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  • Nosonic, plus qu’assez bien

    Allez, un peu d’électro-rock et du bon, avec une découverte en la présence du groupe franco-irlandais Nosonic. "Je ne serai jamais assez bien" clament d’entrée les têtes chantantes du duo dans un titre envoyé sans complexe. Mélodie entêtante, rythmique enlevée et son électro impeccable ("Assez bien").

    Pour leur troisième album, La nuit et le jour, Nosonic choisit de ne pas choisir entre chanson, pop-rock et électro. Le mélange des couleurs leur va très bien, à l’instar du "Monde à l’envers" à la facture eighties.

    Il y a sans nul doute de la fraîcheur chez le duo pour qui la liberté, l’optimisme et le lâcher-prise sont une vraie philosophie : "Le temps n’a plus d’importance quand on y pense", chantent-ils ("Oublie le temps"). L’amour n’est pas oublié dans ce dialogue musical à deux. C’est "Encore et encore", l’aveu d’un couple soudé envers et contre tous et se connaissant par cœur : "Tu lis toujours en moi comme un livre aux trésors qu’on ne retrouve pas".

    L’auditeur goûtera avec plaisir le titre d’électro-pop "Le quart d’heure de gloire" voguant entre amour et désamour, reproches et considération. C’est l’histoire d’un couple s’auscultant mutuellement, avec tendresse mais aussi lucidité ni cruauté ("J’ai appris à te regarder / J’ai appris aussi à te désaimer / Te déshabiller ça m’a fait toujours peur / Je suis un enfant / Qu’en as-tu fais, malheur".

    Pour leur troisième album, Nosonic choisit de ne pas choisir entre chanson, pop-rock et électro

    "Le dialogue" se fait plus rock, un rock dans lequel le duo s’interroge sur ce qui fait l’humanité, la la vie en société comme la vie en couple : "Si le dialogue s’en va / Dis-moi il reste quoi / Peut-être un  peu les restes / D’un amour brisé". La question est là. Ira-t-on mieux si le dialogue s’en va ? Les Nosonic ne répondent pas à la question. Pourra-t-on faire la fête ? "Bon débarras peut-être" ? Cependant, "Mais qu’est-ce qu’il restera ? / De la haine ou de la joie ?" Finalement, c’est une ode au rapprochement entre nous qui est au cœur de ce titre à l’humanisme bienvenu. Quant à "Parler dans le vent", le groupe choisit la pop sur un thème similaire, la communication ("Échanger les idées / Et ça devrait aller").

    "La nuit et le jour", le titre qui donne son nom à l’album est sans doute le plus représentatif de l’album. L’électro-rock est au service d’un morceau sombre, cruel et à la belle densité. On peut parler ici d’un éternel retour, ces erreurs que l’on fait et refait et qui font souffrir, "Encore une histoire, entre la nuit et le jour, entre nous et le jour".

    Le groupe reprend "Debout", un de leur titre emblématique dans une nouvelle version. Nous voilà dans du rock rugueux au service d’un titre plein de nostalgie. La chaleur d’une boîte de nuit c’est "le bruit du bonheur", la musique, la danse, les cris l’amour, la folie et l’insouciance. Bonheur passé, nostalgie ou souvenir amer ? Le temps a passé et il semble les Nosonic portent un regard désabusé sur ces nuits "à dormir debout".

    Une déclaration d’amour vient conclure l’opus. "Aller haut" est un dialogue à deux dans lequel le couple se promet d’avancer ensemble, sans cacher pour autant cacher les écueils : les silences, les malentendus et les incompréhensions. "Des fois on se saoule / Après on boit". De là à dire que tout est perdu, non ("Je voudrais aller haut, si haut, pour toi").

    Et si Nosonic était l’un des meilleurs ambassadeurs du dialogue entre les peuples, les couples et les individus, pour la paix, la tolérance ou l’amour ? Au choix. Mais sans illusion.    

    Nosonic, La nuit et le jour, Le Son Des Villes / Believe, 2024
    https://www.nosonic.fr
    https://www.facebook.com/Nosonic
    https://www.instagram.com/nosonicworld
    En concert le 25 octobre 2024 au Cork Jazz Festival (Cork, Irlande)

    Voir aussi : "Kamas, décalée sans caler"
    "Sorcières, magiciennes et incendiaires"

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  • La Pléiade avec Outre Mesure

    La Pléiade en musique, le double album proposé par la Compagnie Outre Mesure a la particularité d’être autant une compilation de musiques Renaissance, un aperçu littéraire de cette époque – Du Bellay Ronsard ou Tyard – qu’un projet de recherche musicale.

