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  • Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière 

    2022 marque les 400 ans de Molière. Cet auteur phare de la littérature française, chacun croit bien le connaître : son vrai nom, Jean-Baptise Poquelin, son choix de ne pas suivre la tradition familiale de tapissier, ses premières armes dans une troupe de théâtre, L’Illustre Théâtre, le soutien du roi Louis XIV, le succès de ses comédies (L'Avare, Le Misanthrope ou Les Femmes savantes), le scandale de Tartuffe et sa mort après la représentation du Malade imaginaire.

    Voilà ce que la légende a conservé de la vie d’un artiste hors du commun. La bande dessinée Molière, le théâtre de sa vie (éd. Petit à Petit) propose de retracer sa carrière en 64 pages et 9 actes (en plus d'une dixième partie nous parlant de son héritage). Entre chaque séquence, deux pages de textes illustrés de Suzie Sordi font un focus sur tel ou tel aspect de son existence ou de la vie de l’époque : le Paris du XVIIe siècle, "l’aventure de l’Illustre théâtre", une courte biographie de Madeleine Béjart, sans oublier des éclairages sur quelques pièces essentielles de Molière.

    Cette BD est idéale pour découvrir et redécouvrir Molière et lui souhaiter son anniversaire comme il le mérite. 

    Molière apparaît comme un homme issu de la bonne société, bien intégré dans l’aristocratie

    Que l’on soit scolaire ou adulte, connaisseur ou non de Molière, le lecteur lira avec grand intérêt ce biopic dessiné bien documenté. Au scénario, saluons le travail de Dobbs qui dépoussière l’auteur du Misanthrope autant qu’il rétablit quelques vérités.

    Certes, les historiens regrettent que les archives sur Molière soient fragmentaires, à commencer par le choix de son pseudonyme, Molière. Cela n’empêche toutefois pas que l’existence de l’écrivain et acteur soit dépoussiérée et éclairée.

    Prenez cette charge de tapissier que lui léguait son père. Jean-Baptiste Poquelin a certes choisi une profession mal-aimée, celle de comédien. Pour autant, il est bien entré comme tapissier auprès du roi en 1660, une charge qui lui conférait la place de valet de chambre de Louis XIV. Et qui lui a permis d’exercer comme homme de théâtre.

    Molière apparaît comme un homme issu de la bonne société, bien intégré dans l’aristocratie. Sa famille était riche, ses protecteurs puissants et son père, loin de rejeter son fils, l’a aidé. Voilà qui fait de Molière un artiste beaucoup moins maudit qu’on a bien voulu le dire.

    Les planches de Thomas Balard, assez classiques dans leur facture, permettent au lecteur de rentrer avec plaisir dans la vie de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, le rendant plus proche et moins académique. 

    Thomas Balard, Dobbs, Suzie Sordi et Delphine, Molière, le théâtre de sa vie,
    éd. Petit à Petit, 2022, 64 p. 

    https://www.petitapetit.fr/produit/moliere-le-theatre-de-sa-vie
    https://balardnews.blogspot.com
    https://dobremelolivier.wixsite.com/dobbscorp
    https://www.moliere2022.org

    Voir aussi : "Monstrueusement sexy"

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  • Maman, je te hais, maman je t’aime

    Roman polyphonique, Ainsi naissent les Mamans d’Amélia Matar (éd. Eyrolles) suit trois personnages féminins en alternant les points de vue, donnant à ce récit personnel et familial un rythme qui tient en haleine le lecteur.

    Il y a d’abord Valentine de Barnay, une enfant de la bonne bourgeoisie parisienne, élevée sans amour par une mère dont "la cruauté (…) tissa une cote épaisse contre les vicissitudes de la vie", majore de promotion à HEC, brillantissime, ambitieuse, froide et mariée avec un homme mais sans passion ("Notre couple ne fut plus qu’une entente tacite, une alliance stratégique"). La deuxième protagoniste est sa fille Alice, élevée sans plus d’amour, mais qui porte en elle une intelligence folle, de l’humour à revendre mais aussi un immense besoin de tendresse que viendra lui apporter le troisième personnage de ce récit familial, Fatima Ayouch.

    Élevée dans une famille marocaine qui lui souhaite une réussite sociale et professionnelle, Fatima a choisi d’être éducatrice de jeunes enfants. Et c’est ainsi qu’elle devient la nounou d’Alice, dans le milieu bourgeois de Valentine, sa mère. Entre les trois, un fragile équilibre s’installe, jusqu’à une sortie au musée, qui va avoir des conséquences inattendues. 

