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Musiques - Page 5

  • La beauté est métissée

    Derrière L’Heure Bleue se cache Yohna Saïdé une artiste tourangelle et une pop sacrément séduisante. Elle nous arrive avec un premier single, Emerald Bay, le premier extrait d’un album à paraître en octobre.

    En attendant, laissons-nous bercer par ce titre pop séduisant, entêtant, dansant et invitant à l’aventure et au dépaysement. On se laisse séduire par cette invitation à une vie paradisiaque : "And all the year / She’s living free / Petals on her naked body / And all the time / She has to spare / Spent on dreamin’in Esmerald Bay".

    Fille de musiciens.enne.s et dont les racines sont à chercher du côté de Madagascar, du Liban ou encore de l’Uruguay, L'Heure Bleue fait du métissage – y compris musical dans ce délicieux titre pop aux accents polynésiens – un vrai message d’ouverture, de bonheur et de beauté.  

    Son nouvel album, L’Oiseau À Rebours, sortira le 4 octobre 2024.

    L'Heure Bleue, Emerald Bay, 2024
    https://www.facebook.com/heurebleuesongs
    https://www.instagram.com/heure__bleue__/
    https://www.tiktok.com/@heure_bleue_?lang=fr

    Voir aussi : "Vie cruelle et fugue éternelle"

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  • Vie cruelle et fugue éternelle

    Énorme coup de cœur pour  Sauvage, le nouveau single de Julie Meletta. L’autrice-compositrice et interprète franco-suisse profite d’un buzz remarquable de l’autre côté du Jura pour poursuivre son projet artistique et musical commencé avec le single Fanfiction, le premier chapitre d'une anthologie musicale que Julie Meletta consacre aux amours impossibles.

    Caustique, cinglante, pertinente et surtout très culottée, Julie Meletta enfonce le clou avec son dernier single, le bien nommé Sauvage.

    Dans ce single incroyable d’audace et d’élégance, l’amour se pare de dangers, de pulsions incontrôlables, d’interdits, de folie et d’amours qui ne sauraient être qu’éphémères… et irrésistibles.

    Dans un titre mêlant chanson française, pop et country Julie Meletta chante sur fond d’histoires de braquage ("Alors prends l’argent facile et enfuis-toi"), de prise d’otage et de fuite ("La ville cruelle me reflète mes entailles / La fugue éternelle"), avec une voix fragile qui parle de trahisons et des mensonges que l'on s'inflige, tout en cherchant désespérément une poignée de liberté.

    Un single à découvrir absolument.

    Julie Meletta, Sauvage, Phonag Records, 2024
    https://juliemeletta.com
    https://www.facebook.com/juliemeletta
    https://www.instagram.com/juliemeletta
    https://bio.to/juliemelettaLT

    Voir aussi : "Un sacre pour Bobbie"
    "1, 2, 3 Leïla !"

    © Mia Gianini

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  • Taillé sur mesure

    Singulier programme que ce Vitrail proposé par les Trios Messiaen et Xenakis, à l’œuvre dans une création éponyme de Thierry Escaich, d’une part, et dans une version musique de chambre de la Symphonie n°15 de Dimitri Chostakovitch, d’autre part. Deux compositeurs bien différents sont au cœur de cet enregistrement proposé par b.records, enregistré en live le 1er août 2023 à la Salle Elie de Brignac-Arqana à l’occasion du 22e Août musical de Deauville.

    Le premier compositeur est Thierry Escaich, un contemporain français toujours très actif. Vitrail, qui donne son nom à l'opus, est une commande de la Fondation Singer-Polignac et des Amis de la musique à Deauville. Voilà une nouvelle preuve que la musique contemporaine reste un domaine essentiel dans la culture actuelle. Dans le livret de l’album, le compositeur français explique qu’il a écrit Vitrail pour faire écho à l’arrangement pour musique de chambre de la Symphonie n°15. Thierry Escaich parle de cohérence, d’unité et des "mêmes couleurs instrumentales" que celles de Dimitri Chostakovitch. Dans ce programme taillé sur mesure, l’alliance des Trios Messiaen et Xenakis est remarquable de pertinence, de cohésion, de finesse et finalement d’évidence.