    Voilà un singulier programme artistique, passionnant tout autant que revigorant intellectuellement. Il donne à voir et surtout écouter une période – le XVIe siècle – au cours de laquelle la langue française s’est définitivement imposée dans notre pays. Le livret de l’album rappelle qu’en 1539 l’Ordonnance de Villers-Cotterêts entérine un usage du XIIIe siècle. Le français s’impose officiellement dans les actes officielles et se normalise.

    Dans cette mouvance, un cercle littéraire s’attaque à la défense et à l’illustration du français. C’est La Pléiade, entrée pour toujours dans l’histoire. Ses membres se nomment Joachim du Bellay (1522-1560), qui tient une place importante dans l’opus, Pierre de Ronsard dont nous fêtons cette année les 500 ans (1524-1580), mais aussi Pontus de Tyard (1521-1582), Jean Bastier de la Péruse (1529-1554), Guillaume des Austels (1529-1580), Étienne Jodelle (1532-1573), Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), puis Rémy Belleau (1528-1577), Jacques Peletier du Mans (1517-1582) et Jean Dorat (1508-1588).

    L’album de la Compagnie Outre Mesure propose un choix de textes, parfois très connus ("Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage" de Du Bellay, "Quand vous serez bien vieille" ou "Mignonne allon voir si la rose" (sic) de Ronsard), parfois des découvertes de Jean-Antoine de Baïf ("O roze reine des fleurs"), de Pontus de Tyard ("Mon œil aux traits de ta beauté") ou de Jodelle ("Je me trouve et me pers, je m’assure et m’effroye").

    Si le récitatif est régulièrement utilisé, c’est sous forme de déclamation respectant la prononciation archaïque jusqu’aux roulements de "r" ("Quand à ceulx, qui ne voudroient recevoir ce genre d’escripre" de Du Bellay, "Recherche qui voudra cet Amour qui domine" de Jodelle, "O Roy, Le grand moteur du tout" de Jean Dorat ou "Comme on voit sur la branche" de Ronsard). L’auditeur trouvera, bien entendu, des adaptations musicales, sous forme de polyphonies que l’on redécouvre. C’est Claude Le Jeune et la polyphonie d’"O roze reine des fleurs" ou "Une puce j’ay dedans l’oreille helas", polyphonie de Fabrice-Marin Caietain d’après un texte de Jean-Antoine de Baïf.

    Une vraie jolie découverte à enseigner dans les écoles de France et de Navarre

    L’auditeur sera frappé par la modernité autant que l’inventivité humoristique de "Dame de beauté positive" de Pontus de Tyard. Une vraie belle découverte à enseigner dans les écoles de France et de Navarre. Pour le reste, nous voilà dans une époque ancienne, dans cette Renaissance souvent fantasmée et derrière laquelle on devine les lointains échos du Moyen Âge ("Sur un luth").

    La polyphonie domine en Occident l’histoire musicale depuis le IXe siècle. Durant ce siècle de la Pléiade, elle vit ses derniers instants de gloire. L’adaptation chorale de "Rozette pour un temps d’absence" (Philippe Desportes) en est un brillant exemple, tout comme l’élégant "Cigne je suis de candeur" composé par Claude Le Jeune sur un texte de Jean-Antoine de Baïf. Il convient cependant de préciser que la Compagnie Outre Mesure a confié à plusieurs contemporains actuels le soin de mettre en musique plusieurs mélodies, que ce soit "O pucelle plus tendre" de Ronsard ou cette "Rozette…" dont la polyphonie en quatre parties a été adaptée par Marc Busnel. Ce dernier restitue avec talent et profondeur les mélodies de Pierre Certon pour le poème de Du Bellay "En ce moys delicieux".  Il est encore à l’œuvre dans la polyphonie "L’amour qui me tourmente", poème écrit par Jean-Antoine de Baïf, sur des airs de Fabrice-Martin Caietain. Citons encore le "Chant des nymphes de la Seine" et "Comme la Corne argentine" de Remy Belleau. Parlons encore de cette délicate et consolante pavane de Jean-Paul Paladin sur un poème de Du Bellay, "A son luth".

