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Bla Bla Blog - Page 55

  • Les couleurs musicales d’AyseDeniz

    N’en déplaise aux grincheux, la musique classique et contemporaine connaît depuis quelques années un sérieux renouveau. Un exemple ? AyseDeniz et son dernier album, Patterns.

    La musicienne, originaire de Turquie, s’est fait connaître grâce au bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. AyseDeniz cumule des centaines de milliers de fans sur les réseaux sociaux et des dizaines de millions de streams sur les plateformes. Patterns, c’est une foi renouvelée pour le classique et la composition. La pianiste a pour elle l’enthousiasme mais aussi la virtuosité, à l’exemple du singulier "Chaos" qui ouvre son album sorti ce printemps.

    La compositrice propose treize titres, relativement courts (de deux à quatre minutes) qui entendent montrer qu’il y a une vie après Bach ("AfterBach") et que le classique connaît un revival assez inattendu en ce début du XXIe siècle. Non, le romantisme n’est pas plus mort ("Enchanted Heart") semble nous glisser à AyseDeniz à l’oreille, grâce à un piano lumineux et un orchestre qui se déploie avec élégance.

    L’auditeur pourra saluer un album à la fois riche et aux multiples surprises, à l’instar de "Kelton", à la mélodie mystérieux et romanesque. N’importe quel metteur en scène trouvera dans l’opus de l’artiste turque une bande son d’une incroyable richesse, alternant lyrisme ("The Labyrinth Of Freedom"), poésie ("Sunshine City"), mélancolie ("Sarp"), fougue ("Chaos"), retenue ("Threads Of Sound"), pudeur ("Lunapark") et grands élans symphoniques ("AfterBach"). 

    Coloriste musicale

    Véritable concerto pour piano de nos jours (si l’on excepte, à partir de la seonde moitié de l’album des morceaux pour instrument solo), Patterns sait jouer des nuances et prendre l’auditeur par la main, en revenant à l’essence du classique : l’harmonie, la création mélodique et le sens de l’architecture sonore. Écouter "Lunapark", par exemple, c’est entrer dans un monde coloré et lumineux, celui de l’enfance, de l’innocence et de l’insouciance.  

    Disons-le : la musique d’AyseDeniz touche grâce à sa qualité de provoquer des images, y compris à la personne la plus réfractaire au classique ("Sharp"). Dans "Sunshine City", la musicienne se retrouve seule derrière son piano , au service d’une pièce se déroulant avec élégance et en allant à l’essentiel. Et si cet essentiel n’était pas tout simplement la beauté ?    

    Patterns abrite quelques jolies surprises, frappant par leur construction sonore, à l’instar du nu et mélancolique "Peace Finally" ou de l’impressionniste "Velvet Piano". Le choix du piano solo permet à AyseDeniz de montrer toute sa virtuosité ("The Labyrinth Of Freedom"), autant que sa justesse et ses qualités de coloriste musicale toute debussyenne ("In My Head"). On quitte comme de l’album comme on sort d’un rêve, avec une très belle valse, "April Waltz"

    Il faut enfin noter que suite au tremblement de terre catastrophique qui a frappé le pays natal d'AyseDeniz et la Syrie voisine, l'artiste a lancé Help In Harmony, un mouvement musical au profit de l'organisation Turkish Philanthropy Funds. La pianiste souhaite utiliser sa popularité sur les réseaux sociaux afin de réunir des artistes et mobiliser des dons pour de la nourriture de survie, des soins médicaux et psychologiques, des abris et bien plus encore.  

    AyseDeniz, Patterns, Audio Networks, 2023
    https://www.adpianist.com
    https://www.instagram.com/adpianist/?hl=fr
    https://www.facebook.com/ADPianist
    https://www.helpinharmony.com

    Voir aussi : "Majeur !"
    "Nul n’est prophète en son pays"

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  • L’aventure c’est l’aventure

    Voilà a priori une facture somme toute classique pour ce premier EP de Max Darmon. Son opus, La grande aventure, coche toutes les cases d’un bon album de chansons françaises : très bon travail mélodique, des textes personnels, une voix masculine impeccable et l’influence des eighties. "Fuis moi" en est un parfait exemple, tout comme "Pourquoi faut-il ?".

