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Ces neuf nouvelles israéliennes ont en commun de raconter des scènes de la vie quotidienne à Tel-Aviv, scènes qui menacent à tout moment de basculer dans le drame ou l’absurde (ou bien les deux)
Une jeune femme rescapée des camps de concentration et persuadée que des excroissances lui poussent à l’intérieur du corps devient à la faveur d’une soirée mondaine une personne digne d’intérêt ; un jeune garçon rencontre un demi-frère, pour le meilleur et pour le pire ; un soldat accepte de couvrir un supérieur dans une affaire a priori anodine ; un traducteur s’intéresse malgré lui à l’absence prolongée d’un voisin ; une étrange soirée réunit des invités qui ne se connaissent pas ; la projection d’un film pornographique se termine par un événement aussi inattendu que tragique.
Yeoshua Kenaz réunit des histoires où le quotidien trivial d’une société israélienne malade le dispute au grotesque et au tragique. L’éditeur parle avec raison de "compassion goguenarde".
Le problème à trois Corpsest d’abord un roman de Liu Cixin. Ou plutôt le nom du premier tome de sa saga de science-fiction qui a fait forte impression il y a huit ans à sa sortie et a été catapultée au rang d’œuvre culte de la hard SF. Autant dire que l’adaptation en série télévisée par Netflix était attendue de pied ferme. D’autant plus que ce sont les créateurs de Game of Thrones qui se sont attelés au scénario. Une sacrée gageure étant donné l’ambitieux récit raconté.
L’histoire, donc, prend ses origines pendant la Révolution Culturelle en Chine. En 1967, la jeune et douée chercheuse en astrophysique, Ye Wenjie, voit son père, lui aussi scientifique réputé, mourir sous ses yeux, martyrisé par des communistes enragés. Persécutée elle aussi, la jeune femme est récupérée par l’armée qui a besoin de ses connaissances en astrophysique. Elle se retrouve dans un centre secret, la Côte Rouge, et doit, contre sa volonté, collaborer et travailler avec les autorités communistes.
Mais un jour elle décrypte un message venu d’une planète lointaine. Elle découvre que des extra-terrestres s’apprêtent à fondre sur notre planète. Écœurée par ce qu’elle a vécu et désabusée par la condition humaine, elle répond au signal radio et encourage ces aliens à venir. Cinquante ans plus tard, à Londres, des scientifiques de renom se suicident de manière inexplicable. Un groupe d’amis est particulièrement touché par cet événement inexplicable.
Le cinquième épisode est en particulier un vrai tour de force
Une adaptation est toujours une trahison, pour reprendre une expression bien connue. Celle-ci ne déroge pas à la règle. Pour autant, on peut avoir lu et aimé les romans de Liu Cixin et goûter avec plaisir à cette série tout aussi ambitieuse.
La première séquence est fidèle au premier tome. Les créateurs nous propulsent en 1967 dans la Chine communiste de Mao, au milieu du chaos de la sanglante révolution culturelle. Le grand coup de maître est d'avoir fait d’un événement traumatique et historique les origines d’un drame spatial à venir, puisque les "Santi", ces aliens vivant dans une planète invivable, ne doivent débarquer que d’ici quatre siècles. Voilà qui rend le projet lointain, mais qui devient problématique si tous les scientifiques de renom disparaissent.
Série de hard-SF, réflexion sur l’amitié et les liens familiaux, Le Problème à trois Corps se base aussi sur la théorie newtonienne du même nom (en très grand résumé, cela parle de l’imprévisibilité de trois objets célestes gravitant les uns autour des autres), avec un message environnemental par dessus le marché.
Après un démarrage relativement lent sous forme de mise en situation, la première saison finit par prendre sa vitesse de croisière au milieu de la série. Le cinquième épisode est en particulier un vrai tour de force à la fois visuel et scénaristique (attention aux âmes sensibles toutefois !), avant une fin à la fois ahurissante et qui s’ouvre sur une saison 2 que l’on va attendre avec impatience.
Le Problème à trois Corps, série de science-fiction américaine de David Benioff, D. B. Weiss et Alexander Woo, avec Eiza González, Jess Hong, Benedict Wong et Liam Cunningham, Netflix, première saison, 8 épisodes, 2024 Liu Cixin, Le problème à trois Corps, éd. Actes Sud, 2016, 432 p. Liu Cixin, La Forêt sombre, éd. Actes Sud, 2024, 656 p. Liu Cixin, La Mort immortelle, éd. Actes Sud, 2024, 816 p. https://www.actes-sud.fr/le-probleme-trois-corps https://www.netflix.com/fr/title/81024821
Partons à la découverte de Jéhan. On sent que le chanteur, avec son dernier album On ne sait jamais, s’est nourri de ses brillants aînés, que ce soit Cabrel, Thiéphaine ou Allain Leprest.