    Disons-le. Ce double-album est une vraie expérience musicale issue d’un véritable laboratoire artistique qu’est l’ensemble de la compagnie vendéenne Outre Mesure. Une véritable magie opère lorsque la polyphonie prend vie, à l’instar des délicieux "Puis que les yeux qui tout mon bon heur portent" de Jean-Bastier de La Péruse ou "Si vous regardez madame" de Du Bellay – encore lui. L’auditeur sera sans doute frappé par cette chanson à l’étonnante modernité qu’est "Puis qu’il vous plaist de moy estre servie" sur un poème de Jacques Peletier. Elle a été mise en musique par le compositeur Renaissance Dominique Phinot. Une contemporain nous apprend qu’en 1560, il a été brûlé en place publique pour homosexualité. On sera tout autant touché par la polyphonie a capella "Souspirs ardens".

    Le morceau le plus long de l’opus est l’impressionnante et lyrique "Déploration du bel Adonis" de Mellin de Saint-Gelais composée d’une déclamation, d’une mélodie recueillie par Jehan Chardavoine et d’une polyphonie d’Adrian Le Roy.

    Le double album se termine par le charmant, archaïque et attirant "Je veux aimer quoy qu’on en veuille dire", dont on pourra lire un message féministe avant l’heure.  

    Le dernier mot de cette chronique sera pour Joachim Du Bellay : "J’ay toujours estimé la poësie comme ung somptueux banquet". Alors, bonne écoute… et bonne ripaille.  

    La Pléiade en musique & autres Voix de Ville, Compagnie Outre Mesure, Label COM, 2024
    https://www.compagnie-outre-mesure.com

    Voir aussi : "1, 2, 3 Leïla !" 
    "Éternelle et musicale Norvège"
    "Fauré 2024"

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  • 1, 2, 3 Leïla !

    On retrouve Leïla Huissoud avec bonheur, telle une copine ou une petite sœur, avec sa sensibilité, ses blessures mais aussi une joie de vivre teintée de mélancolie.

    La maladresse, son dernier opus, écrit et composé après la crise sanitaire, est un voyage intime d’une musicienne attachante et lucide sur les difficultés du métier d'artiste. En parlant de voyage, l’auditeur sera cueilli dès le début de l’album avec le périple en train qu’est "Avant Nantes". On imagine Leïla Huissoud en passagère d’un TER en direction de la Loire-Atlantique. C’est avec tendresse que la musicienne slame sur ses voisins et voisines dont elle imagine la vie et le quotidien : "Les collégiens, les salariés, les lycéens, les habitués quotidiens du train… Les Bouchers, des médecins, des techniciens spécialisés, des gens biens qui vont au travail. C’est un beau début de journée".

    Si un seul terme convient le mieux à Leïla Huissoud c’est bien celui d’humaniste. La chanteuse le prouve avec la tendre et triste "Lettre aux paumés". Elle offre un  hommage aux gens de peu, aussi discrets que pudiques dans leur malheur : "Quand ils s’offrent c’est à la nuit / Ils ont lâché la rancœur / Leur douceur ne vient pas du joli / Mais de béances à l’intérieur".

    Avec "Jolies frangines", un titre de son précédent album Auguste, Leïla Huissoud avait prouvé qu’elle était une chroniqueuse incroyable de l’enfance. Elle le prouve encore avec "L’ascenseur" et, mieux, avec le diptyque que forment "Soleil 1, 2, 3…" et "1, 2, 3 Soleil !" Ce jeu des cours de récréation est un joli fil conducteur pour parler d’amour, de séduction, d’attachement et d’espérance ("Soleil 1, 2, 3…"). Est-ce une bonne idée que de tomber amoureux, se demande-t-elle ? N’est-ce pas risquer de souffrir ? "1, 2, 3 Soleil !" y répond par une déclaration enlevée jazzy : "Si vous saviez comme je vous aime quand je mets mes lunettes de sans-gêne / On dira que je vous surveille / 1, 2, 3 Soleil ! / Messieurs, dans mes bras !" Décidément, les jeux de l’amour et du hasard restent un sujet éternel d’inspiration.  

    Accompagnée de sa seule guitare, Leïla Huissoud fait de "Mon spectacle s’appelle…" se veut une confession sur la difficulté de se livrer au public et d’être l’objet d’une critique : "En haut de la bio, on lit ‘grosse merde’ ou ‘la moisie’, j’hésite encore". Introspective, l’ex-candidate de The Voice (nous sommes en 2014) revendique sa liberté et sa force de caractère : "Mon credo c’est d’en faire le moins / L’errance c’est un beau chemin". 