    "C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.

    L’amour, la haine, la famille. Voilà une histoire vieille comme le monde et qu’Amélia Matar raconte sous l’angle de trois personnages qui vivent dans leur propre univers. C’est aussi la confrontation de deux mondes : Valentine, la bourgeoise de bonne famille et Fatima, la banlieusarde fille d’immigrée. Il s’agit d’une lutte des classes entre ces deux femmes, l’une étant la patronne de l’autre.

    Une autre fracture affleure : Valentine de Barnay, la manageuse impitoyable, a la sensation d’avoir travaillé et de s’être battue plus que n’importe qui – et surtout plus que n’importe quel homme – pour arriver à sa position envieuse. Elle en vient à poser le dilemme de la maternité et du féminisme : "Dès qu’une femme devient mère, elle se laisse absorber tout entière pour sa progéniture et c’en est fini de sa carrière… Les femmes doivent veiller à ne pas laisser les hommes occuper tout l’espace." Valentine émet également, plus expéditive encore : "C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.

    Au milieu de cette bataille, il y a une enfant, Alice. Le lecteur est attendri de lire ses mots, qui expriment la douleur de ne pas être aimée et bien aimée : "J’ai peur. — De quoi ? — De ne pas y arriver. — De ne pas arriver à quoi ? — À vivre."

    Ainsi naissent les mamans , brillamment écrit est le récit de trois personnages féminins dans l’incommunicabilité, voire la cruauté, mais qui arriveront finalement à faire un bout de chemin ensemble.

    Amélia Matar, Ainsi naissent les Mamans, éd. Eyrolles, 208 p., 2022
    https://www.facebook.com/webeuse
    https://www.instagram.com/ameliamatar
    @ameliamatar
    https://www.eyrolles.com

    Voir aussi : "Les cygnes du crime"
    "Les mots croisés, c’est sexy"

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  • Monstrueusement sexy

    Le dernier ouvrage de Raúlo Cáceres, Eros et Thanatos (éd. Tabou) est à part dans la bibliographie du dessinateur espagnol. Cet art book rassemble sur 80 pages une sélection d’illustrations, pour la plupart inédites ou appartenant à des collections privées et datant des années 2018 à 2021.

    L’univers de Raúlo Cáceres est celui du sexe, de la violence, des monstres, de la cruauté mais aussi du mal, parfois incarné par des vamps aussi terribles qu’attirantes. Derrière ses adaptations de Justine et Juliette de Sade ou l’incroyable roman graphique des Saintes Eaux (toujours aux éditions Tabou), le dessinateur de Cordoue parvient à "radiographier les profondeurs de l’âme humaine, avec ces espaces sombres, qui ont peu changé au cours des siècles", comme l’écrit Serafín Pedraza Pascual, en présentation d’Éros et Thanatos. Il ajoute ceci : "La profondeur inégalée du graphisme de de Raúlo le place à un niveau d’excellence à la hauteur des plus grands auteurs de bande dessinée contemporaine".

    Le book art est partagé en sections thématiques, aux noms pour le moins explicites : "Donjons humides", consacré à un supplément non-officiel de Donjons et Dragons (2019), "Horreurs sensuelles" et "Turgescences cosmiques" (sic).

    Un niveau d’excellence à la hauteur des plus grands auteurs de bande dessinée contemporaine

    Cette sélection de dessins frappe par autant par leur puissance, leur audace et leur expressivité – voulues – que par le soin porté au dessin. Le luxe mis dans les costumes de la série "Donjons et Dragons", les décors inspirés d’Escher ("Avec la froideur du Golem") et les corps, souvent féminins, représentés dans toutes les positions possibles et imaginables ("Nourriture pour tortues", "Conan au Harem", "Guerrières de la jungle") prouvent que Raúlo Cáceres est un réel virtuose.

    Le lecteur trouvera dans l’ouvrage des scènes horrifiques dans lesquelles sexe, horreur gothique et tortures font bon ménage ("Romans, Babarians and Zombies", l’incroyable "Enthroned Lady Death" ou encore "Verts gémissements"). Et non sans un humour très présent (la série "Éjaculation draconienne").

    L’univers du dessinateur espagnol est imprégné de fantasy, de tradition antique et de mythologie, à l’instar de ce ce Conan en très bonne compagnie, de "la reine des momies" ou de cette magnifique centaure que l’auteur intitule, non sans humour : "Amazotaure piétinant une bite".

