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Voilà une bande dessinée étonnante, et par son titre et par son début mystérieux, faussement léger. L’album nous vient du Québec. Publié aux éditions La Pastèque, Le petit Astronaute de Jean-Paul Eid est le récit vrai – quoique romancé – d’une histoire familiale et personnelle douloureuse qu’a connu l’auteur.
Après un prologue onirique, sous forme de voyage spatial, nous suivons les traces d’une adolescente, Juliette, de retour dans la rue de son enfance. La maison familiale est en vente. La jeune fille prend le culot d’y entrer, comme des dizaines de potentiels acheteurs, pour redécouvrir les lieux. Les souvenirs reviennent, plus tenaces que jamais. Elle revoie sa famille, revit des scènes de son passé et se remémore la naissance de son petit frère qu’elle va bientôt surnommer "le petit astronaute".
"Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas"
Tom est le nom de cet enfant. Un bébé désiré, attendu et aimé par toute la famille, jusqu'à ce que ses parents découvrent que quelque chose cloche. Des détails, des retards de développement et des interrogations les conduisent vers les médecins puis les hôpitaux. La nouvelle est terrible : le petit Tom est victime d’une anomalie fonctionnelle, un DMC (Déficit Moteur Cérébral). Condamné à la paralysie cérébrale, sa vie ne sera jamais celle d’un garçon comme les autres.
Après cette annonce, il y a un avant et un après dans la vie de Tourniquette – c’est le surnom de Juliette – et celle de ses parents. Toute leur existence est désormais rythmée par ce petit Tom que tout le monde décide de surnommer "le petit astronaute", un être bien vivant mais voyageant dans un autre monde. Et puis, il y a le regarde des autres, des proches, des voisins et de ces inconnus croisant le pauvre petit bonhomme.
On ne peut qu’être bouleversé par l’histoire du petit Tom et de la manière dont chacun va accompagner son existence pour la rendre la plus douce possible. En lisant cette BD bouleversante, parsemée ci et là d’expressions québécoises délicieuses, ne peuvent que venir en tête les paroles de David Bowie, dans on chef d'œuvre Space Oddity : "Ground Control to Major Tom / Your circuit's dead, / There's something wrong / Can you hear me, Major Tom?" ("Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas, / Peux-tu m'entendre, Major Tom ?").
Voilà une bande dessinée étonnante, et par son titre et par son début mystérieux, faussement léger. L’album nous vient du Québec. Publié aux éditions La Pastèque, Le petit Astronaute de Jean-Paul Eid est le récit vrai – quoique romancé – d’une histoire familiale et personnelle douloureuse qu’a connu l’auteur.
Après un prologue onirique, sous forme de voyage spatial, nous suivons les traces d’une adolescente, Juliette, de retour dans la rue de son enfance. La maison familiale est en vente. La jeune fille prend le culot d’y entrer, comme des dizaines de potentiels acheteurs, pour redécouvrir les lieux. Les souvenirs reviennent, plus tenaces que jamais. Elle revoie sa famille, revit des scènes de son passé et se remémore la naissance de son petit frère qu’elle va bientôt surnommer "le petit astronaute".
"Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas"
Tom est le nom de cet enfant. Un bébé désiré, attendu et aimé par toute la famille, jusqu'à ce que ses parents découvrent que quelque chose cloche. Des détails, des retards de développement et des interrogations les conduisent vers les médecins puis les hôpitaux. La nouvelle est terrible : le petit Tom est victime d’une anomalie fonctionnelle, un DMC (Déficit Moteur Cérébral). Condamné à la paralysie cérébrale, sa vie ne sera jamais celle d’un garçon comme les autres.
Après cette annonce, il y a un avant et un après dans la vie de Tourniquette – c’est le surnom de Juliette – et celle de ses parents. Toute leur existence est désormais rythmée par ce petit Tom que tout le monde décide de surnommer "le petit astronaute", un être bien vivant mais voyageant dans un autre monde. Et puis, il y a le regarde des autres, des proches, des voisins et de ces inconnus croisant le pauvre petit bonhomme.