    La qualité d’écriture de Leïla Huissoud est non seulement évidente mais en plus insolente

    La qualité d’écriture de Leïla Huissoud est non seulement évidente mais en plus insolente. Il faut bien écouter ses paroles, à l’instar de "La ligue des justiciers", avec Théo Bonneville en featuring, le touchant portrait d’un homme heureux, libre, léger ("Ouais j’me sens bien"), mais aussi hymne à l’amitié et au bonheur.  

    L’auditeur sera sans nul doute touché par l’un des meilleurs titres de l’opus, "À tes amours". Ce morceau a été écrit comme une adresse à toutes ces femmes, ces "demoiselles, ces amantes, ces amours et ces chagrins",  qui ont changé à jamais l’homme qu’elles ont aimé - d'un amour certes éphémère. "Derrière un grand homme, il y a ces drames et ils ressemblent à vos prénoms" chante-t-elle. Nostalgie ? Non, plutôt un hommage aux histoires d’amour passées qui forment, construisent et rendent meilleur. "Si vous saviez comme il est beau à se cramponner à demain". Merci qui ? Voilà qui rend les ruptures moins douloureuses.

    À l’instar de PR2B et sa superbe "Lettre à P." (Rayons Gamma), la jeune chanteuse propose une jolie déclaration à son père ("Lettre au père") avec piano et voix. Au milieu de la chanson, elle lui lance une invitation à remonter la pente et reprendre le chemin de la vie ("Mais bordel qu’est-ce que ça fait mal de voir son héros s’effondrer / Putain, papa, tu peux tomber / Putain, papa tu sais être con et même des fois t’as pas raison / Merci de nous avoir tout tombé… / Allez, le daron, c’est pas trop tard".

    Il est encore question d’enfance dans "Chanson éducation" dans lequel la musicienne dit merci à ses professeurs, en dépit de son caractère brouillon et de son talent artistique que des enseignants et enseignantes ont su voir. Mais il est aussi question de ces autres professeurs, ces "éducateurs par l'impudeur", qu'ils s'appellent Ferré, Brassens ou leprest. Et là, la magie opère. En quelques mots, Leïla Huissoud parvient à travers un portrait d’elle-même, elle, l’artiste attachante, la "chianteuse", comme elle s'est surnommée elle-même : "Éducation par l’impudeur / Et pas plus balèze qu’un loser / je reprendrais bien un petit bout de cœur / Inadaptée, inarrêtable, indispensable, incapable / Habilement abîmée / Violemment  emportée par les vents détournés / Par les tourments des gens."

    Leïla Huissoud chante pour ces autres femmes, ses sœurs, celles qui semblent être "une déception déguisée en fille" et dont la maison devient, hélas, un refuge ("Déguisée en fille"). Dans une langue poétique, dense et toujours subtile, l’artiste parle de ces femmes invisibles, mises de côté, alors qu’elles devraient avoir accès à leur place, aux mouvements, à la liberté et sans être la cible de clichés (fragilité, hystérie, folie). Bref, à la violence.

    "La maladresse", qui donne son titre à l’opus, est une confession sous forme de slam. Le désenchantement est là. Leïla Huissoud s’y dévoile sans fard. C’est le morceau d’une jeune femme parlant de son "intérieur de carcasse, une colocation sans terrasse". Qu’est-ce qu’un artiste, s’interroge la chanteuse ? Comment se construire face au public ? Comment recevoir ce qu’il offre ? Comment aimer sans maladresse ? Leïla Huissoud se livre avec une lucidité d’autant plus désarmante lorsque sa voix fragile se brise. "Je me suis pas calmée / Je me suis juste cramée".  

    Et si l’on disait que La maladresse s’écoute comme un album de consolation ? Un opus qui se termine par "Les chansons tristes" qui ne le sont finalement jamais complètement. La chanson : un sujet qui est un grand classique de la chanson française, justement. Voilà qui pose d’emblée Leïla Huissoud comme une des grandes artistes de la scène actuelle. 

    Leïla Huissoud, La maladresse, French Flair, 2024
    https://www.leilahuissoud.com
    https://www.facebook.com/LeilaHuissoudofficiel
    https://www.frenchflairmusic.com/product-page/le%C3%AFla-huissoud-la-maladresse
    https://www.youtube.com/watch?v=fVHwatwxrJw
    https://tinyurl.com/4arx9h7v

    Voir aussi : "Comme un ouragan"
    "Une certaine PR2B"

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  • Dynah, entre acide et acidulé

    Partons à la découverte de Dynah, de son premier album L’eau monte et de sa chanson française teintée d’électro. Le morceau qui donne son nom à l’opus laisse à voir un engagement pour l’environnement autant que les l’évocation des tourments et des questionnements d’une femme et "l’eau trouble des sentiments".

