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Bla Bla Blog - Page 103

  • Pouvoir pour les femmes

    Le moins que l’on puisse dire c’est que Flore Cherry nous prend à contre-pied avec son premier roman Matriarchie (éd. la Musardine). Alors oui : la journaliste, chroniqueuse radio spécialiste des questions sexuelles, créatrice du salon de la littérature érotique et des "Écrits polissons" est dans son domaine de prédilection avec un roman faisant la part belle au sexe, au féminisme et aux rapports entre hommes et femmes. Elle est aussi publiée chez son éditrice favorite, La Musardine, spécialiste historique de la littérature érotique exigeante et engagée. Ceci étant dit, il faut souligner l’audace de l’auteure avec ce roman que l'on peut qualifier de science-fiction, qui ressemble à peu de livres connus et qui risque bien de secouer le lecteur.

    Nous parlions de féminisme. C’est bien le thème central de Matriarchie, un mot qui est bien évident à rapprocher de la patriarchie, ces gouvernements et autorités uniquement détenus par des hommes. Flore Cherry imagine justement une revanche des femmes dans un futur relativement proche.    

    Imaginez, nous dit en substance l’auteure, que la France soit, en 2100, une "matriarchie". Les femmes ont pris le pouvoir sous la pression de mouvements féminismes. Elles ont surtout été bien aidées par une opération de communication et de manipulation "pour faire passer l’envie aux hommes de voter" lors des Présidentielles de 2022, et ce grâce à des parties fines organisées à des fins politiques. Lors de cette année politique et historique, la France bascule dans un nouveau régime, une matriarchie, donc.

    En 2100, une Présidente est chef de l'Etat. Elle se nomme Éléonore et pousse sur le devant de la scène Diane Maurepas. De nouvelles élections présidentielles approchent et un parti concurrent, le Parti Familial, dirigé par Fernand Fuego, entend bien mettre fin à la matriarchie à l’œuvre dans le pays. 

    Un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place

    Mais en quoi consiste cette matriarchie précisément ? C’est là que tout le talent de Flore Cherry s’exprime, à travers un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place. Les femmes sont au pouvoir et ont proposé aux hommes, avec succès, de se défaire librement de leurs droits civiques afin de pouvoir accéder aux "Maisons des plaisirs", des bordels institutionnalisés, fréquentés par des hommes comme par des femmes - qui les dirigent. Parmi les responsables de ces maisons closes d’un nouveau genre figure Athéna Sollipe, l’une des personnages-clés du roman.

    Outre cette tenancière et la figure montante Diane Maurepas, deux hommes, Matrior Marcel, un domestique ("matrior") au service de la politicienne et Fernand Fuego, futur candidat aux Présidentielles, sont les autres voix du récit. Soulignons ici l’ironie de l’auteure qui choisit des prénoms de déesses grecques pour ses héroïnes (Athéna, Diane) et deux prénoms, disons d’un autre âge pour être gentil, pour ces hommes (Fernand, Marcel).

    La multiplicité des points de vue sert à merveille la fluidité du roman alternant luttes politiques pour le pouvoir, histoires d’amour pour le moins contrariées, étreintes épicées et destinées parfois cruelles, à l’image du parcours pathétique (dans tous les sens du terme !) de Marcel, ancien haut-fonctionnaire devenu homme à tout faire, chauffeur et nounou, devant se séparer de sa patronne Diane et surtout de la fillette dont il s’occupe et dont il est attaché.

    Les scènes d’alcôves sont autant de prétextes à mettre en scène les rapports de force entre hommes et femmes, comme des réflexions sur la normalisation sexuelle et la place de la sensualité. Flore Cherry réserve quelques surprises à Diane et Fernand, dans une fin plus ouverte que jamais.

    Avec Matriarchie, Flore Cherry apporte un vent de fraîcheur à la littérature de SF, en y insufflant un souffle sensuel et érotique incroyable, tout en parlant d'amour, avec justesse. L’auteure connaît son sujet et on peut la suivre les yeux fermés lorsqu’elle nous guide par la main dans les couloirs de l’ex-magasin de La Samaritaine, devenue cette luxueuse maison de plaisirs où les orgies ont toute leur place.