On ne peut qu’être bouleversé par l’histoire du petit Tom et de la manière dont chacun va accompagner son existence pour la rendre la plus douce possible. En lisant cette BD bouleversante, parsemée ci et là d’expressions québécoises délicieuses, ne peuvent que venir en tête les paroles de David Bowie, dans on chef d'œuvre Space Oddity : "Ground Control to Major Tom / Your circuit's dead, / There's something wrong / Can you hear me, Major Tom?" ("Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas, / Peux-tu m'entendre, Major Tom ?").
Bref, incisif et racé, cette création s’appuie sur un son rock, à telle enseigne que l’on sent l’urgence dans cet opus souvent engagé (le titre country-rock "Qu’essé qu’on queer ici ?", "Pastel" ou encore le morceau post-#MeToo "« Non » est une phrase complète").
Samuele, c’est d’abord une voix et un accent, cher à nos oreilles de ce côté-ci de l’Atlantique. Mais l'artiste est aussi une personnalité forte, qui s’assume trans et non-binaire. Elle accepte de se livrer, non sans poésie ("La noix de coco est un fruit / Je suis fruit moi aussi", "La noix de coco"). Poésie encore dans "La Machine" qui propose de vivre un monde irréel et utopique, plein de couleurs, de fêtes et de paillettes ("Qu’est-ce qui s’est passé ? / Il y a des paillettes dans mon café").
L'artiste est aussi une personnalité forte, qui s’assume trans et non-binaire
Retour au réel, pourtant, avec des confessions sur l’incommunicabilité et un “mecspliqueur” ("Tu parles, tu parles"). Samuele parle aussi de la vieillesse et de la mort (elle chante, dans "Par cœur" : "J’ai tellement dansé avec la douleur / J’en ai fait une prophétie"), de la peur ("Je pense que j’ai peur d’avoir peur", dans le morceau pop et jazzy "La peur"), sans oublier le tourmenté "Anxiété High" ("Il n’y a rien qui marche dans mes souliers").
Là où Samuele vise fort c’est lorsqu’elle se livre avec pudeur. On pense au titre "Papillon", un joli morceau pop, délicat, doux et sensible : "Je suis comme un papillon / Les ailes encore mouillées dans une belle et grande maison". Et si la "paillette dans l’engrenage" du titre n’était pas dans ces belles déclarations d’amour que sont "Ta toune" et "Là pour toi" ?
La découverte du dernier album de la jazzwoman Laura Anglade, Venez donc chez moi, que nous avions chroniqué sur Bla Bla Blog, nous a donné envie d’interviewer la chanteuse, un pied en France et l’autre de l’autre côté de l’Atlantique. Rencontre avec une artiste qui voue un amour immodéré pour la chanson française, y compris le répertoire moins connu des années 30.
Bla Bla Blog – Bonjour Laura. Le public français vous découvre cette année avec votre reprise de standards de la chanson française, l’album Venez donc chez moi. Au Canada, vous êtes une des voix montantes de la scène jazz. Franco-américaine, quels sont vos rapports avec le Canada et la France ? Laura Anglade – Merci. J’ai quitté le Connecticut à l’âge de 18 ans, à la fin du lycée. Je suis partie à Montréal, à l’université Concordia, pour suivre des études de Traduction. J’ai toujours été fascinée par les langues, depuis toute petite. Je n’avais pas du tout envisagé de suivre une carrière en musique à ce moment-là. Cette ville me tentait bien, et le programme surtout…et depuis je n’ai pas quitté le Canada !
