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Bla Bla Blog - Page 6

  • Bordeaux en images

    Qui connaît Bordeaux ? Les Bordelais et Bordelaises peut-être ; et encore. Voilà qui explique pour commencer la très belle idée de retracer l’histoire de la 12e ville de France pour la superficie et la 9e en terme de population. Ajoutons, pour terminer sur l’aspect statistique que dans le classements mondial des 25 villes les plus belles villes du monde, Bordeaux arrive à la 9e place… devant Paris.

    Les éditions Petit à Petit proposent, dans leur collection Villes en Docu-BD, leur nouvelle publication, La Grande histoire de Bordeaux, une biographie originale de la Capitale de la Garonne. Sur un scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud, le tout en 18 chapitres, 16 dessinateurs proposent une plongée dans la vie de la cité girondine de la Préhistoire jusqu’aux années 2020. Pour chaque chapitre, 6 planches relatent une époque pour la ville de Bordeaux, occasion de découvrir une ville qui ne se résume ni au vin, ni au passé négrier – qui a certes existé. On découvrira que la paisible ville des années 2020 – certes embourgeoisée depuis quelques années – n’a pas la moins souffert des conflits et des événements souvent dramatiques en raison de sa position géostratégique. 

    Les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents

    La bande dessinée a ceci comme avantage d’ouvrir l’Histoire a un plus large public, et même mieux : de la mettre en images. Parce que les sources manquent pour certaines périodes, les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents de Meliss et Ariin. Deux adolescentes – imaginaires elles aussi – viennent également clôturer l’album pour parler de notre époque et des aménagements urbains récents.

    Dans un désir de rendre l’histoire de Bordeaux attrayante et vivante, des personnages historiques – réels ceux-là – ponctuent le récit. C’est le Romain Ausone, pris à parti par Meliss et Ariin en raison d’un document disparu. C’est Aliénor d’Aquitaine, personnage capitale dans l’histoire de l’Aquitaine. Citons aussi Montaigne qui, beaucoup l’apprendront, a été Maire de Bordeaux durant les Guerres de Religion.

    Outre un chapitre éloquent sur le trafic d’esclaves qui a enrichi la ville – certes, moins que Nantes – La Grande histoire de Bordeaux est largement consacrée à l’urbanisme et aux transformations citadines profondes, depuis les enceintes médiévales jusqu’aux constructions modernes, en passant par le travail spectaculaire de Claude Boucher au milieu du XVIIIe siècle, le "Pont de Pierre" après l’époque napoléonienne, sans oublier l’arrivée du chemin de fer qui a eu des conséquences inattendues sur le paysage mais aussi la société aquitaine.

    Et puis, the last but not the least, il y a la viticulture bordelaise, un patrimoine culturel exceptionnel qui est surtout relaté à travers le drame naturel qu’ont été le phylloxera puis le mildiou. Une passionnante manière de découvrir ou redécouvrir une ville qui est parvenue à se faire aimer au fil des siècles. 

    La Grande histoire de Bordeaux, éd. Petit à Petit, collection Villes en Docu-BD, 2024, 160 p.
    Scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud
    Documentaires de Béatrice Merdrignac, Dessins de Alessandro Poli, Fabrizio Russo, Francesco Bisaro, Luciano Bernasconi, Alain Paillou, Chico Pacheco, Emmanuel Despujol, Fabio D’Auria, Jean-Claude Bauer, Adrien Amilhat, Benjamin Basso, Benoit Lacou, Emeric Tain, Fabien Ronteix, Philippe Loirat, Samuel Mennetrier
    https://www.petitapetit.fr/produit/bordeaux-ledition-complete

    Voir aussi : "Tintin bordelais"

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  • Miséricorde

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Miséricorde. Il sera visible du 6 au 12 novembre 2024. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 12 novembre 2024 à 20H30.

    Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue...

    Miséricorde, drame français de Alain Guiraudie
    avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, 2024, 103 mn
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1491
    https://filmsdulosange.com/film/misericorde
     
    Voir aussi : "Niki"

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  • Enquêtes pour de faux

    Insupportable Mulford Sploodge. Inénarrable Sylvain Gillet. Mais où s’arrêtera-t-il ? Après une série de polars aussi glauque que drôles, et dont la marque de Frédéric Dard est évidente (Venenum, Ludivine comme Edith, Commedia nostra), l’auteur venu tout droit du Gâtinais propose chez Ramsay sa dernière œuvre, Les enquêtes improbables de Mulford Sploodge.

