Bande dessinée ••• Milo Manara, Le Parfum de l'invisible, Intégrale
Bla Bla Blog - Page 284
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La bulle coincée en travers de la gorge
Le bloggeur avait mis cet événement sur son agenda pour le dernier week-end, de mai 2017 : après avoir consacré plusieurs chroniques sur le festival de BD "Montargis coince la bulle", le rendez-vous était pris pour arpenter les couloirs d’un salon dont la réputation grossit au fur et à mesure des saisons.
Las, d’après le quotidien La République du Centre, les organisateurs ont décidé de jeter l’éponge, après plusieurs éditions immanquables. La faute au fric : trop cher, pas assez "populaire" et sans doute pas dans les goûts de la commission culture municipale.
On se souvient que la dernière édition de Montargis Coince la Bulle s’était déroulée trois jours avant les inondations historiques qui avaient dévasté la ville en 2016. La Venise du Gâtinais avait bien besoin d’un nouveau coup dur ! Il est venu alors que cet événement était le bienvenu pour remettre du baume au cœur à une cité encore traumatisée par les crues de l'an dernier. Même si tout ne semble pas perdu, ce festival de BD aura bel et bien du mal à se remettre à flot : "Pessimiste, Arnaud Floc'h [le dessinateur et créateur du festival] semble voir dans ce coup d'arrêt la signature d'un arrêt de mort : certains auteurs et libraires, qui avaient marqué le rendez-vous d'une croix blanche chaque année, ont très vite pris d'autres engagements. La nature a horreur du vide."
Quelques édiles ont décidé de faire éclater la bulle qu'un certain nombre d'amateurs de BD attendaient, et cette bulle, plus d'un risquent de l'avoir coincée en travers de la gorge.
Jean-Baptiste Dos Ramos, "L’édition 2017 de « Montargis coince la bulle" est annulée,
La République du Centre, 17 janvier 2017
http://www.montargiscoincelabulle.fr© Bla Bla Blog – Maud Begon
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Énergiquement fluide, intensément paisible
Le monde de Jihee Han c'est le paysage, des paysages que la jeune artiste présente à la galerie Vincent Lécuyer dans le 7e arrondissement, jusqu'au 28 janvier.
N'allez pourtant pas penser que ces paysages sont ceux d'une nature réelle ou que Jihee Han se fait peintre environnementale : "Je ne peux pas dire que mon sujet soit la nature que l’on voit. Nombre d’artistes qui ont pris le parti d’exprimer le monde invisible empruntent également à la nature. Aussi, ce que l’on identifie comme la nature dans l’art, ne concerne souvent pas la nature environnementale, mais un univers insaisissable qui réfléchit le paysage intérieur”, affirme-t-elle.
Il faut certainement chercher son influence du côté de l'abstraction lyrique, et vers quelques illustres pairs – Pierre Soulages (Fort obscur encore, 2015), Cy Twombly (Light Blue 2016) et surtout Zao Wou-Ki (Untitled, 2015). L'essence de la peinture de Jihee Han ce sont ces paysages fantasmagoriques et comme sortis de monde imaginaires. C'est en cela, sans doute, que l'artiste parle de "paysages intérieurs", capables de venir caresser et apaiser le regard du spectateur.
L'artiste d'origine coréenne impose indéniablement sa patte dans un genre, la peinture de paysages, qui semblait ne plus rien avoir à nous dire. Elle peut faire surgir des apparitions minérales grâce à ses touches épaisses d'acrylique, d'un gris argenté. Sur des fonds blancs translucides, les rochers surgissent telles de délicates collerettes (Paysage incomplet, 2016) ou bien flotter sur des étendues aqueuses, irréelles et apaisantes. Les montagnes sont des vitraux bleutés aussi fragiles que des cristaux (Mountains, 2016 ou Isolated island, 2013). Dans ces paysages d'un autre monde, l'élément liquide est omniprésent, que ce soit dans les majestueuses cascades de glace aux rideaux évanescents (Dedans et au-delà, 2016), dans ses banquises légères de Light Blue (2016), dans la neige (Énergiquement paisible, 2015), ou dans ces chutes d'eau "cézaniennes" de Cascade (2016).
Fort obscur encore (2015) renvoie au noir de Soulages. Dans First Rock (2015), un étrange monolithe à la matière grise impose sa présence massive et évidente. L'eau est encore là, coulant en filets sur les parois du roc. Il est encore question d'éléments liquides dans un tableau sans titre de 2015 : l'artiste y délaisse le blanc – sa couleur fétiche – au profit d'un paysage de vagues, à la frontière entre le réalisme et l'abstraction. L'influence de Zao Wou-Ki semble tomber sous le sens.
