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  • Nature nue

    C’est une invitation piquante, fantastique, féerique et sensuelle à laquelle je vous invite. Il s’agit de la découverte du dernier volume du Peuple des Brumes, proposé par Katia Even et mis en image par Styloïde. Bla Bla Blog avait déjà parlé de ce cycle il y a quelques mois. 

    Dans ce nouvel opus baptisé "Le Bal des saisons", toujours aux éditions Tabou, nous sommes dans un univers de fantasy où la nature a le plus beau des rôle. On y croise des fées, des lutins, des êtres surnaturels, des esprits de la nature – évidemment –, sans oublier des sortilèges, des sorts funestes et un monde de fantasy courant de graves dangers. Mais tout cela est mâtinée de sensualité, d'érotisme et de d'esprit mutin.

    Alors que le lutin Rhuyn surprend les ébats de la fée Alina avec son amant Amandil, il tombe nez-à-nez avec le Père Nature – être antipathique portant avec lui le froid et l’hiver. Provoqué, Rhuyn accomplit l’irréparable et tue le vieillard, avant d’endosser ses traits. La forêt magique est en danger. 

    Katia Even fait montre de son espièglerie habituelle, en habillant son esprit libertin et canaille des habits de la fantasy

    Le Peuple des Brumes n’est certainement pas un conte pour enfants. C’est même tout le contraire ! Katia Even fait montre de son espièglerie habituelle, en habillant son esprit libertin et canaille des habits de la fantasy.

    Enfin, "habits"… Façon de parler, car les personnages de son récit sont aussi peu vêtus qu’ils ne font du plaisir un art de vivre et un but en soi. Et c’est du reste ce plaisir qui va leur sauver la mise.

    Les coups de crayon de Styloïde sont impeccables pour allier naïveté et érotisme, dans des ébats torrides où l’humour n’est jamais absent. Il y a aussi une vraie philosophie de vie derrière ce Peuple des Brumes, dans lequel nature, environnement, innocence et sensualité font bon ménage. 

    Katia Even, Styloïde et Marina Duclos, Le peuple des Brumes, tome 3 : Le bal des saisons,
    éd. Tabou, 2023, 48 p. 

    http://www.tabou-editions.com/fr/bandes-dessinees/871-le-peuple-des-brumes-3-le-bal-des-saisons-9782359541823.html
    https://www.katiaeven.fr

    Voir aussi : "Butineuse !"

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  • Péplum en BD

    Péplum, amour et sexe : voici le trio gagnant à coup sûr. Les éditions Tabou proposent en ce moment le premier tome de sa trilogie Thrace, avec Trif au texte et au dessin, Andrea Celestinio, pour la couleur et Claire Nyman à la traduction.

    Au Ier siècle, au pied du Vésuve, Adriana Pollia, la fille d’un patricien renommé, vit à la campagne, insouciante heureuse. L’enfant a pour compagnon de jeu Cleio, un jeune esclave avec qui elle voue une affection fraternelle. Lorsque son oncle Quintus vient rendre visite à son frère, c’est pour discuter avec lui de l’avenir d’Adriana. Peu de temps plus tard, le Vésuve entre en éruption. Les deux jeunes gens se retrouvent seuls et errent dans la campagne romaine.

    L’érotisme est présent mais jamais appuyé, et les corps s’épanouissent dans des pages aux couleurs chaudes

    Ce qui séduit dans cet opus proposé par les éditions Tabou est l’importance laissée au récit autant qu’à la trame historique : l’éruption de Pompéi, le début du christianisme, la vie des patriciens (on pense au sénateur Marco Apronio Bibulo), sans oublier les jeux du cirque et la condition des esclaves.

    Trif a pris visiblement du plaisir à raconter l’histoire d’un couple séparé, mais dont les retrouvailles – inévitables – vont faire l’objet d’une dernière scène épicée comme il le faut. Adriana est irrésistible pour sa beauté comme pour son caractère intrépide. C’est aussi une figure singulièrement moderne dans une société des plus patriarcale.

    Le dessin de Trif est classique mais particulièrement soigné. L’érotisme est présent mais jamais appuyé, et les corps s’épanouissent dans des pages aux couleurs chaudes. Comme le récit de ce couple se battant contre les préjugés de son époque.  