    Au menu, non pas une mais 33 histoires racontées par le plus improbable détective au nom très british, Mulford Sploodge. Ces nouvelles, dont certaines sont anciennes, commencent de la même manière : un détective à la Marlowe constate que les clients ne se bousculent pas devant la porte de son bureau, jusqu’à ce que…

    La suite est une série d’histoires aussi drolatiques qu’improbables dont le seul but n’est que de faire rire ou sourire. 

    Le lecteur ne trouvera pas dans ce livre d’enquêtes sérieuses

    Au menu de ce livre, il est question de la disparition du Père Noël, d’un concombre masqué, d’une conseillère matrimoniale, d’une séance de psy dont Mulford Spoodge a grandement besoin, d’un voyage vers le passé en 1985, d’un apprenti assassin ou d’un voyage dans l’espace.

    Sylvain Gillet s’est amusé à faire d’un détective insupportable, sexiste, raciste, stupide et prétentieux le principal argument d’un recueil où le principal héros est l’humour. "Son humour est aussi dépassé que sa vision du monde. C’est un inculte total. Il me parle régulièrement des Misérables d’Émile Zola et croit que Séoul est en Afrique. Rends-toi compte : il télécharge des défilés militaires pour les regarder le week-end ! En plus, c’est le gars le plus corrompu que j’aie jamais vu. Il est macho, sexiste et pour ce qui est de ses opinions politiques, il me donne envie de gerber…" C'est sa secrétaire Yolande qui le dit. On ne peut que la croire. 

    Le lecteur ne trouvera pas dans ce livre d’enquêtes sérieuses. Tout est pour de faux. Même les malencontreux morts qui parsèment le chemin de Mulford Sploodge ne sont pas sérieux.

    Par contre, on rit dans ce livre. Et même on rit beaucoup, que ce soit de la bêtise insondable de l’anti-héros, des quiproquos, de ses calembours ou de ses jeux de mots. Preuve que Sylvain Gillet ne se prend pas au sérieux ? Les mises en abîme qu’il se permet non sans audace : "Raconter mes aventures dans de petites histoires ? (…) Une sorte de chronique. C’est une proposition des éditions Rame Sec (sic) : une bande de jeunes drogués dont les goûts littéraires donnent souvent dans le n’importe quoi" Un "n’importe quoi" revendiqué ici. Et comment !

    Sylvain Gillet, Les enquêtes improbables de Mulford Sploodge, éd. Ramsay, 2024, 288 p,
    https://sylvain-gillet.fr 
    https://www.facebook.com/sylvain.gillet.372 
    https://ramsay.fr/dd-product/les-enquetes-improbables-de-mulford-sploodge

    Voir aussi : "Méchant coup de blues"
    "Les actrices rêvent et se couchent tard la nuit"
    "Du talent à mort !"

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  • Charly 9

    confrérie,jean teulé,charles ix,guerres de religions,saint-barthélémy,biographie,romanCharly 9 c'est Charles IX, roi de France de 1561 jusqu'à sa mort en 1574, à l'âge de 24 ans. Ce roman de Jean Teulé retrace les deux dernières années de sa vie, marquées par le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1772) que Charles IX a plus accepté et subi que réellement voulu. Cet épisode traumatisant, et encore aujourd'hui discuté et débattu par les historiens, va porter un coup fatal à sa santé déjà fragile. Jean Teulé nous livre un roman rythmé, inspiré, audacieux et mêlant style archaïque du XVIIème siècle et langue moderne.

    En suivant Charly 9 dans les deux dernières années de sa vie, une vie rongée par la culpabilité jusqu'à la folie puis la mort, Teulé nous permet de vivre au plus près d'une cour royale en ébullition. Par contre, le lecteur peut être troublé voire circonspect s'agissant de l'aspect purement historique.

    Les approximations et les raccourcis ne manquent pas : Catherine de Medicis est ainsi décrite comme une femme manipulatrice et à l'origine du massacre de la Saint-Barthélemy, ce que beaucoup d'historiens contestent ; les futurs Henri III et Henri IV ou bien encore Ronsard apparaissent comme des personnages caricaturaux. Au passage, pourquoi faire de Charles IX l'inspirateur du poème épique (inachevé) de Ronsard La Franciade alors qu'il avait été demandé par son père Henri II ?) Un roman en tout cas plaisant, qui se lit avec grand plaisir et qui donne envie de mieux connaître cette période troublée.       