BBB – Pour cet album de reprises, vous avez choisi des titres qui ne sont pas forcément les plus connus : "Venez donc chez moi", qui donne le titre à l’opus, mais aussi "Vous qui passez sans me voir" ou "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours". Pourquoi ces choix ? LA –Venez Donc Chez Moi, tout d’abord met en avant mon identité française, mon “chez moi”, mais aussi, à un autre niveau, un album est une œuvre qui représente un moment précis, un peu comme la photographie. Nous avons enregistré cet album en pleine période de pandémie, bloqués chez nous. Avec Sam, le guitariste, on voulait inviter le public à passer un beau moment intime d’écoute, chez eux, en attendant de venir nous voir en concert peut-être un jour. En ce qui concerne les autres titres, Charles Trenet est le chanteur préféré de mon grand-père, il me chantait souvent ses chansons quand j’étais petite. Je connais pratiquement toutes ses chansons par cœur. Je voulais rendre hommage à ma famille, en leur faisant ce cadeau, pour qu’ils puissent chanter avec moi en écoutant mon disque. Ils sont loin, donc au moins cela nous permet de nous rapprocher un peu, comme si une partie de moi était là, avec eux. D’après moi, “Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours” est une belle leçon. Quand on se lance dans une histoire avec quelqu’un en tout début de relation, il y a toujours un moment d’hésitation. On essaye de se protéger, sûrement pour ne pas s’emballer trop vite. On ne veut pas trop se projeter, par peur d’être rejeté, mais quand ça doit marcher, les choses se mettent en place petit à petit, naturellement. On a pas besoin de se faire des promesses ni des plans, on peut simplement vivre jour après jour, sans attente. Je trouve ce message magnifique.
BBB – On sent chez vous un attachement au répertoire des années 30 et aussi au compositeur Paul Misraki, peu connu, et qui a écrit deux de vos reprises ("Venez donc chez moi" et "Vous qui passez sans me voir"). Est-ce une invitation à redécouvrir le patrimoine musical français oublié et les chansons de Lucienne Boyer, Ray Ventura, voire Charles Trénet ? LA – Effectivement. Je trouve que ces chansons sont intemporelles. On arrive à plonger dans ces histoires et ces mélodies, comme un bon livre. Ce sont des thèmes nostalgiques, mais en même temps encore courants. On s’y retrouve.
BBB – On est peu surpris de voir apparaître Michel Legrand ; on l’est plus par le choix de vos reprises : au lieu des "Moulins de mon cœur" ou de la "Recette du cake d’amour", vous avez choisi la magnifique "Chanson de Maxence" et de la "Valse des lilas". Pourquoi le choix de ces morceaux ? LA – "La Chanson de Maxence", de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort par Michel Legrand est l’une de ses plus belles chansons. Elle a été adaptée en anglais, et raconte une histoire complètement différente de l’originale. En général, je choisis de chanter une chanson si je trouve les paroles captivantes. Dans ce cas, je me laisse emporter par la mélodie, complexe et à la fois mémorable et nostalgique, des thèmes que l’on reconnaît facilement à travers toutes les œuvres de Michel Legrand. "La Valse des Lilas" a aussi été adaptée en anglais, c’est une chanson pleine d’espoir, comme les premières fleurs au printemps.
"Mon rêve serait de lui chanter « Chez Laurette » un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !"
BBB – Deux femmes ont les honneurs de votre opus : Jeanne Moreau, l’interprète de "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours et surtout "Barbara ("Précy Jardin" et "Ce matin-là"). J’imagine que c’est tout sauf un hasard de voir Barbara figurer sur cet album. LA – Barbara a toujours été une grande source d’inspiration. "Precy Jardin" est la chanson de Barbara ou je me reconnais le plus. Chaque été depuis mon enfance, ma famille retournait dans notre petit village dans le sud de la France. En 1973, Barbara a quitté Paris pour aller vivre à Précy sur Marne, à la campagne, et c’est là ou elle a passé ses dernières années. Dans ce lieu paisible, loin de tout, près de la nature, Barbara est au paradis. Je reconnais mon petit village, Brousse le Château, à travers les paroles, “juste le clocher qui sonne minuit”.
