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Rarement une série aura été autant surveillée. Depuis la fin de la saison 4 de Game of Thrones, l'an dernier, les fans du monde entier piaffaient d'impatience à l'idée de découvrir la suite de ce véritable phénomène de société. Leur attente sera récompensée le 18 mars prochain avec une diffusion de cette saison, en avant-première mondiale, à la Tour de Londres – un lieu emblématique tout désigné, rempli de souvenirs d'exécutions, de trahisons, de règlements de comptes, de tortures... et peuplé de fantômes. Quoi de mieux pour une série de fantasy contant les luttes de pouvoir sur fond d'intrigues, de guerres, de violence et de sexe ? HBO diffusera l'intégralité de cette saison à partir du 12 avril.
Les spécialistes rappellent à juste titre qu'en matière de fantasy la trilogie du Seigneur des Anneaux représentaient jusqu'alors l'alpha et l'oméga de ce genre littéraire, mal aimé des critiques mais très apprécié du public. Un ouvrage tellement majeur (devenu également une œuvre cinématographique majestueuse grâce à Peter Jackson) que les ouvrages de fantasy postérieurs, jusqu'à aujourd'hui, s'en inspiraient plus ou moins. Or, il semblerait bien que Game of Thrones (Le Trône de Fer pour la version française) soit en train de devenir une référence en matière de fantasy.
Mais que trouvera-t-on au juste dans cette saison 5 ?
Les créateurs entretiennent le secret, tout en distillant quelques bribes d'informations. Nous apprenons par exemple que cette saison sera plus spectaculaire et plus sanglante que les précédentes. Afin de masquer les pistes, l'auteur du roman, George RR Martin, nous révèle que des personnages importants vont mourir (rien de nouveau, répondront les fans...), alors que ce n'est pas le cas dans les livres ayant servi à l'adaptation : "Tout le monde a intérêt à se tenir prêt. Les showrunners David Benioff et D.B. Weiss sont encore plus sanglants que moi", ajoute l'écrivain avec malice.
Qui passera l'arme à gauche ? Daenerys, Jon Snow, Arya Stark, Tyrion Lannister ? Les paris sont lancés !
Les admirateurs de la saga peuvent enfin se réjouir : il y aura bien une saison 6 – succès oblige. Il y aurait en tout cas matière à en faire trois ou quatre de plus sans problème, ajoute l'auteur, qui met la dernière main à son cycle de fantasy : au moins 3000 pages en cours d'écriture. De quoi alimenter pour quelques années encore cette série culte.
Il y a fort à parier qu’une fois commencées les premières lignes du livre 1 de 1Q84, il vous sera difficile de le refermer. Il se pourrait même que vous vous précipitiez sur les deux tomes suivants. Beaucoup s'y sont laissés prendre, au point que 1Q84 constitue une trilogie déjà culte.
Ce roman en trois volets au titre énigmatique (dont l’explication est distillée au fil des pages, non sans laisser autant de questions que de réponses) suit en parallèle le parcours des deux personnages principaux, Aomamé et Tengo, entre avril et décembre 1984 (à moins qu'il ne s'agisse de l'année 1Q84 !).
Sans dévoiler l’intrigue, tordue à souhait, disons qu’il est question dans ce premier tome d’un livre mystérieux écrit par une lycéenne (qui l’est tout autant), d’un professeur de mathématiques et écrivain embarqué dans un projet artistique risqué, d’une tueuse à gage, d’une secte dangereuse, des "little people" et de deux lunes… Il est aussi question du temps qui passe, d’amour, des traumatismes de l’enfance et de la poursuite de nos rêves.
C’est aussi le début d’une grande aventure, mêlant roman noir, fantastique et romance, pour Tengo et Aomamé, deux personnages extraordinaires que vous n’êtes pas prêts d’oublier.
La chaîne de la TNT Numéro 23 diffuse ce dimanche 22 février, à 22H45, Une Éducation, un film de Lone Scherfig, avec Carrey Mulligan dans le rôle principal.
Disons tout d’abord que ce long-métrage de 2010, qui se déroule dans l’Angleterre des années 60, est tirée du récit autobiographique de la journaliste britannique du Sunday TimeLynn Barber.