    Mais derrière ces scènes où le sexe peut parfois être triste, il y a un discours réfléchi sur le féminisme et sur la place des hommes et des femmes. Athéna l’exprime ainsi : "Matriarchie n’était pas conçue pour que ce genre d’émotions circule librement, sans pouvoir en tirer avantage. Ils avaient tout normalisé : ils m’avaient transformée en poupée et ils l’avaient transformé en client… Ce monde avait tué notre amour."

    Flore Cherry, Matriarchie, éd. La Musardine, 2022, 224 p.
    https://www.lamusardine.com
    https://m.facebook.com/flore.cerise
    https://www.union.fr
     
    Voir aussi : "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    ”J’incarne en quelque sorte « la maîtresse d’école »”

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  • Le b.a.-ba de Pamina Beroff

    C’est le label Jazz Eleven qui a fait signer Pamina Beroff pour son premier EP, Slides. Quatre des morceaux ont été écrits par Pamina Beroff et composés par le trompettiste Roman Reidid. Le cinquième est la reprise d'un standard. 

    Le jazz de Pamina Beroff est à la fois chaleureux et sans esbroufe. La jazzwoman s’y déploie avec une aisance bluffante. Il faut écouter "Rêverie", dans lequel elle commence le morceau sur la pointe des pieds, avant de laisser faire tout son talent de crooneuse.

    le deuxième extrait, "B.A", prouve que même la plus belle des voix ne se transcende jamais mieux qu’accompagnée par de bons instrumentistes. La production musicale de Jazz Eleven propose le meilleur du son, avec ces timbres étincelants et la voix délicate et presque fragile de la Parisienne. 

    Pamina Beroff prouve avec "I’ve Never Felt" qu’elle sait mettre de côté la virtuosité vocale pour capturer l’essence d’une ballade jazz se déployant avec insouciance, prouvant par là-même que la simplicité peut être élevée au rang des beaux-arts.

    Bien joué !

    "How Long", un morceau au  caractère bien trempé, aurait toute sa place dans n’importe quel excellent club de jazz qui se mérite. Pamina Beroff s'y meut avec grâce et un plaisir manifeste.

    L’album se termine avec une reprise du standard "In the Wee Small Hours of the Morning" de David Mann et Bob Hilliard, immortalisée par Frank Sinatra en 1955. La jazzwoman y insuffle sa modernité, sa féminité et ce quelque chose supplémentaire qui pourrait s’appeler la nonchalance, la jeunesse et la légèreté : "In the wee small hours of the morning / While the whole wide world is fast asleep / You lie awake and think about the girl / And never, ever think of counting sheep."

    Avec l’arrivée de cette nouvelle voix féminine, Jazz Eleven a sans aucun doute frappé un  joli coup. Bien joué !

    Pamina Beroff et son quartet sera en concert à Paris pour présenter Sides. Elle sera en featuring avec Giovanni Mirabassi. Cela se passera sur la scène du Bal Blomet ce jeudi 3 février à 20 heures.

    Pamina Beroff, Sides, Jazz Eleven, 2021
    Pamina Beroff quartet Feat Giovanni Mirabassi, au Bal Blomet, Paris 15e, jeudi 3 février 2022, 20 heures 
    https://www.paminaberoff.com
    https://www.facebook.com/pamina.beroff
    https://www.jazzeleven.com/product-page/pamina-beroff-sides

    Voir aussi : "Impressions soleil jazzant"
    "À contretemps avec Sarah Lancman"

    Photo © Constance Gay

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  • Quand est-ce que vous nous en faites un ?  

    C’est d’Italie que nous vient Il a dit Papa !, un récit doux-amer consacré à la paternité. Son auteur Davide Caporali, dit Dado, conte cette période où la vie d’un homme bascule, lorsqu’il devient père. Son autofiction dessinée a été mise en couleurs par Chiara Zuliani et est proposé au public français par l’excellente maison d’édition Shockdom.

    Davide vit en couple avec Chiara. Un couple déjà installé, avec chacun un travail, des revenus réguliers et même un animal de compagnie, le chat Filippo. Lors d’un repas chez ses grands-parents, "la" question est lancée par la vieille dame : "Quand est-ce que vous me faites un petit-enfant, Chiara et toi ?"