Compositeur, poète et chanteur, Jehan est également un conteur. Que l’on pense au premier titre "Raconte-moi", émouvant voyage musical de Tunis à Hanoï en passant par Corfou ou Venise. Pensons aussi à cet autre extrait, "Les chevaux de Montebello".
Au piano-voix, Jéhan chante l’amour caché et l’intimité, avec pudeur. Une simplicité que l’on retrouve dans le délicat "Tout est dit". Les mots peuvent être superflus dit en substance l’artiste dans cette jolie déclaration ("Avec elle, la vie est une danse").
Jéhan est le chantre des gens ("Le revenant") et des choses simples ("Attendre demain"). Sa chanson folk à la Cabrel touche immédiatement grâce à ses mélodies savamment travaillées et à sa voix chaleureuse.
Simplicité
Folk encore avec les dépaysant portraits "Jenny Parker", celle qui "danse seule" et "L’homme passe". Comment nommer l’amour et le désir ? Jéhan ne ment pas et parle de fragilité dans ces moments suspendus ("Madame Butterfly") et de la difficulté de vivre à deux et de se comprendre ("Entre nous"). Reste cependant l’évidence des liens : "Celle que je veux c’est seulement toi" dans ce dernier titre.
Jéhan propose un autoportrait pleine de philosophie dans "Je suis de ceux". Homme libre regardant droit devant lui, amoureux de la vie et qui "n’a pas peur de la nuit" et "qui ne regarde pas derrière". La vie est un long chemin semé d’embûche constat-t-il ensuite, lorsqu’il chante une séparation brutale et inattendue ("Soudain la nuit").
L’opus se termine avec "Savoir en rester là". Jéhan insiste se pose en sage. Nous posons-nous trop de questions ? Ne sommes-nous pas trop en mouvement ? Sommes-nous trop exigeants ? Et où est l’essentiel ? Un véritable sage, vous disais-je, mais sur des sons folk-rock.
Voilà un essai a priori intimidant et peu sexy mais qui s’avère être d’une lecture à la fois stimulante – si l’on met toutefois de côté le vocabulaire parfois obscure ("Tryptique", "MétaStructure", "InfraSystème", etc.) – et qui donne à réfléchir sur notre horizon technologique, lorsque les outils ne sont pas carrément chez nous ou dans notre poche.
L’auteure de Technopolitique, comment la technologie fait de nous des soldats (éd. Seuil) se nomme Asma Mhalla. C’est une grosse tête, chercheuse au CNRS, enseignante dans les écoles les plus prestigieuses (Columbia GC, Sciences Po et l’École Polytechnique) et accessoirement chroniqueuse. N’en jetez plus.
Dans son essai Technopolitique, sorti il y a quelques semaines, l'auteure propose un tableau global sur le poids des nouvelles technologies (intelligence artificielle, drones, satellites, réseaux sociaux, notamment) et sur les dangers des grandes entreprises qui les exploitent (les fameux Gafam, mais pas que).
Le cœur de cet essai ne porte pas tant sur les évolutions technologiques ("technologie totale", "hypervitesse", "information totale"), un peu trop banalisés comme le regrette l’auteure, que sur l’impact de ces outils et robots sur la souveraineté des États et sur la démocratie.
Ce tableau de la technopolitique, ces technologies mises au service de la politique, de la diplomatie ou de la géopolitique, fait peur
On pourrait s’attendre à découvrir un ouvrage qui pointerait du doigt l’hyperpuissance de grandes entreprises, telles Meta, Google, SpaceX, Tesla, OpenAI ou Palantir pour parler d’une société moins connue. Pas si simple. Car si ces "BigTech" sont bien une menace pour la souveraineté des États, Asma Mhalla met en balance le poids des "BigState", avec les États-Unis et la Chine en tête.
"Comment la technologie fait de nous des soldats", dit le sous-titre de l’essai. Une phrase est évidemment forte et parlante. Avec la déflagration de l’intime à cause des réseaux sociaux, sujet largement étudié, l’auteure met en garde contre les dangers de voir les citoyens des démocraties – et a fortiori des pays dictatoriaux, Chine et Russie en tête – devenir "militarisés" à leur dépend.
Ce tableau de la technopolitique, ces technologies mises au service de la politique, de la diplomatie ou de la géopolitique, fait peur. Asma Mhalla n’oublie pas l’intelligence artificielle, pas si nouvelle que cela. Elle décrit les dangers de cette technologie surtout du point de vue militaire. La "militarisation du monde" est ce qui peut inquiéter le plus dans cet essai passionnant. La Chine et les États-Unis font figure de "BigStates" appelés à dominer le monde, voire à s’affronter ("hyperguerre"), avec une Europe au milieu, bien faiblement armée.