Jenny (Carrey Mulligan), 16 ans, n’a pour tout horizon qu’une vie rangée et ennuyeuse, sous la coupe de parents conservateurs. Élève brillante, violoncelliste douée, désireuse d’intégrer Oxford, elle n’est cependant pas certaine de pouvoir s’échapper de cet univers étriqué. Un jour de pluie, un inconnu lui propose de s’abriter dans sa voiture de sport. Il s’appelle David (Peter Sarsgaard). Il a une vingtaine d’années de plus qu’elle. Ce bel homme, insouciant, stylé, mystérieux, amoureux de la vie et dépensant sans compter, tranche avec le monde ennuyeux et fade de Jenny. Cette dernière est entraînée, avec celui qui devient rapidement son amant, dans un tourbillon de nouveautés : dîners chics, ventes aux enchères, voyages romantiques, rencontres inattendues, nouvelles amitiés. Mais ce monde doré et clinquant n’est-il pas un miroir aux alouettes ? Et la jeune fille sérieuse peut-elle abandonner l’éducation austère de ses parents pour une autre école – celle de la vie ?
La réalisatrice danoise Lone Scherfig a réussi à faire à partir d’un scénario finalement assez simple (une histoire d’amour scandaleuse entre deux êtres que tout sépare), un très élégant film, frais et délicieusement nostalgique. Mais Une Éducation est également le récit d’une initiation et du parcours d’une adolescente contrainte à un certain moment de choisir son avenir.
Il convient de dire un mot de l’actrice principale : Carrey Mulligan, 22 ans à l’époque du tournage, est bluffante dans son interprétation d’une adolescente de 16 ans. L’Académie des Oscars l’a saluée en lui décernant en 2010 la palme de meilleure actrice pour ce rôle. Peter Sarsgaard, que l’on avait déjà vu dans Jarhead ou Dans la Brume électrique prouve également l’étendue de son talent.
Numéro 23 donne aux spectateurs l'occasion de découvrir cette petite perle.
Depuis les attentats de Charlie-Hebdo, les journaux sont sous le choc et ont réagi à leur manière à l'attentat et aux atteintes aux libertés d'expression. Parmi ces revues, le journal satirique Sans-Culotte 85 a voulu marquer le coup.
Ce "canard vendéen qui ne joue pas les fayots" entend être le poil à gratter d'un Département encore largement influencé par un certain milieu catholique (traditionnel). Pour l'édition de février, un numéro spécial, la rédaction de Sans-culotte 85 a choisi de se nommer "Sans-Calotte 85", en réaction aux attaques islamiques (et religieuses) du mois de janvier. C'est aussi une référence, affirme la rédaction du journal, au fameux hors-série de novembre 2011, Charia-Hebdo. ("Un Charia-Hebdo à la vendéenne"). La Une du Sans-Calotte 85 représente l'évêque Alain Castet, dont la ressemblance avec le sénateur UMP local Bruno Retailleau peut troubler... Quant au titre "Ceci n'est pas un prophète", c'est un clin d'œil appuyé à la célèbre une du numéro 1178 de Charlie Hebdo.
Mais le choix éditorial le plus original de la revue satirique réside dans son traitement de l'attentat de Charlie Hebdo. Comme le rappelle Marie Coq dans un billet, "Il n'y a pas de blasphème qui tienne : personne n'a jamais forcé un musulman à caricaturer son prophète, puisque cela lui est interdit, et y'a (sic) aucun jugement à porter là-dessus." Le Sans-Culotte 85 (ou plutôt "Sans-Calotte 85") s'appuie, comme tout journal satirique qui se respecte, sur de nombreuses caricatures.
Or, ouvrant cette revue, le lecteur sera surpris de n'y trouver aucun des dessins caractéristiques de ce titre : en lieu et place des illustrations, caricatures et personnages croqués, le texte est parsemé de plages blanches, comme si un maquettiste malicieux ou mal intentionné avait décidé de sortir les illustrations de la revue ! Ces espaces vides sont autant de rappels à une liberté d'expression blessée et en danger.
En ayant choisi de sacrifier les caricatures, le Sans-Culotte 85 joue la provocation. Mais cette provocation est assortie d'une jolie pirouette, car ces caricatures manquantes dans la mise en pages sont finalement bien présentes... en fin de magazine, hors contexte, avec seulement les numéros de page indiquant leur emplacement originel. Il ne reste plus au lecteur qu'à se munir d'une paire de ciseaux et d'un tube de colle pour remettre les dessins à leur place dans la revue.
Cette manière forte d'interpeller le public sur l'importance de la liberté d'expression est aussi pour le bloggeur une manière de rappeler que la satire reste une tradition française ancienne qui est prête à vendre chèrement sa peau. Le Sans-Culotte 85 est dans cette droite ligne : "Nous sommes des Sans-Culottes... C'est pour cela que nous ne baissons pas nos pantalons !" est-il proclamé sur leur site Internet.