    Les esprits chagrins conspueront très certainement des représentations où les femmes sont lascives, offertes à des monstres ("Sacrifice mutant",  "Minotaures", "Swamp Thing Loving") ou tout simplement sacrifiées, lorsqu’elles ne sont pas violées ou torturées ("Pisses de vampire : Elizabeth Bathory et Gorunta").

    Mais l’ouvrage est riche de guerrières et de femmes sans peur – quoique pas sans reproches : ce sont ces guerrière d’"Amour pétrifié", ces combattantes de "The Eternal Struggle" (censurée pour sexisme, prévient l’éditeur), cette vamp typiquement espagnole, "Morts récalcitrants de 1936", sans oublier Elisabeth Bathory, à la siombre légende, et qui avait l'objet d'un livre à part.

    Alors, horriblement sexy ou scandaleusement sexiste ? Ce sera au lecteur de juger. Cet ouvrage foisonnant et somptueux est en tout cas une vraie curiosité. 

    Pour adultes et personnes averties uniquement. 

    Raúlo Cáceres, Éros et Thanatos - Art Book, trad. Myriam Lobo, éd. Tabou, 2022, 80 p.
    https://raulocaceres.es
    https://www.facebook.com/raulo.caceres.3
    http://www.tabou-editions.com

    Voir aussi : "Monstre un jour, monstre toujours"
    "L’art de la débauche"

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  • Fatbabs, avec tout son amour

    Au fil des années et des rencontres, Fatbabs a multiplié les collaborations et produit des instrumentales pour entre autres Vanzo (Jamaïque), MC Kaur (Inde), Volodia (France), ou encore Balik (France). Le beatmaker ne se distingue pas que dans le reggae, et c’est bien là sa force. Il remporte en 2017 le contest de remix organisé par Wax Tailor grâce auquel il figure sur l’album By Any Remix Necessary. Fatbabs revient en ce moment avec son nouvel EP, Daily Jam – Aimer.

    "On A Daily" bouscule d’emblée l’auditeur avec son instrumental intense, suave et coloré, mélange de funk, de soul, de sons hip-hop et d’électro.  "Daddy’s Home" lorgne, lui, du côté de la Jamaïque dans un morceau rempli de nostalgie, en featuring avec Cellz. 

    Culotté et généreux

    Reggae encore avec "Where Do We Go", pour lequel Fatbabs s’est adjoint la collaboration de Naâman pour un morceau tout en harmonie et en tension, avec d’élégantes trouvailles sonores.

    Les amoureux du rap américain se régaleront de leur côté avec "Out Deh". Le flow de Tripl3 y est irrésistible, tout comme les apports des rythmiques et de l’électro.  

    Culotté et généreux, Fatbabs l’est assurément, ne serait-ce que dans sa manière d’inventer une nouvelle manière de faire de l’urbain et de rester sur une corde raide, entre hip hop, trip hop, reggae et électronique.

    L’EP se termine avec "Aimer" qui donne le sous-titre à l’opus. Le délicat morceau s’écoute comme une déclaration d’amour à écouter les yeux fermés. L’apport de cuivre donne au titre une texture chaleureuse, tout cela avec un son et une rythmique mêlant trip hop, reggae et jazz.  

    Tout simplement ébouriffant, généreux et chaleureux.

    Fatbabs, Daily Jam – Aimer, Big Scoop Records, EP, 2022
    https://www.facebook.com/fatbabsbigscooprecord
    https://www.instagram.com/fatbabs_beatz

    Voir aussi : "Fatbabs, Demi-Portion, Miscellaneous et compagnie"
    "Un bock party de Radio Kaizman"

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  • Je dis Namite

    En attendant la sortie de leur EP In The Storm, le groupe Nahaka dévoile leur premier single, "My Reggae Man".

    Plus que convaincant, ce titre saura convaincre y compris les auditeurs peu familiers du dub ce genre musical né du reggae jamaïcain.  

    "My Reggae Man", avec ces rythmes reconnaissables entre tous, est porté par Jodie Namite. La chanteuse porte sur ses épaules cette déclaration d’amour avec un sex-appeal embarquant totalement l’auditeur : "Oh my reggae man, makes me so high".

    Voilà qui est de bon augure pour la sortie prochaine de l’EP du groupe savoyard Nahaka.

    EP In The Storm : sortie prévue en septembre prochain 2022. 

