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Faussement léger et futile, "Aimez moi", le dernier titre de Kloé Lang est à écouter autant qu’à regarder. L’artiste est à la réalisation pour son clip d’une belle ambition, avec des seconds rôles et des figurants utilisés à bon escient.
"Aimez-moi" est un grand cri d’amour, on l’aura deviné, et qui laisse entrevoir un peu d’espoir dans ce monde décidément bien démoralisant.
Oui, on a besoin de Kloé Lang et de son rappel à ce qui fait l’essentiel de notre existence. Elle le chante avec joie mais aussi humour acerbe à la Droopy : "Aimez moi, marquez moi / Que je le sente, le consente, l’expérimente / Aimez moi, percez moi comme un couteau, / comme un radeau dans votre dos, comme un vélo / Aimez moi sans y penser".
Validé !
Le single figurera également sur le prochain EP de Kloé Lang prévu début 2024.
Fans de séries et de musique, j’ai l’album qu’il vous faut, histoire de vous faire papillonner les oreilles durant cet été : l’album de Camille et Julie Berthollet,Series. Les deux divas du violon ont choisi depuis leurs débuts de rendre la musique classique attrayante, hypermoderne, sexy, en un mot : pop.
Le medley Series (en anglais et sans accent) laisse de côté le répertoire de Vivaldi, Mozart ou Bach, au profit de revisites en musique de chambre ou avec grand orchestre de grands thèmes télévisés, adaptés avec talent par Matthieu Gonet.
On y trouvera quelques standards incontournables – "La Panthère Rose" (Henri Mancini), "Mission Impossible" (Lalo Shiffrin), "Les Simpson" (Danny Effman), sans oublier le formidable "Amicalement Vôtre" de John Barry, au rythme, à la densité et à la tension intacts. Plus près de nous, impossible de ne pas louper non plus ces génériques télé passés désormais à la postérité : "Game of Thrones" de Ramin Djawadi, "Downton Abbey" de John Lunn, "The Crown" (composés par Lorne Balfe, Rupert Gregson-Williams et – excusez du peu – Hans Zimmer) ou, certes moins connu, "Le Jeu de la Dame" avec l’envoûtant "The Queen’s Gambit" de Carlos Rafael Rivera.
N'oublions pas "House of Cards" de Jeff Beal. Pour la musique de la série politique américaine, les sœurs Berthollet parviennent à en faire une création presque contemporaine capable de vous donner la chair de poule. Impossible non plus de ne pas citer le thème de "Stranger Things" de Kyle Dixon et Michael Stein, si bien visité (il faut bien sûr évoquer le gros travail de Matthieu Gonet et Ronan Maillard) qu’il semble être une authentique création.
Qui dit adaptations dit parfois revisites surprenantes, à l’instar du "Bella Ciao", un traditionnel italien remis au jour par la série espagnole Casa del Papel.
Cool, quoi
L’auditeur s’arrêtera certainement avec un big smile aux lèvres sur le "Yakety sax" de James Q. Rich et Boots Randolph, popularisé par la série – pour certains ou certaines "honteuse" – Benny Hill, générique ultra-célèbre que les deux violonistes nous ressortent avec une belle audace.
Dans ce mélange régressif et franchement plaisant, Camille et Julie Berthollet n’oublient pas de proposer des morceaux moins connus, tel que "The Skye Boat Song" aux accents écossais. Rien de plus normal pour ce thème d’Outlander, qui est lui aussi issu d’un répertoire populaire et traditionnel.
L’auditeur découvrira sans doute ce titre de Marron 5, "Girls Like You", une singulière revisite en musique de chambre très XVIIIe siècle pour la série La Chronique des Bridgerton. Des bandes originales font figure de vraies belles découvertes. C’est le cas du nerveux et coloré "The Game Is On", un thème de David Arnold et Michael Price pour la série Sherlock ou de la non moins captivante musique et création "The Leftovers" de Max Richter.
La France n’est pas absente de ce medley, car sont présents les thèmes de l’enjouée Dix pour cent de Loïk Dury et Christophe Mink et le succès tricolore Lupin ("Arsène" de Mathieu Lamboley, aux accents de musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle).