Son précédent album, Glad Rag Doll, piochait du côté du blues et de la comédie musicale. Cette fois, dans Wallflower, Diana Krall s'attaque au répertoire pop, rock et folk des années 60 et 70, avec deux exceptions cependant : "Don’t Dream It’s Over", une reprise des Crowded House (datant de 1986), "Feels Like Home", en duo avec Bryan Adams (de Chantal Kreviazuk, 1999) et le titre "If I take you home tonight", une nouveauté écrite par Paul Mc Cartney, dont il sera question un peu plus loin.
Dans Wallflower, la jazzwoman se fait crooneuse. Sa voix caresse chaque mot et chaque note, avec tact, élégance et sensualité. La chanteuse est accompagnée par une orchestration très classique : piano, cordes et quelques guitares et nous offre des versions soyeuses de "Desperado" (Eagles, 1973), "Sorry Seems To Be The Hardest Word" (Elton John, 1976) ou "I'm Not In Love" (10CC, 1975). Trois titres qui restent relativement fidèles aux originaux.
Reprise sans surprise ? Voire. Car l'auditeur est d'emblée cueilli à froid avec une interprétation langoureuse de "California Dreamin'" (1965). Mais là où les The Mammas & Papas se faisaient virevoltants, Diana Krall choisit la mélancolie. Mélancolie qui est le dénominateur commun de l'ensemble de l'album. Un album sans grande surprise diront les médisants, mais diablement efficace !
Hormis "Desperado", Diana Krall reprend un autre titre des Eagles, "I Can’t Tell You Why" (1980). Les fans du groupe californien auront sans doute un peu de mal à retrouver le titre pop psychédélique original. La chanteuse en fait une relecture latinos et plus légère.
L'artiste nous propose des relectures, et parfois des découvertes aussi voire plus convaincantes que les versions originales : "Alone Again (Naturally)", en duo avec Michael Bublé (Gilbert O'Sullivan, 1972), "Superstar" (avec la version des Carpenters, 1971), "Operator (That's Not the Way It Feels)" (Jim Croce, 1972) ou "Wallflower" (Bob Dylan, 1971), qui donne le titre à l'album.
Au milieu de ces titres, qui fleurent bon la nostalgie, figure un titre original, "If I take you home tonight" de Paul Mc Cartney. Mélodie imparable, orchestration soignée et interprétation inspirée : tout concours à faire de ce titre un futur standard de la pop. Il confirme également que Paul Mc Cartney est sans doute le meilleur compositeur vivant et Diana Krall une superstar et l'une des plus belles voix actuelles.
Non, ne fuyez pas en découvrant le titre de cet article !
Ce dont je vais vous parler concerne le choix éditorial d'un journal, Le Commercial du Gard, un hebdomadaire régional au choix éditorial que le bloggeur tient à saluer. De quoi est-il question dans ce journal ? Comme son titre l'indique, d'actualités commerciales locales principalement : sur 5 à 8 pages, en fin de revue, s'étalent des annonces aussi peu passionnantes que des liquidations judiciaires, dissolutions d'entreprises, constitutions et immatriculations de sociétés, ventes aux enchères publiques et autres avis de greffes de tribunaux.
Pas de quoi s'enthousiasmer, me direz-vous, sauf bien sûr si le Code du Commerce est votre livre de chevet !
Sauf que tout l'intérêt du Commercial du Gard réside précisément dans ses premières pages (quatre à six, voire plus, selon les éditions). Une telle gazette laisserait penser que le comité de rédaction choisisse de jeter son dévolu sur des sujets tels que l'économie, la politique ou des billets sur la le commerce local. Mais rien de tout cela. Le magazine nîmois (85 ans d'existence au compteur !) choisit régulièrement de couvrir un large faisceau de la vie culturelle : musique classique, littérature, cinéma, théâtre, opéra... et tauromachie !
Ainsi, à côté de ces classiques informations judiciaires et commerciales, le numéro du 11 février 2015 nous parle d'un enregistrement de pièces de Frédéric Chopin avant de s'intéresser à une biographie de Joseph Haydn par Frédéric Gonin. Ce billet classique partage la une (et oui !) avec la présentation d'un essai de Christine Clerc, consacré aux relations entre Charles de Gaulle et André Malraux.