BBB – L’auditeur français sera heureux de trouver une reprise de "Chez Laurette". À ma connaissance, c’est l’une des première fois que Michel Delpech côtoie Charles Trénet, Charles Aznavour ou Barbara. "Chez Laurette" se devait de figurer dans votre album ? Et spécialement cette chanson, la plus célèbre sans doute de son répertoire ? LA – "Chez Laurette", de Michel Delpech, est une de mes chansons préférées de tout l’album. J’ai appris que le chanteur a écrit la chanson en une traite durant un court trajet en train. Chez Laurette raconte l’amitié entre un jeune garçon et la dame qui tient le café au coin de la rue. Laurette devient vite la confidente de lui et de tous ses amis. Chaque chagrin d’amour, chaque fou rire, elle les voit grandir au fur et à mesure des années qui passent. C’est une belle confiance qui se construit, surtout pendant les années les plus importantes, elle les aident à naviguer l’adolescence. Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été et qu’on retrouvait toujours les mêmes vendeuses, qui me disaient avec leur sourire familier, “alors ça pousse !” ou quand on allait chercher la viande chez le boucher de ma grand-mère, qui a vu ma mère grandir, et maintenant voyait ses enfants grandir aussi. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et ce que l’on devient. J’ai aussi choisi la chanson parce que c’est une des chansons préférées de mon grand-père. Même si Michel Delpech n’est plus parmi nous, j’ai appris que cette “Laurette” est inspirée d’une vraie personne, qui existe toujours, et que ce fameux café aussi ! Mon rêve serait de lui chanter cette chanson un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !
BBB – Après cet album, quels sont vos futurs projets ? Une tournée est-elle prévue en France ? Ou un album en préparation ? LA – Je viens de faire une mini tournée à Paris dernièrement en juin 2022. J’espère y revenir le plus vite possible, j’adore cette ville, surtout au printemps. Je pars en tournée avec Melody Gardot en septembre, j’ai vraiment hâte. En ce moment, oui, je pense à un futur album aussi. Plein de belles choses ! Merci beaucoup.
Qui dit reprises de chansons françaises dit standards incontournables d’Édith Piaf, Yves Montand ou Maurice Chevalier, avec des classiques archi rabattus, de ceux que Thomas Dutronc avait réinterprétés en duo il y a quelques années, dans un très joli album au demeurant. La jazzwoman franco-américaine Laura Anglade, accompagnée du guitariste québécois Sam Kirmayer, a choisi le contre-pied dans son album de reprises, Venez donc chez moi.
"Venez Donc Chez Moi", à l'origine un tube de l’entre-deux guerres écrit par Paul Misraki et créé par Lucienne Boyer et Ray Ventura et ses collégiens, peut s’écouter comme une invitation dans l’univers smooth de Laura Anglade, reconnue par "Ici Musique" de Radio Canada comme l'une des cinq meilleures musiciennes de jazz à surveiller.
Paul Misraki est mis à l’honneur dans une autre de ses compositions avec cet autre classique qu’est "Vous qui passez sans me voir" que Charles Trénet avait rendu célèbre, en dépit du fait que ce morceau n’est pas celui que le grand public a retenu de l’interprète de "La mer", de "Douce France" ou de "Boum !"
L’auditeur sera sans doute plus familier avec ce bijou qu’est "Paris au mois de mai", romantique et parisien à souhait, grâce à l’accordéon de Benjamin Rosenblum. Laura Anglade reprend également le célébrissime "Que reste-t-il de nos amours ?", dans lequel Charles Trénet – encore lui ! – s’était rarement montré aussi mélancolique. La chanteuse y ajoute sa patte jazz, montrant du même coup un aperçu de sa palette vocale.
"Chez Laurette" est la reprise la plus incroyable de l’album, et qui mérite à elle-seule que l’on se précipite pour découvrir l’opus de Laura Anglade
La Franco-américaine ne pouvait pas ne pas reprendre des standards de Michel Legrand. Outre "La valse des lilas", qui clôt l’album, sa revisite délicate de "La chanson de Maxence" permet de déguster les paroles et d’apprécier les qualités de parolier du compositeur français : "Elle a cette beauté des filles romantiques / Et d'un Botticelli, le regard innocent / Son profil est celui de ces vierges mythiques / Qui hantent les musées et les adolescents".