Admettons quelques écarts avec le titre de l’album, puisque quelques thème de films – et non de séries – se glissent dans ce medley, en l’occurrence le délicieux "La La Land" de Justin Hurwitz, respecté à la lettre, y compris dans le mélange comédie musicale Broadway et jazz, mais aussi un extrait de la BO d’Intouchables, composée par le désormais culte Ludovico Einaudi.
Toujours aussi surprenantes, les sœurs Berthollet proposent deux inédits. Julie Bethollet a composé et chante le mélancolique "Flashback". Le morceau a été adapté par Camille Berthollet. Le second, justement intitulé "Générique" (proposé à la fin de l’album, évidemment) est un instrumental à la facture classique, s’écoutant comme un concerto pour piano. Il a été lui aussi composé par Julie Berthollet et arrangé par sa sœur.
Les deux musiciennes ont eu l’excellente idée de proposer en bonus de leur album le sombre et déchirant "Concerto de l’adieu" de Georges Delerue, extrait de la bande originale du film Diên Biên Phu.
Tout cela est cool, quoi. De quoi se réconcilier avec la musique classique, si encore on était fâché avec elle.
Delphine Bell sort en ce moment Roi et toi (éd. Le Lys Bleu). Un récit plus qu’un roman sur un homme, un père, trop tôt parti. Voilà ce qu'écrit l'auteure : "Un matin, mon père a décidé de partir, nous laissant… Sans un mot, une trace. Où es-tu, papa ? Qui es-tu vraiment ? Toi, le père magnifique de mon enfance, dévoué, libre aussi. Ce livre est une quête, un roman policier et existentiel sur un père que je cherche encore. Il entrelace les écrits de celui qui fut un passionné de l’écriture et de la littérature. Et il pose une question : les êtres que l’on aime nous échappent-ils ? Possède-t-on vraiment ceux qu’on aime ? Qui est-on vraiment ? Papa est parti mais… Je peux écrire."
Est on vraiment au contrôle de sa vie Décidons-nous de tout. Et qui sommes nous vraiment ? Le journal fait le balancier entre plusieurs époques, l’une éclairant l’autre. Ce journal tente aussi de retracer historiquement une période définie. Sommes-nous vraiment confinés ou libres ? Première ou dernière liberté ?
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film War Pony. Il sera visible du 27 juillet au 1er août 2023.
Deux jeunes hommes de la tribu Oglala Lakota vivent dans la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Bill, 23 ans, cherche à joindre les deux bouts à tout prix. Matho, 12 ans, est quant à lui impatient de devenir un homme. Liés par leur quête d’appartenance à une société qui leur est hostile, ils tentent de tracer leur propre voie vers l’âge adulte.
War Pony, drame américain de Gina Gammell et Riley Keough avec Stanley Good Voice Elk, Jojo Bapteise Whiting et Steven Yellow Hawk, Scénario de Franklin Sioux Bob et Bill Reddy, 2023, 114 mn https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1345
C’est un programme ambitieux et passionnant que propose le double album sobrement intitulé Collection Schumann, avec des œuvres pour violon de Robert Schumann et Clara Schumann. L’opus a été enregistrés en public à la salle Elie de Brignac-Arqana de Deauville entre avril et août 2022. La formation de chambre au cœur de cet opus est formée du violoniste Pierre Fouchenneret, du pianiste Théo Fouchenneret et de l’Orchestre Régional de Normandie placé sous la direction de Jean Deroyer pour la dernière œuvre, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur.
Cette Schumann Collection est pour l’essentiel consacrée à de la musique de chambre. Commençons par parler de Robert Schumann et des ses trois Fantaisies pour violon et piano, classiques, élégantes et surtout des parfaits exemples de ce qu’il y a de mieux dans le romantisme. Légèreté n’est pas forcément mièvrerie, aurait-on envie d’écrire à l’écoute du "Lebhaf, leicht". Ces fantaisies ouvrent avec aplomb et enthousiasme le double album.
L’auditeur retrouvera ensuite avec plaisir la Sonate pour violon et piano n°3 en la mineur. Quel tempérament pour cette œuvre aux multiples arabesques sonores (le premier mouvement, "Ziemlich langsam – Lebhaft"), et au romantisme irrésistible ! Pas de doute, nous sommes dans la grande période romantique de ce XIXe siècle (le délicieux "Scherzo""Intermezzo"), avec un compositeur usant de multiples couleurs pour rendre cette sonate d’une richesse et d’une expressivité incroyable.