Ce choix éditorial (les médisants parlerons "d'auberge espagnole") n'a rien de surprenant pour Le Commercial du Gard, qui assume parfaitement ses choix. Ainsi, dans les récents numéros, le lecteur peut y lire, pèle-mêle, un hommage au pianiste Aldo Cicolini (en photo), une présentation des folles journées de Nantes, un billet consacré à la fondation Maeght, des critiques de disques classiques de Nathalie Dessay, Alexandre Tharaud et Emmanuelle Haïm ou encore un article pointu sur les voies romaines en Gaule !
Les personnes allergiques à la tauromachie (en page 3) ne s'attarderont sans doute pas sur les chroniques régulières consacrées à ce "divertissement", et partageant la page avec un extrait des Diaboliques de J. Barbey d'Aurevilly, dans la grande tradition des feuilletons du XIXe siècle.
Du reste, la littérature n'est pas en reste avec une large place consacrée aux critiques de livres. Et là encore, c'est un certain éclectisme qui est de mise : avec Le Temps des Héros de Gérard Chaliand (éd. Bouquins), une compilation de textes épiques chantant les héros à travers les siècles, Les Gardiens de Dieu de François-Xavier Cerniac (éd. Cité Editions), un polar sur fond de secrets gouvernementaux et occultes et Deux Veuves pour un Testament (ed. Points Policier), un polar de l'auteure américaine Donna Leon.
Rareté, même pour une revue locale, Le Commercial du Gard ouvre largement ses colonnes aux sociétés savantes de la région : en l'occurrence, le lecteur régulier peut suivre numéro après numéro l'histoire de la ville de Nîmes (par un certain Ménard, membre de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres). En l'occurrence, c'est Charles Martel qui est à l'honneur dans l'édition que le bloggeur a parcouru.
Chaque numéro s'intéresse au cinéma. Pour le numéro du 11 février 2015, outre un focus sur le festival Écrans britanniques, une critique est consacrée au film de la réalisatrice autrichienne Jessica Haussner, Un Amour fou, "une (presque) comédie romantique sur le double suicide de l'écrivain Heinrich von Kleist avec une certaine Henriette Vogel qu'il connaissait à peine..."
Pour être complet signalons des rubriques classiques : recettes, mémento et éphéméride et conseils pratiques.
Finalement, le bloggeur salut dans Le Commercial du Gard une certaine idée de l'ouverture d'esprit, de la culture et des arts. Un beau résultat pour une revue locale, au départ consacrée à des informations commerciales et judiciaires peu sexy.
Héloïse Letissier, alias Christine & the Queens a été, comme on s'y attendait, la grande gagnante des Victoires de la Musique 2015.
En la consacrant artiste féminine de l'année et en récompensant son clip "Saint-Claude" (vidéo ci-dessous), l'académie des Victoires a consacré une artiste complète et exceptionnelle.
Après la mort de Mao, qui se souvient de la place qu'a occupée Montargis dans la naissance du parti communiste chinois ? Sans doute d'abord les protagonistes eux-même, et à commencer par Deng Xiaoping. Lors de son retour en France en 1975, cette fois en visite officielle, l'ancien étudiant souhaite revoir Montargis et "[y] manger des croissants" ! Ce voyage emprunt de nostalgie n'aura jamais lieu mais son ancien employeur, la multinationale Hutchinson, retrouve la trace de son passage dans les années 20 (voir l'article précédent). Il s'agit d'une fiche archivée. Par ailleurs, Deng Xiaoping n'aura de cesse de rappeler l'importance de cette petite ville du Loiret dans l'Histoire de la Chine moderne.
En 1982, la France, socialiste depuis un an (et avec des ministres communistes au gouvernement), forme de grands espoirs au sujet de ce gigantesque pays, "sur le point de s'éveiller". Ce dernier est en passe de respirer après plusieurs décennies de guerres civiles, d'une révolution culturelle terrible, de programmes politico-économiques lancés à la hussarde et de purges au plus haut sommet de l'État. Des millions de morts ont accompagné la mue de cette région du monde. Deng Xiaoping, l'ancien petit ouvrier de Montargis est à la tête de l'État et s'apprête à le moderniser contre vents et marées. Le "Socialisme à la chinoise" se voit mâtiner d'un libéralisme a priori contre-nature, ce qui ne semble pas troubler outre-mesure le pragmatique Deng : "Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, le plus important est qu'il puisse attrape des souris", affirme-t-il avec conviction.