Un hommage est rendu à deux femmes, deux artistes et deux musiciennes : Jeanne Moreau, avec une reprise "Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerai toujours" (par ailleurs, la chanson du film Pierrot le fou, avec Anna Karina et Jean-Paul Belmondo) et Barbara avec deux titres que beaucoup d’auditeurs découvriront sans doute : le nostalgique "Précy Jardin" et le délicat "Ce matin-là", toujours avec l’accompagnement à l’avenant de Sam Kirmayer.
"Chez Laurette" est la reprise la plus incroyable de l’album, et qui mérite à elle-seule que l’on se précipite pour découvrir l’opus de Laura Anglade. La chanteuse se l’approprie totalement au point que l’auditeur, pourtant habitué à l’original, a la sensation de la redécouvrir, dans toute sa pureté avec voix jazzy et guitare. Laura Anglade dit ceci : "Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et qui on devient."
Tout autant que ces reprises de standards français, c’est une chanteuse d’exception qui est à découvrir à travers ce Venez donc chez moi, étincelant dans sa simplicité.
La Zarra a déboulé en France avec fracas cette année. La chanteuse québécoise s’impose avec son univers glamour et sa sensibilité, comme si elle voulait être le maillon manquant entre la chanson française classique – celle d’Édith Piaf, de Charles Aznavour ou de Dalida – et les sons plus actuels, électros et urbains.
Avec son premier album Traîtrise, La Zarra fait de l’amour un fil conducteur. Voilà un thème a priori archi rebattu, mais que de jeunes artistes ont mis au goût du jour, à l’instar de Juliette Armanet et de Clara Luciani. L’opus décline ce sentiment tout au long des 14 titres, en passant par le spleen ("Pas le cœur à la fête"), les larmes ("Traîtrise", "Je coule") et surtout la passion ("TFTF", "Simple ami", "Comme je l’aime").
L’artiste québécoise allie la puissance de sa voix à l’expressivité pour parler du désarroi que peut avoir le sentiment amoureux : "Oui je dis souvent ça va / Même si c’est le bordel autour de moi / Je ne suis pas une fille de joie" ("Fille de joie").
Dans "LVQM", elle chante l’amour bohème avec un mélange de grâce, de romantisme ("C'est la vie qu'on mène / Elle est remplie de poèmes"), de désenchantement et de gravité ("La liberté n'est pas donnée / Et l'amour n'est plus dans le pré / L'appartement est déjà vide / Je donne le chien à la voisine").
"Simple ami" parle, de son côté, d’une incompréhension fatale entre un homme et une femme, de la séduction et du piège de l’amour ("Je parle la bouche pleine / Mais je mâche pas mes mots / Et si tu viens chez moi, tu seras dans de beau draps"). La Zarra se fait femme fatale lorsqu’elle assène, avec gourmandise, envie et défi : "Je te laisse crier échec et mat / Car j'aime te voir quand tu t'éclates / Je veux surtout pas éteindre ta flamme… Ici, on joue aux dames".
La modernité n’est cependant pas accent dans ce premier opus sincère. Il y a la facture musicale urbaine, bien présente, mais aussi la présence de bidouillages sonores ("Simple ami", "TFTF") qui donnent à Traîtrise une sincérité attachante.
La modernité n’est cependant pas accent dans ce premier opus sincère
Le désormais célèbre "Tu t’en iras" est un morceau que l’on pourrait qualifier d’électro-pop rock, dépeignant la méfiance et la déception amoureuse : "Tu t'en iras, comme tous les autres hommes avant toi". L’amour, le couple, l’homme, la femme et les malentendus : l’amour est-il toujours possible, se demande en substance l'artiste canadienne ? La réponse de la chanteuse tient en un mot, cinglant : "traîtrise".