    Nahaka, My Reggae Man, 2022
    https://www.facebook.com/NahakaDubLiveBand

    Voir aussi : "Fatbabs, Demi-Portion, Miscellaneous et compagnie"

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  • Klaudia Kudelko, à la bonne heure

    La pianiste Klaudia Kudelko sort cet été son premier album, Time, autour de deux compositeurs – Franz Schubert et Frédéric Chopin – et une compositrice, la Polonaise Grażyna Bacewicz que la pianiste entend faire découvrir ou redécouvrir.

    L’album commence avec les six Moments musicaux, D. 780, op. 94 de Franz Schubert, des œuvres pour clavier écrites entre 1823 et 1824 dans lesquelles la rêverie le dispute à la fantaisie et au lyrisme.

    Le Moment musical n°1, singulièrement léger, est servi avec retenue par une pianiste aux doigts de fée. Comme souvent chez le compositeur romantique, derrière l’apparente légèreté se cachent des douleurs indicibles. Le clavier élégant de Klaudia Kudelko vient entrouvrir la porte de ces tourments que le temps jamais ne vient effacer, à l’image du deuxième, mouvement musical, plaintif et consolateur tout à la fois.

    L’auditeur sourira au 3e Moment musical, véritable tube de Schubert en forme de danse, sur un rythme de barcarolle. La pianiste polonaise s’en empare avec un plaisir certain et communicatif, assurément, mais sans surjouer de la virtuosité.  Il est encore question de vivacité dans le moins connu 4e Moment musical aux couleurs chaudes, se déployant dans des nappes romantiques et non sans mélancolie amoureuse. La dernière partie du moment musical, allegro, revient vers l’allégresse des premières mesures. Le Moment Musical n°5, plus court (2 minutes 30) se fait plus expressionniste, pour ne pas dire tempétueux. 

    On retrouve avec le sixième et dernier Moment Musical ce qui fait l’ADN du compositeur Schubert : du romantisme assumé servi par la pianiste polonaise, délicate et toute en retenue. Ce dernier Moment Musical sonne comme un au revoir ou plutôt un adieu bouleversant. Le musicien allemand se laisse aller dans cette "Plainte d’un troubadour", jouant sur la longueur et la lenteur, comme s’il ne souhaitait plus retenir ses larmes. 

    Nul doute que le choix de cette Étude peut être interprété comme un engagement, en pleine guerre russe contre l'Ukraine

    Pianiste classique d’origine polonaise, Klaudia Kudelko ne pouvait pas ne pas faire un sort à son illustre compatriote, Frédéric Chopin. Elle consacre son album Time à trois monuments du répertoire romantique. Pour l’Étude op. 10 n°12 en ut mineur, dite "la révolutionnaire". Klaudia Kudelko démontre toute sa virtuosité dans cette œuvre demandant autant de technique que de qualités d’interprétation. Cette étude a été écrite par Chopin en 1831, soit quelques mois après l’insurrection de Varsovie contre la Russie tsariste puis le bombardement de l’armée russe. Nul doute que le choix de cette Étude peut être interprété comme un engagement de la part de l'instrumentiste, en pleine guerre russe contre l'Ukraine.

    Toute différente, l’Étude opus 27 n°7 en do dièse mineur donne tout le loisir à la pianiste de déployer son jeu aérien, mélancolique et onirique, à l’image de la Polonaise-Fantaisie opus 61 de Chopin. Klaudia Kudelko s’y balade avec un plaisir évident.

    L’auditeur français découvrira sans doute la compositrice polonaise Grażyna Bacewicz. Considérée par son  illustre contemporain Witold Lutosławski comme "une éminente compositrice polonaise du vingtième siècle et l’une des plus grandes femmes compositeurs de tous les temps". Pour Time, Klaudia Kudelko joue sa deuxième sonate. La modernité de cette œuvre, écrite en 1953, se nourrit de toute la tradition classique et romantique. Grażyna Bacewicz a composé une sonate au fort tempérament, servi par une pianiste ne se démontant pas et imposant un jeu robuste ("Maestoso"). Le "Largo" se déploie, lent et sombre, telle une marche funèbre. "Abandonne tout espoir", semblent nous dire la compositrice et la pianiste, jusqu’aux dernières notes s’éteignant dans un dernier souffle. Le mouvement "Toccata" vient clôturer l’album. Le morceau s’égaye avec liberté et gourmandise, comme si l’improvisation était à l’œuvre dans cette composition de Grażyna Bacewicz.  