Les peintures de Jihee Han évoquent, comme elle le dit elle-même, "la fluidification d’un monde qui flotte." L'artiste ne parle pas d'environnement ou de nature à protéger mais d'univers mystérieux à la fois proches et lointains.
Jihee Han, à la galerie Vincent Lécuyer
34, rue de Lille
75007 Paris
Du lundi au samedi de 10 heures à 19 heures
http://www.hanjihee.com
http://www.parisartistes.com/jihee-han© Jihee Han
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Fishbach, Y crois-tu ?
En attendant son prochain concert à La Cigale le 14 mars prochain, Fishbach, l'une des révélations dont nous avions parlé il y a peu sur Bla Bla Blog, s'est produite pour les sessions Son & Lumière de Télérama. Elle y interprète Y crois-tu, le premier titre de son nouvel album A ta merci.
"Fishbach, jamais rien vu d'aussi mortel"
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On a failli assassiner JFK
Stephen King, on le sait, est implacable s’agissant des adaptations de ses romans. Peu de films ont reçu la bénédiction du maître du suspense. Pensez ! Même le Shining de Stankey Kubrick, tout auréolé de son statut de chef d’œuvre, n’a pas réussi à convaincre le romancier américain qui a été jusqu’à tourner "sa" version pour petit écran, aussi pompeuse et peu convaincante que l’autre était ambitieuse et audacieuse.
Il y a trois ans, était produite Under The Dome, une adaptation en série télé d’un autre de ses pavés, Dôme. Une demie-réussite ou un demi-échec, comme on veut. Mais en tout cas, la preuve était faite que ce genre audiovisuelle semble aller comme un gant aux versions filmées de Stephen King.
La série 22.11.63, tirée du roman du même nom – et actuellement diffusée sur Canal – va dans le même sens. L’auteur de Dolores Claiborne en est d’ailleurs co-producteur avec JJ Abrams et James Franco. James Franco, justement, joue le rôle principal, celui de Jake Epping, un obscur professeur propulsé au début des années 60 afin d’empêcher l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963. Il entreprend une aventure fantastique et dangereuse dans le temps pour contrecarrer le passé. Mais le passé est retors et pourrait bien se venger.
Il est visible que le romancier américain a suivi avec soin l’adaptation de son roman. Le respect à l’histoire est là, tout comme l’esprit du livre : une plongée dans l’Amérique profonde mais aussi dans une époque filmée avec nostalgie – lorsque le rêve ne se transforme pas en cauchemar. Comme le dit un personnage de 22.11.63, "Si tu veux faire un truc qui emmerde le passé, le passé aussi viendra t’emmerder."
Stephen King, 22/11/63, éd. Albin Michel, 2014, 1056 p.
22.11.63, série de Kevin Mc Donald, avec James Franco, Sarah Gadon,
Chris Cooper et Daniel Webber, saison 1, 8 épisodes, 2016,
en ce moment sur Canal -
La vie et les deux morts de Louis Althusser
Le 16 novembre 1980, le nom du philosophe Louis Althusser rejoignait la colonne des faits divers. Le brillant intellectuel de la rue d’Ulm, maniaco-dépressif et, ce jour-là, dans un état de démence, étrangla sa compagne Hélène Rytmann. Reconnu irresponsable de ses actes, Louis Althusser passa les dix dernières années de sa vie en traitement, avec interdiction de s’exprimer publiquement. L'affaire judiciaire se conclua par une première mort symbolique du philosophe, avant son décès le 22 octobre 1990.
Étonnamment, le documentaire de Bruno Oliveira, L’Aventure Althusser, visible en replay sur Arte pour encore quelques jours, s’attarde peu sur cet homicide – ou ce "suicide altruiste" comme il a été dit non sans un certain cynisme. Ce qui intéresse le réalisateur c'est le parcours philosophique et politique d’un des intellectuels français les plus brillants de la deuxième moitié du XXe siècle.
La carrière de Louis Althusser est intimement liée à celle du communisme qu’il épousa, en adhérant au PCF, jusqu’à en devenir une figure importante. Ne rêvait-il pas d’en devenir son idéologue, comme le rappelle le film de Bruno Oliveira ?