    Voilà Davide mis soudainement sous pression, d’autant plus que sa compagne Chiara a abordé le sujet quelques mois plus tôt : avoir un bébé, devenir parents, fonder une famille avec un enfant… Le rêve, quoi... 

    Bientôt, le jeune homme apprend, via un test de grossesse, que les prochains mois risquent d’être bouleversés.

    "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie…"

    En sept chapitres et un postlude, Dado raconte au plus près les neuf mois d’une grossesse vus sous les yeux d’un futur papa tour à tour dans le déni, l’incrédulité, l’incompréhension, la maladresse mais aussi souvent de la bonne volonté à revendre.

    Dado choisit la voix de l’humour et de la dédramatisation, à travers des saynètes qui sentent le vécu : les visites à l’Ikea du coin, l’oubli d’un sac ou l’emprunt d’une voiture sur le parking de la maternité. Sans oublier ces réflexions qui rendent la bande dessinée auto-fictionnelle : "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie… Comme choisir de devenir dessinateur de BD !"

    Les parents de Davide et Chiara sont singulièrement discrets, l’auteur préférant s’intéresser aux grand-parents. Dans ces scènes, la BD devient poignante autant que drôle, avec un pépé a priori aux abonnés absents mais finissant par prendre une place capitale dans ce récit vivant à plus d’un titre. 

    Dado, Il a dit Papa !, trad. Maria Giulia Lambertini, éd. Shockdom, col. Lol, 2021, 144 p. 
    https://fr.shockdom.com/boutique/lol/il-a-dit-papa
    https://www.facebook.com/davide.caporali

    Voir aussi : "Respect pour les femmes"

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  • Au cœur du BEA

    Les thrillers se sont intéressés à des centaines de milieux différents, mais, à mon avis, Boîte Noire est le premier polar ayant posé ses caméras au coeux du Bureau d’Enquête et d’Analyse (Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile ), le célébrissime BEA dont on n’entend parler que lors de grandes tragédies aériennes. Tel est d’ailleurs le sujet du long-métrage à succès de Yann Gozlan, avec Pierre Niney dans le rôle d’un enquêteur à la fois doué, perspicace, pugnace et torturé.

    Le crash d'un vol de la compagnie imaginaire European Airlines provoque la mort de plus de 300 passagers et membres d’équipage. L’avion ralliait Dubaï et Paris. La boîte noire de l’appareil est récupérée et s’avère utilisable pour l’enquête. Très vite, les soupçons portent sur un passager suspect ayant fomenté un attentat.

    Une plongée dans un milieu inconnu du grand public

    Mathieu Vasseur, un enquêteur bien noté du BEA se voit d’abord mis sur le carreau par son supérieur direct en raison de désaccords. Sauf que ce dernier disparaît subitement. Voilà donc Mathieu chargé de le remplacer, sous le regard admiratif de sa femme, Noémie, qui travaille elle aussi dans l’aéronautique. Chez le jeune spécialiste, quelques éléments dans la bande-son de la boîte noire font naître des doutes sur les origines de l’accident.

    La première qualité de Boîte Noire, qui a sans doute contribué à son succès critique et public, est la plongée dans un milieu inconnu du grand public. En dépit de quelques facilités classiques du scénario, le spectateur restera impressionné par les scènes d’analyses à partir de bandes sonores souvent dégradées : un bruit, un mot, un grésillement ou une interférence sont autant d’indices qui peuvent s’avérer capitales.

    Dans le rôle de l’enquêteur investi, exigeant et aux qualités exceptionnelles, Pierre Niney impose son talent comme sa rigueur. Toujours juste, y compris lorsqu’il se transforme en détective, il impose un personnage mystérieux, perturbé, sévère et que sa compagne, la formidable  Lou de Laâge dans le rôle de Noémie, essaie d’adoucir, avant d’endosser le rôle de complice… Mais nous n’en dirons pas plus.

    C’est en tout cas à voir et revoir, avec une bande-son de qualité, comme il se doit.

    Boîte Noire, thriller français de  Yann Gozlan,
    avec Pierre Niney, Lou de Laâge et André Dussollier, 2021, 129 mn

    https://www.unifrance.org/film/49138/boite-noire

    Voir aussi : "La menace fantôme"

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  • Cinq ans avec Macron

    Dans quelques semaines, les Français éliront leur prochain Président de la République pour cinq ans. Qui succédera à Emmanuel Macron, le plus jeune Président français ? Parviendra-t-il à se faire réélire ? Et sur quel programme ? 