Est-ce à dire que La Zarra baisse les bras ? Pas vraiment si l’on en croit cet autre extrait, "TFTF". La musicienne se fait tout feu tout flamme pour ce titre qui propose une sorte de contrat : "As-tu peur de moi, comme j'ai peur de moi / Moi je peux compter jusqu'à trois / Mais pourrais-je compter sur toi". L’amour est compliqué mais la solitude ne semble pas être une option pour autant : "Tout feu, tout flamme / Toute seule je crame, / C'est le drame dans ma tête".
"Traîtrise" le morceau qui donne son nom à l’album, est un joyau mêlant rythmes de flamenco, de pop, d'lectro et bien entendu de chanson française. Cette histoire d’une infidélité et d’une séparation est racontée avec amertume et mélancolie : "Perdue sans lui, / J'ai le cœur noir / Il m'a jetée sans crié garde / Perdue sans lui, je n'ai plus d'histoire".
L’auditeur sera immédiatement happé par la facture pop de ce premier album langoureux mais non sans ces moments alliant mélancolie et nostalgie ("Pas le cœur à la fête", "Ne m’en veux pas"), lorsque La Zarra ne se fait par écorchée vive ("Je coule").
Parlons aussi de cette jolie balade qu’est "Amour de quartier", en forme de promesse douloureuse : "Je t'ai gardé tout près de mon cœur / Même si il est rempli de douleur / Tu fermes les yeux et je te dis adieu / Je me rappelle toujours notre amour de quartier". Quant à "Fleur oubliée", on pourra l’écouter comme un délicat et touchant chant d’une femme trompée et déboussolée : "J’ai plus besoin des hommes / C’est le vert dans la pomme… / Où trouver me bonheur ?".
Il faut enfin s’arrêter sur l’un des plus beaux titres de l’album, "Vie d’artiste", bouleversant et sincère hommage d’une musicienne sur la vie de bohème. Voilà un morceau digne de rentrer dans le panthéon des grandes chansons françaises : "Cette putain de vie d'artiste / Je ne voulais même pas rêver mieux / Mais ne manger qu'un jour sur deux / Dans les chansons c'est merveilleux / Mais dans la vie, c'est vraiment triste".
Dans les 13 titres de Vis-moi, le très bel album de La Bronze, l’auditeur pourra y trouver la trace, la facture et, pourquoi pas, les influences de Laurie Darmon. Comme l’auteure de Femme Studio, La Bronze enfourche le tigre et parle d’amour, de sensualité, de séduction, de corps en fusion, d’étonnement devant les émois, mais aussi, d’humanisme et de féminisme. Dans son nouvel album Vis-moi, L’artiste canadienne s’y dévoile sans fard, vibrante, brillante, forte, capable de férocité autant que d’abandons sensuels ("Viens / Je te détruirai les ailes / Sous mes baisers de fiel / Et on finira au ciel / En statue de sel", "Viens").
Dans une pop très actuelle, l’artiste allie mélancolie, tensions musicales et textes à fleur de peau : "J’ai assez de lucidité pour croire en la magie" chante-t-elle par exemple dans "Toi". "Tous les mots sont morts / C’est l’épidémie / On a survécu / C’est pour l’épiphanie / J’ai toué tous les monstres du placard / J’ai fait l’amour à tous les trous noirs". C’est drapée dans un séduisant romantisme noir que la musicienne maroco-canadienne parle de liberté et de féminisme : "Je n’ai peur de rien / Surtout pas de toi / Depuis que je sais / Que tu n’es que moi" "Je n’ai peur de rien / Surtout pas de toi / Depuis que je sais / Que tu n’es que moi".
Pour "Briller", c’est encore d’émancipation dont il s’agit, dans une facture plus urbaine. Le morceau évoque la pression de plaire à tout prix ("Pour mieux m’évaporer"), au risque d’en oublier qui l’on est.