L’Aventure Althusser retrace le cheminent philosophique de celui qui va relire en profondeur l’œuvre de Marx, et en particulier Le Capital, grâce à un groupe de recherche de l’École Normale Supérieure. Les travaux d’Althusser et de ses élèves vont avoir une influence majeure sur l'histoire de la pensée. Ils contribuent à dépoussiérer le marxisme et le remettre au centre des débats idéologiques. Nous sommes dans les années 60. Après le décès de Staline, Khrouchtchev a procédé à une condamnation virulente de son prédécesseur. En Chine, Mao est le centre d’intérêt d’une partie de la jeunesse européenne, passionnée par une révolution communiste menée tambour battant et avec les escès que l'on connaît : "Pendant la dictature bourgeoise, la bourgeoisie a obligé les travailleurs a ramer dans un certain sens. Maintenant, nous obligerons tout le monde, pas seulement les travailleur, mais aussi leurs adversaires, à ramer dans un autre sens. C’est ça, la dictature du prolétariat" comme l'a affirmé Louis Althusser.
L'auteur de Pour Marx se fait le chantre d’un nouveau communisme, après les règnes violents de ces "philosophes froids" qu’ont été Lénine ou Staline. Or, mai 68 voit le succès des concepts marxistes "marcher contre lui" ! Les témoignages des élèves d’Althusser comme de ses amis sont un rappel du rendez-vous manqué de cette année révolutionnaire. La voix de Louis Althusser est singulièrement absente. Il est vrai que l’homme est déjà malade, sujet de troubles maniaco-dépressifs à répétition qu’une frise chronologique éloquente vient rappeler dans le documentaire.
Ce film sur Louis Althusser est certes insuffisant pour embrasser une carrière philosophique majeure. L’homicide d’Hélène Rytmann reste pudiquement en arrière-plan (pas un mot notamment sur son essai autobiographique posthume L'Avenir dure longtemps, 1992). De même, sa relation sentimentale avec sa traductrice italienne Francesca est seulement dévoilée. Sans doute, y aurait-il matière à faire un second film sur la vie personnelle d'Althusser pour comprendre les motivations d'un meurtre épouvantable. Cependant, le film de Bruno Oliveira reste une passionnante découverte ou redécouverte d’un philosophe majeur du XXe siècle, dont les idées semblent reprendre de la vigueur depuis une dizaine d'années.
Bruno Oliveira, L’Aventure Althusser, 2016, 60 mn, sur Arte, en replay en ce moment
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Charlène Desfougeres, une fille au pouvoir
Charlène Desfougeres est une jeune illustratrice française installée à Paris.
Les illustrations douces et un peu folles de Charlène Desfougeres mettent en scène des personnages loufoques, dans des mises en scène atypiques. La jeune Parisienne crée des images que l’on a envie de retrouver chez soi pour se transporter chaque jour dans des univers beaux et intrigants.
En ce week-end d'élection de Donald Trump, quelle meilleure illustration que celle faite pour Les Nanas d'Paname ? Des icônes détournées de l'Amérique et un appel au girl power par une fille qui n'a pas froid aux yeux.
Charlène Desfougeres, chez galerie WAIT
Site de Charlène Desfougeres© Charlène Desfougeres
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Résurrection d'un manga
La Tour au-delà des Nuages de Makoto Shinkai sort en ce moment en DVD en France.
1974. Le Japon est divisé en deux. Si l’île d’Hokkaido est occupée par l’Union, le reste du pays est allié aux États-Unis. Une tour, dont le sommet se perd dans les cieux, est alors construite par l’Union. Deux amis, Hiroki et Takuya, rénovent un avion afin de réaliser leur rêve : atteindre le sommet de la tour au-delà des nuages. Une fille mystérieuse prénommée Sayuri se joint aux deux adolescents qui lui promettent de l’emmener avec eux voir la tour. L’aventure s’arrête brusquement le jour où la jeune fille disparaît sans laisser de traces. La promesse est rompue, Hiroki et Takuya abandonnent leur projet et se séparent pour suivre chacun leur route. Devenus adultes, ils seront à nouveau réunis par le destin, mais leur relation n’est plus la même.
Récit poétique, fantastique et utopique, réalisé en 2004, La Tour au-delà des Nuages a été récompensée par le Prix Mainichi du meilleur film d'animation cette même année. Il est aujourd’hui enfin disponible en France.
Makoto Shinkai, La Tour au-delà des Nuages, CoMix Wave Films, Kazé Animé, 2017, 137 minutes
Copyright : © Makoto Shinkai/CoMix Wave Films