    Trif,  Thrace, tome 1 : Lupi, Fratres, Amantes (Loups, Frères, Amants),
    éd. Tabou, 2023, 64 p.

    http://www.tabou-editions.com

    Voir aussi : "Libres et affranchies"
    "Sexy Hartmann Book"

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  • Aux sources d’Hergé

    Qu’on ne s’y trompe pas. Le titre de l’essai de Bob Garcia, Hergé, les ultimes Secrets (aux éditions du Rocher) n’entend pas être l’ouvrage définitif sur le génial dessinateur belge mais plutôt le bilan  d’une recherche pointue sur des sources de première main pour comprendre l’œuvre d’Hergé : les journaux pour lesquels il a travaillé – Le Petit Vingtième, Le Soir Jeunesse et Le Journal de Tintin.

    Il faut d'abord saluer le travail de l’auteur, spécialiste de Tintin, qui s’est astreint à décortiquer près de 80 000 pages de journaux préalablement numérisées. Bob Garcia a en effet épluché les différentes parties et rubriques de ces magazines pour la jeunesse : éditoriaux, articles d’actualité, conseils de lectures et de spectacles, pages religieuses (ces journaux étaient d’obédience catholique), courrier des lecteurs, chroniques sportives, gags, sans compter les couvertures et les unes.

    La première partie de l’essai est consacré aux inspirations d’Hergé pour les aventures de Tintin. Bob Garcia a choisi logiquement de s’attaquer à chaque album, du plus ancien (Tintin au Pays des Soviets) au plus récent (Tintin et les Picaros). Il faut cependant regretter que L’Alph-Art, l’ouvrage inachevé d’Hergé, n’ait pas droit à sa rubrique.

    Les tintinophiles retrouveront certainement des informations qui ne leur étaient pas inconnues : le destin de Chang dans Le Lotus Bleu et Tintin au Tibet, l’influence du Professeur Piccard pour ses figures de savants – dont Tournesol – et les affaires de politique internationale pour le diptyque lunaire (Objectif Lune et On a a marché sur la Lune) et L’Affaire Tournesol. Sans oublier les références à la guerre sino-japonaise pour Le Lotus Bleu. 

    Le nom de Milou, le compagnon préféré, vient du surnom de la première petite amie d’Hergé

    À côté de cela, le livre de Bob Garcia s’annonce passionnant lorsqu’il déniche des sources de première main : pour Les Cigares du Pharaon, Hergé s’est autant inspiré de Lord Carnavaron et de la découverte de Toutankhamon en 1922 (soit quelques années avant la naissance de Tintin) que du… Ku Klux Klan pour la secte Khi-Oskh.

    Les surprises se multiplient à chaque page. Ainsi, qui sait que le nom de Milou, le compagnon préféré, vient du surnom de la première petite amie d’Hergé ? Les amateurs du détective belge seront sans doute surpris de voir que Les Bijoux de la Castafiore, l’un des chefs d’œuvre d’Hergé, n’a droit qu’à deux pages, au contraire du Sceptre d’Ottokar, plus mineur, mais aussi mieux documenté.

    Les albums de Jo, Zette et Jocko mais surtout Quick et Flupke, ont également été étudiés. Et l’on découvre comment les deux gamins belges, avec leurs gags potaches, illustrent l’ambiance et les préoccupations de la Belgique avant et pendant la seconde guerre mondiale. 

    L’ouvrage se termine avec un chapitre qui se veut une mise au point : "La vérité sur Hergé". L’auteur y aborde un sujet hautement sensible : les accusations de racisme et d’antisémitisme qui continuent de coller à la peau d’Hergé. L’album Tintin au Congo, le plus décrié, n’est pas oublié. Bob Garcia remet en perspective les idées d’un artiste aussi humaniste que naïf, critiquable dans ses choix de carrière, notamment durant l’Occupation, mais en, tout cas attachant et ayant laissé une série de chefs d’œuvre toujours actuels.   

    Bob Garcia, Hergé, Les ultimes Secrets, éd. Du Rocher, 2023, 317 p.
    https://www.editionsdurocher.fr/product/127174/herge-les-ultimes-secrets
    https://www.facebook.com/bobgarciaauteur/?locale=fr_FR

    Voir aussi : "Tintin et compagnie en figurines"

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  • Sexy Hartmann Book

    Décidément, l’Espagne de la BD nous révèle de sacrées surprises. Après l’art book de Raúlo Cáceres, sorti l’an dernier (Éros et Thanatos), les éditions Tabou proposent de découvrir ou redécouvrir un autre auteur majeur de la bande dessinée érotique, Erich Hartmann, auteur de la saga Orgies barbares (Cuentos medievales), forte déjà de plus de 400 pages.