    On peut remercier Klaudia Kudelko d’avoir fait connaître cette compositrice polonaise, prouvant par là-même qu’elle est une pianiste à l’univers passionnant et au panel musical très large, bien au-delà de Chopin – qu’elle sert du reste avec justesse.  

    Klaudia Kudełko, Time, C2 Management, 2022
    https://klaudia-kudelko.com
    https://www.facebook.com/klaudia.pianist
    https://www.instagram.com/klaudia.pianist

    Voir aussi : "Au salon avec Chopin et Haley Myles"
    "Elise Bertrand, ultra moderne romantique"

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  • Célestin n’est pas dans la lune

    Comme annoncé sur Bla Bla Blog, Célestin, dont nous avions parlé à l’occasion de son single "Miss Lune", est de retour avec son nouvel album, Deuxième acte. Un deuxième opus, donc, pour un garçon qui a enfilé un seyant costume de spationaute et délaissé la batterie du duo Fills Monkey pour un micro et quantité d’autres instruments.

    Outre "Miss Lune", bien entendu présent ici, Célestin, alias Sébastien Rambaud, propose une électro-pop bien fichue se mariant idéalement avec une chanson française, forte de textes aussi personnels que précis. C’est "Qu’est-ce qu’on fait là ?", interrogation personnelle, pour ne pas dire métaphysique,  que beaucoup, du reste, peuvent se dire : "Qu’est-ce qu’on fait là / Perdus dans un corps / Qui n’est au final / Qu’un moyen d’transport". L’auditeur pourra tout autant se laisser berner par le convaincant titre "Ma mère". Ce qui pouvait passer pour un hommage personnel et familial sur des rythmes saccadés et des sons électros est en réalité la confession d’un terrien alarmé et alarmant au sujet de notre environnement : "J’appelle mes 7 milliards de sœurs et de frères, / À changer le cours de nos vies délétères, / S’unir et tout faire, tour tirer d’enfer / Notre mère, la terre".

    Dans le même ordre d’idée, pour le morceau "Que votre année soit bonne", Célestin, tel un astronaute observant la planète bleue du haut de sa station spatiale, retrace en un peu plus de trois minutes la vie sur terre, du Big Bang à notre époque. Et si l’histoire de la terre pouvait tenir en une année, à quel jour la vie microbienne apparaîtrait ? Et l’apparition de l’homme ? Et le dérèglement climatique ? Vite, nous dit en substance le chanteur : "À ce rythme-là, on passera pas le réveillon, / A moins qu’on prenne enfin une « bonne révolution » / Je vais rester optimiste mais pour sauver l’monde, / Il reste qu’une seconde…" Tout aussi engagé, dans "Vendredi noir", Célestin se fait le croqueur d’une France divisée mais malgré tout unie lors de grandes tragédies, à l’instar du 13 novembre 2015 ("C’est un vendredi noir pour nos maisons bleues").

    Ne dites pas de Célestin qu’il est dans la lune et qu’il regarde notre monde de loin

    Plus déroutant, "Bonhomme de neige" propose un saut dans le temps en 3016… pour mieux parler de nous, avec finesse et humour : "Vous qui trônez sur les racines / De votre sapin généalogique, / N’oubliez pas que de sa cime, / Tombent les flocons de vos aïeux antiques, / Et c’est cette neige qui vous fait naître, / Alors n’oubliez jamais vos ancêtres".

    L’auditeur sera sans doute attendri par la jolie et sensuelle ballade "Tes lèvres", en duo avec Virginie Pascal. L’univers de Célestin séduit pour son univers poétique, dans lequel l’hypersensibilité affleure à chaque note. Ne dites pas pour autant de lui qu’il est dans la lune et qu’il regarde notre monde de loin. Il est au contraire bien là, près de nous, lorsqu’il organise par exemple un repas clandestin à l’hôpital pour son grand-père mourant ("L’œuf au plat"), lorsqu’il parle à son jeune garçon ("Souris à la vie") ou lorsqu’il interprète un chant de départ sentimental, sans regret ni remord ("Élodie").

    Le multi-instrumentiste qu’est Sébastien Rambaud sait marier la chanson française, l’électro, la pop, le folk et même le son urbain mâtiné de jazz ("Le temps"). L’humour n’est pas absent non plus dans ce deuxième album personnel, à l’instar de cet "Hommage au clitoris", singulier titre électro-pop engagé et féministe qui donnera matière à réflexion autant que sourire aux lèvres…

    L’album se clôt "M’aimes-tu ?", un très convaincant duo avec Juliette Dixo, enrichi d’un superbe quatuor à cordes (Arta Balarta). En peu de mots, Célestin parle de passion aliénante et d’amour fou : "Je suis là sans dessus-dessous. / Je suis lassé de ces facéties… / Déjà tu joues ce jeu dangereux. / J’essuie mes joues, je suis à genoux".  