    Ce que l’auditeur va aussi et surtout apprécier c’est la production soignée (Max Darmon s’est entourée de Florian Robin aux claviers, Romain Roussouliere à la guitare, Wendy Killman et Florian Gouello à la batterie et Jérémy Rassat à la réalisation et direction artistique) aussi bien que le caractère robuste de cet EP. Dans le titre qui donne son nom à l’opus, Max Darmon s’affirme avec une belle densité : "Viens on s’casse, toi et moi c’est la grande aventure tu sais / Réfléchis pas, prends ton sac tes clefs puis on y va". 

    Un EP plus robuste qu’il n’y paraît

    Il faut être tout aussi attentif à la manière dont a été écrit La grande aventure. L’opus se veut un (mini) concept album sur le thème du voyage, avec des titres éloquents : "Fuis moi", "Te retrouver", "L’itinérante, "Allez viens" et bien sûr "La grande aventure".

    Max Darmon sait chanter l’amour avec une insouciance à la fois troublante et attachante ("Te retrouver"). Ne nous posons pas de question, dit l’artiste, qui adresse une belle déclaration à sa belle, quitte à faire de "beaux excès".

    Lorsque le talk-over est mené avec soin, cela donne "L’itinérante" : poétique, très eighties, Max Darmon dresse le constat d’un amour difficilement compatible avec une itinérance compliquée : "Mais face à face tout paraissait plus simple / Chérie / J’te regarde partir / L’itinérance c’est ta vie".

    L’EP se termine par "Allez viens", langoureux et sensuel slow qui nous entraîne, encore une fois, du côté des années 80. C’est impeccable, rondement mené et promet pour Max Darmon une belle aventure musicale pour la suite. 

    Max Darmon, La grande aventure, Antipodes Music2023
    https://www.instagram.com/max.darm0n

    Voir aussi : "Louis Arlette, classique et moderne"
    "Suivez Aïtone"

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  • Jour de souffrance

    confrérie,catherine millet,sexeSortie en 2001, La Vie sexuelle de Catherine M, avait connu un succès international. Jour de Souffrance est la continuité de cette "autobiographie sexuelle" (l'expression est de l'auteur) ainsi q'un éclairage nouveau sur cette oeuvre scandaleuse.

    Catherine Millet raconte cette fois avec pudeur et justesse (l'antithèse de son premier récit !) comment, malgré sa vie sexuelle tumultueuse et à la liberté assumée, elle a dû affronter un sentiment qu'elle pensait jusqu'alors impossible : la jalousie.

    Ce récit est une introspection particulièrement sensible et qui vaut aussi par le dernier chapitre qui revient sur le grand succès de Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine M.   

    Catherine Millet, Jour de Souffrance, éd. Flammarion, 2008, 265 p.
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2010/03/10/17193439.html
    https://editions.flammarion.com/jour-de-souffrance/9782080689054

    Voir aussi : "Le ravissement de Lol V. Stein"

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  • Flore Cherry, de cinq à sept

    On adore Flore Cherry : son enthousiasme, sa pétulance, son exigence, son regard aiguisé sur la place du sexe dans notre société. Elle est de retour en ce moment avec sa nouvelle pièce de théâtre, Le Cinq à Sept, pièce qui n’aurait pu voir le jour sans le site spécialisé Gleeden qui la propose dans le bar à fantasmes Sweet Paradise.

    Un professeur de littérature vient de se faire larguer par sa maîtresse en plein cours. Dommage ! Il avait tout prévu pour un cinq à sept d'exception. Et s'il trouvait parmi ses étudiantes, dans le public, la prochaine prétendante à son cœur via des défis osés et coquins ?

    Rouge ou bleu

    Pour ce cours – pardon, ce spectacle ! – mémorable, érotique, immersif et interactif, à destination des femmes (les amants et les maris cocus sont acceptés), deux choix de bracelets sont proposés : rouge pour celles qui souhaitent une forte interaction avec les comédiens, bleu pour celles qui souhaitent rester simple spectatrice.