    En un seul mouvement d’un peu plus de dix minutes, Vitrail propose un voyage dans lequel les sons concrets et lumineux – pour ne pas dire spatiaux – semblent rejoindre le jazz dans une sorte de chant religieux. On trouve dans cet opus d’Escaich ce qui ressemble à des danses traditionnelles. La musique contemporaine n'est très jamais très loin du classique, pour ne pas dire du folklore. Voilà qui rend ce Vitrail tout à fait passionnant. La recherche sonore est dans chaque mesure d’une création du Trio Messiaen et du Trio Xenakis. Il y a des mouvements espiègles dans cette œuvre, mais aussi une sombre mélancolie, au point que l’auditeur pourra y entendre d’inquiétants appels d’esprits tourmenteurs. Les cordes y répondent avec ce qui ressemble à des implorations, voire des prières. Les différents instruments – percussions, cordes, piano – dialoguent, se répondent, s’affrontent dans une œuvre qui reste d’une grande cohérence. 

    Thierry Escaich parle de cohérence, d’unité et des "mêmes couleurs instrumentales" que celles de Dimitri Chostakovitch

    Cette cohérence est présente dans la 15e Symphonie de Dimitri Chostakovitch. Le compositeur russe avait l’habitude des grands ensembles, à telle enseigne que c’était un vrai défi qu’a relevé – avec succès – Viktor Derevianko lorsqu’il a transcrit cette Quinzième pour un orchestre de musique de chambre.  

    Cette symphonie, écrite en 1971, est la dernière composée par Chostakovitch qui meurt quatre ans plus tard. Résolument moderne, cette œuvre frappe par les rappels de classiques – Rossini et l’Ouverture de Guillaume Tell, mais aussi Wagner ou Mahler. Chostakovitch est resté mystérieux sur ce choix artistique et ces "citations" musicales. Dans l’Allegretto, mélancolie, espièglerie et tragédie se mélangent allègrement dans la formidable version des Trios Messiaen et Xenakis.    

    De tragédie, il en est encore plus question dans le bouleversant Adagio. Il faut se souvenir que Chostakovitch incarne sans doute plus que n’importe quel artiste du XXe siècle les drames historiques de son époque, que ce soient les guerres mondiales ou les totalitarismes nazis et communistes. On retrouve dans cette transcription pour un ensemble ramassé les couleurs et l’ampleur musical du compositeur russe. Les percussions y ont en particulier toutes leurs places avec un Trio Xenakis faisant montre d’une subtilité rare dans la manière d’utiliser les percussions. 

    L’auditeur sera sans dote frappé autant par la brièveté de l’Allegretto – brièveté à la fois sèche, pour ne pas dire cinglante – et sa facture plus grave qu’il n’y paraît. Il y a une certaine insouciance dans ce troisième mouvement. Mais cette insouciance est frappée par de lourds dangers, comme si vie et mort s’affrontaient dans un combat qui ne sera finalement que mortel.  

    C’est un mouvement funèbre – Adagio – qui vient conclure cette ultime symphonie de Chostakovitch. Le compositeur russe fait se réconcilier modernité et classicisme pour cette partie baignée dans une sombre mélancolie, non sans éclats lumineux, quand ils ne sont pas aveuglants. Il s’agit de la mélancolie, des tourments et des interrogations d’un homme âgé et qui se sait dans les derniers moments de son existence.  

    Le Trio Messiaen est constitué de David Petrlik (violon), Volodia Van Keulen (violoncelle) et Philippe Hattat (Piano). Le Trio Xenakis est constitué d’Emmanuel Jacquet, Rodolphe Théry et Nicolas Lamothe aux percussions.

    Dimitri Chostakovitch et Thierry Escaich, Vitrail, Trio Messiaen, Trio Xenakis, b.records, 2024
    https://www.b-records.fr/vitrail
    http://www.escaich.org
    https://www.facebook.com/Triomessiaen
    https://www.trioxenakis.com

    Voir aussi : "Romantique et métaphysique Schumann"
    "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"

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  • Magic Jazz

    Des reprises de jazz par Magic Malik à la flûte dans un album public passionnant enregistré au Baiser Salé parisien fin janvier 2024.