    Jean Teulé, Charly 9, éd. Julliard, 2011, 240 p.
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2013/04/30/27049246.html 
    https://www.lisez.com/ebook/charly-9/9782260019305

    Voir aussi : "La Marionnette"

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  • Touchés !

    Sacrée gageure que Toccare, l'album imaginé par la pianiste sino-canadienne Claudia Chan. Il est vrai que la musicienne est reconnue comme une spécialiste mondiale dans la création contemporaine. Pour cet enregistrement public au Bad Godesberg de Bonn et proposé aujourd’hui en disque par les éditions b.records, elle s’attaque au répertoire italien.

    Au menu, Gian Francesco Malpiero (1882-1973), le doyen, Sylvano Bussotti (1931-2021), Salvatore Sciarrino (né en 1947), Giulia Lorruso (née en 1990), Simone Cardini et Francesco Fildei (né en 1973), ce dernier étant présent dans plusieurs créations.

    La musique contemporaine est un univers fascinant et aux multiples dimensions, ce que montre bien ce passionnant opus, intelligemment nommé Toccare – "Toccare", comme "toucher" en italien, celui précisément d’une interprète archi-douée, envoûtante, curieuse et à la virtuosité indispensable pour aborder ces pièces singulières et bien différentes les unes des autres.

    Dans le livret de présentation, à la conception originale, soignée et si caractéristique chez b.records, Claudia Chan souligne la singularité du premier compositeur de son programme, Gian Francesco Malpiero, influencé autant par la Renaissance que par la musique du début du XXe siècle : "Il est difficile à situer historiquement lorsqu’on l’entend", précise-t-elle dans son interview. L’auditeur ne sera pourtant pas totalement perdu dans les deux mouvements de Bianchi e neri (1964), alliant légèreté, gravité (Lento, non troppo) et sombres présages (en particulier le Non troppo lento).  

    Parlons ensuite de la deuxième Sonate pour piano de Salvatore Sciarrino datant de 1983, "une des pièces les plus difficiles que j’ai jamais jouées", confie la pianiste. Il est vrai que la technicité et la virtuosité sont indispensables pour venir à bout de cet opus de plus de neuf minutes (et un seul mouvement). Nous voilà sans au cœur d’une musique contemporaine défiant la tonalité et le rythme, près à décontenancer grâce à ses décrochages incessants et ses vagues s’étirant dans une confusion qui n’est qu’apparente. 

    Une audace sonore que Claudia Chan assume avec cran

    Après un passage par Sylvano Bussotti et sa pièce Musica per amici, très influencée par "les traditions sérielles austro-germaniques", Claudia Chan s’attaque au cœur de son programme, à savoir Francesco Fildei, présent dans trois œuvres, un Preludio (1999), une Suite en trois mouvements et une création de 2023 dédiée à la pianiste, naturellement intitulée For Claudia. Disons tout de suite que l’auditeur sera déconcerté par l’utilisation singulière des sons du piano, transformé pour l’occasion en instrument de percussion. Les sonorités inédites font du Preludio un vibrant hommage à cette musique contemporaine revigorée après 1945 grâce à des compositeurs comme John Cage. Pour Suite (1997), jamais sans doute personne n’a composé de Toccata ou de Notturno avec une telle liberté, en se démarquant complètement du jeu pianistique.

    Oubliez Bach, Chopin ou Fauré. Ce qui se joue ici est une certaine notion de la liberté et de la création pure que la pianiste juge unique dans le monde. Voilà qui donne la mesure de cette audace sonore que Claudia Chan assume avec cran. La Suite se termine avec le tout aussi étonnant Garibaldi’s little rock, dans lequel quelques notes de clavier résonnent, bousculés par les chuintements et percussions… de piano. Pour terminer sur Francesco Filidei, le For Claudia, composé pour la pianiste, obéit à la même grammaire, avec une liberté poussant l’interprète jusqu’à ses derniers retranchements, ce que Claudia Chan assume là encore non sans enthousiasme.

    L’auditeur ne sera sans doute pas insensible à la benjamine de cet enregistrement, à savoir la compositrice Giulia Lorusso. Avec la fascinante pièce Kemò-vad, créée en 2021, elle nous entraîne dans un voyage musical zen et orientalisant. Claudia Chan caresse littéralement les touches de son piano avec une économie de moyens, au point que le silence est roi dans cette méditation sonore.