    Journaliste (Vogue, Sud Radio, Union, etc.) et autrice spécialisée dans la sexualité, Flore Cherry propose pour la première fois une pièce de théâtre à visée érotique pour les femmes. Comment réinventer dès lors un spectacle érotique vivant qui manque de représentation pour un public féminin ? "Derrière le fantasme classique du professeur de littérature, j'ai voulu embarquer les spectatrices à travers un florilège de pratiques sensuelles : dirty talk, exhibition, massages, etc. tout en les faisant réfléchir à la notion même de couple. A quoi sert-il de vivre ensemble si la communication sereine et honnête, avec soi-même comme avec l'autre, est impossible ?", confie l’auteure.

    Faire du théâtre un objet de désir, quoi de plus sexy ?

    Le Cinq à Sept est à voir et à déguster au Sweet Paradise, dans le deuxième arrondissement parisien, tous les dimanches à 16 heures.

    Flore Cherry, Le Cinq à Sept, Sweet Paradise
    12 rue Marie Stuart (Paris, 2e)
    Tous les dimanches à 16 heures
    Mise en scène Arthur Vernon, avec Antoine Riaux et Marina
    https://www.sweetparadiseparis.com
    https://www.facebook.com/SweetParadiseParis
    https://fr.gleeden.com

    Voir aussi : "Au-delà de cette limite, votre bracelet n’est plus valable"
    "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    "La vie (sexuelle) des jeunes"

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  • Suivez Aïtone

    Aïtone revient avec un deuxième album, Follow, à la facture des plus séduisante. C’est à l’image du premier titre, "Inner Child", une pop éthérée, d’une belle délicatesse, très british (tout l’album est en anglais), avec la voix juste et haute d’Aïtone.

    Oui, il faut suivre Aïtone, pour reprendre le titre du morceau qui donne son nom à l’album ("Follow"). Son deuxième opus prend des chemins pop, et même britpop, avec ses sonorités claires et ses intonations que l’on dirait vaporeuses. On peut dire que le mystère court sur Follow, un mystère non exempt de souffrances et de mélancolie ("As Fire We Fall").

    On baigne dans cet album comme dans un océan musical aux délicats reflets musicaux ("Happy Thought"), aux teintes pastel ("Sail Away"). Le tout est appuyé par une production et une orchestration sans faille. Du grand classique et un vrai retour aux sources, dans une pop non sans teintes psychédéliques.

    Pour l'enregistrement de ce nouvel opus, Aïtone a fait appel à François Poitou, arrangeur au sonorités originellement plutôt tournées vers le jazz, et qui apporte aux compositions un souffle et une ampleur nouvelles. Nous retrouvons aussi sur le disque Benjamin Colin et Quentin Gouraud à la batterie et aux guitares, et François Poitou à la basse. 

    Un océan musical aux délicats reflets musicaux

    Mais le rock et la fureur ne sont pas absents, à l’instar du morceau très eighties, "We’re The Same" ou "Le temps de l’autre" – en anglais, contrairement à ce que son titre l’indique, sans doute l’un des meilleurs extraits de l’opus.

    L’auditeur sera sans doute plus sensible à la superbe ballade "Nightmare", sans doute l’une des plus jolies créations de l’album. Aïtone est comme ça : il propose une pop à la fois sophistiquée, moderne, avançant à petits pas, et avec une sensibilité qui frappe au cœur. C’est le très joli "Yards Of Limbs", l’autre très grand morceau de l’opus qui mériterait de figurer sur beaucoup de playlists.

    Après un "Cold & Fever" franchement planant et fiévreux – justement –, Follow se clôt de la plus belle des manière avec "Set On Fire", ballade faisant le pari de la mélancolie et de l’une forme classique avec cordes, à l’instar des Tindersticks. Un vrai retour aux sources. 