L’auditeur fondera sans doute sur les délicates et bouleversantes Romances pour violon et piano op. 94, servies par un ensemble au diapason servant à merveille ces pièces finement travaillées. Que l’on pense à la deuxième fantaisie, "Einfach, innig".
La Sonate pour violon et piano n°1 en la mineur op. 105 présente la particularité d’avoir été peu aimée du compositeur allemand qui déclarait en 1853 : "La première sonate ne me plaisait pas, c'est pourquoi j'en ai fait une seconde, dont j'espère qu'elle sera meilleure". Une deuxième sonate qui figure bien entendu dans l’album. Mais revenons à cette première sonate. Sans doute moins lumineuse que ce qu’il aurait souhaité, le compositeur s’inscrit dans un registre très automnal, avec une œuvre moins passionnée que tourmentée (le premier mouvement "Mit leidenschaftlichem ausdruck"). On goûtera avec plus de plaisir le deuxième mouvement allegretto, à la belle légèreté. On trouvera dans cette sonate mal-aimée du compositeur un étonnant et moderne "Lebhaft", singulier mouvement aussi harmonieux que luxuriant, presque festif.
Toujours chez Robert Schumann, saluons la bonne idée d’avoir inclus dans cette collection la Rêverie, Träumerei, tirée des Scènes d’enfants op. 15, par un Robert Schumann proposant une pièce géniale, mettant à l’honneur l’enfance – ce qui est assez nouveau pour l’époque. Simplicité, délicatesse, fragilité : cette Rêverie va à l’essentiel, sans artifice ni sensiblerie. Vous l’avez deviné : cela en fait une œuvre majeure pour cet enregistrement.
L’histoire du Concerto pour violon retiré du catalogue officiel de Schumann mériterait à elle seule une chronique entière
Pour ouvrir la seconde partie de cette Collection Schumann, c’est Clara Schumann qui est mise à l’honneur avec ses Trois Romances pour violon op. 22 dans lequel l’auditeur découvrira ou redécouvrira le génie d’une femme – elle et Robert Schumann étaient amoureux et mariés – s’inscrivant à plein dans le mouvement romantique. La texture de ces Romances – évidemment, le terme n’est pas anodin – laisse deviner, en dépit de leur brièveté, l’univers d’une compositrice subtile, exceptionnelle et capable d’émouvoir, même un siècle plus tard. Que l’on pense au premier mouvement tout en champagne, "Andante molto" mais aussi au formidable "Allegretto".
Nous en parlions : la Sonate pour violon et piano n°2 op. 121, vantée par un Robert Schumann très crique envers la sonate précédente, est incluse dans cette collection schumanienne. On remarquera que le compositeur se déploie avec bonheur, tout en prenant son temps, à l’instar du premier mouvement "Ziemlich langsam Lebhaft" – plus de 14 minutes quand même –, véritable univers dans l’univers. On peut tout aussi bien parler de paysage musical dans le deuxième mouvement, "Sehr lebhaft", enlevé et vivant. L’auditeur sera sans doute surpris par le mouvement suivant, "Leise, einfach", commençant par des pizzicati d’une belle expressivité – modernes, aurions-nous envie d’ajouter – avant de se déployer vers une jolie berceuse. Voilà qui donne une des plus beaux mouvements de ce double album. Le quatrième mouvement, "Bewegt", retrouve une vigueur nouvelle, grâce aux jeux enthousiastes des frères Fouchenneret.
L’opus se termine avec un grand orchestre, celui de Normandie dirigé par Jean Deroyer, pour le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur. Après la sobriété et l’intimité des sonates, fantaisies et autres romances, place à une œuvre majestueuse, dense et aux mille teintes, mais que le compositeur n’a jamais vu jouer de son vivant (il est mort en 1856, trois ans après l’écriture du concerto) et qui n’a été redécouverte qu’au milieu des années 30. L’histoire du Concerto pour violon, retiré du catalogue officiel de Schumann pendant des dizaines d'années, mériterait à elle seule une chronique entière, voire un film. L’œuvre se déploie avec majestuosité mais aussi noirceur (le premier mouvement, "In kräftigem, nicht zu schnellem Tempo"), avant un deuxième mouvement, le "Langsam", introspectif, méditatif, voire métaphysique. Le programme se termine avec le troisième mouvement du concerto ("Lebhaft, doch nicht schnell"), brillant et virevoltant.