    Simone Cardini vient compléter ce programme italien. Sa composition de 2020, Restare non ha luogo, un long mouvement fait de pauses, de saccades interrogatives et de touches pianistiques tour à tour inquiétantes et mystérieuses, prouve là encore la vitalité de jeunes compositeurs transalpins. Claudia Chan les chouchoute avec amour et en leur donnant une visibilité – et une audition – unique. Grazie mille, Claudia !  

    Claudia Chan, Toccare, b•records, 2024 
    https://www.claudiachan.ca
    https://www.b-records.fr

    Voir aussi : "Oui, je suis la sorcière"

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  • Sanglante location

    Que veux dire "petit film d’horreur" ? Voilà une expression mal venue et pour le moins dédaigneuse. Parlons donc simplement de film d’horreur pour évoquer Barbare, arrivé il y a peu sur Netflix et que beaucoup vont certainement découvrir.

    Tess débarque à Détroit pour un rendez-vous d’embauche. Elle a choisi une location AirnB dans un quartier défavorisé de la ville. Las, elle découvre un occupant, Keith, a priori de bonne foi. En attendant de régler la situation, les deux locataires décident de se partager la maison. Mais Tess, méfiante, découvre durant la nuit, que des choses anormales se passent.

    Quelques temps plus tard, à l’autre bout des États-Unis, un acteur bien côté, AJ Gilbride, se trouve aux prises avec une accusation d’agressions sexuelles. Pour payer ses avocats, il décide de vendre la maison de Détroit. Il s’y rend pour régler les dernières affaires. Et lui aussi tombe dans le piège dans cette demeure qu’il connaissait visiblement très mal. 

    Une héroïne damant le pion aux deux acteurs du film

    Une maison inquiétante (hantée?), une jeune femme terrorisée, un inconnu inquiétant (Bill Skarsgård, le clown du dernier Ça) et des monstres que l’on découvre au bout d’une heure après une lente et classique montée en tension. A priori, rien de remarquable dans ce Barbare, au titre aussi choc que la première mort brutale dans les tréfonds de la location AirnB – de quoi vous faire réfléchir avant d’organiser vos prochaines vacances.

    La grande particularité de ce film est de surfer sur la vague #MeToo. Oui, Tess obéit aux canons de l’héroïne en danger – et ses cordes vocales sont mises à contribution. Mais, justement, il s’agit d’une héroïne damant le pion aux deux acteurs du film. Le second volet du film, avec l’insupportable AJ Gilbride, appuie le message féministe, d’autant plus lorsque le spectateur découvre les secrets de la maison. Au passage, on aura fait un flash-back dans le Détroit des années Reagan à travers sans doute la meilleure séquence du film.

    Film d’horreur certes, diablement efficace et ne dédaignant pas les scènes gores et franchement peu ragoûtantes, Barbare parvient en plus à instiller quelques messages sur l’Amérique d’aujourd’hui.   
    À découvrir.

    Barbare, film d’horreur de Zach Cregger,
    avec Georgina Campbell, Bill Skarsgård et Justin Long, 2022, 102 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/search?q=barbare&jbv=81622499

    Voir aussi : "No escape from Reality"

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  • Erika Lust : "Un porno éthique et féministe est possible"

    Voilà une singulière et inédite rencontre que propose Bla Bla Blog. Il s’agit de celle avec Erika Lust, réalisatrice, productrice (ERIKALUST), photographe et auteure. Sa spécialité ? Le porno, mais un porno où le féminisme serait au cœur. Cette artiste et intellectuelle, aussi engagée que provocatrice, a bien voulu répondre à nos questions.  

    Bla Bla Blog – Bonjour, Erika. Vous portez plusieurs casquettes – réalisatrice, photographe, productrice, écrivaine, essayiste, féministe engagée, spécialiste du porno. Vous-même, comment vous définiriez-vous ? 

    Erika Lust – Bonjour Bla Bla Blog. Oui, je pense que j'ai plusieurs casquettes, mais avant tout, je dirais que je suis une réalisatrice de films, car c'est ainsi que j'ai commencé ma carrière. Tout a commencé avec un film que j'ai réalisé en tant qu'étudiante en master d'études de genre il y a plus de 20 ans, The Good Girl. J'ai essayé de partir du cliché du film porno avec le livreur de pizza, mais en axant toute l'intrigue sur le point de vue féminin et le désir féminin. Je dirais que j'étais déjà une féministe convaincue à l'époque, mais ce film et son succès m'ont servi de tremplin pour produire et écrire d'autres films, et même pour m'essayer à la photographie. 

