce jour, David Foenkinos abandonnait la noirceur de ces précédents romans (Charlotte, Vers la beauté, Deux sœur) pour une comédie littéraire sous forme de fausse autofiction, mais moins comique et plus tendre que cet autre roman, Qui se souvient de David Foenkinos ?

    Pour La Famille Martin, il s’agit encore d’une histoire d’inspiration et de création littéraire dans laquelle la matière vivante et le quotidien sont appelés à la rescousse pour produire un nouveau livre. Sauf que le quotidien en question n’est pas celui de l’auteur et narrateur mais celui des autres, des inconnus, des voisins et des anonymes qui ont plus à raconter que ce que l'on veut bien dire :  "Je ne voulais surtout pas me laisser embarquer dans l'écriture d'un roman qui servirait d'arrosoir pour les fleurs d'une tombe. Je préférais me consacrer aux vivants", écrit-il.

    Pour le narrateur, ce nouveau travail littéraire commence donc dans la rue, et précisément en bas de son immeuble. Presque par jeu, David Foenkinos (du moins, sans doute le double de l’écrivain) s’adresse à la première personne qu’il croise : ce sera elle l’héroïne de son futur roman ! Il s’agit en l’occurrence d’une vieille dame tout à fait ordinaire. Une certaine Madeleine Tricot (un nom de famille des plus ordinaires, lui aussi). Ce faisant, cette dernière va lui ouvrir les portes de sa famille, les Martin.

    On aurait tort de prendre La Famille Martin comme une de ces autofictions dans lesquelles l’auteur a le beau rôle. En réalité, David Foenkinos fait du hasard une arme romanesque pour rendre hommage à ses contemporains que rien, a priori ne distingue des autres. Grave erreur : car en s’invitant dans cette famille, l’écrivain en manque d’inspiration es persuadé qu’il peut y trouver matière à un roman. Après tout, dit-il, non sans malice, "la narration vient en narrant". 

    Héroïsme quotidien

    Outre Madeleine, il y a, dans cette famille Martin, Valérie, une femme lassée par son quotidien et par un mari, Patrick, terne employé sur le point d’être convoqué par un directeur pervers narcissique avant, croit-il, un licenciement. À cela s’ajoutent les deux enfants, Lola et Jérémie, respectivement 17 et 15 ans. Toute cette petite famille va servir de matière vivante à ce futur livre.

    Dans ce voyage dans une famille française, David Foenkinos se met lui aussi en scène et se trouve également obligé de se confier sur sa propre vie. Juste retour d’ascenseur pour celui qui se fait enquêteur jusqu’à traquer des secrets de famille ou des amours restés cachés.

    Un trouble saisit le lecteur au sujet de l’odeur de vérité de ce roman, tout comme l’auteur peut en être embarrassé : "Le vrai paraît souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction.  Je redoutais qu’on puisse ne pas croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée." Ainsi, "soumis à la vie de [ses] personnages", David Foenkinos se met en scène, dans une série de mises en abîme, en train d’écrire sur ses personnages, de prendre des notes, de les mettre en perspective, de douter sur leur "intérêt" aussi. Non sans humour, l’écrivain s’imagine en Pasolini et dans la peau du visiteur de Théorème, "la perversion et les rapports sexuels en moins", précise-t-il quand même.

    On pourrait presque en oublier David Foenkinos, obsédé qu'il est par son envie de saisir le romanesque de ces personnages de la vraie vie, les Martin. Sauf qu'il finit par devenir à la fois spectateur de la vie de cette famille et lui-même protagoniste de sa propre histoire, qu’il choisit de ne pas enjoliver. En se mettant en retrait et en s’effaçant comme il le fait lors du voyage de Madeleine en Californie, l’auteur finit par rendre à ces Martin toute leur folie et même leur héroïsme quotidien.

    David Foenikinos, La Famille Martin, éd. Gallimard, 2020, 226 p.  
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • #Hurlelavie en livre

    Après l'exposition #Hurlelavie à Aix-en-Provence cet été, un événement que nous avions présenté sur Bla Bla Blog, voilà maintenant le livre #Hurlelavie, 521 Cris à la Face du Confinement (éd. Belles Balades) que lui consacre son auteur, le photographe Christophe Keip.