    Aïtone, Follow, Musigamy / Inouïe Distribution, 2023
    https://www.aitonemusic.com/music
    https://www.facebook.com/aitone
    https://www.instagram.com/aitonemusic

    Voir aussi : "Louis Arlette, classique et moderne"

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  • Le pouvoir de consolation de Sarah Lancman

    Sarah Lancman est de retour avec un nouvel album, Le Pouvoir des Mots, dans lequel la jazzwoman s’épanouit dans des compositions où la chanson française se teinte harmonieusement de jazz. Est-il encore utile de répéter que la musicienne s’aventure sur les pas de Michel Legrand ? Une influence qu’elle revendique au travers de sa reprise de "Que feras-tu de ta vie ?", titre composé à l’origine pour le film The Happy Ending et pour lequel Michel Legrand a été nommé en 1970 pour le Golden Globe de la meilleure chanson originale et pour l'Oscar de la meilleure chanson originale. "Les Feuilles mortes" est l’autre reprise, en bonus track, de l’opus. Saluons au passage l’interprétation mezza-voce et jazzy de Sarah Lancman dans ce classique de Prévert et Kosma. 

    La musicienne se fait aussi compositrice dans ce nouvel album, concocté, on l’imagine, avec un soin particulier. Du bel ouvrage. Dès le début de son opus, la Parisienne rend un superbe hommage à la plus belle ville du monde avec "Nostalgia in Paris" : romantisme, mélancolie, voix veloutée et orchestration impeccable font de ce morceau un magnifique joyau de l’album.

    Sarah Lancman sait aussi quitter les sentiers battus et surprendre avec un boléro ("Boléro Nocturne n°3) pour une succulente et soyeuse déclaration d’amour, sous le signe de la danse à deux, joue contre joue : "Tu as le beau rôle / Toi mon héros".

    L’auditeur sera également frappé par une autre danse, cette fois un tango qui sert de trame à une chanson de séparation. Paradoxal et pertinent choix de faire de la plus sensuelle des danses à deux le rythme d’une séparation. Mais une séparation douce et rassurante, comme un joli beau baume à l’âme. "Mon amour ne me fait pas souffrir / C’est quand il a disparu / Que le cœur a si mal se déchire / On souffre quand on n’aime plus".

    Jazzwoman jusque dans ses tripes

    Jazzwoman jusque dans ses tripes (son "Interlude musical" au piano) , Sarah Lancman propose avec la chanson qui donne son titre à l’album une revisite du poème "Liberté" de Paul Éluard. La musicienne s'inspire du texte emblématique de l’écrivain en chantant un message universaliste, susurré comme un désir ardent : "Mais c’est bien le pouvoir des mots / Qui rendre le monde plus beau / Démolissant les interdits."

    Outre le morceau personnel et autobiographique "Je le sais", dont Bla Blog avait parlé, Sarah Lancman prend l’auditeur par la main pour un voyage intime, chaleureux et réconfortant. C’est cette "Ôde à l’amitié" touchante ("Toi"). C’est aussi "Les hommes que j’aime" que l’on goutte avec plaisir. Sarah Lancman se lance dans un hommage aux hommes sous forme d’une liste de qualités que beaucoup reconnaîtront sans doute : "Les atypiques / Les astucieux / Les lunatiques / Les audacieux / Les romanesques / Les courageux / Les passionnés…" C’est léger et frais comme une coupe de champagne.

    On sera tout autant touché par "Ma prière", une prière païenne en vérité dans laquelle Sarah Lancman parle de chagrin, de résilience et d’un "signe" qui se fait attendre : "Que ma voix me porte / Pour tracer ma voie / Vulnérable ou forte / Je chanterai pour toi".

    Il y a un parfum de résilience, voire de consolation, dans cet album, à la fois léger dans sa forme et profond dans son message. C’est un peu à l’image de "Danse avec ta peine", un titre qui entend nous ragaillardir, et nous appeler à aller de l’avant, en un mot à aimer : "Est venu le temps de dire au revoir / Aux larmes et aux regrets / Pour enfin retrouver l’espoir / D’aimer encore et encore". 

    Sarah Lancman, Le Pouvoir des Mots, Inouïe Distribution, 2023
    https://www.sarahlancman.com
    https://www.facebook.com/sarahlancmanjazz
    https://www.instagram.com/sarahlancman

    Voir aussi : "Sarah Lancman, on le sait"
    "Sarah Lancman amoureuse"
    "Sarah Lancman : 'Oser oser !'"
    "Les bonnes fées de Sarah Lancman"

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  • Burning Days

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis leur film de la semaine, Burning Days. Il sera visible du 29 juin au 4 juillet 2023. La séance du mardi 4 juillet à 20h30 sera suivie d'un débat.