    L’ex du groupe rock Why Elephant propose un album sincère et biographique. "Je ferais le clown dehors / Si je pouvais je lâcherais prise", constate-t-elle dans "La fille à la coquille". Être vraie, ne pas faire semblant. Voilà ce qui motive Dynah, une femme d’aujourd’hui, simple, pas une fille à histoires en somme. Voilà qui rend cette autrice-compositrice-interprète touchante.

    Dans le morceau "Découpée", l’auditeur sera frappé par le son électro-pop mâtiné de sons hip-hop donnant à cette chanson féministe, dénonçant l’utilisation dans les magazines de l’image du corps des femmes artificialisé ("Découpé / Redimensionné / Détouré / Détourné"), une facture hyper moderne. Sans doute le titre le plus pertinent et carrément le meilleur de l’opus.

    Il est encore question de féminisme et des femmes cette fois inspirante, dans "Reste encore". Le deuil, l’absence et le manque marquent une artiste dont la fragilité affleure dans chaque titre de l’album. C’est encore à cœur ouvert que Dynah se livre sans fard et sans illusion dans le sobre et délicat piano-voix "Toute petite" : "Mais je suis toute petite / Toute petite / Rien du tout / Minuscule / Une virgule / Un caillou". De là à s’en plaindre, sûrement pas : "Pas si mal d’être petite / Si je peux me cacher dans ton cou" !

    Pas une fille à histoires

    Dynah revendique une nouvelle fois sa sensibilité, son hypersensibilité et sa douceur dans le délicieux et acidulé titre "La douceur". Dynah, là encore, assume sa douceur ("Il n’y a rien de meilleur"). Paradoxalement, c’est une vraie arme pour se rendre "invincible" et résister à ceux qui voudraient que l’on s’endurcisse. La douceur doit prendre sa "revanche" assène-t-elle. Voilà qui est dit et bien dit.

    Dans "Fous à lier", à la facture eighties, la musicienne propose la folie comme moyen de renouer avec l’être aimé et de lier ou relier ses "pages volantes" avant qu’elles ne se perdent, voire de les écrire. "Ça fait mille et une nuits qu’on ne rêve plus… qu’on ne danse plus", déplore-t-elle. Dynah refuse le repli sur soi. Revenir vers l’autre, oui, mais avec la folie comme remède.

    Il est question d’amour encore avec "Ton nom". Dynah chante l’obsession d’un simple nom, telle une "incantation", une évidence quoi. "Je fais tourner ton nom dans le silence / Je fais tourner ton nom comme un non-sens". Plus qu’une déclaration d’amour, cette chanson sonne comme une prière païenne, vaudou et obsessionnelle.

    L’eau monte s’écoute comme le panorama personnel d’une musicienne confiant mine de rien ses états d’âmes tout comme ses souvenirs personnels, à l’instar de "Nouvelle" sur le débarquement en classe d’une "nouvelle meuf", fascinante et perdue qui "vient d’arriver". Un vrai coup de cœur que ce titre jouant à merveille avec le texte, l’interprétation et des sons électro-rock.  

    Dans "Pas encore l’heure", Dynah parle de ses derniers moments de sommeil et d’un lever impossible. Pas impatiente de retrouver le monde et les autres visages, elle pose la question d’être dans le monde ("Je gagne du temps / Je fais semblant / D’avoir encore des plans / Pas encore l’heure / Pas encore / Je me rendors").  

    L’opus se termine avec le titre "Sel", aliment à la fois simple et complexe. Complexe comme cette femme et artiste : "Je me morcelle souvent comme ça / je me m’ensorcelle souvent comme ça". Ensorcelant en effet, comme cet album à la douceur acidulée.

    Dynah, L’eau monte, Musigamy, 2024
    https://www.dynah.fr
    https://www.facebook.com/Dynah.fr
    https://www.instagram.com/dynah_dy_nah

    Voir aussi : "Nosonic, plus qu’assez bien"

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  • Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute

    C’est avec un violoncelle riche, endiablé et passionné que Marie Ythier propose une sélection de créations contemporaines signées de jeunes compositeurs : Matteo Gualandi (né en 1995), Augustin Brand (né en 1994) et Bastien David (né en 1990, le plus "âgé" donc).