    Le livre a été divisé en 4 chapitres principaux, comme pour l’exposition. Chacun de ces chapitres est construit autour d'une émotion primaire, et de ses déclinaisons : la Colère, accompagnée de ses sœurs l'Agression et l'Hostilité, la Peur, accompagnée de ses sœurs l'Alarme, la Crainte, l'Effroi, et la Soumission, La Tristesse, accompagnée de ses sœurs la Déceptions et les Remords et la Joie, accompagnée de ses sœurs l'Amour, le Courage et l'Optimisme.

    Les préfaces sont signées de Charles Berling et Stéphanie Brillant.

    Christophe Keip est un artiste photographe portraitiste qui depuis 30 ans voyage de par le monde pour ses projets artistiques ou sociétaux, dans son studio à Aix en Provence, mais aussi dans une mine d'argent en Bolivie, ou dans un atelier Haute Couture à New-York. Il traque l’Homme dans tous ses états, dans toutes ses intentions, dans toutes ses dimensions, comme le support essentiel de ses nouvelles esquisses. Voilà qui peut expliquer pourquoi il s’est lancé dans ce projet autour des émotions primaires, exprimés par des inconnus en plein confinement. 

    Tolérance et écoute

    Ses photographies sont entrées dans de nombreuses collections privées notamment en France,

    Dans la préface du catalogue, l’acteur, scénariste et réalisateur Charles Berling place justement le projet de Christophe Keip dans sa dimension sociologique et profondément humaniste et que le comédien exprime ainsi  : "Au sortir des deux confinements sanitaires d’un tout autre ordre, je pousse un cri qui appelle à la concorde, à la nuance du compromis. Cherchons et trouvons le dialogue. Ne cédons pas à la fragmentation, évitons l’appauvrissement du langage qui ne provoque que du binaire et de l’opposition. Tentons de nous comprendre, nous retrouver, de partager. Ensemble, entendons-nous."

    La tolérance et l’écoute de l’autre sont également exprimées par l’autre préfacière du livre, la journaliste, auteure réalisatrice, conférencière et entrepreneuse Stéphanie Brillant : "Hurler c’est n’avoir plus d’autre choix que de sortir de soi pour pouvoir revenir à soi. Quand le hurlement vient c’est qu’une limite a été atteinte. Pour hurler on a besoin d’une force contraire, d’un antagoniste contre lequel se rebeller".

    Le livre de Christophe Keip, #Hurlelavie, 521 Cris à la Face du Confinement est publié aux éditions Belles Balades.

    Christophe Keip, #Hurlelavie, 521 Cris à la Face du Confinement,
    Belles Balades Éditions, 2021, 224 p.

    https://www.hurlealavie.com/media
    https://www.ckeip.com
    https://www.bellesbalades.com/hors-collection

    Voir aussi : "Faire tomber le masque"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Qui nous protégera du bonheur ?

    Sur cette histoire de couple, l’objet du roman En cas de Bonheur, David Foenkinos écrit ceci :"Personne ne savait que faire en cas de bonheur. On avait des assurances pour la mort, pour la voiture, et pour la mort en voiture. Mais qui nous protégera du bonheur ?" Ce bonheur était-il la "pire chose" qui puisse arriver ?

    Lorsque Jean-Jacques se pose cette question, il en est à un stade critique dans l’histoire du couple qu’il forme avec Claire. Disons-le autrement : il entame un adultère avec Sonia, une sémillante collègue de travail. Jean-Jacques travaille comme "conseiller en quelque chose, en rapport avec de l’argent". Claire, elle, est employée dans une boutique en cosmétique à l’aéroport de Roissy. Tous deux ont une petite fille de six ans, Louise.

    La vie à deux suit son cours, dans un quotidien morne, ponctué par des visites régulières chez les parents de Claire. Jean-Jacques, lui, trouve dans sa relation extraconjugale avec Sonia "sa raison de vivre". Il y trouve un certain équilibre : "[Avec claire], ils étaient unis. Il continuait à se répéter qu’il ne voulait pas d’une vie à la Édouard [son ami, célibataire et heureux a priori de l’être]". Mais Claire apprend l’infidélité de son mari grâce à une agence de détectives privés et elle annonce à son mari qu’elle le quitte. Désarçonné et incapable de s’engager avec sa maîtresse, Jean-Jacques entreprend de suivre sa future ex-femme. Il fait appel sans le vouloir à la même agence de détectives que sa femme.