L’orchestration complexe et la production soignée servent un album aux multiples influences, à l’instar d’Haram", un titre mixant pop, urbain, world music, chanson française et sons arabes ou de l’électro avec "Sois ferme". Ce titre est le fruit d’une collaboration avec Younes Taleb, alias Mobydick, un grand rappeur marocain avec qui elle a partagé une tournée au Maroc. Il y est question de se défaire des chaînes qu’impose le milieu social pour se connecter à sa véritable essence et oser être pleinement soi-même, explique La Bronze.
Un superbe cri d’amour, digne des plus grands mythes antiques
Nous parlions de Laurie Darmon : "Vis-moi" suit la trace de l’interprète de "Laisse-moi t’aimer", avec cette électro-pop envoûtante et ce timbre voilé et sensuel. Il y est question de mort ("Je ne peux pas mourir encore"), de la course contre le temps ("Je croyais qu’une fois que le soleil s’était levé c’était pour de bon / Mais il fini toujours par se recoucher c’est la fatalité"), d’amour et d’abandon : "Je serre le bonheur si fort / Qu’il m’explore / Sur tout le corps".
La Bronze est capable d’envolées sensuelles : "Ta langue me couche / C’est toujours la première fois… / Je redeviens l’océan", interprète-t-elle avec une tension électrisante. Dans "Eaux" et son électro-pop assumée, elle fait cet aveu à l’auditeur : "Je ne sais pas si j’aime les flots / Mais je veux voguer dans les chaudes eaux". Plus audacieuse encore, dans "Monument érigé", l’électro pop de la chanteuse canadienne parle non sans amertume de cet homme, de sa "beauté" ramenée "chaque soir", sur fond de jalousie amère ("Tu veux qu’elle s’assoit dans ton ciel / Qu’elle te dise « Oh mon, Dieu merci ! »").
Vis-moi interroge aussi sur le jeunisme et sur l’apparence, des thèmes dans lesquelles les femmes sont très souvent – une fois de plus – les victimes : "Elle blanchit / Elle décline / Il vieillit / C’est sexy / Il mûrit / Elle vieillit / C’est triste", chante-t-elle dans "Sois ferme", avant de déclarer : "La beauté intérieure c’est super / mais pour les autres / Donnez-moi mon laser pour que je m’y vautre"
"L’habitude de mourir" tranche dans sa facture avec ce piano sobre : "Tu fonces tout droit vers mon amour figé / Mais on a l’habitude de mourir / Une fois de plus pourquoi pas". Dans ce qui est l’un des plus beaux morceaux de l’album, l’amour et la sensualité sont assombries par le voile de l’impasse d’une relation vouée à l’échec.
On peut saluer le travail de texte de "Quantum parfait". Sous forme de confidences en anglais et en français, La Bronze dépeint des sensations bouleversantes, des visions mystérieuses et déstabilisantes, qui sont comme une introduction au titre suivant, "Je flottais" : "Je ne sais plus qui je suis / Enfin c’est délicieux d’être ici".
Le déracinement et les adieux à la terre tel est le sujet d’"Adieu", un magnifique titre sur l’amitié et la fraternité entre humains : "Tu viens d’où tu manges quoi l’ami ? / Tes parents ta peau c’est pas d’ici / Dis-moi tout / Mais je me fous / Je veux pas savoir tes visas / Si ça te plaît pas." La chanson, écrite et interprétée en duo avec Sarahmée, aborde avec doigté les micro-agressions au quotidien que peuvent vivre les personnes qui ne sont pas caucasiennes et les jugements nourris par l’ignorance.
Le morceau "Viens" conclut admirablement bien l’album passionnant et envoûtant de La Bronze : "J’ai le pouvoir de déplacer les montagnes", chante-t-elle avec une belle audace, qui est aussi un superbe cri d’amour, digne des plus grands mythes antiques : "Viens / Je te détruirai les ailes / Sous mes baisers de fiel / Et on finira au ciel / En statue de sel".