    Emre, un jeune procureur déterminé et inflexible, vient d’être nommé dans une petite ville reculée de Turquie. À peine arrivé, il se heurte aux notables locaux bien décidés à défendre leurs privilèges par tous les moyens, même les plus extrêmes.

    Burning Days, drame turc de Emin Alper
    avec Selahattin Paşalı, Ekin Koç et Erol Babaoğlu
    Titre original : Kurak Günler, 2023, 128 mn

    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1340

    Voir aussi : "The Quiet Girl"

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  • Les paroles, la musique et le vieil homme

    Il faut bien sûr commencer par parler du livret et du texte de cette incroyable œuvre de Samuel Beckett, Words and Music. L’auteur irlando-français l’a écrit en 1962 pour une œuvre radiophonique de la BBC. Une création contemporaine dédiée donc d’abord à l’écoute et pas forcément à la scène. C’est John Stewart Beckett, dramaturge et cousin de l’écrivain, qui est chargé de la partition. Vingt ans plus tard, Beckett demande à Morton Feldman une nouvelle partition pour ce texte singulier. Très récemment, le compositeur Pedro García Velásquez vient proposer au texte sa propre version musicale, en livrant une nouvelle partition. Alphonse Cemin est à la direction musicale pour cette nouvelle revisite.

    Samuel Beckett est une figure majeure de la littérature française, enseigné à l’école, joué des milliers de fois, aimé également, et même beaucoup en France. Le groupe Le Balcon propose ici une de ses œuvres où, comme le nom Words and Music l’indique, les mots ont toute leur importance. Bien qu’il ait écrit cet opus vocal en anglais, les éditions B.records proposent une traduction en français. Voilà qui est parfait pour un auditeur non-anglophone de découvrir ce dialogue.

    Dans un étrange pays, très Shakespearien et que le Roi Lear aurait pu habiter, un vieil homme, Croak, s’adresse à deux interlocuteurs qu’il nomme Jo et Bob. Jo personnifie les paroles et Bob la musique. Les Paroles, la Musique et le vieil homme évoquent ensemble le temps qui passe, son absurdité, mais aussi l’amour. "L’amour est de toutes les passions la passion la plus puissante et à vrai dire il n’est nulle passion plus puissante que la passion de l’amour".

    Jo personnifie les paroles et Bob la musique

    Des personnages non identifiés dans un monde à la fois familier et irréel. Des dialogues a priori décousus. Des interrogations sur le sens de la vie et sur la souffrance. Mais également ici une plongée dans les questions sur la création. L’auditeur retrouve dans Words and Music l’essence même de l’œuvre de Samuel Beckett, un phare essentiel de la littérature du XXe siècle.

    Pour appuyer les mots de l’écrivain, il fallait une musique à sa hauteur, qui vienne appuyer sans trahir ni recouvrir les mots de l’auteur. Le jeune compositeur franco-colombien Pedro García-Velásquez s’est attelé à cette tâche avec enthousiasme, y apportant son sens de la modernité.

    Comment revisiter en musique une pièce vieille de plus de 60 ans, écrite par un écrivain majeur ? Pedro García-Velásquez choisit la veine résolument contemporaine, utilisant autant un orchestre de chambre traditionnel que de la musique électronique. Cela donne au final une expressivité et un expressionnisme d’autant plus fort que le texte est servi par les récitatifs graves, puissants et dramatiques de Jean-Claude Frissung et Johann Leysen.

    L’album est d’ailleurs dédié à l’acteur belge, décédé le 30 mars 2023.

    A noter enfin que cette création de Pedro García-Velásquez a remporté le Prix de la Création musicale du Syndicat de la Critique.

    Samuel Beckett et Pedro García-Velásquez, Words and Music
    Le Balcon, direction musicale Alphonse Cemin, b.records, 2023
    Avec Johan Leysen (Words) et Jean-Claude Frissung (Croak)
    https://www.lebalcon.com/?encyclopedia=words-and-music
    https://www.b-records.fr/wordsandmusic

    Voir aussi : "Loïe Fuller sur les pas de Salomé"

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