    C’est d’abord l’"Oriental Song" de Wayne Shorter dans une lecture bien entendu orientale, avec, soulignons-le, un Maxime Sanchez impérial au piano et la trompette éclatante d’Olivier Lasney. Damien Varaillon à la basse et Stefano Lucchini aux percussions viennent compléter le quintette de Magic Malik.

    Après cette entrée en matière planante et dépaysante, place à un jazz plus classique, toujours de Wayne Shorter. Cette fois, il s’agit du luxuriant "The Big Push". La recherche rythmique est au cœur de cette nouvelle version de Magic Malik. On sent la joie dans cette manière de se réapproprier ces standards du jazz. Parlons de l’osmose de ce quintette comme venu de nulle part.

    Ajoutons que Magic Malik signe "Joyeux printemps", une de ses créations en forme d’hommage et de preuve que le jazz est décidément vivante et bien vivant.

    Il y a du plaisir dans cet autre morceau, "Bu Delight" de Curtis Fuller. La virtuosité, le rythme endiablé et la densité sonore caractérisent un morceau que la flûte de Magic Malik vient transfigurer, comme si nous ne parlions pas de jazz, pas même de sons traditionnels mais de musique universelle, tout simplement. 

    Jazz transfiguré et dépaysant

    "Goodbye" de Gordon Jenkins entraîne l’auditeur vers un le plus beau des ailleurs, entre Occident et Orient, avec le jazz en compagnon de voyage. Mais c’est un jazz transfiguré et dépaysant grâce à Magic Malik et ses amis dont les recherches sonores font merveille.  

    Place ensuite à John Coltrane et à deux de ses standards, avec pour commencer un "Moment’s Notice" culotté et franchement ébouriffant. On reconnaîtra au bout d’une demie trente la trame mélodique de Coltrane. C’est également l’autre classique "Giant Steps" dans une version moins surprenante mais tout aussi magnétique.  

    Pour conclure cette programmation, le quintette de Magic Malik a inclus une reprise de "Gazzeloni" du jazzman Eric Dolphy. Voilà un jazz dont la modernité frappe aux oreilles, tout comme les sensations que proposent les cinq musiciens, partis ce soir de janvier 2024 au Baiser Salé dans un concert mémorable.

    Magic Malik, Jazz Association, b•records, 2024
    https://magicmalik.fr
    https://www.facebook.com/magicmalikmagic

    Voir aussi : "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"

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  • Qui êtes-vous, Nicolas Réal ?

    Après le court prélude "Laisse le vent", prélude aérien et romantique Nicolas Réal se lance véritablement dans son deuxième album, Saint Romain, franchement épatant avec sa facture électro-pop. "Strip tease sur Mars" (qui est repris dans une deuxième version à la fin de l’album)  annonce la couleur. L’album accroche grâce à sa belle densité, à la fois eighties, dandy, sexy et résolument moderne. L’auditeur sera capté par la production impeccable et un chanteur à l’univers attachant.

    "Saint Romain", le morceau qui donne son titre à l’opus propose une déambulation noctambule. Nicolas Réal utilise le talk-over pour parler de nostalgie. "Le bonheur c’était magique", déplore-t-il. Faut-il revenir sur le passé ou regarder devant soi, se demande-t-il ? "Est-ce qu’on repart pour un tour / Qu’est-ce que j ‘fous là ? / Est-ce qu’on repart pour un tour / Surtout ne pas lâcher ton bras". Finalement la réponse est dans les derniers mots de cet extrait bien plus mélancolique qu’il n’y paraît. 
    L’auditeur sera sans doute frappé par "Pandy box", récit doux amer d’une histoire d’amour éphémère d’une belle densité, sans parler de l’orchestration et de la prise de son impeccables.

    Pour le formidable "Statistype", l’un des meilleurs morceaux de l’album, Nicolas Réal trousse à coups de statistiques un autoportrait à la fois émouvant, drôle et pertinent sur un artiste autant qu’un Français de 2024 : "Je suis le statistype / Quidam algorithmique / Partenaire idéal / Je suis le plus que normal". 