    Voilà un deuxième acte réussi qui laisse augurer une suite de carrière solo prometteuse pour Célestin.  

    Célestin, Deuxième Acte, Believe / Inouïe, 2022
    https://www.facebook.com/CelestinOfficiel
    https://www.instagram.com/celestin.officiel

    Voir aussi : "Célestin a les pieds sur terre"

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  • Le manga pour les nuls

    Voilà un livre qui mérite à coup sûr de figurer dans les bibliothèques de tous les amateurs de dessins, les professionnels qui désirent approfondir leurs connaissances dans le manga et, aussi, en général, tous les passionnés de culture nippone.

    L’auteur de ce très beau manuel, intitulé tout simplement Dessine et anime tes Personnages de Manga (aux éditons Hoëbeke), est proposé par Ali Amrabet. Il est plus connu sous le pseudonyme de ZeSensei_Draws, un nom avec lequel il sévit sur la toile et les réseaux sociaux. ZeSensei_Draws est suivi par plus de 820 000 personnes sur Tiktok et plus de 35 000 sur Instagram. Il propose sur ses posts de courtes animations pour apprendre à dessiner et ses animés sont parmi les plus likés du réseau social TikTok. Il est également présent sur Youtube et sur Pinterest.

    Voilà pour l’auteur. Parlons maintenant de son livre.

    Le guide Dessine et anime tes Personnages de Manga propose une approche simple et efficace du dessin. Mais aussi très pédagogique. Ali Amrabet propose en introduction de rappeler que derrière un talent se cachent d’abord une envie, une passion, et ensuite une technique qui est à allier avec le travail et la "patience".

    L’auteur désacralise ce "don" pour le dessin et entend montrer que représenter un personnage, une tête, une main ou un buste tient souvent à une bonne approche, à de l’observation et à des astuces parfois basiques.

    Grâce à de très nombreuses illustrations – d'Ali Amrabet lui-même – le lecteur pourra découvrir que "chaque dessin, même le plus complexe, est en réalité composé de formes simples" : ronds, carrés, triangles ou ellipses.

    L’auteur met en garde sur les facilités à représenter des seins : "deux ronds" ne suffisent pas

    Son vade-mecum commence par les yeux qui constituent la partie centrale et la plus importante d’un personnage. Précisons d’ailleurs que la tête constitue le premier chapitre et aussi la moitié du livre. L’auteur n’oublie pas d’expliquer comment exprimer des sentiments sur un regard ou un visage, grâce par exemple à des détails et des accessoires (cicatrices, piercings ou lunettes).

    Le lecteur découvrira qu’il y a des techniques particulières, mais néanmoins abordables, pour représenter un nez ou des oreilles sous toutes leurs coutures. Une section assez détaillée est consacrée à la manière de dessiner les cheveux, leurs implantations et leurs mouvements.

    Outre la tête, l’anatomie du corps fait l’objet d’un chapitre entier : Ali Amrabet s’intéresse à la restitution au dessin du torse, du bras, du cou, des pieds ou des mains. Le buste féminin n’est pas oublié et l’auteur met en garde sur les facilités à représenter des seins : "deux ronds" ne suffisent pas…

    Les positions du corps et quelques-uns de ses mouvements sont également abordés. Ce qui offre une transition idéale vers la dernière partie du livre, qui est une présentation des techniques basiques d’animation. En quelques dizaines de pages, le lecteur aura une bonne initiation des outils et des éléments pour commencer des scènes animées.

    Pas de quoi, bien sûr, devenir tout de suite le prochain Eiichirō Oda, mais de quoi avoir envie à coup sûr de titiller votre plus beau beau porte-mine et dessiner votre premier manga.

    Ali Amrabet, Dessine et anime tes Personnages de Manga, éd. Hoëbeke, 2022, 192 p. 
    https://www.youtube.com/c/ZeSenseiDraws
    https://www.instagram.com/zesensei_draws/?hl=fr
    https://www.tiktok.com/@zesensei_draws?lang=fr
    https://www.pinterest.fr/zesensei_draws
    https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hoebeke

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"
    "Une pièce de plus dans la saga One Piece"

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