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Musiques - Page 97

  • Numéro un

    D’abord il y a cette voix, immédiatement envoûtante : puissante, rocailleuse et sensuelle. Julie Crouzillac, la chanteuse du duo Carré-Court, appartient déjà à la sphère des interprètes dont il ne reste plus grand-chose pour accéder au cercle restreint des grandes interprètes, à l’instar des Adele ou des Amy Winehouse. Car c’est bien ces deux artistes qui viennent à l’esprit dès la première écoute du premier EP de Carré-Court, N°1.

    Mais n’allons pas vite en besogne et arrêtons-nous sur ce premier mini-album, réédité ces derniers jours et qui donne l’occasion de découvrir un duo archidoué, créé en 2014, et qui s’est produit l’année suivante au Printemps de Bourges avant d’être remarqué par Les Inrocks.

    Dans un univers musical dominé par l’électro et le rap, celui de Carré-Court penche du côté de la soul, du blues, du jazz et du rock à la Elvis Presley. Grâce à ces influences, le duo d’artistes nous prend par la main pour un voyage entre Londres et New-York, période sixties.

    De prime abord il pourrait être question de nostalgie dans ce premier disque: voix chaude et jazzy, instruments acoustiques, style vintage revendiqué. Mais aucune reprise n’est à relever chez ce duo originaire du Limousin, si on omet toutefois la récente et convaincante adaptation Ace of Spaces... de Motörhead – un morceau absent toutefois absent de ce premier disque.

    Dans N°1, Émilien Gremeaux signe les quatre morceaux de cet EP qu’interprète la "so british" Julie Crouzillac, au look à la Bardot et comme sortie des caveaux enfumés de Chelsea, sous le regard de Nico, Twiggy ou Cliff Richard. Le style est là, assumé, jusqu’au bout des bottes : easy listening mais jamais nostalgique. Ce disque nous amène dans un univers à la fois rare et familier. La voix à la Amy Winehouse accroche l’oreille dès les premières notes du premier titre When Somebody Says. Plus pop, I Don’t Care s’appuie sur la richesse de timbre de la Julie Crouzillac pour un titre âpre et déchirant. Baby You Don’t Mind nous prend par la main, dans un rythme rock savoureux, interprété par une chanteuse à la puissance vocale rare. Mais Julie Crouzillac excelle surtout dans I Said, qui clôt ce premier disque de Carré-Court. Peu d’interprètes seraient capables de maintenir à ce niveau de densité un titre relevé, riche et épicé. Les chœurs, les arabesques mélodiques et les instruments acoustiques servent à merveille une chanteuse engagée dans ce rock 'n' roll passionné, sombre et envoûtant.

    N°1 sonne comme la naissance d'un duo et en particulier d'une chanteuse dont la carrière risque d'éclairer quelques années le monde musical. Ce premier EP est à découvrir et à réécouter : fascinant, électrisant mais aussi trop court.

    Carré-Court, N°1, Hoozlab, 2016
    http://carrecourt.com
    http://hoozlab.com/fr


  • Bouquet de Fleur

    Pour une fois, le bloggeur n'a pas eu à se creuser longtemps les méninges pour trouver le titre de cette chronique qui est consacrée au dernier album de Fleur Offwood, Bouquet. Bla Bla Blog avait déjà chroniqué cette artiste à l'occasion d'une pièce de musique contemporaine, L'Orage nu. Le parcours hétéroclite de la musicienne surdouée (musiques de films, bandes sons publicitaires, électronique, remixes ou spectacles avec le duo des Smartines) s'enrichit avec cette fois un album de chansons à la fois classiques et aux multiples influences.

    Le premier titre, Mon amour, très easy-listening, accroche immédiatement l'oreille grâce à la voix claire, juvénile et ingénue de Fleur Offwood, et qui n'est pas sans rappeler Anaïs et son tube Mon Coeur Mon amour. Là aussi, il est question d'amour à distance : "Mais quand je désire dire / des mots pour te séduire / C'est contre ton oreille / Et dans le plus simple appareil."