    Craquant, envoûtant et pertinent

    Chroniqueur fin et ironique de la société, Nicolas Réal le prouve encore avec "Masqué", consacré à la période du Covid-19 et au confinement.    

    Sur une pop irrésistible, "Suggestion d’amie" croque avec tendresse et ironie un célèbre réseau social mais aussi le récit d’un chagrin d’amour et d’une séparation que l’on essaie – bien mal – de réparer : "J’ai retrouvé sur net / Une fille qui porte ton nom / Elle a le même visage / Et elle habite Arcachon". Et si la solution était dans la fuite ? "On nous suggère d’être amis / J’ai un avis / Je préfère qu’on reste ennemis / C’est bien plus beau, chère Émilie". Cela a le mérite d’être dit – et chanté.

    Dans l’album de Nicolas Réal, on retrouve une très belle version du tube "Tous les cris les SOS" de Daniel Balavoine. L’esprit des eighties est là mais avec quelques touches électro-rock et l’apport du supplément d’âme qu’est le featuring de Lucie Valentine.

    Dans le formidable opus qu’est Saint Romain, il ne faut pas passer à côté de l’incroyable et poétique "Paranormal". Paroles tranchantes et mélancoliques, rythmes obsédants, mélodies travaillées et chœurs envoûtants. Un formidable titre qui ne laisse pas insensible. La part sombre de Nicolas réal   se révèle dans la deuxième partie de "Laisse le vent". Il s’agit d’un live live capté à Lanzarote concluant une séparation douloureuse : "Oublie ces paroles envolées / Les aveux de mon cœur déchiré… Je garderai les amertumes / Des regrets qu’on assume". Mon chemin s’arrête ici ("Le chemin s’arrête ici" semble-t-il conclure avec fatalisme).

    Plus sombre, le sobre et délicat piano-voix "Le petit chemin" fait le choix de la douleur autant que de la nostalgie. C’est le récit d’une rencontre autant que d’un amour d’enfance qui est immortalisé par un vélo. Est-ce vraiment une fin et les souvenirs ne sont-ils pas immortels ? "Qu’importe les chemins / Pourvu qu’ils se rejoignent / Et ce petit chemin / Sera notre jardin".

    "Où est je ?" vinent conclure de la plus délicieuse des manières. En duo avec la jeune Inès, sa fille, Nicolas Réal parle d’une manière légère et enlevée de l’identité et de ces moments où l’on peut se sentir perdu. À grands coups de références à la psychanalyse, aux lapsus, aux impostures, Nicolas et Inès chantent nos fragilités et la manière de s’en sortir : "Si je pouvais j’me trouverais / Mais je sais pas où me chercher / Je pose une main courante / Disparition inquiétante / Dans les couloirs du labyrinthe / Est-ce que je dois porter plainte / Où est moi, où est je ?" Craquant, envoûtant et pertinent. Très pertinent pour un album qui ne l’est pas moins.  

    Nicolas Réal, Saint Romain, dEPOT214 Records, 2024
    www.nicolasreal-musique.com
    https://www.facebook.com/nicolas.realm
    https://www.instagram.com/nicolas_realmusique

    Voir aussi : "Dynah, entre acide et acidulé"
    "Clara Luciani, La Femme libérée"

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  • Escale contemporaine avec Philippe Chamouard

    Escale contemporaine, ou plutôt néo-classique avec Philippe Chamouard et trois de ses œuvres interprétées par le Brasov Philharmonic Orchestra dirigé par Christian Orasanu.

    Intitulé, Escales, l’album proposé par Indésens propose un vrai voyage musical comprenant la 9e Symphonie écrite entre 2009 et 2011, la Valse toscane, plus récente (2020) et Canadian March composée entre mars et juin 2018. En route donc vers l'Espagne, l'Italie et le Canada avec Philippe Chamouard.