Les frères Fouchenneret prouvent par cette Collection Schumann leur très grande complicité au service d’œuvres essentielles du répertoire romantique.
Récompensé par un Prix Goncourt lors de sa sortie en 1990, le premier livre de Jean Rouaud est encore aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs romans français de cette décennie.
Fausse chronique familiale qui dépeint la vie d'une bourgade de la Loire-Atlantique, Les Champs d'Honneur s'attache à trois personnages décédés à quelques semaines d'intervalle : le père, puis une vieille tante et enfin un grand-père. L'auteur trace les portraits de ces personnages grâce à des souvenirs anodins, cocasses ou poignants. De fil en aiguilles, des indices et des allusions nous amènent de ces petites histoires quotidiennes à la Grande Histoire : celle de jeunes hommes tuées pendant la première guerre mondiale, des morts qui hantent longtemps après leurs proches.
Les Champs d'Honneur est un authentique chef-d'œuvre : grâce à une écriture minutieuse et virtuose, Jean Rouaud fait resurgir le traumatisme de la Grande Guerre et redonne vie aux petites gens de sa région natale. Du très, très grand art.
Les tintinophiles se précipiteront sans doute sur cet ouvrage, conçu comme un lexique dédié à l’un des personnages les plus fameux de l’œuvre d’Hergé : le Professeur Tournesol, dit Tryphpon Tournesol, un prénom insolite qui fait l’objet d’une entrée à la lettre T.
Précisons que si on retrouve quelques illustrations dans le livre de Pierre Bénard, Tryphon de A à Z (éditions 1000 Sabords), aucune ne vient de l’œuvre d’Hergé, conséquence – on s’en doute – de ses ayant-droits, connus pour défendre l’héritage du dessinateur belge jusqu’à bloquer toutes les initiatives des amoureux de Tintin. Mais fermons la parenthèse.
Depuis Le Secret de Rackham Le Rouge (voir "Requin" à la lettre R), le savant fait partie, avec Haddock et Tintin (sans oublier Milou), de la triade partie dans des aventures les plus incroyables : d’une île au trésor à plusieurs péripétie en Syldavie, en passant par la Suisse, l’Océanie et bien entendu la lune.
À ce sujet, l’auteur note que la plus incroyable aventure de Tournesol, sa "page glorieuse", le voyage sur l’astre lunaire (Objectif Lune et On a marché sur la lune) n’est qu’évasivement évoqué dans les albums suivants, comme si un voile pudique était jeté sur cette épopée, ou "preuve (…) que l’épopée lunaire n’a pas fait grand bruit dans le monde, alors que le portrait de Tryphon aurait dû s’afficher partout".
Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
Qu’en est-il du personnage, si attachant et finalement à la fois humain et insaisissable ? A priori, il reste l’un des moins mystérieux du panthéon tintinesque. Et pourtant, que de contrastes entre l’inventeur doux dingue des débuts – celui du requin sous-marin et de la machine à brosser les vêtements – et l’ingénieur aéronautique capable d’envoyer l’homme sur la lune ! Et que pourrait-on dire du concepteur de l’arme à ultrasons, sans doute aussi terrible que la bombe A (L’Affaire Tournesol) ? Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
En tout cas, Tournesol est bien un génie incompris, ce que Pierre Bénard dit dans son article "Panthéon" : "On peut en citer qui eurent, pour moins que ça, les honneurs du tombeau des Grands Hommes".
Il faut aussi parler de cet homme plus ambivalent qu’il n’y paraît : maladroit, sourd comme un pot jusqu'à être asocial, Tournesol sait aussi se montrer d’une rare violence, lorsque par exemple Haddock touche sa corde sensible – le fameux "zouave", un mot qui a failli mettre le programme spatial à l’eau (Objectif Lune).
L’auteur de ce dictionnaire amoureux s’étend paradoxalement moins sur les amis de Tournesol – si l’article sur "Haddock" est riche, celui sur "Tintin" est plus maigre, quant à "Nestor", il n’apparaît carrément pas – que sur les modèles de Tryphon. Les savants évoqués sont légion, à commencer par Auguste Piccard qui a servi de modèle. Pierre Bénard s’avère particulièrement pertinent lorsqu’il traite d’autres figures moins connus, à l’instar d’Isidore Isou, de Robert Godart ou Robert Oppenheimer (nous en parlions plus haut)
Un mot enfin sur ces autres savants des aventures de Tintin, débarqués au moment de l’arrivée de Tournesol – les Calys, Sakharine et autres Halambique – comme s’il fallait pour Hergé avoir ces figures en guise de prototypes avant d’inventer, justement, le génial inventeur.