    Libre Laura propose un dépaysant et touchant road-movie en Amérique du Nord. L'artiste trace le portrait d'une femme en révolte contre sa condition et en lutte pour sa liberté : "Elle a les cheveux courts parce qu'on les lui a tirés / Et elle se tient bien droite parce qu'on l'a agenouillée /Elle ouvre sa gueule parce qu'on la lui a fermée." Ce voyage folk à la Nick Drake est un trip social et un chant pour l'émancipation féminine : "Elle dévore des livres / Parce qu'on l'a illettrée / Et elle s'est trouvée /Parce qu'on l'a abandonnée / Elle arbore un grand sourire /Parce qu'on l'a fait tant pleurer."

    La musique de films est l'un des dadas de Fleur Offwood. La musicienne adresse un clin à Ennio Morricone avec la ballade Elle et Lui. Dans cet hommage aux westerns, rien ne manque : le cow-boy bourru et solitaire, la jolie et jeune captive, le motel tragique des amoureux, la soif de l'or, la mort de la douce innocente et le départ du héros au crépuscule.

    Le coup de maître de Fleur est sans doute dans Ici et Maintenant, une chanson minimaliste irrésistible et au texte finement ciselé : "Tout délaisser / Se dé-saler / Cramer sous le lait et la crème / glacée / Ici et maintenant / L'océan bleu / Le sable blanc / Hypersensible et indolent." On entre dans la vie d'un couple : "Jouir et se jouer des jours d'orages / Changer le on en nous / Le nous en je." Fleur Offwood parle des petits "malheurs qui passent" et finalement ne passent pas. Chacun pourra trouver chez lui des échos à ces petits coups de canif dans le quotidien – "se faire la gueule" : "Pourquoi ?"

    Chez Roberto Barr est la chanson la plus légère de cet album. Sur un air de samba, la chanteuse nous fait entrer par procuration dans le Brésil d'un certain Roberto Barr. Les descriptions colorées sont à l'avenant : "Une mamma géante et des angelots", "des crapauds qui jouent les princes avec leurs banjos", "des rayures flashy d'associations incroyables", "des tableaux multicolores." Mieux qu'une chanson, cette jolie carte postale est la meilleure des pubs pour la boutique Roberto Barr, dit Beto : "Bruxelles, rue Blas, 41".

    Dans Dilemme, l'auditeur pourra trouver l'influence de brillants aînés : Léo Ferré, mais aussi Serge Gainsbourg. On croirait entendre la voix de Jane Birkin dans ce titre à fleur de peau : "Un jour le paradis / Le lendemain l'enfer / Au matin on oublie / Et le soir le contraire / On se fuit on se suit / On s'est crû presque cuit / Sage comme des images / revenant d'un naufrage."

    L'art gainsbourien – mais un Gainsbourg des années 50 – est également présent dans "Tu me mot dis." Fleur Offwood, musicienne-caméléon se transforme en chanteuse de cabaret – porte-cigarette, boa et talons aiguilles inclus ? – pour un titre chaloupé et vintage. Les amoureux du calembour seront servis : "Je te maudis / A demi-mot / Je psalmodie / Ton nom / Dans mes litanies."

    My best f... Friend. Folk et enlevé, vient terminer en beauté un album chaleureux qui devient familier dès la première écoute. Bla Bla Blog s'était promis de suivre Fleur Offwood. Cette promesse tient toujours, plus que jamais.

    Fleur Offwood, Bouquet, Warner Chappell Music, printemps 2017
    "Une Fleur pour l’Orage nu"

  • La vie sauvage

    Un homme et une femme – lui, en costume des années 50 et elle, pieds nus et en robe couleur bleue ciel – marchent enlacés, amoureux et insouciants, en direction d’un champignon nucléaire. Cette photo-montage du premier EP de Wild Times annonce d’emblée un album sombre, sérieux et sans concession. Pari tenu : le groupe parisien Wild Times imposent un pop-rock tranchant, enthousiaste et abouti.