    Suspense. En attendant, France Télévision propose en replay Cinq ans, un documentaire exceptionnel en trois volets retraçant un quinquennat historique à plus d’un titre. Évacuant la campagne électorale mouvementée de 2017 pour commencer son récit lorsque l’ancien énarque et ex ministre de l’économie succède à François Hollande, Cinq ans entend montrer les incroyables moments qui ont bouleversé les cinq ans de la Présidence d’Emmanuel Macron.  

    Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot ont choisi de découper le récit historique en trois parties : "Le temps des transformations" sur la la période "d’état de grâce", du début du quinquennat à l’automne 2018, "Le temps des incendies", consacré pour l’essentiel à la crise des Gilets Jaunes et "Le temps des contagions", consacré à la crise sanitaire et au Grand Confinement jusqu’à la mise en place du pass sanitaire. Bref, une histoire immédiate qui s'écrit sous nos yeux. 

    Les grands témoins de ces événements racontent de l’intérieur ce quinquennat atypique : les acteurs politiques (l’ex Premier ministre Édouard Philippe, le Préfet Didier Lallement, l’ex porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, l’ex ministre de l'Intérieur Christophe Castaner ou la conseillère en communication Sibeth Ndiaye), les opposants politiques (Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen), des personnalités issues de la société civile (Yarol Poupaud, Cyril Dion, Corinne Masiero, le syndicaliste Laurent Berger ou le gilet jaune Ghislain Coutard) et de nombreux Français.

    C’est peu dire que le mandat de Macron aura été celui de crises majeures et d’événements traumatisants : crise des Gilets Jaunes, incendie de Notre-Dame de Paris, attentat contre Samuel Patis ou crise sanitaire.

    En vérité, rien n’aura été épargné au jeune chef d’État qui, pourtant, avait commencé son mandat dans un climat presque euphorique : sa jeunesse, sa fougue, son désir de transformations d'une "vieille nation" peuplée de "Gaulois réfractaires" et son optimisme avaient fait de lui le chouchou des étrangers. Couvaient cependant des défauts rédhibitoires d’un Président qualifié de "Président des riches" (voire de "Président des très riches" selon son prédécesseur) et que la réussite éclatante lors des Présidentielles de 2017 (il n’a jamais eu de mandat électif auparavant et semble avoir tout réussi) rend condescendant, pour ne pas dire hautain.   

    "Enfant-roi"

    Au reproche d’"enfant-roi" formulé par Marine Le Pen devant les caméras de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot, François Bayrou préfère dire que son (jeune) confrère et ami, qu’il conseille, a le défaut d’être "trop" : trop jeune, trop brillant, trop doué…

    Après la période d’état de grâce, qui dure grosso modo de sa victoire aux Présidentielles de 2017 à la Coupe du monde de football de 2018 (que la France remporte), succèdent une série de crises inédites. La première est celle de l’insurrection des Gilets Jaunes, qui marque durablement le Président, notamment en décembre de cette année-là, avec le saccage de l’Arc de Triomphe puis l’incendie de la Préfecture du Puy-en-Velay (le Préfet de l'époque soulignera le traumatisme de cet événement qui aurait très bien ou aboutir à des drames sanglants). Une journaliste du Monde fait remarquer avec justesse qu’après cette série d’émeutes populaires, suivies d’un Grand Débat National, la présidence de Macron connaît l’Incendie de Notre-Dame, un accident gigantesque mais traumatisant qui va paradoxalement sauver la Présidence. Jusqu’à l’arrivée du Covid-19 et de la première grande pandémie mondiale.

    C’est une gageure de proposer un tel récit sur notre histoire immédiate, avec le recul nécessaire pour saisir les enjeux d’une période révolutionnaire. Car les journalistes n’omettent pas de parler des autres bouleversements majeures : crise environnementale, #Meetoo et le féminisme, luttes contre les inégalités et transformations sociales inédites.