    David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire

    Fausse double enquête policière et vraie comédie sentimentale, En cas de Bonheur suit un homme et une femme dont le couple meurt, mais qui refusent, consciemment ou inconsciemment, l’idée de séparation. Les relations adultères ressemblent plus à des accidents qu’à de vraies possibilités, comme le montrent ces personnages secondaires gravitant autour de nos deux héros, que ce soit Sonia, Igor ou même Caroline, la jeune baby-sitter au "fessier" affolant. Le portrait de cette femme de 20 ans étonnera sans doute le lecteur et la lectrice de 2021. Il faut dire que le roman a été écrit en 2005, soit deux ans avant #Meetoo, si bien qu’En cas de Bonheur n’est pas exempt de considérations assez peu "female gaze", l’expression et le concept n’existant même pas à l’époque.

    Dans le tourbillon de crises, de malentendus, de cachotteries, d’entourloupes et de quiproquos, David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire. L’auteur le fait en ne s’interdisant pas louvoiements, tergiversations et atermoiements, à l’image de l’histoire de Renée, la mère de Claire. Mais au bout du compte, l’auteur tient le sujet de son roman : celle d’un couple agonisant mais aussi cette recherche du bonheur qui est au cœur de ce roman virevoltant et non-dénué d’humour : "Le bonheur n’avait jamais été à l’horizon. A l’horizontal sûrement, mais certainement pas à l’horizon."

    David Foenkinos, En cas de Bonheur, éd. J’ai lu, 2005, 191 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Les loups sont entrés dans Paris

    Pour avoir l’explication du titre des chroniques de Lola Lafon, Le Loup, l’épée et les Étoiles (éd. Le 1, L’Aube), il faut aller au texte éponyme qui donne son nom au livre.

    L’auteure fait référence à un piège utilisé par les habitants de l’Arctique pour tuer des loups. Une épée couverte de sang est enterrée dans la glace. L’animal commence à lécher la lame apparente et s’y coupe. Trop affamé, il ne se rendre compte que c’est son propre sang qu’il finit par lècher, jusqu’à perdre connaissance et mourir. La bête est ainsi victime de son propre aveuglement ainsi que dans son appétence, tout comme nous pouvons l’être avec les réseaux sociaux : "Facebook promet la satiété, quand on ne sait pas de quoi on a faim", argumente Lola Lafon qui fait de ce court texte une dénonciation des pièges algorithmiques.

    À l’exemple de ce texte, publié en juin 2019 dans Le 1, le recueil que propose la romancière et musicienne est un ensemble de chroniques sur notre société contemporaine, mais aussi sur la fragilité ("Éloge de la fragilité"), sur les agressions sexuelles (le poignant "La traversée") ou sur la famille de l'auteure ("Le courage de ma grand-mère"). Lola Lafon se fait aussi chroniqueuse engagée et virulente lorsqu’elle parle de l’exploitation sociale et économique dans les milieux intellectuels ("Le jeu de la marchande") et sur les renoncements de la gauche contemporaine face aux injustices ("Fini de pleurnicher").

    Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées

    Deux portraits de femmes complètent ce court recueil, deux hommages aussi. Celui d’une des nombreuses oubliées de notre histoire, Émilie Lamotte, fondatrice d’une colonie libertaire et éducatrice à Saint-Germain-en-Laye au début du XXe siècle ("Le combat d’Émilie") et un hommage à la célèbre danseuse Sylvie Guillem ("Lettre à Sylvie").

    Le Loup, l’épée et les Étoiles fait figure d’instantané passionnant lorsqu’il aborde la beauté et le courage de la liberté ("Un souvenir d’audace ?") ou bien lorsqu’il propose une réflexion sur le Grand Confinement de 2020 ("Le rien et l’immensité").

    Dans notre monde soumis à l’appétit de loups de toute sorte, la voix de Lola Lafon est précieuse. Chacun et chacune doit se ressaisir et se battre pour les vraies valeurs de l'humanité, dit-elle encore, ce qui pourrait être le cœur de son message : "Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées, la place est libre, elle est à nous".