    The Wanderers, le premier titre qui donne son titre à l’album, déploie une détonante construction électro-rock au service d’un message désabusé sur nos temps sauvages. L’efficacité est là, évidente dès les premières notes. L’auditeur est happé par la mélodie irrésistible, par les voix puissantes et par les rivières de guitares comme aux plus belles heures du rock progressif de Yes et consorts.

    Les quatre garçons de Wild Times ont beau revendiquer l’émancipation de toute influence, il n’est pas absurde de trouver dans la voix du chanteur Antoine B. une parenté troublante avec Mike Jagger, notamment dans le deuxième titre, I.L.W.Y. Les quatre artistes chantent "cette envie furieuse de femme" dans un rock rugueux – voire lo-fi – après une introduction électro psychédélique.

    Le EP atterrit en douceur avec Season plus pop mais tout autant efficace. Wild Times jouent la carte de la sobriété dans un morceau planant et mélancolique.

    Le rock progressif anglais a sans doute trouvé de lointains héritiers : ces petits frenchies de Wild Times.

    Wild Times, The Wanderers, Wild Times Record, dans les bacs le 28 avril 2017

     

  • Un peu d'Utopia ce n'est pas trop demander

    Un peu d'utopie ne fait pas de mal, n'est-ce pas ? En cette période électorale, peu de candidats nous en proposent.
    L'utopie, nous irons la chercher du côté de l'humanitaire, avec la bien nommée Utopia 56. Cette association se propose d'aider les réfugié de Calais. L'association est également active à Paris, au centre d’accueil Paris Nord, Porte de la Chapelle.

    Un collectif d'artistes, Céleste, Jean-Baptise Larché et Fleur Offwood (dans une prochaine chronique je vous reparlerai de cette musicienne, dont il avait déjà été question sur ce lien), a composé Cover You, un titre dont les dons sont directement versés à l'association Utopia 56. Cover You, en français "couvre-toi" ou "couvrez-vous" fait référence aux couvertures de survie, ces premiers biens offerts à ces hommes, ces femmes et ces enfants venus d'ailleurs. Une jolie et pertinente référence qui fait de ce morceau un véritable hymne en faveur des réfugiés.

    Musicalement, Cover You séduit par son savant mélange de pop et d'électro (mais "sans Auto-Tune", précisent les artistes), méditatif et planant. Le titre est d'ailleurs illustré par une photo aérienne ("céleste", comme le nom d'une des artistes).

    Soyons utopiques, disent en substance les artistes : faisons appel à l'altruisme de chacun. Ce n'est pas trop demander. Rendez-vous pour cela sur ce site : https://celestecoveryou.bandcamp.com/track/cover-you.

    https://celestecoveryou.bandcamp.com/track/cover-you
    http://utopia56.com/fr
    Une Fleur pour l'Orage nu

  • Chuck Berry, "Johnny B-Goode"

  • C’est le plus dandy des albums

    Si L’Absinthe de MoonCCat, était sorti il y a plus de quinze ans, le bloggeur (et sans doute pas que lui) se serait fait une joie de le classifier parmi les œuvres "fin de siècle." Décadent, dandy, d’un romantisme noir : les qualificatifs ne manquent pas pour ce deuxième album d’un artiste atypique sur la scène musicale française, et qui a fait récemment la première partie d’un concert de La Femme à La Rochelle, le 26 janvier dernier.

    MoonCCat fait de l’absinthe, cette boisson verte alcoolisée mythique et polémique, le thème d’un album enivrant et puisant ses références dans la cohorte d’artistes dits "décadents" de la seconde moitié du XIXe siècle : Charles Baudelaire, Oscar Wilde, Edgar Allan Poe ou Thomas Lovell Beddoes.

    La "fée verte" a inspiré au poète et musicien des titres sombres, élégants, étranges et renvoyant l’auditeur à une certaine idée de l’artiste maudit.