    BBB – Vous avez beaucoup écrit et filmé autour de la pornographie, et en particulier de la pornographie féminine. Ce concept peut surprendre. Comment le définiriez-vous ? Et surtout, qu’est-ce qui différencie le porno masculin du porno féminin ? 

    EL – Je pense que le point important dans mon école de pensée est de se demander comment un porno éthique et féministe est possible, plutôt que de faire strictement la différence entre le porno "masculin" et le porno "féminin". Une chose qui m'a aidée dans mon travail, c'est de croire vraiment que le porno peut être féministe. Chez ERIKALUST, nous avons prouvé qu'il pouvait l'être depuis 20 ans maintenant. Nous sommes habitué.es à ce que le porno gratuit en ligne soit rempli de jeux de pouvoir fatigants qui ne mettent en avant que des organes génitaux - féminins - et des parties du corps, mais pas le plaisir des femmes. Le porno réalisé avec des valeurs féministes vise essentiellement à montrer une représentation authentique de la sexualité humaine. Le "porno féministe" vise à montrer des adultes consentants qui parlent avec respect de leurs désirs et de leur sexualité dans le cadre d'une relation sexuelle égalitaire, où le consentement mutuel et affirmatif est clairement montré comme une priorité au lieu de normaliser les simulations de coercition ou d'abus. 

    BBB – Le féminisme semble, chez vous, indissociable de la représentation du plaisir féminin. C’est un concept relativement nouveau, il me semble. Est-ce à dire que le porno en est encore à ses balbutiements ?  

    EL – Je ne pense pas que le porno en soit à ses débuts. En revanche, je pense que lier porno et féminisme est un phénomène plus récent, que l’on doit au féminisme pro-sexe, dont je me revendique. Longtemps, on avait cette idée que féminisme signifie anti porno, et anti travail du sexe au sens large. Ce n’est pas ma conviction. Pour moi, se contenter de rejeter un contenu qui existe déjà (le porno masculin mainstream) sans y apporter un regard féminin, c’est nier le désir sexuel des femmes. Elles aussi aiment parfois regarder du sexe, et aimeraient aussi voir leurs propres désirs représentés à l’écran. C’est ce que j’aimerais pouvoir leur offrir, à elles et aux hommes qui ont tout à gagner à se représenter la sexualité autrement.

    BBB – Vous avez écrit ceci : "Pour de nombreuses personnes, qu'elles en soient conscientes ou non, le porno est leur principale source d'éducation sexuelle". Ce constat éloquent ne vous rend-il pas triste ?

    EL – C'est un constat triste mais réel. En l'absence d'une éducation sexuelle adéquate et actualisée, le porno est devenu la principale source d'éducation de nos enfants, que cela nous plaise ou non. Nous ne pouvons pas empêcher les enfants de trouver ces sites, alors au lieu d’ignorer ce fait, éduquons-les. Si nous parlons franchement du porno avec eux, cela devient immédiatement moins honteux et ouvre le dialogue, ce qui permet un apprentissage sain et actif.

    "Le porno a sa place dans le cinéma d'aujourd'hui"

    BBB – Mal-aimé et déconsidéré en raison de ses représentations crues du sexe, qu’est-ce que le porno peut-il toutefois apporter dans le domaine de la culture comme dans la société ?

    EL – Je pense que le porno a sa place dans le cinéma d'aujourd'hui. En fait, la plupart des gens ont normalisé la présence de scènes de sexe, même les plus crues, dans le cinéma grand public. À condition que les films aient une qualité cinématographique et un regard à la fois bienveillant et inclusif, je pense que le contenu pornographique peut faire travailler l'imagination, susciter des fantasmes et alimenter le désir chez les adultes consentants qui le regardent. Dans le cas du porno féministe et inclusif, il peut apporter une meilleure représentation des sexualités dans leur spectre large, et aider à la fois les femmes à se réapproprier leurs propres désirs, et les hommes à mieux comprendre et réaliser quels sont ces désirs spécifiques, parfois distincts des leurs. 

    BBB – Depuis le début du mouvement MeeToo, voyez-vous des changements importants dans le milieu porno et dans la représentation du sexe au cinéma ? 