    Le violoncelle en partage, paru chez b•records, est un ensemble d’instants de communions et d’échanges passionnants avec l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, l’ensemble Sillages et Arne Deforce, violoncelliste familier de compositeurs aussi complexes et déroutants que Iannis Xenakis, Richard Barrett ou John Cage. Voilà qui situe d’emblée l’univers proposé dans l’opus.

    La musique contemporaine mérite largement qu’on parle d’elle, elle qui secoue régulièrement le cocotier des musiques académiques et traditionnelles pour amener les sons dans ses derniers retranchements. Cela donne, à plus d’un égard, la couleur et la densité de l’album imaginé et mené par Marie Ythier.

    Grâce à elle, le violoncelle s’impose comme un instrument soliste à part entière, chose relativement rare comme le souligne la musicienne dans la présentation de l’album. Fotografie rarissime di angeli de Matteo Gualandi, une commande la Fondation Royaumont, s’apparente à une suite, un genre musical tombé en désuétude mais revigoré ici grâce à des sons tour à tour primaires ("La fille, le feu"), minimalistes et méditatifs ("La chute d’Icare") ou s’inspirant du baroque ("Chanson de l’oiseau dans la lumière").

    Il est encore question de baroque dans la quatrième partie "Toccata", savant mélange de sons renvoyant à Bach autant qu’aux trouvailles musicales du XXe siècle. La "Passacaille", le plus long mouvement de cette œuvre de Matteo Gualandi, a une facture à la fois archaïque et contemporaine. Marie Ythier prend à bras le corps ce morceau dans lequel les silences et les suspensions prennent autant de valeur que les notes, jusqu’aux dernières mesures déchirantes.

    Comme "des nuées d’oiseaux"

    Le deuxième compositeur qui a les honneurs de ce passionnant album est Augustin Braud. De l’un, l’autre est une œuvre concertante pour violoncelle et ensemble. Nous sommes là dans une création audacieuse, pleinement contemporaine, dans laquelle s’installe un ensemble de dialogues sauvages entre l’instrument soliste de Marie Ythier et l’ensemble Sillages dirigé par Gonzalo Bustos. Ajoutons que c’est l’Ensemble Sillage qui a lui-même commandé cette œuvre au compositeur. La nature semble être au cœur de ce que la musicienne appelle un "concerto grosso". Mais il s’agirait d’un concerto grosso de notre époque, audacieux, moderne, tourmenté mais aussi singulièrement primaire. Comme "des nuées d’oiseaux" ajoute Marie Ythier. Mais des nuées comme folles et perdues dans un ciel menaçant. Bouleversant.

    En 2022, Le Printemps des Arts de Monaco a commandé à Bastien David L’Ombre d’un doute, une œuvre pour deux violoncelles et orchestre. Pour cet enregistrement public à l’abbaye de Royaumont en septembre 2023, Marie Ythier était accompagnée du violoncelliste Arne Deforce et de l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes dirigé par Thomas Zehetmair.

    C’est par une pluie de notes ravageuses que commence cette création contemporaine dans laquelle Marie Ythier a trouvé son alter ego en la personne d’Arne Deforce, jamais plus à l’aise que lorsqu’il met à rude épreuve son violoncelle à la recherche d'inattendus. Et de l’inattendu, il y en a dans ces plus de quinze minutes d’un concerto au service de sonorités puissantes et de rythmes singuliers. Il semble que l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes a trouvé ses adversaires avec les violoncelles de Marie Ythier et Arne Deforce.

    Puissance, gravité, sombres dangers et attentes inquiétantes sont exprimés dans des passages qui n’ont rien d’improvisés. Les coups d’archers se succèdent dans une œuvre pleinement inscrite dans le XXIe siècle. L’auditeur pourra y lire l’influence de la musique concrète, celle du courant répétitif américain dans des passages minimalistes mais aussi, dans une certaine mesure, l’apport de l’électro dans des vagues sonores presque spectrales. Marie Ythier et Arne Deforce, armés de leur violoncelle, s’y livrent comme jamais, habités par cette œuvre incroyable s’élevant jusqu’à des sommets, telle une nuée… d’insectes – et non plus d’oiseaux.     