    MoonCCat impose son univers avec une constance qui impose l’admiration. Les textes parlent d’ivresses, de visions gothiques ou d’amours noirs, à l’exemple de Poison, une adaptation d’un poème de Charles Baudelaire : "Tout cela ne vaut pas le poison qui découle / De tes yeux, de tes yeux verts, / Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers."

    MoonCCat instille ce je ne sais quoi de poison raffiné dans les onze titres de cet album pop-rock et lo-fi. Le style du chanteur n’est pas sans rappeler Bryan Ferry, donnant à L’Absinthe l’éclat d’un diamant noir. Enivrant comme la fée verte, vous disais-je.

    MoonCCat, L’Absinthe, Vert d’Absinthe, 2016
    www.moonccat.com

  • Marie Baraton en concert

    Bla Bla Blog avait parlé de Marie Baraton il y a quelques jours.

    La chanteuse sera en concert au Sunset Sunside (60 rue des lombards Paris 1er), le samedi 25 février à 19 heures, pour un nouveau tour et de nouvelles chansons, avec Michel Haumont, Pierre-André Athané, Jean-My Truong et Etienne Roumanet.

    Page Facebook de Marie Baraton

     

  • La la la ♫♪♫

    C’est le succès cinéma et musical du moment : le film La La Land déverse des étoiles plein les mirettes à des millions de spectateurs et d’auditeurs. Du jamais vu depuis des années : la comédie musicale, un genre complet, difficile et ingrat que l’on disait passer de mode, revit sur grand écran grâce au réalisateur américano-canadien Damien Chazelle et ses interprètes Emma Stone et Ryan Goslin. Les comédiens forment le couple le plus glamour que l'on ait vu depuis longtemps. Il faut dire qu'ils se connaissent bien : avant La La Land, ils avaient déjà joué ensemble dans Crazy, Stupid, Love (2011) puis dans dans Gangster Squad deux années plus tard.

    La comédie musicale était réapparue épisodiquement ces dernières années, soit en reprenant des concepts qui avaient fait leur preuve (Chicago), soit en revisitant le genre, avec plus ou moins de réussite (Moulin Rouge). La La Land suit une autre voie : celui de la création originale comme de l’hommage aux grands classiques des années 30 à 50. Il y a cinq ans, c’était ainsi que Michel Hazanavicius avait écrit son chef d’œuvre The Artist, avec Ludovic Bource pour la musique.

    Pour La La Land, le compositeur Justin Hurwitz a bâti une bande originale sur mesure. Les auditeurs retrouveront l’ambiance du film, avec des morceaux déjà anthologiques, composés avec soin et interprétés avec amour par des acteurs et chanteurs inspirés.

    L’album s’ouvre par le majestueux Another Day of Sun, au souffle coloré inoubliable. Dans la grande tradition des comédies de Fred Astaire et de Gene Kelly, les chœurs deviennent des personnages et des interprètes à part entière, à l'image aussi de Someone in the Crowd. Malin et magicien, Justin Hurwitz n’imite pas, pas plus qu’il n’est dans l’hommage transit du répertoire chrooner des années 50 (A Lovely Night). Le musicien va naturellement piocher du côté du jazz (Mia & Sebastian’s Theme, Summer Montage / Madeline), du free jazz (Herman’s Habit), mais aussi du classique (Planetarium) et de la pop. Ainsi, ne peut-on pas voir dans City Of Stars un peu de Coldplay et leur tube A Sky Full Of Stars. John Legend, dans un second rôle notable, propose un titre pop-rock avec Start a Fire, une parenthèse plus contemporaine mais moins convaincante.

    La La Land est une pure merveille musicale et assurément déjà un classique, aux mélodies entêtantes (Engagement Party) et qui vous redonnent le smile : "Ba da da… I think about that day / I let him at a Greyhound Station / West of Santa Fé / We were seventeen, but he was sweet and it was true / Still I did what I had to do / Cause I just knew..." ♫♪♫ La la la...

    Justin Hurwitz, La La Land, Interscope Records, 2017