    Lola Lafon, Le Loup, l’épée et les Étoiles, éd. Le 1, L’Aube, 2021, 121 p.
    http://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/le-loup-lepee-et-les-etoiles
    https://le1hebdo.fr

    Voir aussi : "Trumpatisme en Amérique"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • À la recherche de l’idée perdue

    Le lecteur peut se leurrer en ouvrant cet étonnant livre de David Foenkinos, Qui se souvient de David Foenkinos ? (éd. Gallimard). La couverture annonce qu’il s’agit d’un roman, en dépit de la facture autobiographique racontant une période de page blanche qui a suivi la publication de son premier succès, Le Potentiel érotique de ma femme. "J'étais alors dans la promesse. Pourquoi les choses ont-elles si mal tourné ? Depuis ce succès qui s'efface des mémoires, j'ai publié quatre autres romans et tous sont passés inaperçus. J'ai tenté d'analyser les raisons de mes échecs, mais il est impossible de comprendre pourquoi l'on devient invisible. Serais-je devenu médiocre ? Suis-je trop allé chez le coiffeur ?"

    Ainsi commence ce qui peut s’apparenter à une autofiction. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une autofiction sombre dans laquelle les récriminations le disputent aux ressassements et aux confessions les plus sordides . Non. Dans Qui se souvient de David Foenkinos ?, l’auteur de La Délicatesse opte d’emblée pour l’humour, et disons-le : ce livre est à la fois drôle, inventif et astucieux. L’auteur n’hésite pas à s’autocritiquer : "Était-ce la vie d’un écrivain ? Un écrivain à échecs, sûrement. Je me rappelle comment mon entourage s’enthousiasmait pour mes livres au tout début. J’étais un auteur Gallimard, le sang de Proust coulait dans mes veines… Déporté vers le néant littéraire, j’étais devenu décalé. Par rapport à quoi, ça je ne savais pas."

    Autodérision réjouissante

    Lorsque le récit commence, David Foenkinos est en proie à une série de crises dans sa vie : il vient d’avoir la quarantaine et ses projets artistiques battent de l’aile. Marié, père d’une adolescente, Victoria, légèrement tête-à-claque mais qu’une carrière de tenniswoman douée lui semble promise, l’auteur vit une crise de couple. Sa femme Laurence ne le supporte plus et se lasse de la voie sans issue de son écrivain de mari.

    Il y a bien ces voisins, les Martinez, un vieux couple fusionnel passionné de voyages mais pour le reste, David Foenkinos craint qu’il ne devienne bientôt qu’un inconnu dans le monde des lettres. Or, de retour en train de Suisse après un séjour pour se "régénérer", David Foenkinos a la certitude qu’une idée de livre lui a traversé la tête. Mais impossible de s’en souvenir. Il ne lui reste plus qu’à partir à la recherche de cette idée.

    Le thème de l’écrivain incompris et torturé par les affres de la création ("les affreux de la création" comme le chantait Serge Gainsbourg) est un poncif. Mais David Foenkinos le traite avec intelligence et humour, tout en faisant le portrait d’un homme – lui-même – se cherchant une place mais aussi l’amour. Car l’amour est présent dans ce roman parlant de littérature mais aussi de mort, comme l’écrit l’auteur. David Foenkinos croise tour à tour ces voisins attachants et bouleversants, la troublante Caroline ("[Elle] entrait dans ma vie parce qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle") et bien sûr Laurence, même si le couple qu'il forme avec elle n’en finit pas de mourir.

    Loin de faire l’autofiction d’un écrivain maudit, David Foenkinos fait preuve d’une autodérision réjouissante, même si cet humour peut être grinçant lorsqu’il est existentiel : "  Je venais de me diagnostiquer un amour et je savais par expérience les épuisements à venir. Quand on a deux cœurs en soi, les risques d'infarctus doublent."

    La solution à ce qui s’apparente à une dépression et à des doutes intérieurs, sera résolue au terme d’un nouveau voyage en Suisse pour retrouver la trace de cette idée – dont le lecteur ne saura rien. Là n’est pas le plus important : l’amour et la construction de soi, plutôt qu’un nouveau livre, auront le dernier mot. 

    David Foenikinos, Qui se souvient de David Foenkinos ?, éd. Gallimard, 2007, 179 p. 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "A la place du mort"
    "Deux morts, deux divorces et autant d’histoires d’amour"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !