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Bla Bla Blog - Page 318

  • Habibi, mon amour

    Attention, chef d'œuvre ! Habibi de Craig Thompson est à placer dans le panthéon des très grandes bandes dessinées qui vont marquer durablement le 9ème art. Ce livre d'une richesse incomparable a été salué comme l'un des meilleurs romans graphiques de ces dix dernières années. 

    Il est difficile de résumer cette œuvre monumentale (plus de 670 pages), piochant ses références dans les Contes des Mille et une Nuits, les textes sacrés du Coran et de la Bible, mêlant modernité et traditions, sacré et érotisme, amour et violence, récit prosaïque et réflexions sur le symbolisme, le tout servi par un scénario passionnant et un graphisme élégant, poétique et bourré de trouvailles visuelles.   

    Habibi ("Mon amour") c'est Zam, jeune esclave noir que recueille Dodola, elle aussi esclave, vendue par son père dès son plus jeune âge pour être mariée, avant d'être enlevée. Sur un marché aux esclaves, la jeune fille prend sous sa protection Zam, un bébé abandonné et l'élève comme un petit frère. Les deux enfants parviennent à s'enfuir dans le désert jusqu'à un navire abandonné (sic) qui leur sert de refuge. Au bout de plusieurs années de cette vie libre mais dure, fusionnelle et rythmée par des histoires que lui raconte Dodola, le couple est séparé. Celle dont la beauté est devenue légendaire est enlevée une nouvelle fois et devient la courtisane préférée d'un sultan. Elle n'a cependant pas oublié cet enfant qu'elle a élevé. Habibi, resté seul, part à sa recherche. Ses pas le mènent jusqu'au palais du sultan ...

    Vous aurez compris que l'amour est au centre de cette histoire digne des meilleurs contes orientaux. Cette fresque romanesque offre des résonances multiples et complexes : les personnages mythiques ou historiques sont au service de messages universels et modernes : ainsi, dans Habibi, Noé devient un truculent pêcheur de poissons – morts ! – recueillant dans son habitation sordide les éclopés et les rejetés d'une ville rongée par la pollution et la pauvreté. Le lecteur peut être déstabilisé par le choix d'entremêler passé et présent dans cette œuvre foisonnante : Zam et Dodola sont ballottés au milieu de personnages qui ne dépareilleraient pas dans les Contes des Mille et une Nuits – satrapes cruels et capricieux, marchands d'esclaves sans foi ni loi, bourreaux impitoyables, eunuques ou courtisanes – mais se débattent aussi dans un présent plus familier – cités contaminés, usines gigantesques, véhicules motorisés... 

    Le lecteur a beau être désarçonné, la magie opère : Habibi et Dodola prennent vie, devenant un des couples les plus poignants de l'histoire de la bande dessinée. Un chef d'œuvre ambitieux, éblouissant et inoubliable. 

    Craig Thompson, Habibi, Casterman, 671 p.

  • Les monstres sont-ils parmi nous ?

    montargis,café philo,loiretLe café philosophique de Montargis proposera sa prochaine séance le vendredi 14 novembre, à partir de 19 heures, à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée. Le débat proposé à tous les amoureux de la philosophie portera sur cette question : "Le monstre est-il parmi nous ?"

    Les participants seront invités à s’interroger sur ce terme de "monstre". Que qualifie-t-il ? Un être effrayant ? Un fou ? Une personne anormale ? Dans ce cas, comment qualifier normalité et anormalité ? De plus, lorsque l’on s’interroge sur cette question "Le monstre est-il parmi nous ?", que désigne le "nous" ? L’humanité, notre environnement ou bien moi-même en tant que personne ?

    Voilà autant de points qui seront soulevés le vendredi 14 novembre 2014 à partir de 19 heures, à la Brasserie du centre commercial de La Chaussée.

    Participation libre et gratuite.

    http://cafephilosophique-montargis.hautetfort.com

  • Encore des nouilles

    Pierre Desproges a signé des chroniques dans Cuisines et Vins de France. Étonnant, non ? 

    En 1984, cette célèbre revue culinaire, à la réputation sérieuse, pour ne pas dire bourgeoise et collet monté, eut l’idée de proposer une page par mois au plus trublion des humoristes français, Pierre Desproges. Pendant environ un an, celui qui ne cachait pas sa passion pour la gastronomie et le vin fit étalage de tout son talent dans ce magazine bien-pensant, quitte à défriser certains lecteurs et lectrices (ayons une pensée pour cette madame Vallat de Millau, impitoyable brocardée par l’auteur). 

    Encore des Nouilles est la compilation de ces chroniques, accompagnées de citations d’autres œuvres de M. Cyclopède  et d’illustrations de Cabu, Charb ou Wolinski. C’est avec sa liberté coutumière que Pierre Desproges nous parle de sa passion pour la bonne chair et les grands crus, de ses souvenirs culinaires (d’inoubliables pâtes dégustées au Québec), des pages surréalistes sur les sauces ou la médiocrité de l’eau, des considérations sur la passion œnologique de l’auteur et de belles et truculentes pages sur les relations étroites entre le palais, le vin, l’amour et les femmes.

    Tout Desproges est dans cette citation tirée de l’article "L’aquaphile", chronique d’une passion déçue : "J’ai commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré. Introuvable, sublime. Rouge et doré comme peu de couchers du soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Éclatant en orgasme au soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue. Cette conne a mis de l’eau dedans. Je ne l’ai plus jamais aimée.

    Pierre Desproges, Encore des Nouilles (chroniques culinaires), éd. Les Échappées, 2014, 128 p.

    Merci à Fred

  • Comics Nietzsche

    nietzscheNietzsche en bandes dessinées...  Oui, vous avez bien lu : c'est d'un comics sur "le philosophe au marteau" dont je vais vous entretenir, avec Michel Onfray pour le texte et Maximilien Le Roy pour les illustrations.

    En quelques 130 pages, toute la vie et l'œuvre de Friedrich Nietzsche sont passées au crible : son origine dans une famille protestante, ses débuts brillants en philologie à l'université de Bâle, l'influence de Schopenhauer, ses essais largement ignorés lors de leur publication (Humain, trop Humain, Ainsi parlait Zarathoustra, Ecce Homo...), ses relations amicales puis sa brouille avec Richard Wagner, sa relation tumultueuse avec Lou Andreas-Salomé, la construction de ses grandes théories (l'éternel retour, la mort de Dieu, l'influence des philosophes antiques, l'idéal d'un nouvel humanisme, etc.), les dernières années de réclusion et de maladie du philosophe (le fameux cheval de Turin), lorsque son œuvre commence à être lue et reconnue dans le monde.

    Michel Onfray choisit de consacrer une partie de cette bande dessinée à la légende noire d'un Nietzsche antisémite et théoricien d'une race "supérieure" (le fameux Surhomme). Il est rappelé que rien n'est plus éloigné des idéaux de ce philosophe indépendant, solitaire, admirateur des philosophes antiques, traumatisé par la guerre de 1870, antimilitariste, voyageur européen amoureux de l'Italie et ennemi de toute forme de nationalisme et de racisme. Nietzsche s'est d'ailleurs brouillé avec Wagner, comme avec sa propre famille, en raison justement de leur antisémitisme. Les auteurs rappellent du reste que c'est sa propre sœur qui a galvaudé son œuvre, jusqu'à créer des textes apocryphes (La Volonté de Puissance), faisant de Nietzsche l'incarnation d'un philosophe à la réputation noire. Une réputation injuste que les auteurs contribuent à rétablir avec talent et persuasion dans cette bande dessinée.

    Maximilien Le Roy et Michel Onfray, Nietzsche, se créer Liberté,
    éd. Le Lombard, 2010, 129 p.

  • Vitax® (et autres nouvelles)

    Vitax®, recueil d’Yves Bernas sorti en 2013, rassemble 17 nouvelles étonnantes qui baladent le lecteur dans des univers bien différents. Elles prouvent les multiples facettes et le talent d’un auteur à suivre.

    Chroniques minutieuses et textes brefs alternent dans ce livre qui démarre par une formidable farce tragicomique : Capitaine Gaspard met en scène un détestable officier, brimant sans vergogne des appelés inoffensifs, jusqu’à un retour de bâton inévitable. La troisième nouvelle suit cette veine plutôt réaliste : Docteur Wunderlich est le portrait écrit à deux voix d’un médecin remarquable mais au lourd secret et à la poursuite d’une rédemption. Il est également de rédemption et de fautes dans David Forster, la plus américaine de ces histoires.  