    Raúlo Cáceres et Erich Hartmann : deux auteurs sulfureux et deux univers. Le premier, tout droit venu de Cordoue, met en scène dans des planches en noir et blanc des récits mêlant sexe, tortures et sadisme. Le second, venu des Îles Canaries, privilégie la couleur, bien que la violence ne soit pas absente non plus. Grâce à une facture plus classique, Erich Hartmann fait des femmes des héroïnes fatales, séductrices, courageuses, dans des "scènes érotiques moins forcées", avec un humour omniprésent : "J’utilise énormément de jeux de mots et de double sens", confesse l’auteur au visage d’ange.

    Barbarement Vôtre, un art book de bonne facture, permet d’entrer dans l’univers de ces "orgies barbares", un cycle de BD mêlant heroïc-fantasy, récits médiévaux et sexe. Erich Hartmann fait de ses figures féminines des personnages forts, adorés par un fan-club fidèle et complice : "Nombre [de ces personnages] ont fini par avoir suffisamment d’importance pour générer leurs propres histoires". Pour les connaisseurs et les connaisseuses, il faut citer les mercenaires Shaya et Laïs – parfois surprises dans leurs étreintes – ou encore Yevlyn, Zoïa et Hsu, semblant toutes droit sorties d’un jeu de rôle – pour adultes.

    Erich Hartmann fait de ses figures féminines des personnages forts, adorés par un fan-club fidèle et complice

    L’album est riche de reproductions – si j’ose dire – aussi sulfureuses les unes que les autres. Le fantastique est présent ("Yasmine dans une scène très « Shokushu »" ou des elfes dans des scènes lesbiennes).

    Outre des précisions sur la manière dont le dessinateur espagnol élabore ses couvertures, Erich Hartmann consacre tout un chapitre à la manière dont il travaille et comment sa technique a évolué au cours des années.

    Quelques planches inédites complètent l’art book et, parmi elles, plusieurs magnifiques dessins au crayon en noir et blanc. Nous parlions du choix du noir et blanc de Raúlo Cáceres. Il faut reconnaître que, même s’il s’en défend, Erich Hartmann n’a pas à rougir de ces somptueuses et érotiques scènes au réalisme confondant. Et l’on se prend à rêver que l’artiste finisse par proposer une BD entière faite de crayonnés. Pari lancé ?  

    Erich Hartmann, Barbarement Vôtre,
    trad. Emma Delgado et Oscar Rodriguez, éd. Tabou, 2023, 96 p.

    http://www.tabou-editions.com/fr/art-book/859-barbarement-votre-art-book-9782359541595.html
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100061266282700

    Voir aussi : "Monstrueusement sexy"

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  • Une guerre des sexes

    Les Arcanes de la Maison Fleury mérite de figurer parmi les sagas de bande dessinée les plus étonnantes, les plus envoûtantes et les plus épicées de ces dernières années. Les éditions Tabou proposent une adaptation française de cette BD érotico-policière venue tout droit d'Italie. Gabriele Di Caro en est l'auteur pour le scénario et le dessin.

    Nous sommes à Londres au XIXe siècle, sous le règne de Victoria. La capitale anglaise est encore traumatisée par les crimes de Jack L’Éventreur lorsque survient une série de meurtres tout aussi atroces et perverses, et dont les victimes sont - là encore - des femmes. Le commissaire Barnes, secondé par l'inspecteur Reid, sont chargés de l'enquête. L'identité d'une victime les conduit au cœur d'une maison close tenue par Madame Fleury.

    L'établissement est renommé. Les femmes qui y logent se prostituent pour la bonne société. Une pensionnaire sort du lot. Elle se nomme Pearl et est étrangement isolée et "préservée". Elle intéresse le commissaire Pearl car elle a visiblement bien connu l'une des victimes du tueur en série. L'enquête commence alors que le bordel de Madame Fleury continue cahin-caha son commerce sulfureux. Entre en jeu un photographe qui propose un singulier marché à la tenancière, mais aussi à Pearl : faire des photos érotiques de celle-ci.

    Un récit où se mêlent sexe et violence, magie et sorcellerie, crimes et utopie, violences masculines et désirs d’émancipations féminines

    De multiples rebondissements attendent le lecteur des Arcanes de la Maison Fleury tout au long des trois tomes de la saga : crimes pervers, suspects (trop) évidents, fausses pistes, génies du mal, secrets intimes et paranormal. Gabriele Di Caro déploie un récit aux multiples ficelles sur fond de complots, mais aussi de sexe et d'érotisme.

    Le dessin assez classique de Di Caro lui permet d'entrer dans l'intimité de la maison close, sans rien cacher des ébats qui y ont lieu, et sans taire non plus le sordide de ces établissements particulièrement prisés par la bonne société.