    EL – Bien sûr ! Ce mouvement s'est produit en même temps dans l'industrie du cinéma grand public et du cinéma pour adultes. Le mouvement MeToo a eu un impact énorme sur notre industrie, et ceux qui ont violé le consentement, tout comme à Hollywood, ont été écartés et ont dû remettre en question leur place au sein de l'industrie. Je pense que MeToo a eu un effet positif considérable en inspirant les gens, en particulier les femmes du monde entier, à remettre en question les dynamiques du pouvoir patriarcal et à élever la voix pour dénoncer les abus sur leur lieu de travail, que ce soit sur les plateaux de tournage d'Hollywood ou dans n'importe quel autre bureau de n'importe quel autre secteur d'activité. Il y a eu une poussée puissante pour se soutenir mutuellement et cesser de normaliser l'abus de pouvoir, principalement par les hommes sur les femmes, qui concerne malheureusement tant de personnes dans les différentes couches de la société dans laquelle nous vivons, et pour créer une prise de conscience et une responsabilisation à cet égard.

    BBB – Parlons séduction et vie amoureuse. Depuis MeeToo, est-ce que la drague est devenue, selon vous, has been ? 

    EL – Je ne le pense pas, et heureusement ! Je dirais que les codes de la drague ont évolué vers un mieux : vers plus de consentement et de respect mutuel. C'est ce que j'essaie de montrer dans mes films. Malheureusement, force est de constater que dans de nombreux secteurs, et sur de nombreux tournages, il y a encore beaucoup de machisme dans la manière dont la séduction est représentée. Et pourtant, demander la permission, respecter, offrir sans insister : c'est tellement plus sexy que de forcer ! Sur ma plateforme XConfessions, où je crée du porno à partir des fantasmes et des demandes de mes consommateur⸱ices, beaucoup d'entre elles et eux m'ont indiqué qu'ils trouvaient très excitant que les acteurs aient des échanges consensuels, qu'ils demandent le consentement de leur partenaire ou qu'ils décrivent ce qu'ils veulent faire à l'autre avant de le faire, pour laisser la place au « non ». D'ailleurs, chez ERIKALUST, nous mettons toujours à disposition des coordinateurs d'intimité, qui sont chargés de veiller à ce que le consentement et le respect mutuel soient respectés tout au long des scènes tournées par les performeurs, avant, pendant et après chaque tournage. 

    BBB – Pour conclure, la pornographie peut-elle être engagée, pour ne pas dire intello ?

    EL – Oui, bien sûr, c'est politique. La pornographie est politique, même si elle ne veut pas l'être, même si elle n'a peut-être pas l'intention de l'être. Mais elle l'est, parce que la pornographie contient des messages sur la façon dont nous nous comportons. Et parce que la pornographie est politique, nous pouvons l'utiliser comme un outil pour raconter d'autres récits. Nous pouvons l'utiliser pour que les femmes puissent s'émanciper en voyant d'autres femmes prendre du plaisir. Sans une représentation inclusive du sexe, les femmes risquent de découvrir leur sexualité sous une approche violente et dominatrice, tandis que les hommes font l'expérience d'une sexualité marquée par la pression de la performance. Ce n'est qu'en redonnant au porno son caractère éminemment politique et son potentiel transformateur pour la société que nous pourrons lui rendre ses lettres de noblesse, en montrant à l'écran des sexualités libres, multiples, belles, féminines, respectueuses, des corps réalistes et des individus de tous âges, dans le respect permanent de chacun. Je suis convaincue que tout le monde gagne à regarder du porno éthique !

    BBB – Merci, Erika.

    EL – Merci, Bla Bla Blog !

    https://erikalust.com

    Voir aussi : "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    "Adrineh Simonian comme à la maison"

    Photo : © Clara Ruiz

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  • Niki

    Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Niki. Il sera visible du 30 octobre au 5 novembre 2024. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 5 novembre 2024 à 20H30.

    Paris 1952, Niki s’est installée en France avec son mari et sa fille loin d’une Amérique et d’une famille étouffantes. Mais malgré la distance, Niki se voit régulièrement ébranlée par des réminiscences de son enfance qui envahissent ses pensées. Depuis l’enfer qu’elle va découvrir, Niki trouvera dans l’art une arme pour se libérer.

    Niki, biopic français de Céline Sallette
    avec Charlotte Le Bon, John Robinson (IV) et Damien Bonnard, 2024, 98 mn
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1490 
    https://www.wildbunchdistribution.com 
     
    Voir aussi : "All we imagine as light"

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