    Pour faire leur récit, Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot se sont appuyées sur d’abondantes images d’archives, complétées par des interviews de celles et ceux qui ont marqué cette période – à l’exception notable du principal intéressé. Ne manquent pas des analyses de politologues et sociologues mais aussi des images issues de réseaux sociaux, capitales dans le déclenchement et le prolongement de la crise des Gilets Jaunes comme il l'est expliqué.

    Pour replonger dans ce quinquennat inédit, une bande son des tubes des cinq ans rythme les trois films (Orelsan, Angèle, Grand Corps Malade ou Vianney).

    Ce documentaire passionnant proposé par France 5 est disponible plusieurs semaines. De quoi alimenter les débats et les réflexions à quelques semaines des prochaines échéances électorales. 

    Cinq ans, documentaire français de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot,
    Trois parties, 2021, 140 mn, France 5, en replay

    https://www.france.tv/france-5/cinq-ans
    @jeromebermyn
    @rbaillot

    Voir aussi : "Hors-série Présidentielles 2017"
    "Hors-série Grand Confinement"

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  • Paris-Salvador avec Vicente et Marianna

    Vicente e Marianna ce sont les Français Vincent Muller et Marianne Feder, qui signent leur premier album, De Paris à Salvador. Si le mot "métissé" peut être utilisé, c’est bien pour cet opus, se jouant des influences de la chanson française et des sons et rythmes brésiliens.

    De Paris à Salvador séduit par son choix du voyage, de la fête et de l’amour, à l’image du titre qui ouvre l’opus, "Sur le chemin du monde", une chanson souriante, ensoleillée et brésilienne. Nous dirions même qu’il y a de la comédie musicale à la Jacques Demy dans son parti-pris : "Si tu me fais de l’ombre / Quand me soleil m’inonde / C’est pour me protéger / De ma cupidité / C’est pour nous redonner / Un peu de légèreté".

    Vicente e Marianna, bien dans leur époque, font le choix, dans le morceau "Mon cœur confine", du rythme insensé pour nous parler de liberté, d’amour, d’espoir mais aussi… de confinement : "J’ai bien tout fermé les portes des fenêtres / Mais je t’ai tout donné à l’aveuglette… Et mon cœur confiné en solitaire / Je n’ai pas rangé mon espérance / Et mon âme chante en toi / Sur cette danse".

    Le brésil coule dans les veines du duo, que ce soit dans le choix de rythmes ("Les bras de Poséidon"), dans des revisites ("Canto de Iemanja" de Baden Powell et Vinicius de Moraes ou le mélancolique et amoureux "Un amour d’hiver", du même Baden Powell) ou de ses plongées dans la culture traditionnel brésilienne.

    Le public français risque fort de découvrir le xote

    Il faut à ce sujet s’arrêter sur "O xote do peixe e da borboleta", littéralement : "Xote du poisson et du papillon". Le public français risque fort de découvrir le xote, un style musical traditionnel originaire du Nordeste, sur des paroles poétiques, que les musiciens s’approprient "sous les rythmes endiablés / Du xote et du samba-reggae". Il est encore question de poésie naïve, onirique et colorée avec "Na pele" : "Un à un j’ai conquis les nuages / Qui me faisaient ombrage / Sur ta peau".

    Avec "Bom au cœur", nous voilà toujours au cœur du Brésil, dans ce titre qui marque la signature de l’album : "Ailleurs / Bom au cœur / De Paris à Salvador / O meu amor / Pour recommencer ailleurs." Et tout cela sur des rythmes sud-américains qui font du bien sous nos climats de frimas hivernaux ("Au même tiempo").

    Vicente e Marianna prennent le parti, avec "L’attente", d’une facture plus occidentale et urbaine. Le talk-over de Vincent Muller parle avec sincérité de l’amour comme fil conducteur, un amour à la fois grave et léger, confiant et libre, et faisant fi des frontières et des océans.

    Une mélancolie infinie traverse "Absinthe absence" : "Sous le soleil qui brûle / Plus rien ne brille". Il s’agit d’un chant sur l’absence, l’absent ou l’absente. Qui n’a pas ressenti cela ? Comment surmonter cela ? La réponse ne pourrait pas être celle d’un pis-aller et d’un abandon à la fois vain et nécessaire : "Alors j’attends que l’absinthe / Me mène jusqu’au ciel / Dans mon paradis artificiel".