    L’auditeur se laissera emporter par une Symphonie n°9 aux élans passionnés pour ne pas dire néo-romantique. Le premier mouvement au tempo de marche a des accents prokofieviens avec ces vagues de cordes, ces mélodies harmonieuses et le passage de percussions menaçantes. La passion sourd de cette composition d’une grande densité. Le même souffle se retrouve dans le long et langoureux "Adagio" comme si les Roméo et Juliette du compositeur russe reprenaient vie aujourd’hui. Philippe Chamouard précise dans le livret que ce mouvement a été écrit en premier et que "c’est la représentation d’un visage féminin imaginaire qui en est à l’origine". Gageons qu’il s’agit du visage de la célèbre héroïne de Shakespeare. Le lyrisme, la puissance, la profondeur et l’élégie sont en tout cas les maîtres mots de cette deuxième partie qui ne laissera pas l’auditeur ou l’auditrice insensible.

    Des accents prokofieviens

    Pour le troisième mouvement, Philippe Chamouard a décidé de s’emparer de deux rythmes du folklore andalou issus du flamenco. Il est vrai que souffle sur cette "Bulerie y siguiriya" un souffle tout méditerranéen. La direction de Christian Orasanu donne des couleurs et du soleil à l’Orchestre philharmonique de Brasov, jusque dans le jeu des castagnettes s’amusant et dansant avec les cordes.

    Plus complexe est le quatrième mouvement, "Misterioso & allegretto". Mystérieux en effet dans son agencement souvent menaçant de thèmes semblant discuter entre eux, mais toujours avec harmonie. Ce mouvement fait la part belle et la part sombre à un rythme lancinant, mais non sans grandeur.

    L’opus propose deux autres œuvres, plus courtes celles-là. Il y a tout d’abord cette Valse toscane. On sent le plaisir du compositeur à l’avoir créée. Il avoue d’ailleurs qu’elle trouve sa genèse dans un voyage à Sienne, en Toscane, au cours d’un printemps 2019. L’esprit romantique souffle sur cette pièce symphonique qu’il a écrit sous forme d’une valse. "Un exercice de style amusant", confie-t-il.

    L’œuvre qui clôt l’album est une impressionnante Canadian March. À l’instar de la Valse toscane, Philippe Chamouard a retranscrit le souvenir d’une marche au bord du Moraine Lake. Il n’est pas simple de mettre en musique des images – la couleur de l’eau, les paysages de montagnes ou les nuances du ciel. Le compositeur semble avoir posé un chevalet musical peut retranscrire par touches sonores des sensations  et des souvenirs d’un voyage inoubliable et plein de nostalgie.   

    Philippe Chamouard, Escales, Symphonie n°9, Valse toscane, Canadian March,
    Brasov Philharmonic Orchestra dirigé par Christian Orasanu,
    Indésens Calliope Records, 2024

    http://philippechamouard.fr
    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Peter Jablonski, très classique, très jazz"
    "Fauré, cent ans après toujours jeune"

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  • Fauré, cent ans après toujours jeune

    Peu d’instruments sont aussi à la fois élégants et humains que le violoncelle. Et si vous ajoutez à cela un répertoire aussi de la classe de Gabriel Fauré, voilà qui devrait définitivement vous convaincre de découvrir l’album que Pauline Bartissol – au violoncelle, donc – et le pianiste Laurent Wagschal consacrent à l’auteur du fameux Requiem.

    En cette année Fauré (le compositeur est mort en 1924), Laurent Wagschal consacre une intégrale de ses œuvres pour piano. Pauline Bartissol le rejoint dans ses enregistrements consacrés au violoncelle et au piano. Au programme, les deux Sonates op. 109 et 117 pour violoncelle et piano et des pièces de musiques de chambre devenues universelles, à savoir la Sérénade op. 98, la célèbre Élégie op. 24, la Romance op. 69, la naturaliste pièce intitulée Papillon op. 77 et la délicieuse Sicilienne op. 78.

    Honneur donc à sa Première Sonate, dont l’"Allegro" vient démontrer que Gabriel Fauré, tout classique qu’il soit, vient prendre au vol la modernité qui est en train de révolutionner la musique. Nous sommes en 1917. L’auguste compositeur français, déjà atteint d’une surdité partielle (et oui, comme Beethoven !), propose un opus dont la vigueur et la jeunesse frappent d’emblée dans le premier mouvement "Allegretto". Rythmes, densité musicale, recherches sonores, mais sans jamais sacrifier ses talents mélodiques, prouvent que Fauré est toujours en pleine possession de ses qualités de compositeur. Le violoncelle de Pauline Bartissol prend toute sa mesure et son ampleur, avec au piano un Laurent Wagschal au jeu capable de toutes les gymnastiques et de toutes les nuances, et sans jamais se laisser dépasser. L’auditeur sera charmé par le languissant "Andante". Les cordes du violoncelle vibrent comme jamais, aidées par une prise de son impeccable. Le piano se fait plus discret, presque en retrait dans cette lente marche contemplative et non sans mélancolie.