La jazzwoman Robin McKelle fait son retour tant attendu avec un album gracieux et séduisant, Impressions of Ella, Ella comme Ella Fitzgerald, bien sûr.
C’est l’occasion de découvrir ou découvrir des classiques du jazz qu’Ella Fitgerald a interprété à son époque. Pour ces revisites, Robin McKelle est accompagné d’un orchestre restreint, avec Kevin Barron au piano, Peter Washington à la guitare et Kenny Washington à la batterie, sans compter le featuring de Kurt Elling.
Cet opus marque le grand retour de la chanteuse américaine, sous forme d’hommage à une figure tutélaire du jazz. "Ma voix a mûri, et moi aussi. J’ai senti qu’à ce moment de ma vie, ces paroles avaient un sens pour moi. Impressions of Ella est comme un retour à la maison pour moi. Comme une réunion familiale après des années de séparation. Une reconnexion avec la musique qui m’a nourrie pendant toutes mes années de formation musicale, et qui furent largement influencées par Ella Fitzgerald", confie Robin McKelle, bien décidée à remettre au goût du jour des standards du jazz.
Que l’on pense au "Old Devil Moon", composée par Burton Lane sur des paroles de Yip Harburg pour la comédie musicale Finian's Rainbow (1947), et que Robin McKelle interprète sans coup férir, dans l’esprit des musicaux de Broadway.
Autre grand classique, toujours de l’entre-deux-guerre, "My One And Only" a été d’abord une chanson de George Gershwin et Ira Gershwin pour la comédie musicale Funny Face, avant de figurer dans le répertoire de la Grande Elsa. Et maintenant Robin McKelle, dans une facture des plus simples et efficaces – voix et piano, avec ce swing extraordinaire. Les frères Gershwin ont d’ailleurs une place de choix dans Impressions of Ella, avec le délicat "Embraceable You" et le mélancolique "Soon" qui vient clôturer l’album.
Du jazz, du vrai, du pur
Le lecteur de cette chronique sera sans doute surpris de voir le nom de Lady Gaga cité en référence pour le titre "Lush Life" de Zara Larsson. Il est vraie que l’interprète de "Bad Romance" l’avait chanté pour son album jazz (et oui!), en duo avec Tony Bennett. C’est là l’occasion de se précipiter sur l’opus Cheek to Cheek (2014), aussi velouté et sensuel que la version de sa compatriote. On pourrait dire la même chose de "I Won’t Dance" de Jerome Kern que Robin McKelle interprète avec Kurt Elling, tout en suavité et en complicité.
Il y a incontestablement un swing réjouissant chez Robin McKelle, à l’instar de "How High The Moon" de Morgan Lewis et Nancy Hamilton. Robin McKelle s’épanouit avec un bonheur communicatif, à l’instar du "Do Not Nothing Til You Hear from Me" que Duke Ellington avait écrit dans les années 40. Ella Fitgerald avait chanté cette chanson pour l’album de 1957 (Ella Fitzgerald chante le livre de chansons de Duke Ellington). Dans cette version de 2023, Robin McKelle ne se laisse pas impressionner par ces deux figures de la musique du XXe siècle. On y voit la marque d’une artiste à la voix puissante et capable des plus belles arabesques.
"Robin’s Nest" ne pouvait pas ne pas apparaître dans cet hommage à Ella Fitgerald. Du jazz, du vrai, du pur, là encore. Un titre écrit par la jazzwoman, ainsi qu'Illinois Jacquet et Charles Thomson.
Vernon Duke est à l'honneur à deux reprises à la fin de l’opus, avec deux classiques, le standard de Broadway "Taking a Chance to Love", écrit avec John LaTouche et Ted Fetter et le suave "April in Paris", cette fois avec Yip Harburg. Robin McKelle s’empare de ces classiques avec gourmandise, tempérament et passion.
Est-il utile de dire que le bonheur est à tous les étages dans ce somptueux album ?