    Vitax®, qui a donné le nom à ce recueil, est sans doute la nouvelle plus frappante. Dans un monde dystopique, Spike Thorn doit assumer sa condition d’être Bêta, soumis aux pires vexations dans une société  hyper hiérarchisée et dominée par un étrange produit, le  Vitax®, aux pouvoirs régénérant étonnants (ne cherchez pas ce produit miracle dans le commerce !). On peut ne pas être sensible au style onirique et fantastique de ce texte (qui n’est pas sans rappeler le film eXistenZ de David Cronenberg) mais cette histoire marque les esprits par sa noirceur poétique.

    La deuxième partie du recueil rassemble d’autres textes mêlant naturalisme, lyrisme et surnaturel de manière plus ou moins convaincante. Les influences d’Edgar Allan Poe ou Oscar Wilde sont manifestes dans Le Miroir ou Greeneisen. Le lecteur prend de plein fouet l’humour noir de La Tzigane. Mais l’on peut surtout retenir la nouvelle Sang d’Encre, de facture kafkaïenne, une histoire classique de pacte faustien rondement menée.

    Voilà un premier livre prometteur dans lequel, malgré la disparité des textes, Yves Bernas montre la richesse de son univers  littéraire et l’étendue de son talent. De ce point de vue, il en a sous la pédale.   

    Yves Bernas, Vitax® et autres nouvelles, Amazon, 215 p.
    http://ybernas.de

  • Lady Vegas : la surdouée, le prof et la poissarde

    Tamara Drewe et Beth Raymer. Les héroïnes des deux films de Stephen Frears, Tamara Drew et Lady Vegas, ont au moins trois points communs : l’ambition de deux jeunes femmes de refaire leur vie, leur outrageante beauté qui va faire tourner la tête de quelques hommes et l’art de porter le mini-short !

    Mais là où Tamara Drewe (Gemma Aterton), le personnage principal du film éponyme, pose ses bagages dans le village de son enfance so british, la candide Beth (Rebecca Hall) entreprend de faire fortune dans la plus artificielle des villes occidentales, Las Vegas. Après une brève carrière dans le strip-tease à domicile, notre Lady Vegas y découvre sa voie dans les paris sportifs où elle s’avère vite surdouée et chanceuse. Elle y trouve, pour le coup, un ami attentif en la personne de Dink Heimowitz (Bruce Willis) et une famille de substitution dans laquelle Tulip (Catherine Zeta-Jones), l’épouse de Dink, finit, contre toute attente, par jouer un rôle non négligeable.

    On peut faire la fine bouche devant cette petite comédie de Stephen Fears. L’auteur des Liaisons dangereuses ou de My beautiful Laundrette offre, avec Lady Vegas, une escapade fraîche mais sans surprise dans le milieu de l’argent facile, avec un happy-end à la clé. Frears est cependant bien trop doué et malin pour se cantonner dans un film commercial uniquement distrayant. 

    Il convient de rappeler que Lady Vegas est aussi et surtout l’adaptation du récit de Beth Raymer, Lay The Favorite. Cette ancienne journaliste y conte son expérience de l’industrie du sexe et des jeux d’argent. Les chassés-croisés amoureux et amicaux, les ambitions et les jalousies sont l’occasion de brosser le portrait d’une Amérique libérale obnubilée par le Roi Dollar. "Las Vegas et Wall Street : même combat !" semble asséner Frears lorsque la fausse ingénue rejoint son petit ami Jeremy (Joshua Jackson) à New York, avant unes escapade professionnelle au Costa-Rica avec son nouvel associé Rosie (Vince Vaughn), le double sombre de Dink. Bravant les lois fédérales sur les jeux d’argent, Beth y découvre aussi amèrement le revers de cette fortune, avant une pirouette finale et une fin convenue. 