    Plus encore que dans les deux premières parties, le troisième mouvement "Allegro commodo" est à écouter comme un dialogue entre violoncelle et piano. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’engagent avec passion dans ce qui ressemble à une série d’arabesques musicales. Fauré se dévoile ici comme un compositeur à la fois retors et passionnant dans son expressivité et son travail sur les matières sonores. 

     "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    L’auditeur sera sans nul doute happé par les courtes pièces proposées (courtes si l’on excepte l’Élégie, longue de plus de 6 minutes mais qui en paraissent beaucoup moins). Voilà une Sérénade (l'opus 98) d’une vigueur et d’un mystère sans égal. Composée en 1908, elle est jouée avec légèreté par les deux interprètes, décidément au diapason.

    Nous évoquions l’Élégie. Magnifique et grandiose pièce, devenue un must au fil des années. Il y a cette ligne mélodique incroyable, ce rythme lancinant et le son déchirant du violoncelle, rendant cette Élégie en ut mineur d’une beauté poignante. La pièce a au départ été composée en 1880 pour une future sonate, avant de devenir un morceau autonome au succès critique et public jamais démenti.  

    Deux autres morceaux viennent compléter ces brèves pièces. Il y a Papillon op. 77, composé en 1898. L’auditeur se laissera charmé par le lyrisme et la volupté de cette œuvre à la fois romantique et naturaliste, aussi légère et insaisissable qu’un vol de papillon. Parlons ensuite de la Sicilienne op. 78, de la même année que Papillon, bien qu’elle ait fait l’objet d’un premier traitement cinq ans plus tôt sous la forme d’une pièce orchestrale destinée au théâtre. Ici, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’harmonisent avec délicatesse dans une rêverie onirique. Le talent mélodique de Fauré est à l’œuvre dans cette pièce envoûtante qu’il inclura quelques années plus tard dans sa suite orchestrale Pelléas et Mélisande, certes moins connue que l’opéra de Debussy.

    Pour compléter le programme de cet album de Fauré, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’attaquent à la Deuxième Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur op. 117. Le mouvement "Allegro" a ce je ne sais quoi d’émotions retenues mais aussi d’une sombre menace. Laurent Wagschal est impérial dans sa manière de structurer au piano cette œuvre à la fois complexe et séduisante. Quant à Pauline Bartissol, elle fait de son violoncelle un authentique être vivant aux mille aspirations et émotions.

    Voilà qui nous entraîne vers le sombre "Andante" qui s’écoute comme une marche funèbre. Il a été composé en 1921 à l'occasion des célébrations aux Invalides du centenaire de la mort de Napoléon 1er. Encore une histoire de commémoration et de centenaire. Le violoncelle est en vedette dans cette lamentation à la fois noble et pathétique, avec un piano tout aussi sombre. Les deux interprètes complètent cette sonate joyeusement avec un  "Allegro vivo" endiablé, pour ne pas dire joueur. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal semblent s’amuser dans ce dernier mouvement. Qui aurait dit que Gabriel Fauré était capable d’une telle légèreté ? Vincent d’Indy lui-même s’en étonna à l’époque dans une lettre à la fois enthousiaste et admirative : "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    Pauline Bartissol & Laurent Wagschal, Fauré, Complete Works for Cello and Piano, Indésens Calliope Records, 2024
    https://laurentwagschal.com
    https://www.facebook.com/laurentwagschal
    https://indesenscalliope.com 
    https://pauline-bartissol.com
    https://www.facebook.com/pauline.bartissol

    Voir aussi : "Fauré 2024"
    "Des papillons dans l’estomac"

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  • Nosonic, plus qu’assez bien

    Allez, un peu d’électro-rock et du bon, avec une découverte en la présence du groupe franco-irlandais Nosonic. "Je ne serai jamais assez bien" clament d’entrée les têtes chantantes du duo dans un titre envoyé sans complexe. Mélodie entêtante, rythmique enlevée et son électro impeccable ("Assez bien").