Alors, sommes-nous foutus ? Asma Mhalla termine son essai par plusieurs notes d’espoir. Il faut "armer cognitivement le citoyen" appuie-t-elle avec conviction, afin d’échapper à une militarisation des esprits, et pour que la démocratie puisse se régénérer. Et continuer à vivre.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Marcello Mio. Il sera visible du 5 au 11 juin 2024. Soirée débat le mardi 11 juin à 20 heures 30.
C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara.
Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père.
Elle s’habille désormais comme lui, parle comme lui, respire comme lui et elle le fait avec une telle force qu’autour d’elle, les autres finissent par y croire et se mettent à l’appeler « Marcello ».
Tiphanie Doucet revient ce printemps avec un titre en anglais, My Own Way. Son talent et sa couleur vocale unique ont été remarqués lors de l'émission canadienne The Voice ("La Voix"), en 2020 où elle a été coachée par Garou, non sans laisser une empreinte indélébile sur le public. On se souvient aussi de sa reprise de "Jo le Taxi".
"My Own Way", son dernier titre pop, à la facture nineties, s’écoute comme la confession d’une artiste reconnue et admirée mais qui entend bien suivre sa propre voie. "Je pense que tout le monde a un moment dans sa vie où il arrête simplement d'écouter tout le monde et choisit de prendre ses propres décisions", confie la musicienne.
L’indépendance, la liberté, le refus de suivre des injonctions et la découverte de soi toucheront d’autant plus l’auditeur que Tiphanie Doucet y apporte un art musical qui ne peuvent pas laisser indifférente : sa voix – bien sûr – mais aussi sa performance envoûtante à la harpe.
Son prochain album est attendu pour ce mois de septembre 2024. Nul doute qu’il sera tout autant captivant que ce premier single.
Il y a des livres que vous aimez déguster lentement, tel un bon vin : Au Pays des Mensonges en fait partie ! Ces 39 nouvelles sont autant de jolies surprises : audacieuses, tragiques, comiques, oniriques ou surréalistes, ces histoires sont des contes modernes qui savent aller droit au but et nous toucher. Au Pays des Mensonges est aussi le titre d'une de ces nouvelles.
Dans cette fable, un menteur patenté rencontre les mensonges qu'il a inventés et qui prennent vie sous ses yeux. On trouvera également dans le recueil une malchanceuse se dépêtrant dans une histoire d'amour pathétique, un atelier d'écriture plein d'avenir, un réalisateur de documentaire aux prises avec un immigré russe et son poisson d'or, une surprise-partie qui va à vau l'eau, un repas de deuil dans un restaurant sans avenir, une histoire de piqûre et de fermeture-éclair, une trempe monumentale dans une entreprise de jouets ou le récit du couple que forment Ilan et sa petite amie.
On appréciera plus ou moins telle ou telle nouvelle (c'est la loi du genre, après tout !) mais voilà un livre et un auteur qui méritent vraiment d'être redécouverts !
Bobbie, c’est l’une des révélations du moment. Mais attention, pas n’importe quelle révélation ! La jeune chanteuse française a puisé dans l’Amérique profonde les sources de son album The Sacred In The Ordinary. Les influences de Bobby s’appellent Joni Mitchell, Dolly Parton ou Bob Dylan. Un opus en anglais où la pop ("Last Ride", "Back Home ») fait la part belle à la country, à l’instar du morceau "Losing You" qui ouvre ce délicieux album ou encore le formidable et enlevé "The Sacred In The Ordinary" qui lui donne son nom.
La voix de Bobbie est déjà bien là, posée, pleine d’assurance. En un mot, irrésistible, à l’instar de la ballade "Muddy Waters". On pense aussi au tendre et fragile "I Need You More Than I Want You". Une belle déclaration qui sonne juste.
Ceux qui pensaient la country inintéressante, has been et lourde peuvent passer leur chemin
Ceux qui pensaient la country inintéressante, has been et lourde peuvent passer leur chemin. Il n’y a qu’à écouter le délicat "They Don’t Show It In Movies" pour s’en convaincre ou encore le lumineux "Jupiter". Pour cet album vraiment ambitieux, la musicienne a fait le choix d’instruments acoustiques, de chœurs pour épouser au mieux une culture qui lui est chère.
La mélancolie affleure dans cette découverte musicale faussement évidente. On pense au formidable "Oh Babe" mais aussi à "Nothing Ever Lasts". "Rien ne dure jamais", chante Bobbie dans ce single qui parle de fragilité de l’existence et du temps qui passe.
L’auditeur écoutera sans doute avec émotion le sobre morceau "Mom, Let Me Go". Cette jolie déclaration d’amour à sa mère est aussi pour Bobbie l’appel d’une jeune artiste à voler de ses propres ailes. Sans nul doute, son album The Sacred In The Ordinary prouve qu’elle a choisi la bonne voie. Vivement la suite.