    Il faut noter enfin que Vicente é Marianna signent le titre "Dernier rendez-vous", la chanson de la BO de la série "L’amour flou", en bonus de l’album. La chanson est interprétée par Romane Bohringer et Philippe Rebbot.

    Vicente e Marianna, De Paris à Salvador, Les Musiterriens, 2021
    https://www.facebook.com/VicenteMarianna

    Voir aussi : "Jazz muté"

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  • Dialectique du maître et de l’esclave

    Redonner vie à des personnages de ses précédents romans : voilà le fil conducteur du recueil de nouvelles d’Eva Delambre, Parfums d’Elles (éd. Tabou). Il n’est nécessaire pas pour autant d’avoir lu les livres précédents de l’auteure pour se plonger dans ces aventures "d’après". Plutôt que des suites, il faut dire que ses six récits (mettons de côté le dernier texte, "Évidence") constituent des histoires à part entière qui sont une bonne introduction à l’univers d’Eva Delambre.

    Cet univers est celle de soumises. Les héroïnes, que ce soit Léna, Cosy, Léna, Ange et même l’auteure ("Elle"), naviguent dans le milieu BDSM. Là est vraiment la première qualité du recueil, qui nous parle avec justesse, précision et sensibilité mais aussi franchise, violence et crudité de ces hommes et de ces femmes assumant une sexualité se jouant des codes sociaux.

    Parfums d’Elles raconte ces femmes ayant choisi d’assumer et de jouer le rôle d’esclaves par plaisir, ce qui peut sembler contre-nature. Ces décisions peuvent surprendre mais elles font presque partie de l'ADN de ces femmes, ce que l’auteure raconte à sa manière dans le premier récit, "« Elle »" : la narratrice vient de donner naissance à un bébé. Sa vie et celle de son compagnon (le "Maître") tourne autour des langes, des nuits blanches, des biberons et de toutes ces contraintes que connaissent les jeunes parents. Une famille ordinaire, en somme. Mais parce qu’il voit sa compagne à bout et miné par un implacable baby blues, celui qui partage sa vie décide de lui offrir un week-end à deux - le bébé est confié aux grand-parents - où ils pourront assouvir des fantasmes qu’elle pensait être du passé : "Désormais, je savais que ces moments autres allaient continuer à exister, et que même s’ils étaient plus rares, ils n’en seraient pas moins intenses."

    Nous n’irons pas jusqu’à dire que ces couples fonctionnent comme ceux dits "classiques", même si tous cherchent un équilibre : "Après tout, le BDSM était différent des relations de couples dits classiques. Pourquoi attendait-elle les mêmes règles ? Les mêmes engagements ?" ("Ange")

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient renversées

    Les scènes épicées et crues, où ne manquent ni les tortures volontairement données et subies, ni les jeux sexuels parfois extrêmes (la nouvelle "Laura" n’en est pas avare), côtoient de très belles pages sur l’amour, le désir, les fantasmes, les doutes sur le partenaire ("Ange"), les frustrations ("Cosy") et même la jalousie. Dans "Léna", si limite il y a, elle est à voir sous le prisme de l’affection et de la passion, sans que la condition d’esclave ne soit remise en cause par la soumise qui s’interroge sur sa condition lors d’une promenade sur l’île de la Cité.

    Il est encore question d’amour dans "Esther", qui est le récit d’une femme "libérée" d’un ancien amant après une rupture mais qui perd pied, avant de trouver un autre homme avec qui c’est elle qui mène leur relation non sans fiel ni une forme de perversité. Mais qui souffre réellement, ici ?

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient inversées. Dans "Laura", Eva Delambre parle de "Lien" entre le maître et sa soumise, avec des propos qui risquent bien de déstabiliser beaucoup de lecteurs : "Comme à chaque fois, il sera plus dur que jamais. Et plus que jamais, je serai à ma place."

    Nulle part, sans doute, la complexité, la fascination, le "lâcher-prise" et finalement la "déraison" ne sont décrits avec autant de justesse et de passion communicative que "Cosy" : l’auteure met en scène dans un quartier d'affaires un jeu de séduction dont Cassandre, une cadre supérieure, va être la "victime consentante".