Un voyage officiel est organisé en cette année 1982, rassemblant maires de grandes villes et industriels influents. Deng Xiaoping met une condition à ce voyage : que parmi les invités crânement présents figurent Max Nublat, le modeste maire (communiste) de Montargis. La journaliste Sylvie Braibant raconte avec verve et talent cet événement digne d'un film : "Max Nublat (...) fit sa petite valise, grimpa dans l'avion réservé à l'imposante suite française, fut placé un peu derrière les autres. Après l'atterrissage et alors que tous s'apprêtaient à descendre, des officiels chinois pénétrèrent dans la carlingue, très affairés, et demandèrent à tout le monde de se rasseoir, à l'exception de "Monsieur le maire de Montargis". Très étonné, et même légèrement inquiet, il passa donc devant tout le monde : au bas de la passerelle, sous une banderole de bienvenue déployée à son nom, une somptueuse limousine attendait. Il fut embarqué toutes sirènes hurlantes vers le Palais impérial. Là, les portes s'ouvrirent les unes après les autres. Dans la dernière pièce, un homme attendait tout sourire et les bras ouverts. Deng Xiaoping dit "dans mes bras Monsieur le maire de Montargis" et il serra bien fort contre lui un Max Nublat au bord d'une double apoplexie, physique et psychique."
Ému et nostalgique, Deng Xiaoping se souviendra longtemps d'anecdotes survenus cinquante ans plus tôt à Montargis : l'apprentissage de la valse dans un dancing, La Gloire (devenu un hôtel et restaurant étoilé), un PV récolté pour le non-fonctionnement du feu rouge d'un vélo ou le souvenir d'une collègue d'atelier aux yeux de couleurs différentes : "Impossible qu'il ne soit pas allé à Montargis", témoignera le maire de l'époque après coup.
Trente années se sont passées depuis cet événement diplomatique. Après la mort de Deng Xiaopingen 1997, les relations étroites entre la Chine et Montargis ne sont pas laissées lettre morte, loin s'en faut. Difficile à placer sur une mappemonde, la petite ville du Loiret tente cependant de cultiver cet héritage, non sans arrière-pensée économico-touristique. Timidement, des initiatives se font jour pour capitaliser sur les relations sino-montargoises : circuit touristique, musée de la Chine au 15 rue du Tellier (anciennement 15 rue du Pont de l'Ouche, un site qui avait servi de résidence à de jeunes Chinois), manifestations culturelles sous l'égide d'une ambitieuse association Amitiés Chine-Montargis et de sa charismatique présidente, Peiwen Wang.
Comment conclure cette série d'article sur les liens hors normes qui unissent une modeste ville française et une superpuissance ? Peut-être en évoquant un dernier protagoniste.
René Dumont, candidat aux élections présidentielles de 1974, était le fils de la directrice du collège du Chinchon, un des lieux d'accueil d'étudiants chinois. Du même âge que Deng Xiaoping, "l'homme au pull-over rouge" se lia d'amitié avec Cai Chang, agronome réputée et future vice-présidente de l'Assemblée nationale de son pays. Plus de cinquante ans après la venue de Li Shizheng, venu en France étudier l'agronomie, c'est René Dumont qui entreprend plusieurs voyages en Chine sur le même sujet. Il constate là-bas les évolutions agricoles de la réforme agraire chinoise de 1949, non sans naïveté ni aveuglement d'ailleurs("Saluons le dévouement des dirigeants chinois à l’intérêt national et à celui des travailleurs", écrit-il). Il en retire des enseignements sur l'agronomie marxiste ("Une autre politique de développement existe déjà, dans le pays le plus peuplé du monde, qui permet une croissance mesurée certes, mais sans aide extérieure, sans chômage, sans gaspillages, avec très peu de pollutions : celui de la Chine"). Il en vient à affirmer, en utopique patenté, ses convictions sur la nécessité d'une révolution mondiale... écologique.
Ce voyage d'un Montargois dans le pays de Deng Xiaoping, avec en arrière-fond l'agronomie chère à Li Shizheng, peut être lu comme un formidable pied de nez du destin. C'est aussi une manière fascinante de boucler la boucle de cette aventure humaine, sur fond de révolutions.
Un remerciement particulier à Peiwen Wang
Sylvie Braibant, "De Montargis à Pékin : le grand bond en avant", janvier 2013 Jérôme Perrot, "Montargis, l'étape secrète de la Révolution chinois", Humanité Dimanche, 16-22 octobre 2014 Régis Guyotat, "Montargis, berceau de la Chine nouvelle", Le Monde, 9 septembre 2006 Alexandre Moatti, "René Dumont : les Quarante ans d'une Utopie", La Vie des Idées, 11 juillet 2014 Association Amitié Chine-Montargis Musée de la Chine, 15 rue Tellier, Montargis