    Marie Ythier, Le Violoncelle en partage, Marie Ythier (violoncelle), Arne Deforce (violoncelle), Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes dirigé par Thomas Zehetmair, Ensemble Sillages dirigé par Gonzalo Bustos, b•records, 2024
    https://www.b-records.fr/marie-ythier-le-violoncelle-en-partage
    https://www.marie-ythier.com
    https://www.facebook.com/marieythiercellist/?locale=fr_FR
    https://www.arnedeforce.com
    https://onauvergne.com
    https://www.ensemblesillages.com
    https://www.bastiendavid.com
    https://augustinbraud.com
    https://www.matteogualandi.com

    Voir aussi : "Schumann et la petite bande des Fouchenneret"

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  • Nouvelle vague

    Véritable révélation pop du moment, Osinaël a un pedigree impressionnant. Actrice, juriste, avocate, influenceuse (son média engagé The Sages) et maintenant musicienne, elle présente cet été son premier single, J'adore, avant un premier album bien nommé, La Grande Vague, annoncé pour la fin de l’année.

    Qu’on ne s’y trompe pas. Derrière sa facture pop à l’efficacité diablement redoutable et son chant d’amour irrésistible ("J’adore ton Moi / Qui comme une croix / Me fait tenir droit"), J’adore porte aussi quelques messages qu’il faut bien écouter : "Je connais une île blanche / On peut y aller par une porte battante du siècle dernier / Que l’on emprunte sur le tapis ancien d’un destin commun".

    Osinaël est une artiste d’aujourd’hui, femme engagée mais aussi bien décidée à mettre la beauté au service de ses engagements sociétaux, féministes et environnementaux. Fort, bon et beau. Envoûtant, même.    

    J’oubliais. L’artiste multi-talentueuse prépare son premier livre, La Maison Des Secrets et une série télévisée, La Traversée Des Mondes qui sera distribuée par Cannes TV à l’automne 2024. 

    Osinaël, J'adore, 2024
    https://www.instagram.com/osinael_official
    https://www.youtube.com/channel/UCIfKmjGWGf9ikWrZ3nOJruQ
    https://www.the-sages.com

    Voir aussi : "La promesse Jade"

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  • Casta Diva

    De toute la galerie de personnages secondaires des aventures de Tintin, la diva Bianca Castafiore est sans aucun doute l’un des plus insaisissable. Pour tout, rire, à la lecture de l’essai de Pierre Bénard, Bianca Castafiore, Celle qui rit de se voir si belle (éd. 1000 Sabords), il est probable que l’on sortira perturbé et avec une tout autre image de la mal surnommée "Le Rossignol milanais".

    D’une écriture alerte et avec la passion du tintinophile de la première heure qu’il est, Pierre Bénard retrace le parcours de la seule femme d’importance entourant le reporter à la houppette. Un singulier chapitre se nomme d’ailleurs "L’éternel féminin".

    De sa rencontre avec Tintin et Milou dans une forêt syldave à sa détention arbitraire dans Tintin et les Picaros, en passant pas son rôle prépondérant dans la résolution dans L'Affaire Tournesol, sans oublier le chef d’œuvre que sont Les Bijoux de la Castafiore, la chanteuse d’opéra, dont le répertoire semble se limiter à l’Air des Bijoux dans le Faust de Gounod traverse la saga d’Hergé d’une manière singulière. Présente bien avant même l’arrivée du Capitaine Haddock et du professeur Tournesol, elle ressemble une "revenante", telle une diablesse en boîte, ou plutôt une "sorcière". Ces réapparitions sont des ressorts humoristiques à chaque fois. Elle est absente de plusieurs albums sans jamais tout à fait disparaître (un poste de radio diffusant un concert, un spectacle dans Les Sept Boules de Cristal ou en invitée surprise sur le yacht de Rastapopoulos dans Coke en Stock). 

    Aveuglement coupable à côtoyer les pires crapules de la série

    Mais évoquons la singulière rencontre avec Tintin que l’auteur détaille avec justesse. Une rencontre qui "nous est dit, non montré" dans Le Sceptre d'Ottokar. Le lecteur ne peut que s’imaginer comment les deux étrangers ont sympathisé dans une auberge de Syldavie. Le reporter laisse une misérable charrette pour une puissante voiture qui doit le conduire à la capitale Klow. Bianca Castafiore en est l’autre passagère, en route vers un concert royal. Ravie de ne pas voyager seule (hormis son chauffeur), elle ne peut s’empêcher de montrer la puissance de son organe… poussant Tintin à préférer lui fausser compagnie. Voilà une bien étrange entrée en matière, aux antipodes de ces autres figures que sont Haddock et Tournesol dont les rencontres nous ont été montrées.