    Pour leur troisième album, La nuit et le jour, Nosonic choisit de ne pas choisir entre chanson, pop-rock et électro. Le mélange des couleurs leur va très bien, à l’instar du "Monde à l’envers" à la facture eighties.

    Il y a sans nul doute de la fraîcheur chez le duo pour qui la liberté, l’optimisme et le lâcher-prise sont une vraie philosophie : "Le temps n’a plus d’importance quand on y pense", chantent-ils ("Oublie le temps"). L’amour n’est pas oublié dans ce dialogue musical à deux. C’est "Encore et encore", l’aveu d’un couple soudé envers et contre tous et se connaissant par cœur : "Tu lis toujours en moi comme un livre aux trésors qu’on ne retrouve pas".

    L’auditeur goûtera avec plaisir le titre d’électro-pop "Le quart d’heure de gloire" voguant entre amour et désamour, reproches et considération. C’est l’histoire d’un couple s’auscultant mutuellement, avec tendresse mais aussi lucidité ni cruauté ("J’ai appris à te regarder / J’ai appris aussi à te désaimer / Te déshabiller ça m’a fait toujours peur / Je suis un enfant / Qu’en as-tu fais, malheur".

    Pour leur troisième album, Nosonic choisit de ne pas choisir entre chanson, pop-rock et électro

    "Le dialogue" se fait plus rock, un rock dans lequel le duo s’interroge sur ce qui fait l’humanité, la la vie en société comme la vie en couple : "Si le dialogue s’en va / Dis-moi il reste quoi / Peut-être un  peu les restes / D’un amour brisé". La question est là. Ira-t-on mieux si le dialogue s’en va ? Les Nosonic ne répondent pas à la question. Pourra-t-on faire la fête ? "Bon débarras peut-être" ? Cependant, "Mais qu’est-ce qu’il restera ? / De la haine ou de la joie ?" Finalement, c’est une ode au rapprochement entre nous qui est au cœur de ce titre à l’humanisme bienvenu. Quant à "Parler dans le vent", le groupe choisit la pop sur un thème similaire, la communication ("Échanger les idées / Et ça devrait aller").

    "La nuit et le jour", le titre qui donne son nom à l’album est sans doute le plus représentatif de l’album. L’électro-rock est au service d’un morceau sombre, cruel et à la belle densité. On peut parler ici d’un éternel retour, ces erreurs que l’on fait et refait et qui font souffrir, "Encore une histoire, entre la nuit et le jour, entre nous et le jour".

    Le groupe reprend "Debout", un de leur titre emblématique dans une nouvelle version. Nous voilà dans du rock rugueux au service d’un titre plein de nostalgie. La chaleur d’une boîte de nuit c’est "le bruit du bonheur", la musique, la danse, les cris l’amour, la folie et l’insouciance. Bonheur passé, nostalgie ou souvenir amer ? Le temps a passé et il semble les Nosonic portent un regard désabusé sur ces nuits "à dormir debout".

    Une déclaration d’amour vient conclure l’opus. "Aller haut" est un dialogue à deux dans lequel le couple se promet d’avancer ensemble, sans cacher pour autant cacher les écueils : les silences, les malentendus et les incompréhensions. "Des fois on se saoule / Après on boit". De là à dire que tout est perdu, non ("Je voudrais aller haut, si haut, pour toi").

    Et si Nosonic était l’un des meilleurs ambassadeurs du dialogue entre les peuples, les couples et les individus, pour la paix, la tolérance ou l’amour ? Au choix. Mais sans illusion.    

    Nosonic, La nuit et le jour, Le Son Des Villes / Believe, 2024
    https://www.nosonic.fr
    https://www.facebook.com/Nosonic
    https://www.instagram.com/nosonicworld
    En concert le 25 octobre 2024 au Cork Jazz Festival (Cork, Irlande)

    Voir aussi : "Kamas, décalée sans caler"
    "Sorcières, magiciennes et incendiaires"

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