    Lady Vegas, modeste étape américaine dans la brillante carrière de Stephen Frears, trouve finalement son plus grand intérêt dans le jeu des acteurs. Rebecca Hall est la révélation de cette comédie sympathique pour son rôle d’ingénue ambitieuse et sexy. Bruce Willis, en contre-emploi, se distingue quant à lui en quinquagénaire installé, blasé et bienveillant. Soulignons enfin le retour sur les écrans de la trop rare Catherine Zeta-Jones : un brin cabotine, elle s’en sort plutôt bien dans le portrait d’une épouse superficielle, jalouse et poissarde. 

    Finalement, Stephen Frears a su tirer vers le haut cette comédie légère. Qui aurait pu en douter ?      

    Stephen Frears , Lady Vegas : Les Mémoires d'une Joueuse, 100 mn, 2012

  • Qui es-tu, Nico ?

    Nico, magnifique blonde incendiaire des années 60 d'origine allemande, également mannequin, est l'héroïne de cette bande dessinée originale.

    Cela ne vous rappelle rien ?

    Les fans du Velvet Underground auront tout de suite fait l'analogie avec la chanteuse Nico, top-model, égérie de nombreux artistes de cette époque et chanteuse folk aux disques légendaires (voir la vidéo en bas de cet article).

    Dans le premier volume de cette série, Nico renaît sous les traits d'une espionne, en pleine guerre froide. CIA, KGB ou agents-doubles s'affrontent autour de secrets technologiques capables de changer le cours du monde.

    Rien que de très classique, me direz-vous, dans cette histoire digne de Ian Fleming ! Sauf que cette bande dessinée, très datée année 60, est en réalité une uchronie. Le lecteur découvre des sixties bien différentes de celles que le XXe siècle a connu : après la seconde guerre mondiale, l'écrasement de soucoupes volantes en URSS et aux États-Unis (à Roswell) a bouleversé l'ordre du monde, en exacerbant plus encore les tensions entre les deux superpuissances. La technologie a fait des bonds en avant prodigieux, grâce à ces technologies extraterrestres tombées du ciel. Les moyens de transports supersoniques sont courants et des villes futuristes ont poussé. Le lecteur apprend également que Marilyn Monroe est toujours vivante, tout comme John Fitzgerald Kennedy et Staline. En pleine guerre froide d'un autre genre, la sémillante Nico part en mission à Paris recueillir les informations d'un espion. Prise au piège après la mort de ce dernier, elle n'a d'autre choix que de fuir en Autriche grâce à son père adoptif, ce dernier ayant trouvé là-bas la mère naturelle de notre héroïne.

    Qui est Nico ? Cette histoire divertissante d'espionnage, au graphisme élégant, pose la question de l'identité. Un troublant jeu de miroir renvoyé au lecteur lorsque ce dernier apprend que, dans ces années 60 fictives, le Velvet Undergroud enregistre son premier album avec une chanteuse et mannequin prénommée... Amanda. Pendant ce temps, notre Nico commence une carrière d'espionne, en route vers son destin – mais aussi son passé.

    Berthet et Duval, Nico, 1, Atomium-Express, éd. Dargaud, 56 p., 2009

  • Il est de retour

    Il est de retour. Qui ? Adolf Hitler. Quand ? De nos jours.

    Voici le pitch étonnant et provocateur de ce best-seller allemand. Timur Vermes choisit d'aller droit au but dans cette satire au vitriol : soixante-dix ans après sa mort, sans que le lecteur ne sache pourquoi, l'ancien chancelier nazi se réveille au milieu d'un terrain vague, pour découvrir une Allemagne en paix et bien différente de ce qu'il connaissait : une femme est au pouvoir, la démocratie est bien installée, l'Europe est en paix, les Turcs ont pignon sur rue et les citoyens allemands ont perdu tout sens de combativité. L'ancien Führer décide de se remettre sur le devant de la scène, aidé en cela par une société de production. Après s'être familiarisé très facilement avec les moyens de communication modernes (smartphone, Internet, etc), il s'offre une tribune à la télévision et sur Internet et s'avère efficace en diable. Et, contre toute attente, son discours reçoit une large écoute.

    Un roman engagé qui ne prend aucune pincette pour dénoncer la montée des extrémismes, le populisme, la démagogie et la crédulité ambiante. 

    Timur Vermes, Il est de Retour, éd. Belfond, 406 p.