    L'enquête policière et l'univers victorien renverront au fait divers et au serial killer le plus connu du monde – et aussi le plus mystérieux : Jack L’Éventreur. Mais c'est pour mieux s'en éloigner en proposant un récit où se mêlent sexe et violence, magie et sorcellerie, crimes et utopie, violences masculines et désirs d’émancipations féminines.

    Il faut aller jusqu'au troisième tome, sorti en ce début d'année, pour connaître le fin mot de l'histoire, avec deux figures qui sortent du lot : l'étrange et fascinante Pearl et un modeste boulanger muet, à qui l'auteur réserve un destin  inattendu.   

    Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 1, Le Rossignol, éd. Tabou, 2021, 56 p.
    Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 2, Les Coulisses, éd. Tabou, 2022, 56 p.
    Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 3, Utopie, éd. Tabou, 2023, 56 p.
    Traduction de Claire Nyman 
    http://www.tabou-editions.com/fr

    Voir aussi : "Libres et affranchies"

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  • Libres et affranchies

    Inguinis, sulfureuse saga historique paru aux éditions Tabou, propose ici une nouvelle plongée dans la Rome du premier siècle avant Jésus-Christ. Mais c’est un univers plus que vivant. Oubliez les manuels d’Histoire ou les péplums policés. Dans Inguinis, les orgies sont vraiment des orgies et les relations entre hommes et femmes, maîtres et esclaves, maris et femmes ou concubines ne s’embarrassent pas de précautions ni de romantisme.

    Chrysanthe est une perceptrice, se voyant bien professeure de rhétorique. Sa condition d’esclave est au service de Nicomède, un artisan sculpteur sans envergure. La jeune femme doit avant tout s’occuper d’Artémis, une gamine de presque sept ans, la fille de Nicomède. Spurius, l’amant de Chrysanthe, lui promet que Nicomède acceptera bientôt de signer son affranchissement. Une signature qui tarde trop pour l’esclave qui décide de prendre les choses en main. Une orgie, à laquelle elle se donne bon gré mal gré, lui en donne l’occasion.

    Histoire mêlant histoire, antiquité et sexe

    Katia Even, auteure de la jolie et érotique bande dessinée de fantasy Le Peuple des Brumes, est aux origines – si l'on peut dire – de cette histoire mêlant histoire, antiquité et sexe. Nicolas Guenet est au crayon et au dessin : un travail pas si évident que cela pour représenter étreintes, corps sculpturaux, orgies, mais aussi décors plus vrais que nature de la Rome du Ier siècle. On peut à ce sujet saluer le gros travail de documentation qui lui a été nécessaire pour dépeindre cette Rome du Ier siècle.

    L’histoire – celle d’un précieux papyrus qui décidera du devenir d’une esclave au fort tempérament – compte finalement moins que les déboires amoureux et sexuels de sa protagoniste. De plus, un complot se trame dans les plus hautes sphères du pouvoir, mais aussi dans les ruelles sombres de Rome qui voient disparaître de jeunes enfants.

    Ce premier tome des Origines d’Inguinis se laisse lire avec curiosité et prouve, avec Katia Even à la barre, que l’érotisme en littérature et dans la BD se conjugue bien au féminin.   

    Katia Even & Nicolas Guenet, Inguinis, Origines, tome 1, Sanguis Mulieris, éd. Tabou, 48 p.
    http://www.tabou-editions.com
    https://katiaeven.net

    Voir aussi : "Mon corps est à moi"
    "Butineuse !"

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  • De Jeanne à Jenny

    Il y a ces bandes dessinées (ou romans graphiques, c’est comme vous voulez) qui vous procurent le plaisir d’apprendre vraiment quelque chose. Le Siècle de Jeanne d’Éric Burnand et Fanny Vaucher (paru aux éditions Antipode) en fait indubitablement partie.

    Le public français doit absolument découvrir cet ouvrage venu de Suisse d’une belle ambition qui nous fait découvrir un pays voisin et ami dont nous connaissons finalement assez peu l’histoire.

    Nous sommes en Suisse dans les dernières années du XVIIIe siècle. Jeanne vit dans une famille de la paysannerie pauvre du Pays de Vaud. La confédération helvétique regarde son voisin français avec inquiétude, panique ou au contraire envie et source d’inspiration : la Révolution française est en train de mettre à bas un régime hérité de la féodalité, régime très présent en Suisse au XIXe siècle.