    Pour faire le portrait de Bianca Castafiore, l’auteur renvoie à des sources aussi disparates que la mythologie celte (Mélusine), Jules Verne (Le Château des Carpates), Edgar Allan Poe (La Chute de la Maison Usher) mais aussi, bien sûr, la musique. Beaucoup de musique. Weber, Gounod, nous l’avons dit mais aussi les chanteuses qui ont influencé Hergé.

    Un chapitre est consacré à ces divas du siècle dernier. Pierre Bénard voit en la Castafiore une parenté avec la soprano américaine Florence Foster Jenkins, "célèbre pour son outrecuidance et ses défaillances artistiques".

    Au final, le portrait de la Castafiore, à la tessiture aussi puissante qu’insupportable pour ses auditeurs – Hergé était un amateur d’art et d’opéra – ne laisse pas sous silence ses caprices de diva ("Ciel mes bijoux"), sa présomptuosité ("Ah, je ris de me voir si belle en ce miroir", chante-t-elle sans cesse) mais aussi son aveuglement coupable à côtoyer les pires crapules de la série, génies du mal, ennemis de Tintin et de ses amis et mêmes dictateurs. Cela lui coûtera d’ailleurs un séjour en prison, plus burlesque que réellement tragique. Immortelle et fascinante Castafiore.  

    Pierre Bénard, Bianca Castafiore, Celle qui rit de se voir si belle, éd. 1000 Sabords, 2024, 144 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr

    Voir aussi : "Dictionnaire amoureux de Tournesol"

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  • Peter Jablonski, très classique, très jazz

    Bla Bla Blog avait parlé il y a quelques semaines de l’album Air de Christian Schittenhelm. Cette grande bouffée d’air frais dans la musique d’aujourd’hui prend un nouveau relief avec son autre opus du moment, Back Home with the Moon.

    Pas d’orchestre symphonique cette fois mais un piano et un interprète d’exception, le Suédois Peter Jablonski. Ce grand interprète de Chopin, courant les scènes du monde entier, se penche cette fois sur un répertoire contemporain, à la facture néo-classique mais aussi des influences jazz.

    La simplicité, la nudité et la fluidité de Peter Jablonski se mettent au service de pièces intimes immédiatement attachantes. C’est la caressante "Berceuse mauve", tout en pastel, c’est la délicate "Valse naïve" dont on lira l’influence d’Erik Satie mais c’est aussi cet autre morceau, "Simply Yes", dont la retenue laisse place à un élan passionné. 
    La "Valse de rien" semble nous ramener quelques dizaines d’années plus tôt dans une salle de bal parisien après le départ des derniers invités, lorsqu’un couple se retrouve seul pour une dernière danse. Décidément, la valse est un style qu’affectionne Christian Schittenhelm ("The Algot Walz").

    Le titre qui donne son nom à l’opus semble faire le pont entre classicisme, contemporain et jazz. Il y a aussi un esprit pop dans ce "Back Home With The Moon" dont Peter Jablonski prend possession avec un plaisir évident.

    Simplicité, nudité, fluidité

    L’album de  Christian Schittenhelm et de son instrumentiste prestigieux est enrichi de pièces courtes à la belle densité et que le piano vient colorer. C’est le mélodique "Duo", le spectral "Stellar", l’étrange "Poème de l’inutile" ou la composition très contemporaine "Impression de lièvre" jouant sur le rythme et sur des notes semblant s’envoler en toute liberté.

    L’auditeur prendra plaisir à se faire prendre au piège dans cette choix de pièces se jouant de toutes les étiquettes. Comment en effet caractériser en effet "Roof Ans Sky", lente et mélancolique déambulation au piano, la ballade "Alone" à la tristesse éloquente ou encore ces titres à la facture jazz cool que sont "After Me The Storm" ou encore "A Bad E Could Be The Best", avec ses sonorités graves ?

    Le pianiste classique Peter Jablonski vient servir à merveille de sublimes morceaux, à telle enseigne que "Zebra Piano" paraît lui être destiné directement ? Le contemporain est aussi bien présent, particulièrement à la deuxième moitié du disque. C’est "Quadratures" mais aussi "Lévitation" dans lesquelles le piano se fait grave et par moment suspendu. 

    Christian Schittenhelm, Back Home With The Moon,
    Peter Jablonski (piano), Sfumato Records, 2024

    https://christianschittenhelm.fr
    https://sfumatorecords.com/records
    https://www.peterjablonski.com

    Voir aussi : "De l’air"

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