    Dans cette dialectique du maître de l’esclave, Eva Delambre laisse le dernier mot à Maître Tesamo ("Évidence"). Cette parole masculine et sadique parle de relations BDSM, d’amour et d’attachement – dans tous sens du terme – sur fond d’un voyage au Japon. Il y narre des épisodes de la vie d’un couple pas tout à fait comme les autres, comme une évidence.

    Pour public adulte averti.

    Eva Delambre, Parfums d’Elles, éd. Tabou, 2021, 240 p.
    http://www.tabou-editions.com/fr/jardins-de-priape/801-parfums-d-elles-9782363260932.html
    http://www.evadelambre.com
    https://www.facebook.com/eva.delambre

    Voir aussi : "La vie (sexuelle) des jeunes"
    "L’érotisme en littérature à l’honneur le week-end prochain"

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  • Juliette Armanet franchit le mur du son

    Il y a plusieurs points communs entre Juliette Armanet et Clara Luciani : de la même génération (entre vingt et trente ans), les deux chanteuses françaises ont connu le même succès critique et public pour leur premier album (en 2017 avec Petite amie pour la première et l’année suivante avec Sainte-Victoire pour la seconde), toutes deux signent pour le label Romance et voilà qu’à quelques mois d’intervalles, elles proposent leur deuxième album – Cœur pour Clara Luciani et Brûler le feu, sorti  fin 2021 – aux couleurs du disco… et de l’amour.

    Voilà qui prouve au moins que ce mouvement musical s’étalant entre le milieu des années 70 et le début des années 80 marque un retour en force. Et l’amour dans tout ça ? Et bien, disons que le fait que la rythmique du disco est celle se rapprochant le plus des battements du cœur n’est pas anodin.

    "Le dernier jour du disco" est le titre phare de l’album de Juliette Armanet, devenu déjà un tube, rythmé, dense et sensuel, chanté par une interprète qui est passée du statut d’espoir de Petite Amie à celle de diva du disco ("Tu me play", « Boum boum baby").

    La chanteuse s’affirme comme l’une des plus belles voix de la chanson française, parvenant à pousser dans les aigus comme peu d’artistes peuvent le faire. Que l’on écoute pour s’en faire une idée "J’te le donne", "HB2U", "L’Épine" ou "Sauver ma vie".

    Et l’amour dans tout ça ?

    En vérité, limiter Brûler le feu à un revival du disco serait inélégant, injuste et restrictif. Car Juliette Armanet s’impose d’abord et avant tout comme une artiste mettant l’amour au cœur de ce deuxième opus ("Qu’importe"), certes toujours dans un style seventies. À tout point de vue, Juliette Armanet met le feu, comme elle semble le dire à l’auditeur : "J’ai mis le feu dans ta tête", "Tu me play").

    Toujours étincelante, la chanteuse remet de la même manière au goût du jour un style jusque là désuet : les slows irrésistibles ("J’te le donne", "L’Épine", "HB2U"). Il y a aussi ces ballades où Armanet n’est jamais meilleure que lorsqu’elle parle d’amour, toujours ("Imaginer l’amour", "Je ne pense qu’à ça") : amour pur, indispensable, sensuel ("Le dernier jour du disco", "Je ne pense qu’à ça"), simple et sans fioriture ("Boum boum baby"), celui qui donne "le rouge aux joues", qui blesse ("L’Épine"), qui frustre ("J’te donne") ou qui abîme ("Sauver ma vie"). Juliette Armanet suit la voie de Véronique Samson, dont l’ADN est plus présent que jamais dans "Vertigo", le duo de Juliette Armanet avec SebastiAn.  

    Résolument moderne et contemporain, Brûler le feu surfe sur une forme de nostalgie, y compris dans la production lorgnant du côté de Phil Spector, avec ces murs de son incroyable que l’on retrouve dans l’un des morceaux les plus impressionnants de l’album, "Sauver ma vie" : "Tonnerre, tout s'éclaire comme un coup de génie / Je ne sais pas comment faire, mais je dois sauver ma vie / L'un de nous devait être de trop / Le soleil n'ira pas plus haut, c'est ainsi."

    Juliette Armanet, Brûler le feu, Romance Musique, 2021
    https://www.facebook.com/JulietteArmanet
    @juliettearmanet

    Voir aussi : "On ne meurt pas d’amour"

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