    C’est dans ce contexte qu’éclate une révolte largement héritée de la nuit du 4 août : celle des "Bourla-Papey", littéralement "brûleurs de papier". Le père de Jeanne fait partie de ces révolutionnaires helvétiques, bien décidés à remettre en cause un système inégalitaire. C’est le début d’un siècle de mouvements sociaux et révolutionnaires que retrace la BD d’Éric Burnand et Fanny Vaucher, à travers la vie d’une paysanne pauvre. 

    Jeanne et Eugénie sont les témoins de ces soubresauts que les pays européens ont connu suite à la Révolution française

    Jeanne (mais aussi sa petite fille Eugénie qui découvre l’existence de son aïeule grâce à un long courrier) est un personnage fictif et c’est du reste son histoire familiale qui sert de trame au récit. De sa naissance dans un milieu de la paysannerie modeste à son départ vers l’Amérique du Sud, en passant par une éducation contrariée du fait de son sexe et un mariage corseté, le lecteur suit le parcours d’une Suissesse ordinaire dans un pays secoué par les mouvements révolutionnaires du XIXe siècle.

    C’est du reste tout l’intérêt d’une BD qui montre un pays, souvent caricaturé un peu facilement comme calme, paisible et conservateur, être secoué par des revendications sociales : fin des privilèges, luttes entre révolutionnaires et partisans d’une Restauration, luttes contre le travail des enfants, limitations de la durée du travail, féminisme. Jeanne et Eugénie sont les témoins de ces soubresauts que les pays européens ont connu suite à la Révolution française.

    Le Siècle de Jeanne est ponctué de pages éclairant tel ou tel personnage ou fait historique : l’avocat et révolutionnaire Claude Mandrot (1756-1835), la femme de lettres Germaine de Staël (1766-1817), la révolte des Bourla-Papey, le théoricien de la Restauration Charles-Louis de Haller (1768-1854) ou encore l’avocate Émilie Kempin-Spyri (1853-1901) qui a largement inspiré Eugénie/Jenny.

    Si vous ajoutez à cela que cette BD se lit facilement et avec plaisir, vous risquez d’être convaincu de vous offrir ou d’offrir un livre de bonne facture et écrit avec intelligence et sans pathos. 

    Éric Burnand & Fanny Vaucher, Le Siècle de Jeanne, éd. Antipodes, 2022, 248 p.
    https://www.antipodes.ch/produit/le-siecle-de-jeanne
    https://fixement.com
    https://www.facebook.com/eric.burnand.3

    Voir aussi : "Tout droit de reproduction interdit"

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  • De l’art de survivre en entreprise

    Un mot, pour commencer, sur l’éditeur. Les Éditions Enrick B s’intéressent depuis 2007 à des ouvrages très sérieux sur l’économie, la société et l’actualité en général : psychologie, droit, réflexions pointues ou non, avec toujours en ligne la vulgarisation pour des sujets a priori peu sexy.

    Un ouvrage est sorti du lot en 2022 :  En Quête de Sens de Thibault Bouëssel du Bourg, sous-titré "Bullshit jobs, burn out et cravates grises". Un "guide de survie en entreprise" écrit et dessiné par un auteur qui sait de quoi il parle. Le jeune homme ambitieux a endossé les habits de Rastignac, au service de grandes entreprises, banques et cabinets d’avocats. La Défense a été son environnement quotidien avec son corollaire : embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages.    

    Embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages

    Dans cette bande dessinée vraiment très bien vu, le lecteur goûtera les mœurs de nos entreprises modernes, du moins les cultures d’entreprises des groupes cotées en bourse. Il y est question des recrutements, du rythme quotidien, de la vie en openspace, sans oublier les collègues, que ce soit Yasmina, l’hôtesse d’accueil, Jérémy le responsable IT (informatique) ou Josiane de la compta. Plus d’un et plus d’une reconnaîtront des voisins et voisines de bureau.

    Il y en a pour tout le monde dans ce jeu de massacre qui entend brocarder les cultures d’entreprise qui n’ont de culture que le nom.  Les managers ne sont pas épargnés, jusque dans le langage corporate adopté : "proactivité", "résilience", "forwarder", "ASAP". Ces termes parleront sans doute à beaucoup de lecteurs et lectrices.

    Cette suite de chronique est finalement moins un guide de survie en entreprise qu’une mise au point sur des règles artificielles qui régissent la vie professionnelle. C’est très bien vu et bienvenu. 

    Thibault Bouëssel du Bourg, En Quête de Sens, Éditions Enrick B, 2022, 100 p.
    https://www.enrickb-editions.com/en-quete-de-sens
    http://www.facebook.com/enrickbeditions

    Voir aussi : "Aux navets, le Festival de Cannes reconnaissant"

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